Le Courrier de la Transplantation - Vol. XII - n° 1 - janvier-février-mars 2012 25
Micro-ARN et infl ammation :
ce que l’étude du rejet aigu du greff on rénal peut nous apprendre
le miARN miR-155 comme la voie commune de plusieurs
types de médiateur de l’infl ammation (22), et 3 miARN,
miR-146a, miR-132 et miR-155, sont régulés en réponse
à la stimulation par des endotoxines (23). La fonction
des miARN dans les macrophages a été revue (24).
Micro-ARN et immunité adaptative
Des miARN ont été impliqués dans la sensibilité des
lymphocytes T aux pathogènes. Les cellules T qui surex-
priment miR-181 présentent une activation plus forte
de la cascade de signalisation du TCR en réponse à des
complexes MHC-peptide de faible affi nité (25).
Le phénotype de souris invalidées pour le gène miR-155
met en évidence le rôle complexe joué par miR-155
sur diff érents aspects de la réponse immune adapta-
tive. L’absence de miR-155 conduit à une altération
complexe de la réponse immune, évaluée par des
tests fonctionnels sur les lymphocytes B et T et les
cellules dendritiques, et à l’échec d’acquisition d’une
immunité protectrice contre des bactéries patho-
gènes (26). D’autres études montrent le rôle de miARN
au cours de la réponse à des infections bactériennes
ou virales (23, 26-28).
Micro-ARN et rejet du greff on rénal
L’implication des miARN dans l’homéostasie des cel-
lules de l’immunité a conduit à envisager leur impli-
cation au cours de la réaction allo-immune. Le rejet
aigu cellulaire du greff on rénal est caractérisé par
une infi ltration du greff on par des cellules mononu-
cléées alloréactives, dont le caractère agressif aboutit
à la dysfonction du greff on. L’implication des miARN
n’étant pas connue dans ce contexte, nous avons émis
l’hypothèse que le profil d’expression des miARN
pouvait être altéré au cours du rejet aigu d’allogreff e
rénale (29). Nous avons donc entrepris l’étude du profi l
d’expression des miARN dans des biopsies de greff ons
rénaux atteints ou non de rejet aigu cellulaire (29). Le
profi l d’expression global de 365 miARN a été analysé
dans 3 biopsies de greff ons rénaux atteints de rejet
aigu et dans 4 biopsies normales de greff ons rénaux
de patients à fonction rénale stable, utilisés comme
contrôles. Une étude par clustering hiérarchique non
supervisé de ces profi ls d’expression permettait de
séparer correctement les 2 groupes, suggérant une
modifi cation particulière du profi l de miARN au cours
du rejet aigu. Une analyse supervisée cherchant à
isoler les miARN dont l’expression était signifi cative-
ment diff érente dans les 2 groupes a permis de mettre
en évidence une signature d’expression de miARN
au cours du rejet aigu cellulaire du greff on rénal. Les
niveaux d’expression de 53 miARN étaient signifi ca-
tivement diff érents dans les 2 groupes de biopsies,
incluant 43 miARN moins exprimés (let-7c, miR-10a,
miR-10b, miR-125a, miR-200a, miR-30a-3p, miR-30b,
miR-30c, miR-30e-3p, miR-32, etc.) et 10 miARN plus
exprimés (miR-142-5p, miR-142-3p, miR-155, miR-
223, miR-146b, miR-146a, miR-342, miR-21, miR-650,
miR-525-5p) au cours du rejet. Cette signature a pu
être confi rmée sur des échantillons biopsiques indé-
pendants. Des analyses par courbes ROC (Receiver
Operating Characteristic) ont montré que le niveau
d’expression de miARN comme miR-142-5p ou miR-155
peut constituer un bon biomarqueur diagnostique de
rejet aigu cellulaire du greff on rénal, caractérisé par
une sensibilité et une spécifi cité de, respectivement,
100 % et 95 %.
Des analyses complémentaires ont montré que l’ex-
pression de plusieurs des miARN signifi cativement plus
exprimés (miR-142, miR-155 et miR-223) était corrélée
à l’expression du marqueur lymphocytaire T CD3, ce
qui suggère que ces miARN provenaient essentielle-
ment des cellules immunes infi ltrant le greff on. Des
expériences menées in vitro ont également montré
que l’expression de ces miARN était régulée par l’état
d’activation des cellules mononuclées, ce qui laisse
penser que les variations d’expression observées
n’étaient pas liées uniquement au degré d’infi ltra-
tion du greff on mais aussi au degré d’activation des
cellules. De façon similaire, l’expression de plusieurs
des miARN signifi cativement moins exprimés dans
les biopsies au cours du rejet aigu était corrélée à
l’expression du marqueur épithélial tubulaire NKCC2,
ce qui suppose que ces miARN provenaient essen-
tiellement des cellules parenchymateuses rénales.
De plus, des cellules épithéliales tubulaires rénales
en culture exposées à des cytokines pro-infl amma-
toires, mimant in vitro l’environnement infl ammatoire
du rejet, présentaient une altération de leur profi l
d’expression des miARN, suggérant l’implication de
ces derniers dans les altérations tubulaires induites
par l’infl ammation (29).
Régulation des micro-ARN
par l’infl ammation
Ces premiers résultats, suggérant une régulation de
l’expression des miARN tubulaires rénaux au cours
du rejet, ont conduit à suspecter une régulation
des miARN par l’inflammation dans les cellules
tubulaires.