InterNutrition POINT L’actualité de la biotechnologie végétale No. 139 juillet 2013 Contenu Riz : Des fragments d’ARN permettent d’accroître considérablement les rendements ............................................................................... P. 1 Sécurité alimentaire des OGM : Aucun signe de modifications ou de dommages imprévus – les experts expriment des doutes quant à l’utilité d’expériences supplémentaires sur les animaux........................ P. 3 Autorisations d’OGM dans l’UE : Monsanto retire toutes les demandes de culture d’OGM en Europe ................................................................ P.4 Planting the Future : Recommandations des académies des sciences européennes pour la biotechnologie végétale ....................................... P. 5 Riz Des fragments d’ARN permettent d’accroître considérablement les rendements Le riz contribue à la sécurité alimentaire de plus de la moitié de la population mondiale et représente un aliment de base important dans de nombreux pays asiatiques. Premier producteur de riz dans le monde, la Chine en cultive annuellement 200 millions de tonnes, soit un quart de la production mondiale. Cependant, cela ne suffit pas pour répondre aux besoins de ce grand pays et les importations de riz ont atteint un niveau record ces dernières années. Le gouvernement chinois déploie des efforts considérables pour augmenter davantage la production et soutient financièrement de nombreux projets scientifiques, y compris ceux qui ont recours à des méthodes de génie génétique. Un groupe de chercheurs chinois a récemment présenté une approche novatrice permettant d’accroître d’un quart le rendement de riz dans les champs expérimentaux. A l’aide de fragments d’ARN appelés microARN (miARN), les chercheurs ont réussi à augmenter la taille des grains, ainsi que le nombre de grains par plante. Panicule de riz à maturité Photo ©Leo Michels / plantimag.de Ces dix dernières années, il est devenu de plus en plus clair que les miARN jouent un rôle décisif pour la régulation des gènes dans les plantes. Il s’agit de courts brins d’ARN, non codants pour les protéines. En raison de leurs séquences semblables, les fragments d’ARN peuvent inhiber la production de protéines. Pour la synthèse de protéines végétales, les informations codées dans le génome (ADN) sont lues et ensuite transcrites en ARN messagers ARNm (transcription). Il s’agit de longues chaînes de nucléotides – une protéine classique est composée de plus de 1000 éléments. Dans une deuxième étape, l’information est traduite selon le code génétique en une série spécifique d’acides aminés (traduction) – ainsi se constitue une protéine aux propriétés définies. De courts brins de miARN de 18 à 22 nucléotides de longueur peuvent soit stimuler la décomposition d’ARNm nettement plus longs, soit bloquer la traduction – dans les deux cas, moins de protéines codées par l’ARNm sont synthétisées. On retrouve des miARN en grandes quantités dans les cellules des plantes. Certains miARN sont capables de contrôler la production de plusieurs protéines différentes et représentent un régulateur important pour la No. 139 juillet 2013 Page 2 lecture de gènes dans les plantes. Le groupe de chercheurs chinois a analysé le rôle de miARN particuliers lors du développement du grain de riz. Ils ont détecté une forte concentration d’un miARN, appelé OsmiR397, qui diminue lorsque le développement progresse. Les chercheurs ont également prouvé la présence de miARN dans d’autres variétés de plantes – une indication qu’il s’agit d’une fonction importante maintenue au cours de l’évolution. Mais quelle est la fonction d’OsmiR397 pour le riz ? Pour répondre à cette question, les scientifiques ont produit des plants de riz transgénique qui produisent de grandes quantités d’OsmiR297 sous le contrôle d’un signal de lecture puissant (promoteur 35S) et ont observé les résultats. Ils ont constaté que les plantes produisaient des grains plus grands et plus lourds que les plantes non modifiées. En outre, les panicules de riz ont produit plus de branches, et, par conséquent, plus de graines. Des analyses approfondies ont démontré que les miARN ajoutés aux plantes de riz ont réduit la lecture d’un gène lié à la perception de certaines hormones (brassinstéroïdes) qui contribuent à la croissance et au développement des plantes. Pour tester le rendement de ces plantes dans des conditions réalistes, les chercheurs ont effectué un essai en plein champ dans la région de Pékin. Le résultat était surprenant : le rendement des plantes OsmiR397 génétiquement modifiées s’est accru de 24,9%. La qualité et la teneur en éléments nutritifs des grains de riz n’ont pas été affectées. D’après les auteurs de l’étude, il s’agirait du premier rapport démontrant les effets positifs de la fonction régulatrice des miARN sur la taille des grains et le rendement des plantes. Etant donné que les miARN sont présents dans d’autres plantes utiles, une approche similaire pourrait également fonctionner pour d’autres variétés de céréales. Les recherches en sont encore à leurs débuts. De plus amples essais en plein champ seront nécessaires pour observer les qualités agronomiques du riz miARN dans différentes conditions, afin de déterminer si ces plantes sont appropriées pour la production de riz ou si des améliorations restent à faire. En principe, l’emploi de différents miARN pourrait ouvrir de nouvelles voies pour améliorer les plantes utiles. Man Zhou et Hong Luo de l’Université Clemson aux Etats-Unis montrent des exemples concrets dans un article de synthèse récemment publié. On sait que les miARN contribuent à la résistance des plantes contre les virus, les bactéries, les champignons et les nématodes, ainsi qu’à la sécheresse, la chaleur et le froid. En outre, ils aident à augmenter le rendement et à améliorer la qualité des produits – la modification de la production de miARN par des méthodes de génie génétique pourrait donc influencer plusieurs propriétés. Un nouveau champ de possibilités s’ouvre pour la recherche. Il reste maintenant à creuser la question de savoir si la technologie miARN comporte de nouveaux risques. Les miARN sont naturellement présents dans les plantes et font partie de notre nourriture quotidienne – sans avoir d’effets négatifs. Cependant, il serait possible qu’une forte concentration de miARN dans les plantes OGM ait des effets imprévus. L’année dernière, des chercheurs chinois avaient évoqué la possibilité d’une influence de l’activité génétique chez les souris, due à d’absorption de miARN naturels par la nourriture. Des analyses approfondies ont démontré que ces observations étaient sans doute dues à une erreur – il est fort improbable qu'une quantité suffisante de miARN soit absorbée par la nourriture puis traverse le système digestif sans dommages, pour pouvoir constater des effets biologiques. Sources : Yu-Chan Zhang et al. 2013, Overexpression of microRNA OsmiR397 improves rice No. 139 juillet 2013 Page 3 yield by increasing grain size and promoting panicle branching, Nature Biotechnology (online 21. 06. 2013), doi:10.1038/nbt.2646; Man Zhou & Hong Luo 2013, MicroRNA-mediated gene regulation: potential applications for plant genetic engineering. Plant Molecular Biology, in press (online 15.06.2013), doi:10.1007/s11103-013-0089-1; Research suggesting genetic elements from plants make it into eater’s bloodstream turns out to be a “false positive”, Johns Hopkins media relese, 26.06.2013 Sécurité alimentaire des OGM Aucun signe de modifications ou de dommages imprévus – les experts expriment des doutes quant à l’utilité d’expériences supplémentaires sur les animaux Lors de l’autorisation d’aliments pour humains et animaux issus de plantes OGM, on tient particulièrement à détecter des modifications de la composition des plantes qui pourraient s’avérer négatives. Des analyses approfondies des éléments nutritifs, des vitamines et d’autres ingrédients servent à garantir qu’aucune modification imprévue n’influence la sécurité des aliments. Mais les tests habituels sont-ils suffisants ou faut-il employer des méthodes d’analyse plus précises ? La généticienne française Agnès Ricroch (AgroParisTech – Université de ParisSud-Orsay) a publié dans un article les résultats de 60 analyses effectuées à l’aide de procédés à haut débit sur la composition des protéines et des métabolites de plantes OGM ainsi que leur activité génétique. Ces procédés sont capables de saisir simultanément un grand nombre de paramètres et sont donc appropriés pour déceler des modifications imprévues. Les essais mentionnés ont été menés par des instituts financés par des fonds publics et dépassent largement les exigences imposées aux plantes OGM. Dans aucun cas, des effets imprévus ou inexplicables dus aux modifications génétiques n’ont été observés. Il s’est avéré que des plantes conventionnelles de la même espèce, ou des plantes identiques mais cultivées dans différentes conditions, se distinguaient beaucoup plus clairement les unes des autres dans leur composition que des plantes conventionnelles et leur pendant OGM. A part les propriétés désirées, les modifications génétiques ne semblent influencer que faiblement la composition, le métabolisme et l’activité génétique des plantes. Les analyses modernes n’ont donc pas révélé de modifications significatives non découvertes par les méthodes conventionnelles lors de l’autorisation des plantes. Pour compléter ses recherches, Agnès Ricroch a analysé 16 études alimentaires menées également au sein d'instituts publics sur différentes espèces animales lors d’une période de 110 à 728 jours. 16 études alimentaires effectuées sur plusieurs générations y ont également été ajoutées – la plus longue étant l’alimentation de cailles avec du maïs Bt sur plus de dix générations. Dans certains cas, les chercheurs ont constaté de faibles effets de l’alimentation sur les valeurs sanguines, mais dans aucun cas ils n’ont observé d’effets néfastes sur la santé ou le bien-être des animaux. Malgré les analyses à haut débit et les essais à long terme dépassant largement le cadre des analyses exigées pour le processus d’autorisation d’OGM, les scientifiques n’ont pas observé d’effets négatifs imprévus ou non découverts. Agnès Ricroch en conclut qu’il est inutile d’élargir les prescriptions pour tester les OGM et que cela n’apporterait aucun avantage pour la sécurité alimentaire. Elle souligne que les Européens restent quand même sceptiques envers la sécurité des plantes OGM. Cependant, faute de preuves, la critique se concentre moins sur la sécurité alimentaire et se tourne plus vers les dangers pour l’environnement – un argument peu convaincant également, sans preuves No. 139 juillet 2013 Page 4 solides. Dans leur commentaire paru dans la revue « Plant Biotechnology Journal », Harry A. Kuiper et ses collègues mettent en garde contre le renforcement des conditions d’autorisation pour des raisons politiques. Harry A. Kuiper a été responsable du département de la sécurité alimentaire et de la santé de l’Université de Wageningen (Pays-Bas), et a longtemps été directeur du comité d’experts pour l’évaluation de la sécurité des aliments OGM à l’EFSA, l’autorité responsable des autorisations. Il attire l’attention sur les expériences positives réalisées au cours des années avec les conditions d’autorisation en vigueur. L’EFSA ne prévoit d’essais alimentaires sur des animaux que dans des cas exceptionnels, notamment lors de modifications de la composition d’une plante OGM ou lorsqu’on a lieu de craindre des effets imprévisibles. De son côté, la Commission Européenne a récemment édicté de nouvelles règles d’autorisation obligatoires, prévoyant pour chaque nouvelle plante OGM des études alimentaires de 90 jours sur des rongeurs. D’après Kuiper, il serait pratiquement impossible de constater des effets biologiques lors de tels essais, car la modification physiologique dans les plantes analysées est minime. L’acquisition de connaissances supplémentaires, voire une amélioration de l’évaluation de la sécurité, est invraisemblable – il s’agit d’un gaspillage inutile de vies animales et d’une mesure moralement intolérable. Le chercheur insiste auprès des organes européens chargés des autorisations pour qu'ils respectent les bases scientifiques lors de l’évaluation des risques des aliments OGM, au lieu de renforcer les exigences pour des raisons pseudo-scientifiques ou politiques.. Sources : Agnès E. Ricroch 2013, Assessment of GE food safety using ‘-omics’ techniques and long-term animal feeding studies, New Biotechnology 30:49–354, Harry A. Kuiper et al. 2013, New EU legislation for risk assessment of GM food: no scientific justification for mandatory animal feeding trials. Plant Biotechnol. J. 11:781–784 Autorisations d’OGM dans l’UE Monsanto retire toutes les demandes de culture d’OGM en Europe Le fossé qui sépare le développement des plantes génétiquement modifiées en Europe et dans le reste du monde ne cesse de grandir. Une nouvelle entreprise de semences renonce maintenant à son engagement sur le marché biotechnologique européen et concentre son développement sur des pays ouverts aux OGM. Par rapport à d’autres pays disposant d’une agriculture productive, le choix des agriculteurs européens reste limité aux variétés conventionnelles. En juin 2013, José Manuel Madero, le nouveau président de Monsanto en Europe, a annoncé que son entreprise retirerait toutes les nouvelles demandes de culture de plantes OGM dans l’UE. Il s’agirait de cinq demandes pour le maïs, une pour le soja et une pour les betteraves sucrières. Madero a donné comme raison l’hostilité envers cette technologie et le manque de perspectives économiques en Europe. A la place, Monsanto investira davantage dans le développement de semences conventionnelles en Europe. La demande de renouvellement de l’autorisation pour la culture de maïs Bt MON810, en cours actuellement, ne sera pas concernée. Depuis de nombreuses années, cette variété résistante aux insectes connaît un grand succès auprès des agriculteurs espagnols et portugais. En outre, on compte poursuivre les demandes d’importation d’OGM en tant qu’aliments pour humains et animaux, car de nombreux pays exportateurs d’OGM vers l’Europe autorisent constamment de nouvelles variétés. Ironiquement, une grande partie des aliments pour animaux importés en Europe sont fabriqués à base de plantes OGM non autorisées dans l’UE. Cela profite aux paysans des pays exporta- No. 139 juillet 2013 Page 5 teurs, alors que les agriculteurs européens doivent se contenter de variétés conventionnelles moins lucratives. Attisée par les groupes de lobbying anti-OGM, l’attitude critique de la population envers cette technologie s’exprime dans des conditions cadres politiques défavorables en Europe. Plusieurs pays européens et la Suisse ont interdit pour plusieurs raisons la culture de plantes OGM. De nouvelles demandes d’autorisation pour l’importation ou la culture sont traitées avec réticence. L’Europe prévoit, à la suite d’une évaluation positive par l’EFSA, une période de 5 mois pour des décisions politiques dans les pays membres. Cette dernière est ignorée régulièrement – d’après un rapport publié par l’association EuropaBio, les retardements concernant 21 demandes d’autorisation dans l’UE s’élèveraient à 51 ans au total. Certaines demandes attendent depuis plus de huit ans une décision politique. On peut comprendre que l’imprévisibilité et le manque de sécurité juridique poussent les entreprises à tourner le dos au marché des semences européen et à transférer leurs ressources vers des pays moins hostiles. Sources : Monsanto focus on conventional breeding in Europe, Monsanto media release,, 18.07.2013; Monsanto to withdraw EU approval requests for new GMO crops, Reuters.com, 18.07.2013; Monsanto to grow European seed business after GMO pullout, Reuters.com, 18.07.2013; Half a century of undue delays in the EU approval of GM products, EuropaBio.org, 03.06.2013 Planting the Future Recommandations des académies des sciences européennes pour la biotechnologie végétale Le Conseil consultatif des académies des sciences européennes EASAC (European Academies Science Advisory Council) est composé de 28 organisations membres originaires de tous les pays européens. Son objectif est de donner une voix commune à la science européenne pour conseiller les décideurs et les politiques. L’EASAC a récemment publié un rapport sur l’utilité et les risques des modifications génétiques des plantes. Membre du comité d’experts, Jürg Romeis de la Station de recherche Agroscope-Reckenholz ART a représenté les académies des sciences suisses. Après une introduction générale sur le développement de nouvelles technologies dans le domaine de la sélection végétale et de leur acceptation générale, le rapport se consacre à des exemples concrets : les différentes façons de traiter la biotechnologie végétale en raison des conditions cadres qui varient dans chaque pays. Le rapport traite par exemple de la culture de soja tolérant aux herbicides en Argentine ou du passage de l’Inde vers des variétés de coton Bt résistant aux insectes. Un chapitre est consacré à l’importance de la biotechnologie végétale pour l’Afrique et au rôle qu’y joue l’Europe. Par la suite, les scientifiques combinent dans leur rapport les faits recueillis dans le monde avec une analyse du développement politique en Europe. Les auteurs en concluent que des innovations dans l’agriculture sont indispensables en Europe pour augmenter la productivité et la durabilité, notamment dans le domaine de la biotechnologie végétale. Il serait nécessaire de faciliter les processus réglementaires pour ne pas bloquer le développement de nouvelles technologies et il faudrait améliorer les conditions cadres pour les petites et moyennes entreprises semencières pour encourager la concurrence. En outre, on devrait tenir compte des décisions politiques européennes et de leurs effets sur les pays en voie de développement en particulier. Le rapport suggère également de retravailler l’environnement réglementaire des OGM en se basant sur des critères scientifiques, un engagement de la science dans les No. 139 juillet 2013 Page 6 débats publics sur les nouvelles technologies, la promotion de la recherche et du développement ainsi que des partenariats internationaux. Le rapport est disponible en ligne en version abrégée pour toute personne intéressée et en version complète pour les spécialistes (78 pages). Sources : Planting the future: opportunities and challenges for using crop genetic improvement technologies for sustainable agriculture (Full report / Short version / Lay (non-technical) version), EASAC policy report 21 (June 2013), European Academies Science Advisory Council Coordonnées d’Internutrition POINT est publié mensuellement sous forme électronique en allemand et en français, et contient des informations d’actualité sur la recherche et l’application de la biotechnologie verte. Vous pouvez vous abonner gratuitement sur notre site internet, où vous trouverez également les anciennes éditions. Rédaction et texte : Jan Lucht scienceindustries, case postale, CH-8021 Zurich Téléphone: 044 368 17 63 Site internet: http://www.internutrition.ch e-mail: [email protected] Une initiative de