CHAPITRE 4
NOMBRES COMPLEXES
4.1. Description informelle des nombres complexes
Les nombres complexes s’obtiennent à partir des nombres réels en introduisant un nou-
veau « nombre » noté i(comme imaginaire) et en supposant que l’on peut continuer à addi-
tionner, soustraire, multiplier et diviser les nombres de la manière habituelle, à ceci près que
le nombre iest supposé être une racine carrée de 1, c’est à dire qu’il doit vérifier :
i2=i×i=1. (35)
On appelle alors nombre complexe tout « nombre » de la forme a+i b avec a,bR(c’est à dire
obtenu en ajoutant, au nombre réel a, le produit i×b). On note Cl’ensemble des nombres
complexes. Tout nombre réel apeut s’écrire a=a+0i, donc RC.
Exemple. — 3 +2i, 1ip2, π, 3isont des nombres complexes.
Remarque. En fonction du contexte, on écrit a+i b ou a+bi (le résultat est le même :
comme dans R, la multiplication est commutative dans C).
D’un point de vue pratique, on peut se contenter d’une manipulation intuitive et infor-
melle des nombres complexes et dire que les calculs dans Cse font « comme dans R». D’un
point de vue théorique, des questions restent en suspens : qui est véritablement le nombre i,
qu’est-ce qui nous donne le droit de faire des calculs « de la manière habituelle », et en quoi
consiste précisément cette manière « habituelle » de calculer ? La section suivant répond à
ces questions en donnant une construction rigoureuse des nombres complexes à partir des
nombres réels.
4.2. Construction des nombres complexes ()
Par définition, un nombre complexe est un couple de nombre réels. On définit la somme
z+wde deux nombres complexes z=(a,b) et w=(c,d) par
z+w:=(a+c,b+d),
et leur produit zw par
zw :=(ac bd ,ad +bc).
On montre alors facilement que :
4.2. CONSTRUCTION DES NOMBRES COMPLEXES ()27
1. ces deux opérations sont commutatives et associatives ;
2. la multiplication est distributive sur l’addition ;
3. (0,0) est élément neutre pour l’addition et (1,0) est élément neutre pour la multiplica-
tion ;
4. tout nombre complexe z=(a,b) possède un unique symétrique pour l’addition, à sa-
voir le nombre (a,b), noté zet appelé opposé de z;
5. tout nombre complexe z=(a,b) différent de (0,0) admet un unique symétrique pour la
multiplication, à savoir le nombre
³a
a2+b2,b
a2+b2´
noté 1/zou z1et appelé inverse de z.
Avec cette définition, les nombres réels ne sont pas des nombres complexes. On ob-
serve néanmoins que (a,0)+(c,0) =(a+c,0) et (a,0)(c,0) =(ac,0). On convient alors d’iden-
tifier tout nombre réel aavec le nombre complexe (a,0), de sorte que Rs’identifie à une partie
de C(et, par abus de langage, on dira que Rest contenu dans C) et que la somme et le pro-
duit de deux nombre réels sont les mêmes, qu’ils soient vus comme nombres réels ou comme
nombres complexes.
Dans la pratique, les nombres complexes ne sont pas écrits comme des couples de
nombres réels :
on s’autorise à écrire aau lieu de (a,0), en vertu de l’identification dont on vient de
parler ;
on pose i:=(0,1), qui vérifie la relation i2=1 puisque :
i2=(0,1)(0,1) =(1,0);
on écrit alors a+i b au lieu de (a,b), puisqu’on observe dans un premier temps que
(0,b)=(0,1)(b,0) =i b, et ensuite que :
(a,b)=(a,0)+(0,b)=a+i b.
On définit finalement la différence de deux nombres complexes par zw:=z+(w), et
le quotient d’un nombre complexe par un nombre complexe non nul par z/w:=z×w1(en
supposant w6=0). Plus concrètement :
(a+i b)(c+i d ) :=(ac)+i(bd) (36)
et a+i b
c+i d :=ac +bd
c2+d2+ibc ad
c2+d2si (c,d)6=(0,0). (37)
Remarque. La formule (37) n’est pas à retenir par coeur. On la retrouve en multipliant le
numérateur et le dénominateur de (a+i b)/(c+i d ) par le conjugué du dénominateur (voir
plus loin) et en développant :
a+i b
c+i d =(a+i b)(ci d)
(c+i d )(ci d )=(a+i b)(ci d )
c2+d2=ac +bd
c2+d2+ibc ad
c2+d2. (38)
4.5. REPRÉSENTATION GÉOMÉTRIQUE DES NOMBRES COMPLEXES 28
Exemples. — (2+i)+(35i)=54i, (2+i)(35i)=1+6i, (2+i)(35i)=112i, et
2+i
35i=(2+i)(3+5i)
(35i)(3+5i)=(2+i)(3+5i)
32+52=1
36 +4
9i.
4.3. Partie réelle, partie imaginaire, forme algébrique
De par la définition que l’on vient de donner, tout nombre complexe zs’écrit de manière
unique sous la forme
z=a+i b, avec aet bréels. (39)
L’écriture (39) est appelée la forme algébrique du nombre complexe z; le nombre réel aest
appelé la partie réelle de z, et est noté Re(z) ; le nombre réel best appelé la partie imaginaire
de z, et est noté Im(z). On a ainsi z=Re(z)+iIm(z).
Remarques. 1. Un nombre complexe est réel si et seulement si sa partie imaginaire est
nulle.
2. Les nombre complexes de partie réelle nulle, donc de la forme i b avec bR, sont appe-
lés imaginaires purs.
3. Le nombre 0 est le seul nombre complexe qui soit à la fois réel et imaginaire pur.
Exemples. Le nombre p2+3iest un nombre complexe ni réel, ni imaginaire pur ; sa
partie réelle est Re(p2+3i)= −p2, sa partie imaginaire est Im(p2+3i)=3. Le nombre 5
est un nombre réel donc aussi un nombre complexe. Le nombre 3iest un nombre complexe
imaginaire pur, de partie imaginaire Im(3i)=3.
Écrire z=a+i b sans plus de précision ne signifie pas que aet bsont réels. Par exemple,
(1+i)+i(2i)=(3+i)+i(2+i).
4.4. L’absence de relation d’ordre sur C
La relation d’ordre usuelle sur Rne peut pas s’étendre de manière satisfaisante à C; par
exemple, le fait que i2= −1 contredit la propriété importante des nombres réels selon la-
quelle tout carré est positif ou nul.
Pour cette raison, on n’écrit jamais zwpour des nombres complexes z,w, à moins
qu’ils ne soient réels.
4.5. Représentation géométrique des nombres complexes
Considérons le plan muni d’un repère (1) orthonormé (2) direct (3) (O;~
i,~
j). Tout point M
du plan est alors totalement déterminé par ses coordonnées cartésiennes dans le repère ;
1. Un repère du plan est la donnée d’un point du plan et d’un couple de deux vecteurs non colinéaires du plan.
2. Un repère du plan est orthonormé lorsque ses deux vecteurs sont orthogonaux.
3. Un repère du plan est direct lorsque l’on passe du premier au second vecteur « en tournant dans le sens
trigonométrique ».
4.6. CONJUGUÉ D’UN NOMBRE COMPLEXE 29
l’écriture M(a,b) signifie que a(respectivement b) est l’abscisse (respectivement l’ordonnée)
de M dans le repère choisi, c’est à dire que l’on a l’égalité vectorielle
OM =a~
ı+b~
. (40)
A tout nombre complexe z=a+i b (où a,bsont réels) on associe le point M(a,b) du plan.
Réciproquement, à tout point M du plan, de coordonnées (a,b) dans le repère choisi, on asso-
cie le nombre complexe z=a+i b. De cette manière, on réalise une bijection entre l’ensemble
des nombres complexes et l’ensemble des points du plan. Dans cette correspondance zM,
on dit que zest l’affixe de M et que M est le point image de z. Dans la suite, on donnera,
chaque fois que cela est possible, une traduction géométrique des propriétés des nombres
complexes rencontrées.
Exemples. 1. Les nombres réels correspondent aux points de l’axe des abscisses, les
nombres imaginaires purs correspondent aux points de l’axe des ordonnées. [Faire une
figure]
2. L’addition des nombres complexes se traduit géométriquement par l’addition des vec-
teurs correspondants (basés à l’origine) dans le plan : si za pour point image M et si z
a pour point image M, alors le point image de z+zest le point M′′ tel que
OM′′ =
OM+
OM.
3. La multiplication d’un nombre complexe par un nombre réel se traduit par la multipli-
cation du vecteur assoc par ce même nombre réel : si za pour point image M et si
λR, alors le point image de λzest le point Mtel que
OM=λ
OM.
La traduction géométrique de la multiplication d’un nombre complexe par un autre nombre
complexe fera intervenir les coordonnées polaires des points du plan. On rappelle que tout
point M du plan distinct de l’origine O est totalement déterminé par le couple (ρ,θ), où :
1. ρ=d(O,M) est la distance de M à l’origine ;
2. θest la mesure de l’angle orienté (
~
ı,
OM).
On dit que ρet θsont les coordonnées polaires de M dans le repère choisi.
Remarque. Il faut spécifier dans quel intervalle on prend la mesure de l’angle orienté des
vecteurs. Un choix usuel est [0,2π[, un autre est [π,π[. A proprement parler, deux choix dif-
férents donnent des systèmes différents de coordonnées polaires.
4.6. Conjugué d’un nombre complexe
Définition. Le conjugué d’un nombre complexe z=a+i b (avec a,bréels) est le nombre
complexe, noté z, défini par z:=ai b.
Exemples. (a) 2+3i=23i; (b) 5=5 ; (c) i=i.
Remarques. — 1. Interprétation géométrique du conjugué. Le point image de zest le
symétrique du point image de zpar la symétrie orthogonale par rapport à l’axe des
abscisses. [Faire une figure]
4.7. MODULE D’UN NOMBRE COMPLEXE 30
2. Un nombre complexe zest réel si et seulement si z=z.
3. Un nombre complexe zest imaginaire pur si et seulement si z=z.
4. On a Re(z)=(z+z)/2 et Im(z)=(zz)/2i. Ces formules permettent de retrouver les
parties réelle et imaginaire d’un nombre complexe zà partir de ce nombre et de son
conjugué. Attention à la présence de iau dénominateur du membre de droite de la
seconde inégalité.
Proposition. Quels que soient z,wC, en supposant z6=0 dans (iv) et w6= 0 dans (v), on
a les relations suivantes :
(1) (z)=z;
(2) z+w=z+w;
(3) zw =z w ;
(4) 1/z=1/z;
(5) z/w=z/w;
(6) zz =Re(z)2+Im(z)2.
Démonstration. Vérification directe, en revenant à la définition du conjugué et en écri-
vant les nombres complexes sous forme algébrique.
Remarques. 1. En particulier, zz est toujours un nombre réel, positif ou nul, et
zz=0 si et seulement si z=0.
2. Pour mettre sous forme algébrique le quotient de deux nombres complexes, on multi-
plie le numérateur et le dénominateur par le conjugué du dénominateur (méthode déjà
vue plus haut). Par exemple, 1/(2i)=(2+i)/((2i)(2+i)) =(2+i)/(22+12)=(2+i)/5. :
4.7. Module d’un nombre complexe
On vient de voir que, pour tout zC, le nombre zzest réel et positif ou nul. On peut donc
bien prendre sa racine carrée dans la définition qui suit.
Définition. Le module d’un nombre complexe zest le nombre réel, noté |z|, défini par :
|z|:=pzz. (41)
Si zest donné sous forme algébrique par z=a+i b avec a,bréels, alors :
|z|=pa2+b2. (42)
Exemples. — |±1|=|±i|=1, |±1±i|=p2 et |±1±ip3|=2.
Remarques. — 1. Interprétation géométrique du module. Le module de zest égal à
la distance à l’origine du point image M de zdans le repère orthonormé direct choisi
(théorème de Pythagore). [Faire un dessin]
2. Si zest un nombre réel, son module coïncide avec sa valeur absolue ; l’écriture |z|est
donc cohérente.
Proposition. Soit zun nombre complexe. Alors :
1. |z|est un nombre réel positif ou nul.
2. |z|=0 si et seulement si z=0.
3. |z|=|z|.
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