En général c’est au niveau de ce que
l’on appelle la lame criblée, qui est une
petite lame au niveau de la base du
crâne antérieure. Trouée, elle permet
aux neurones olfactifs de passer pour
aller vers le bulbe. Un traumatisme
peut conduire à sectionner ce niveau
là. Un examen clinique suivi d’une IRM
permettent de vérifier qu’il n’y ait pas eu
d’atteinte du bulbe directement, qu’il n’y
ait pas eu d’hématome ou autre chose qui
empêcherait l’acheminement du signal
olfactif.
Il y a aussi les causes toxiques, du type
tabagisme. Certaines molécules odorantes
que l’on sent peuvent être toxiques pour
les tissus olfactifs.
Par ailleurs, certaines études ont
démontré que l’un des
premiers signes de maladie
neurodégénérative du type
Alzheimer ou Parkinson est
une perte d’odorat plus
précoce. Il faut être attentif
à ne pas confondre cela
avec ce que l’on appelle
la presbyosmie qui est la
perte de l’odorat avec l’âge
- l’équivalent de la presbytie
pour la vue. Il est donc
essentiel d’évaluer les autres
signes associés à cette perte de l’odorat.
Parfois, les causes sont congénitales.
Cela rentre dans des cas particuliers
dans des maladies particulières. On
parle notamment de patients atteints
du syndrome de Kallmann de Morsier,
patients pour lesquels le bulbe olfactif
est absent. Ils sont donc anosmiques
congénitaux; ils sont nés sans avoir jamais
senti d’odeurs.
Peut-on soigner des troubles olfactifs ?
Cela dépend de la cause.
Dans tous les cas et avant tout traitement,
il est important de faire des tests. Dans
le cas d’une simple rhinite, souvent le
temps et l’entrainement olfactif font partie
intégrante du traitement.
Si la cause est post-rhinitique, il faut
commencer par faire un examen
général. Les polypes sont de potentiels
obstacles dans le nez qui empêchent
l’acheminement de molécules odorantes
de la zone de réception vers la zone
de perception olfactive. Parfois, faire
une chirurgie des polypes améliore la
perception olfactive.
Dans le cadre de rhinites virales liées
à une atteinte directe de la muqueuse
olfactive par un virus quelconque la
perte est plus ou moins définitive. Dans
un premier temps, les traitements vont
être des traitements locaux à base
de corticoïdes et puis également des
traitements par voie générale. On essaye
surtout de surveiller le patient, de faire un
deuxième test olfactif et de voir s’il y a eu
une amélioration ou pas.
Quand on a une dysosmie, c’est à dire
une perte de l’odorat qui persiste, on a
tendance à faire une IRM cérébrale des
bulbes olfactifs. Les bulbes olfactifs sont
une petite formation qui se trouve dans
la base du crâne dont le volume change
en fonction de la stimulation. Une IRM
permet donc d’évaluer la
taille du bulbe et d’évaluer en
conséquence les chances de
récupération.
Des études récentes ont
prouvé l’importance de
l’entrainement olfactif dans
le cadre de la récupération.
Pourriez-vous nous en dire
plus ?
Quand il y a un bulbe
olfactif, on peut déclencher
l’entrainement olfactif selon un protocole
précis. Il peut s’appliquer pour les pertes
post-rhinites mais aussi post-traumatiques.
A partir du moment où il n’y a pas eu
de lésion au niveau du bulbe olfactif on
peut supposer qu’il y n’y a pas eu un
sectionnement au niveau des neurones
olfactifs et il a été prouvé que dans ce cas
là un entrainement olfactif assidu pouvait
permettre une récupération.
Pour conclure, pourriez vous nous
dire pourquoi vous avez décidé d’être
Oto-Rhino-Laryngologiste (ORL) et de
vous intéresser tout particulièrement à
l’odorat ?
L’ORL est une spécialité assez large qui
englobe la chirurgie dans tous ses aspects,
on a la petite chirurgie fonctionnelle mais
on a aussi la grosse chirurgie (cancers)
et c’est ce qui me plait dans ce métier.
Pendant mes études, j’ai aussi fait un
master 2 de Neurosciences sur l’odorat
avec le laboratoire de Gerland, ce qui m’a
permis de comprendre plus précisément
ce sens. Mais être ORL est surtout pour
moi la réalisation d’un petit rêve d’enfant.
« Les bulbes
olfactifs sont une
petite formation
qui se trouve
dans la base du
crâne dont le
volume change
en fonction de la
stimulation »
Interview Docteur Djaber Bellil
Chirurgien ORL à l’Hôpital Nord Ouest, il revient avec nous sur les causes
des déficiences olfactives et précise les méthodes de récupération.
Interview et photo par Eléonore de Bonneval
Pourquoi l’odorat est-il important selon
vous ?
Les odeurs jouent un rôle dans nos
rapports sociaux et intimes : l’odeur
de notre conjoint et de notre maison.
L’odorat est intimement associé au sens
du goût, il nous permet de percevoir si
notre alimentation est bonne ou non. Les
personnes qui aiment cuisiner ont souvent
des difficultés à le faire si elles perdent
leur odorat. Elles perdent saveur et
plaisir. L’odorat permet aussi
d’identifier un danger comme
par exemple une fuite de gaz.
Une perte d’odorat affecte un
organe vital de l’être humain,
pourtant contrairement à la
vue ou à l’ouïe, les patients
viennent souvent consulter
après un certain laps de
temps. Ils pensent souvent que cela va
rentrer dans l’ordre tout seul.
Quelle est la proportion de la
population affectée par des troubles
olfactifs ?
Les troubles olfactifs touchent entre 5
et 10% de la population générale mais
peuvent affecter les patients à différents
niveaux. On peut parler d’hyposmie
pour une perte partielle de l’odorat
ou d’anosmie pour une perte totale.
Souvent nos patients disent ne rien sentir
alors qu’il peuvent encore percevoir
certains signaux olfactifs, ils sont alors
hyposmiques.
Quelles sont les causes principales des
troubles olfactifs ?
La cause pour laquelle nous sommes
le plus consultés est une
simple rhinite. Il y a une
atteinte qui est liée au virus
lui-même qui détruit un
petit peu les cils olfactifs,
on a alors une atteinte dans
la perception car les cils
des neurones olfactifs ne
reçoivent plus d’odeurs et
n’arrivent pas à interpréter les molécules
odorantes qui arrivent dans le nez. Cela
peut aussi être du à des rhinosinusites
liées soit à des polypes soit à des
infections à répétition.
Certaines victimes de traumatismes
d’odorat. Il faut faire un bilan et voir si
on a un problème au niveau de la région
olfactive, voir s’il n’y a pas de fractures.
« Les troubles
olfactifs touchent
entre 5 et 10%
de la population
générale »