H I G H L I G H T S 2 01 3 : O R L , C H I R U R G I E C E R V I C O - FA C I A L E L’entraînement olfactif en tant qu’option thérapeutique en cas de troubles olfactifs post-infectieux Antje Welge-Lüssena, Basile Landisb a b HNO Klinik, Universitätsspital Basel Unité de Rhinologie-Olfactologie, Service d’Oto-Rhino-Laryngologie et de Chirurgie cervico-faciale, Hôpitaux Universitaires de Genève Les troubles de l’odorat sont fréquents et ils affectent souvent considérablement la qualité de vie des personnes touchées. Ces personnes ne sentent plus leurs propres odeurs corporelles ou l’odeur de brûlé émanant de la cuisinière. Les repas sont sans saveur lorsque la composante olfactive de la perception des arômes a disparu. Env. 5–15% des adultes jusqu’à l’âge d’env. 60 ans présentent un trouble de l’odorat; au-delà de l’âge de 70 ans, cette proportion dépasse largement les 50%. Typiquement, la perte d’odorat qui se développe de façon insidieuse (y compris chez les sujets âgés) n’est souvent pas perçue par les personnes concernées ou alors uniquement lorsque leur attention est directement portée sur des odeurs. A l’inverse, une perte d’odorat brutale, par ex. après un accident ou une infection, est bien plus souvent perçue. Malgré tout, il existe non seulement chez les personnes en bonne santé mais également chez les patients des décalages entre l’autoperception subjective de l’odorat et l’odorat mesuré [1, 2]. Evaluation de l’odorat Antje Welge-Lüssen Les auteurs ne déclarent aucun soutien financier ni d’autre conflit d’intérêt en relation avec cet article. L’évaluation subjective n’est pas suffisante pour évaluer la fonction olfactive. A cet effet, un test psychophysique de l’odorat est nécessaire. Il existe aujourd’hui dans le commerce des tests standardisés et validés;une distinction est généralement faite entre les tests de dépistage et les tests extensifs de l’odorat. Les tests de dépistage permettent uniquement de se faire une première idée sur l’odorat. Seuls des tests plus exhaustifs et différenciés permettent de réaliser une évaluation différenciée des capacités olfactives, avec détermination des différents grades de diminution de l’odorat (hyposmie). Pour ce faire, nous utilisons en Europe la batterie de tests de Sniffin’ Sticks, qui est déjà établie depuis près de 20 ans [3]. Elle est composée d’un total de 112 stylos, semblables à des feutres, qui sont remplis de parfums et que le patient doit sentir. La somme des résultats des trois sous-tests – un test de détection de seuil (S), un test de discrimination (D) et un test d’identification (I) – fournit une valeur totale, appelée valeur SDI, qui permet de classifier l’odorat comme normosmique, hyposmique ou anosmique en fonction de l’âge. Seul ce type de test permet d’une part de quantifier le trouble olfactif et d’autre part de quantifier et d’objectiver une amélioration potentielle grâce à des mesures thérapeutiques. Classification des troubles olfactifs Toutefois, les troubles olfactifs ne sont pas uniquement classifiés en fonction de leur sévérité, mais typiquement aussi en fonction de leur étiologie. Sur la base de l’anamnèse, des anomalies ORL détectées et des éventuelles découvertes supplémentaires, on distingue les entités suivantes: origine naso-sinusienne, post-infectieuse, post-traumatique, congénitale, toxique, idiopathique et autres troubles de l’odorat. Alors que les troubles de l’odorat d’origine naso-sinusienne s’améliorent souvent avec l’administration systémique de corticoïdes, il n’existait jusqu’à présent aucune mesure thérapeutique avérée pour les troubles olfactifs post-infectieux. Les troubles olfactifs post-infectieux s’améliorent souvent spontanément Bon nombre de médecins de premier recours ignorent que les troubles olfactifs post-infectieux peuvent s’améliorer spontanément en l’espace de 2 ans. En raison de la régénération continuelle des cellules réceptrices olfactives, cette amélioration est de l’ordre de 40 à 60%, en fonction de l’âge de la personne touchée. Par ailleurs, au cours de ces dernières années, de nouvelles connaissances au sujet de la plasticité du système olfactif ont pu être acquises. Cette plasticité peut notamment être visualisée d’un point de vue morphologique grâce à la tomographie par résonance magnétique, étant donné que le volume du bulbe olfactif varie en fonction de la capacité olfactive [4]. Sur la base de ce constat et de résultats obtenus chez l’animal, se pose la question de savoir quelles étaient les approches thérapeutiques possibles pour favoriser et influencer positivement cette capacité de régénération chez l’être humain. L’entraînement olfactif est bénéfique Après des études préliminaires, une étude multicentrique est à présent parvenue à démontrer pour la première fois l’effet positif de l’entraînement olfactif sur la capacité olfactive. Dans cette étude conduite avec 171 patients atteints de troubles olfactifs post-infectieux, les patients ont chacun reçu, selon un schéma en aveugle et en chassé-croisé, quatre stylos qui contenaient soit des concentrations très élevées soit des concentrations Forum Med Suisse 2014;14(3):39–40 39 H I G H L I G H T S 2 01 3 : O R L , C H I R U R G I E C E R V I C O - FA C I A L E Figure 1 Patiente lors de l’entraînement olfactif. très faibles de liquide odorant. Les patients ont reniflé ces stylos odorants deux fois par jour pendant 15 secondes sur une période de 16 semaines. Après un test olfactif intermédiaire, les patients ont ensuite reçu des stylos contenant le niveau opposé de concentration de liquide odorant pour l’entraînement olfactif. Le test olfactif par Sniffin’ Sticks a montré qu’aux deux temps de mesure, un plus grand nombre de patients qui s’étaient entraînés avec les odeurs prononcées avaient obtenu une amélioration de leur odorat. Par ailleurs, une corrélation claire a été identifiée entre la durée du trouble olfactif et le succès de l’entraînement olfactif: en cas de trouble olfactif post-infectieux datant de moins de 12 mois, une amélioration a été constatée chez 62,5% (15 patients sur 24) des patients qui s’étaient entraînés avec des odeurs fortes contre 19,4% (6 sur 31) des patients qui s’étaient entraînés avec des odeurs faibles [5]. A l’heure actuelle, il est impossible de dire dans quelle mesure l’effet observé est attribuable à des régénérations périphériques ou centrales. Dans la pratique clinique quotidienne, l’entraînement olfactif s’effectue soit au moyen de stylos odorants du commerce soit en reniflant régulièrement des flacons odorants que nous remettons aux patients (fig. 1 ). Conclusion En conclusion, ces données démontrent pour la première fois qu’un entraînement olfactif régulier avec des odeurs très prononcées a une influence positive sur la régénération en cas de troubles olfactifs post-infectieux. Il nous paraît dès lors recommandable que les médecins de premier recours notamment attirent l’attention des patients atteints de troubles olfactifs post-infectieux sur cette option et le cas échéant, qu’ils réfèrent les patients aux spécialistes compétents. Correspondance: Prof. Antje Welge-Lüssen Leitende Ärztin HNO Klinik Universitätsspital Basel Petersgraben 4 CH-4031 Basel antje.welge-luessen[at]usb.ch Références 1 Landis BN, Hummel T, Hugentobler M, et al. Ratings of overall olfactory function. Chem Senses. 2003;28:691–4. 2 Welge-Luessen A, Hummel T, Stojan T, Wolfensberger M. What is the correlation between ratings and measures olfactory function in patients with olfactory loss? Am J Rhinol. 2005;19:567–71. 3 Hummel T, Kobal G, Gudziol H, Mackay-Sim A. Normativa data for the “Sniffin’ Sticks” including tests of odor identification, odor discrimination, and olfactory thresholds: an upgrade based on a group of more than 3000 subjects. Eur Arch Otorhinolaryngol. 2007;264:237–43. 4 Rombaux P, Weitz H, Mouraux A, et al. Olfactory function assessed with orthonasal and retronasal testing, olfactory bulb volume, and chemosensory event-related potentials. Arch Otolaryngol Head Neck Surg. 2006;132:1346–51. 5 Damm M, Pikart LK, Reimann H, et al. Olfactory training is helpful in postinfectious olfactory loss: A randomized, controlled, multicenter study. Laryngoscope. 2013; doi: 10.1002/lary.24340. Epub ahead of print. Forum Med Suisse 2014;14(3):39–40 40