L`entraînement olfactif en tant qu`option thérapeutique en cas de

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L’entraînement olfactif en tant qu’option thérapeutique
en cas de troubles olfactifs post-infectieux
Antje Welge-Lüssena, Basile Landisb
a
b
HNO Klinik, Universitätsspital Basel
Unité de Rhinologie-Olfactologie, Service d’Oto-Rhino-Laryngologie et de Chirurgie cervico-faciale, Hôpitaux Universitaires de Genève
Les troubles de l’odorat sont fréquents et ils affectent
souvent considérablement la qualité de vie des personnes touchées. Ces personnes ne sentent plus leurs propres odeurs corporelles ou l’odeur de brûlé émanant
de la cuisinière. Les repas sont sans saveur lorsque la
composante olfactive de la perception des arômes
a disparu. Env. 5–15% des adultes jusqu’à l’âge d’env.
60 ans présentent un trouble de l’odorat; au-delà de
l’âge de 70 ans, cette proportion dépasse largement
les 50%.
Typiquement, la perte d’odorat qui se développe de façon
insidieuse (y compris chez les sujets âgés) n’est souvent pas perçue par les personnes concernées ou alors
uniquement lorsque leur attention est directement
portée sur des odeurs. A l’inverse, une perte d’odorat
brutale, par ex. après un accident ou une infection, est
bien plus souvent perçue. Malgré tout, il existe non
seulement chez les personnes en bonne santé mais
également chez les patients des décalages entre l’autoperception subjective de l’odorat et l’odorat mesuré
[1, 2].
Evaluation de l’odorat
Antje
Welge-Lüssen
Les auteurs ne
déclarent aucun
soutien financier ni
d’autre conflit
d’intérêt en
relation avec cet
article.
L’évaluation subjective n’est pas suffisante pour évaluer
la fonction olfactive. A cet effet, un test psychophysique
de l’odorat est nécessaire. Il existe aujourd’hui dans le
commerce des tests standardisés et validés;une distinction est généralement faite entre les tests de dépistage et
les tests extensifs de l’odorat.
Les tests de dépistage permettent uniquement de se
faire une première idée sur l’odorat. Seuls des tests plus
exhaustifs et différenciés permettent de réaliser une
évaluation différenciée des capacités olfactives, avec
détermination des différents grades de diminution de
l’odorat (hyposmie). Pour ce faire, nous utilisons en
Europe la batterie de tests de Sniffin’ Sticks, qui est déjà
établie depuis près de 20 ans [3]. Elle est composée
d’un total de 112 stylos, semblables à des feutres, qui
sont remplis de parfums et que le patient doit sentir. La
somme des résultats des trois sous-tests – un test de détection de seuil (S), un test de discrimination (D) et un
test d’identification (I) – fournit une valeur totale, appelée valeur SDI, qui permet de classifier l’odorat comme
normosmique, hyposmique ou anosmique en fonction
de l’âge. Seul ce type de test permet d’une part de quantifier le trouble olfactif et d’autre part de quantifier et
d’objectiver une amélioration potentielle grâce à des
mesures thérapeutiques.
Classification des troubles olfactifs
Toutefois, les troubles olfactifs ne sont pas uniquement
classifiés en fonction de leur sévérité, mais typiquement
aussi en fonction de leur étiologie. Sur la base de
l’anamnèse, des anomalies ORL détectées et des éventuelles découvertes supplémentaires, on distingue les
entités suivantes: origine naso-sinusienne, post-infectieuse, post-traumatique, congénitale, toxique, idiopathique et autres troubles de l’odorat. Alors que les troubles de l’odorat d’origine naso-sinusienne s’améliorent
souvent avec l’administration systémique de corticoïdes, il n’existait jusqu’à présent aucune mesure thérapeutique avérée pour les troubles olfactifs post-infectieux.
Les troubles olfactifs post-infectieux
s’améliorent souvent spontanément
Bon nombre de médecins de premier recours ignorent
que les troubles olfactifs post-infectieux peuvent
s’améliorer spontanément en l’espace de 2 ans. En raison de la régénération continuelle des cellules réceptrices olfactives, cette amélioration est de l’ordre de 40 à
60%, en fonction de l’âge de la personne touchée. Par
ailleurs, au cours de ces dernières années, de nouvelles
connaissances au sujet de la plasticité du système olfactif ont pu être acquises. Cette plasticité peut notamment
être visualisée d’un point de vue morphologique grâce
à la tomographie par résonance magnétique, étant
donné que le volume du bulbe olfactif varie en fonction
de la capacité olfactive [4].
Sur la base de ce constat et de résultats obtenus chez
l’animal, se pose la question de savoir quelles étaient
les approches thérapeutiques possibles pour favoriser
et influencer positivement cette capacité de régénération chez l’être humain.
L’entraînement olfactif est bénéfique
Après des études préliminaires, une étude multicentrique est à présent parvenue à démontrer pour la première fois l’effet positif de l’entraînement olfactif sur la
capacité olfactive. Dans cette étude conduite avec 171 patients atteints de troubles olfactifs post-infectieux, les
patients ont chacun reçu, selon un schéma en aveugle
et en chassé-croisé, quatre stylos qui contenaient soit
des concentrations très élevées soit des concentrations
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Figure 1
Patiente lors de l’entraînement olfactif.
très faibles de liquide odorant. Les patients ont reniflé
ces stylos odorants deux fois par jour pendant 15 secondes sur une période de 16 semaines. Après un test olfactif intermédiaire, les patients ont ensuite reçu des stylos
contenant le niveau opposé de concentration de liquide
odorant pour l’entraînement olfactif. Le test olfactif par
Sniffin’ Sticks a montré qu’aux deux temps de mesure,
un plus grand nombre de patients qui s’étaient entraînés avec les odeurs prononcées avaient obtenu une
amélioration de leur odorat.
Par ailleurs, une corrélation claire a été identifiée entre
la durée du trouble olfactif et le succès de l’entraînement
olfactif: en cas de trouble olfactif post-infectieux datant
de moins de 12 mois, une amélioration a été constatée
chez 62,5% (15 patients sur 24) des patients qui
s’étaient entraînés avec des odeurs fortes contre 19,4%
(6 sur 31) des patients qui s’étaient entraînés avec des
odeurs faibles [5]. A l’heure actuelle, il est impossible de
dire dans quelle mesure l’effet observé est attribuable
à des régénérations périphériques ou centrales. Dans
la pratique clinique quotidienne, l’entraînement olfactif
s’effectue soit au moyen de stylos odorants du commerce soit en reniflant régulièrement des flacons odorants que nous remettons aux patients (fig. 1 ).
Conclusion
En conclusion, ces données démontrent pour la première fois qu’un entraînement olfactif régulier avec des
odeurs très prononcées a une influence positive sur la
régénération en cas de troubles olfactifs post-infectieux.
Il nous paraît dès lors recommandable que les médecins de premier recours notamment attirent l’attention
des patients atteints de troubles olfactifs post-infectieux
sur cette option et le cas échéant, qu’ils réfèrent les
patients aux spécialistes compétents.
Correspondance:
Prof. Antje Welge-Lüssen
Leitende Ärztin
HNO Klinik
Universitätsspital Basel
Petersgraben 4
CH-4031 Basel
antje.welge-luessen[at]usb.ch
Références
1 Landis BN, Hummel T, Hugentobler M, et al. Ratings of overall olfactory function. Chem Senses. 2003;28:691–4.
2 Welge-Luessen A, Hummel T, Stojan T, Wolfensberger M. What is the
correlation between ratings and measures olfactory function in patients with olfactory loss? Am J Rhinol. 2005;19:567–71.
3 Hummel T, Kobal G, Gudziol H, Mackay-Sim A. Normativa data for the
“Sniffin’ Sticks” including tests of odor identification, odor discrimination, and olfactory thresholds: an upgrade based on a group of more
than 3000 subjects. Eur Arch Otorhinolaryngol. 2007;264:237–43.
4 Rombaux P, Weitz H, Mouraux A, et al. Olfactory function assessed
with orthonasal and retronasal testing, olfactory bulb volume, and
chemosensory event-related potentials. Arch Otolaryngol Head Neck
Surg. 2006;132:1346–51.
5 Damm M, Pikart LK, Reimann H, et al. Olfactory training is helpful in
postinfectious olfactory loss: A randomized, controlled, multicenter
study. Laryngoscope. 2013; doi: 10.1002/lary.24340. Epub ahead of
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