Universidade em Debate Article 2 ISSN 2318-700X Licenciado sob uma Licença Creative Commons DOI: 10.7213/univ.debate.02.001.AO02 Éduquer à la Culture du Leadership et de la Responsabilité dans un monde globalisé Pr Mgr Guy-Réal Thivierge Le Pr Mgr Guy-Réal Thivierge est licencié en philosophie et docteur en théologie (Rome). Il exerce les fonctions de Directeur de Centre de Coordination de la Recherche et de Secrétaire Général de la Fédération Internationale des Universités Catholiques. Contact: gr.thivierge@bureau.fiuc.org Résumé Prenant en compte les dé�is du monde actuel, société et Église, le présent article vise à montrer l’importance, pour les universités catholiques, de former non seulement d’excellents professionnels aux plans scienti�ique et académique, mais aussi des hommes et des femmes qui soient capables d’exercer un leadership responsable pour le monde d’aujourd’hui et l’Église. Le leadership n’est pas qu’un ensemble de dispositions et capacités naturelles, il s’apprend aussi, tout autant qu’il doit comporter des caractéristiques spéci�iques. Il relève d’une authentique culture, celle de l’espérance et de la res-ponsabilité, au service de la transformation personnelle et du changement sociétal. Mots-clés: Globalisation. Éducation. Leadership. Responsabilité. Éduquer à la Culture du Leadership et de la Responsabilité dans un monde globalisé Introduction Le diagnostic posé sur la situation de l’Église catholique à travers le monde est sans fard. Souvent sévère, diraient certains, s’il ne venait de l’intérieur de l’institution. Le document de travail préparatoire au Synode consacré à la nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne (Eterovic, 2012), qui coïncidera avec le lancement de l’année de la foi et le début des commémorations du cinquantième anniversaire du Concile Vatican II, ne déroge pas à cette règle1. De l’insuf�isance de la foi à l’éloignement des �idèles, de la crédibilité des institutions ecclésiales aux spiritualités individualistes, le climat dans lequel baigne l’Église, au Nord comme au Sud, précisent les évêques, est longuement décrit. La situation n’est pas nouvelle. Avant Benoît XVI, Paul VI, dès 1975, et Jean-Paul II en 1983, notamment, avaient pris acte des transformations culturelles et sociales qui modi�ient profondément la perception que l’homme a de soi et du monde, entraînant des conséquences sur la façon de croire en Dieu, comme le souligne aussi le Pape actuel. Dans la foulée du Concile Vatican II, ils ont tous pointé la nécessité de relancer la mission évangélisatrice de l’Eglise, notamment dans les pays d’ancienne évangélisation. Dans ce contexte, le mandat donné au Pape François par les cardinaux électeurs en 2013 et ses prises de positions depuis lors vont dans ce sens et ne manquent pas de vigueur. Globalement, c’est l’échec de l’Église, ressenti comme tel dans beaucoup de milieux, à donner une réponse adéquate et convaincante aux dé�is sociaux, économiques, politiques et religieux du moment qui doivent être aussi au cœur des ré�lexions des évêques, du clergé, des universités catholiques, des communautés chrétiennes. La nature de cette réponse n’est ni purement scienti�ique ni technique, elle est d’un autre ordre et réside dans un au-delà de tous les progrès du monde nouveau: elle se nomme inquiétude dans l’acception philosophique du terme, discernement, critique, recherche de cohérence, 29 de sens, quête de vérité, voire approximation à la transcendance (Godelier, 2007, p.207). C’est dans l’univers brièvement décrit ci-haut que doivent cheminer aujourd’hui, professeurs et étudiants, des universités catholiques. Elles doivent être pleinement universités et pleinement catholiques, servir à la fois la société et l’Église, répondre aux aspirations et aux besoins des hommes et des femmes de notre temps, tout mettre en œuvre pour que leur offre éducative soit à hauteur d’homme et à hauteur de Dieu. C’est aussi dans ce contexte que les leaders sont invités à exercer leurs responsabilités, un monde caractérisé par des dé�is redoutables, dont il est admis qu’ils sont plus complexes que ceux du passé. Une stratégie éducative doit être mise en place pour une formation intégrale des étudiants, des futurs responsables de demain, dont la vie doit être porteuse de sens et d’espérance pour leurs contemporains. Le présent article ne prétend en rien répondre à tous les dé�is actuels de nos sociétés et de l’Église. Plus modestement, il se donne comme objectif de ré�léchir sur une stratégie éducative qui va au-delà de la poursuite, louable certes, d’un diplôme pour ensuite obtenir un travail et une situation honorable dans la vie. En effet, l’université catholique, soucieuse de la qualité académique et professionnelle proposée à ses étudiants, visant par-là à les former au double plan scienti�ique et technique, n’a pourtant rempli qu’à-demi sa mission lorsqu’elle les a couronnés de prestigieux diplômés. En effet, elle doit aussi être soucieuse d’éduquer des hommes et des femmes capables de s’investir au service de leur milieu, de leur pays, de l’humanité, en les incitant à devenir d’authentiques leaders responsables, soucieux d’apporter leur contribution personnelle à la construction d’un monde plus juste, plus humain, un monde respectueux de la dignité humaine, de tout homme et de tous les hommes. Le chantier de l’éducation est grand ouvert et l’université catholique, avec l’Église dans son ensemble, y a toujours été présente à travers ses institutions et ses projets. Aujourd’hui, il faut Univ. Debate 2014 jan./dez., 2(1), 28-37 30 Thivierge, G.R. stimuler encore davantage cet engagement à tous les niveaux et renouveler la tâche de tous ceux et celles qui y sont engagés, dans la perspective d’un renouveau de nos civilisations, aussi d’une nouvelle évangélisation2. Défis de l’Éducation Supérieure Catholique Les nouvelles technologies, au-delà des bienfaits qui les accompagnent, ont bouleversé le rapport à l’autre aujourd’hui médiatisé par les outils sophistiqués du nouveau monde des communications. Le temps et la distance se raccourcissent jusqu’à ne plus exister, l’immédiateté imposant partout ses règles, demain est déjà trop tard, demain est déjà dépassé, et vive le moment présent dont il faut profiter au maximum. Les enjeux fondamentaux auxquels est confronté aujourd’hui le monde de l’éducation dans son ensemble sont en priorité liés, d’une manière ou d’une autre, à des bouleversements touchant les civilisations, aux nouveaux contextes culturels et religieux dans lesquels vivent nos sociétés et dont sont issus les professeurs et les étudiants que nous accueillons dans les milieux de l’enseignement catholique. C’est aussi de là qu’émergeront les leaders responsables de demain. Nous nous attarderons surtout aux étudiants. Quel que soit leur âge, ils sont tous soumis à un violent changement d’époque, à une nouvelle réalité qui affecte aussi leurs parents, leurs professeurs, les institutions et leurs milieux de vie. La vision de l’homme et du monde rattachée à un Dieu Créateur de toutes choses s’est évanouie pour faire place, peu à peu, à une excessive valorisation de l’autonomie personnelle, une super-af�irmation du moi au détriment du bien commun. La vérité est désormais celle que je perçois. Les nouvelles technologies, au-delà des bienfaits qui les accompagnent, ont bouleversé le rapport à l’autre aujourd’hui médiatisé par les outils sophistiqués du nouveau monde des communications. Le temps et la distance se raccourcissent jusqu’à ne plus exister, l’immédiateté imposant partout ses règles, demain est déjà trop tard, demain est déjà dépassé, et vive le moment présent dont il faut pro�iter au maximum. D’où une conception de la vie vécue au jour le jour, marquée par une culture du consumérisme et du pragmatisme qui laisse peu ou pas de place à la ré�lexion, à la recherche du vrai et du bien, du sens et des valeurs qui l’enrichissent. Dans un environnement violemment envahi par le sensoriel, le sensationnalisme, les émotions Univ. Debate 2014 jan./dez., 2(1), 28-37 qu’imposent les médias, le cinéma, la musique, comment éduquer, comment former? Dans un monde où le passé est obsolète, où le futur est incertain, où les cultures s’entrecroisent, où la religion est souvent perçue comme archaïque, ou même étrangère à la nôtre, comment faire vivre l’identité de nos institutions, comment ouvrir le dialogue entre la foi et la raison, foi et cultures, comment orienter tout à la fois l’éducateur chrétien et les jeunes générations qui lui sont con�iées et dont il a la haute responsabilité? En réalité, quel est le portrait du nouvel étudiant que nous accueillons et quel est le pro�il du nouveau professeur dont il a besoin?3 Et de quelle autorité jouit celui ou celle qui doit transmettre le message chrétien? Les grandes découvertes d’hier et d’aujourd’hui, sans aucun doute celles aussi de demain, notamment dans les domaines des sciences de l’homme, de la nature et des technologies, méritent toute notre admiration parce qu’elles ont en principe pour �inalité de contribuer au mieux-être des personnes et des collectivités. Certes, encore que l’information et la connaissance qui fusent de toutes parts aujourd’hui doivent aussi être évaluées, elles appellent au discernement critique, fondé en éthique, en mesure de con�irmer ou d’in�irmer leur réelle valeur au regard de la dignité humaine et de la liberté. À ce propos, un des dé�is incontournables de l’éducation aujourd’hui, quels que soient ses destinataires, jeunes et moins jeunes, est précisément de former au discernement, à la recherche du sens, de la sagesse, et à la découverte d’une espérance qui éclaire la vie d’une lumière renouvelée pour qui se veut à la fois un excellent professionnel dans son domaine et un citoyen responsable des autres, de sa société et de l’humanité, de l’inclusion, de la justice et de la paix pour tous. Compétences et vocation au leadership responsable sont indispensables. C’est là en priorité le sens de l’éducation chrétienne, c’est aussi son principal dé�i au royaume de la performance et de l’ef�icacité. L’éducation et la formation professionnelle comportent encore d’autres dé�is qu’il faut prendre en compte: par exemple, une certaine globalisation Éduquer à la Culture du Leadership et de la Responsabilité dans un monde globalisé porteuse d’une vision de l’éducation comme servante de l’économie, une utilisation des nouvelles technologies à l’école et à l’université qui change drastiquement les modes d’apprentissage et, parfois, les déshumanise, une massi�ication de l’éducation supérieure qui banalise la relation maître-étudiant, un enseignement à distance par écran interposé, et combien d’autres encore. Ces dé�is mobilisent sérieusement les compétences, les énergies et le temps des éducateurs et il faut les y encourager (Feuer, 2002; Giovanni Paolo II, 2001). Car ces mêmes dé�is appellent aussi à une autre ré�lexion, anthropologique et éthique, car ils plongent leurs racines au cœur de la personne humaine, de ses grandeurs et de ses attentes, et c’est à partir de là qu’elle doit être rejointe, écoutée et interpelée, qu’elle doit découvrir sa vocation personnelle à être plus, à être mieux. La science ne crée pas le sens de la vie. Connaître est un processus et non un produit. L’éducation doit mettre en route l’étudiant, aussi le professeur, et la construction du savoir est toujours nécessaire; néanmoins, plus que l’information et la connaissance, la transformation personnelle est le véritable résultat attendu. En ce sens, la motivation n’est pas non plus une condition préalable, elle se construit elle aussi, elle est un résultat. Eduquer, c’est dialoguer toujours, c’est rencontrer. Si l’éducation et la formation en milieu de foi chrétienne offrent cet espace de respect et d’accueil de l’autre, si elle baigne dans une culture de l’espérance, le Dieu de l’amour, Jésus libérateur et une Église de communion doivent y être présentés comme fondement d’une pensée qui structure une vision de l’homme et du monde, comme modèles de croissance et de transformation. À ces conditions, l’éducation catholique aura rempli son irremplaçable mission, au-delà des redoutables dé�is qu’elle doit apprivoiser. Au cœur des bouleversements de nos sociétés que nous sommes appelés à accueillir, déchiffrer, aimer et évangéliser, l’éducation catholique doit offrir une direction, elle doit contribuer à la découverte du sens de l’existence et faire naître de nouvelles espérances pour aujourd’hui et pour demain. Cette découverte du sens de la vie devient 31 chez ceux et celles qui l’expérimente ce véritable supplément d’âme qui dynamise le service professionnel et la présence au monde. C’est peut-être le secret qui anime les leaders responsables, qui savent mettre leur savoir et leurs compétences au généreux service du plus grand nombre. Globalisation et sens critique Avant d’aborder le leadership responsable, quelques rappels au sujet du phénomène de la globalisation (parfois nommé mondialisation, non sans une certaine ambiguïté) nous semblent utiles (Congrégation pour l’Éducation Catholique, Fédération Internationale des Universités Catholiques). Il s’agit d’un processus où se noue un ensemble de relations d’interdépendance dans les domaines �inancier, économique, politique et culturel, qui touche les personnes, les institutions, les organisations et les pays au niveau mondial. Ce processus engendre de nouvelles formes organisationnelles et culturelles (Villagrassa, 2003; Bauman, 1999). Contrairement à ce que l’on perçoit souvent, elle ne concerne pas exclusivement les activités économiques et in�luence, à des degrés divers, les pratiques culturelles de toutes les sociétés humaine, l’âme des peuples, leur style de pensée et de vie, ainsi que la psychologie des individus des groupes. C’est donc dire qu’elle affecte tant positivement que négativement l’éducation au sens général du terme, la didactique, la pédagogie et engendre de nouveaux rapports entre tous les acteurs de l’enseignement et de l’apprentissage. L’inspiration philosophique et l’idéologie sous-jacentes à la globalisation engendrent souvent des problèmes éthiques concernant le respect de la personne humaine, la société et les rapports de l’homme avec son environnement naturel (Bauman, 2000). Il est donc bien nécessaire de bien cerner les lumières et les ombres, les avantages, les ambivalences et les risques d’un tel phénomène, sans banalisation ni accents apocalyptiques, et de cerner Univ. Debate 2014 jan./dez., 2(1), 28-37 Eduquer, c’est dialoguer toujours, c’est rencontrer. Si l’éducation et la formation en milieu de foi chrétienne offrent cet espace de respect et d’accueil de l’autre, si elle baigne dans une culture de l’espérance, le Dieu de l’amour, Jésus libérateur et une Église de communion doivent y être présentés comme fondement d’une pensée qui structure une vision de l’homme et du monde, comme modèles de croissance et de transformation 32 Thivierge, G.R. les aspects culturels et éthiques qui le caractérisent. Cette démarche peut nous aider à développer une démarche éducative susceptible de préparer les personnes à vivre de manière responsable et constructive dans le nouveau monde globalisé. Dans cette perspective, il est particulièrement utile de nous arrêter davantage sur la signi�ication multidimensionnelle de la globalisation. Le terme peut lui-même comporter quatre sens apparentés ou différents : l’acte de considérer comme un, unitaire, donc uni�ier, rendre global, ce qui est varié et diversi�ié. Ceci peut répondre à l’exigence de considérer une réalité donnée dans sa totalité, sa globalité, et constitue aussi un critère scienti�ique à cultiver; par exemple, l’approche holistique d’un phénomène. L’uniformisation des expressions, des praxis, qui peut conduire à une sorte de conformisme délétère aux dépens de l’identité personnelle et culturelle. La totalisation invasive dans le sens de l’appropriation de l’autre, d’autrui, qui devient une forme d’impérialisme et de colonialisme, et qui sont des formes d’égoïsme et d’injustice à combattre. En�in, la diffusion planétaire, universelle, de l’information et du patrimoine culturel, fruit du progrès, et donc un engagement constant des individus et des institutions, en vue d’une mise à disposition et d’un enrichissement réciproque qui soient source d’humanisation. C’est plus particulièrement ce sens qui doit inspirer le monde de l’éducation. La globalisation comme phénomène, scénario culturel, est à considérer comme un processus, un contexte, une conscience, une perception et une vision. À cet effet, ne faut-il pas mettre en place dans nos institutions des projets, des dispositifs, de formation au sens critique des personnes et des groupes au regard de ce phénomène, de faire émerger et grandir parmi nos personnels des capacités d’orientation, d’interventions, qui sauront insuffler une âme, un sens critique, au regard des divers domaines aujourd’hui globalisés de la vie culturelle, sociale et politique et économique? Univ. Debate 2014 jan./dez., 2(1), 28-37 Leadership responsable Il y a quelques années, au cours de l’assemblée générale d’une grande Fondation, alors qu’était soulignée l’importance de préparer des leaders qui sachent assumer la responsabilité de diriger des compagnies, des entreprises, des institutions, des administrations territoriales ou des pays, furent proposées un ensemble de qualités que les leaders d’aujourd’hui doivent posséder : • une bonne formation professionnelle et une préparation adéquate qui répondent au besoin de guider et de motiver les personnes; • une vision de l’avenir rendue nécessaire par la discontinuité avec le passé (avènement d’une nouvelle civilisation); • une grande force et rapidité de réalisation, imposées par la constante accélération des phénomènes; • une perspective internationale, requise par la nature même de la globalisation; • un solide sens éthique, compte tenu du manque de règles et de références régissant le monde globalisé. Ré�léchissons maintenant, à la lumière de ces considérations, sur la personnalité du leader et ses caractéristiques. Le leadership comme vocation Le leadership consiste à trouver sa propre voie, son rôle unique et irremplaçable dans le monde et, riche de ce réel patrimoine, à aider les autres à trouver eux aussi le chemin qui leur est propre. Trouver sa voie n’équivaut pas seulement à découvrir les aspirations profondes qui nous meuvent de l’intérieur, c’est souvent aussi répondre à un appel, à une vocation. Souvent le leader observe dans son environnement une réalité, un problème, que les autres ne voient pas et qui l’incite à agir, Éduquer à la Culture du Leadership et de la Responsabilité dans un monde globalisé s’engager. Il s’agit parfois d’un appel originaire qui donne un cours différent à la vie de celui qui l’écoute, le prend au sérieux et le suit. Je me permettrai ici de proposer deux exemples de vocation au leadership. Le premier. Nous sommes en 1893, un jeune avocat indien de 24 ans est violemment jeté hors de la voiture de première classe du train allant vers Pretoria, en gare de Maritzburg. Il a en poche un billet de première classe, mais seuls les blancs peuvent voyager en première. Refusant de bouger pour se rendre en troisième classe, il est jeté hors du train. Dans la froide nuit d’hiver, il ré�léchit sur ce qu’il doit faire: se battre et chercher une vengeance personnelle? Au-delà de la colère pour l’injustice qu’il vient de subir, il se rend compte que ses dif�icultés ne sont que le symptôme d’un mal plus profond, les préjugés raciaux. Le second. En 1914, un commerçant français de cognac, âgé de 26 ans, revient de Londres en train. Il est frappé à la lecture d’un article: le Royaume-Uni et la France sont alliés au moment de la première Guerre Mondiale, mais leurs �lottes sont en concurrence sur les mers, provoquant une �lambée des prix des marchandises civiles et des équipements militaires. Le jeune homme trouve le moyen de parler au Premier Ministre de l’époque qui l’envoie à Londres comme représentant français auprès de l’organe de coordination de la coopération économique alliée. L’incident de Maritzburg est considéré comme le tournant qui a porté Gandhi à l’engagement social et politique. Le problème de la coordination de l’approvisionnement en temps de guerre a été le premier d’une série d’autres problèmes que Jean Monnet, l’architecte du processus d’intégration européenne, a été capable de voir et de résoudre en tant qu’homme public. Tous les deux ont eu une in�luence énorme sur leur pays et au plan mondial. Jamais élus à une fonction publique, humbles et volontaires4, ils ont été source d’inspiration par leur engagement et leurs actions. Ils ont d’abord répondu à un appel à agir venu d’un problème concret et urgent et ils ont continué à répondre de 33 manière cohérente à de nouveaux appels et à proposer des solutions à de nouveaux dé�is. Être un leader, un choix On ne naît pas leader. Gandhi et Monnet le sont devenus. Rien ne prédestinait un jeune avocat et un jeune homme d’affaires à devenir les leaders, les agents de changement culturel, social et politique qu’ils ont su devenir. Comment sont-ils devenus leaders? À l’origine de leur itinéraire vers ce rôle, comme pour chacun d’entre nous, il y a eu un choix: protester, se plaindre ou agir. Tant Gandhi que Monnet, ils ont décidé d’agir: le premier a décidé de dépasser sa frustration personnelle pour embrasser la cause de tous les Indiens, dans sa lutte pour l’indépendance de l’Inde. Le second a osé faire part de ses préoccupations et de se présenter, si jeune fût-il, face au Premier Ministre de son pays, pour lui proposer une solution que �inalement il a lui-même été appelé à mettre en œuvre. Dans ces deux parcours, nous retrouvons cette caractéristique du leadership comme élection personnelle, comme choix: Gandhi a renoncé à la violence en choisissant de poursuivre la non-violence comme moyen et �in de son action. Monnet a choisi de continuer à affronter les divers problèmes qui se présentaient à lui, mais en contribuant à des solutions innovantes comme base de la paix après la guerre. Leadership et pouvoir Le rôle de leader est en lien avec l’autorité, pas nécessairement avec le pouvoir. Gandhi et Monnet n’ont pas attendu d’être chefs d’État pour agir, ils ne l’ont d’ailleurs jamais été. Tous deux ont exercé leur leadership à partir de la réalité où ils se trouvaient, avant tout en tant qu’hommes aux convictions bien chevillées au cœur et à l’esprit. Nous imaginons trop souvent le leadership lié à des positions de commandement et avons tendance Univ. Debate 2014 jan./dez., 2(1), 28-37 34 Thivierge, G.R. à ne considérer comme leaders que ceux qui sont à la tête d’une organisation. Il est vrai que celui ou celle qui commande a le pouvoir de dicter une ligne de conduite à ceux qui lui sont subordonnés. Cependant, Gandhi et Monnet, sans occuper un poste de pouvoir, ont été de véritables guides et inspirateurs par la seule force de leur autorité personnelle. Voilà un type d’in�luence qui conduit les autres à agir, sans le pouvoir de les contraindre. Leur puissante in�luence dérive de leur force morale, de ce qu’ils étaient et représentaient, et non de la position ou de la fonction qu’ils occupaient. Ces deux grands hommes n’ont pas été leaders uniquement par leur sens de l’intégrité personnelle, dans le sens de la cohérence entre les paroles et les actes. Ils ont pratiqué l’intégrité également dans son sens étymologique, l’integritas latine, c’est-à-dire le sens de la totalité, de l’ensemble. Ils ont su porter leur regard au-delà des intérêts immédiats et particuliers, dans la recherche d’une vision globale des problématiques qu’ils rencontraient. Un leadership éthique Monnet et Gandhi ont été des leaders avant tout par la force de leur exemple. Pour Gandhi, cela a signi�ié une quantité considérable de souffrances personnelles et de sacri�ices; plus de dix ans de prison au total dans les geôles britanniques et un nombre incalculable de coups, tant physiques que moraux. Monnet pour sa part a été objet d’intrigues et de jeux de pouvoir dont les politiciens français connaissent aussi très bien les secrets. Tous les deux ont fondé leur rôle de leader sur des principes immuables, comme la justice et la résolution des con�lits à travers la coopération, et ils ont commencé par se les appliquer à eux-mêmes… avant de les prêcher. Et c’est à partir d’un changement qui s’est produit d’abord en eux-mêmes, pour se propager ensuite en cercles concentriques de plus en plus larges, ils sont devenus peu à peu des moteurs d’innovation culturelle et sociale C’est bien là l’effet d’un leadership éthique: sans occuper des postes de pouvoir, ils ont été facteurs de nouveauté, de mieux-être pour leurs contemporains et leur sphère d’in�luence s’est élargie bien au-delà de ce que l’on aurait pu imaginer. Au cours de leur vie, ils sont demeurés libres de tout compromis suspect et ont ainsi suscité autour d’eux une communauté de personnes qui ont embrassé leur cause et rendu possible le changement. Univ. Debate 2014 jan./dez., 2(1), 28-37 Ces deux grands hommes n’ont pas été leaders uniquement par leur sens de l’intégrité personnelle, dans le sens de la cohérence entre les paroles et les actes. Ils ont pratiqué l’intégrité également dans son sens étymologique, l’integritas latine, c’est-à-dire le sens de la totalité, de l’ensemble. Ils ont su porter leur regard au-delà des intérêts immédiats et particuliers, dans la recherche d’une vision globale des problématiques qu’ils rencontraient. Gandhi estimait que son action pour l’indépendance de l’Inde était une contribution de solution aux problèmes du monde entier, pas seulement ceux de son pays d’appartenance. Pour Monnet, la coopération qui s’établissait peu à peu entre les pays et les peuples de l’Europe était un modèle d’organisation possible pour le monde de demain. Crédibilité personnelle Une constante dans le parcours de nos deux témoins a été précisément le fait de mettre l’intérêt commun non au-dessus de leur propre personne, mais aussi de tout intérêt particulier : ceci s’est traduit dans leur capacité à accorder la con�iance et à se la voir accorder. Un des collaborateurs de Monnet expliquait que la grande in�luence de ce dernier venait du fait qu’il n’avait jamais demandé pour lui-même. Gandhi a enduré souffrances et sacri�ices personnels, assumant jusqu’au risque de mourir au cours de ses grèves de la faim, tout cela en vue du bien commun. Tous les deux ont été maîtres dans la création de relations fondées sur la con�iance et dans la capacité de susciter autour d’eux des militants crédibles, dotés d’une même force morale. Ils ont tous les deux prouvé par leur exemple que le leadership consiste seulement à diriger les personnes, non à gérer les choses. En bref, le leadership tel qu’il se dégage de ces exemples et de bien d’autres similaires, n’est pas tant lié à une fonction qu’enraciné dans un choix, un appel à répondre à un problème, qui pousse à agir d’abord en tant que citoyen et ensuite comme Éduquer à la Culture du Leadership et de la Responsabilité dans un monde globalisé personnage public. À partir d’un changement personnel et d’une vision globale des situations rencontrées, ces leaders ont été des promoteurs d’innovation culturelle et sociale et ont inspiré de nombreuses personnes à s’engager, rendant ainsi possibles les changements auxquels ils aspiraient. Éduquer à une culture de la responsabilité Dans la dernière Encyclique de Benoît XVI, Caritas in Veritate (2009), écrite en souvenir et en consonance de Populorum Progressio, de Paul VI, le thème de l’éducation côtoie celui de la mondialisation, du don, de la fraternité et de l’économie de communion. Dans ce contexte, l’éducation est présentée comme le vecteur du renouveau culturel devenu de plus en plus nécessaire dans les sociétés actuelles. Le but assigné à l’éducation est ici de former des hommes et des femmes conscients et responsables de la construction du bien commun. Il y est explicitement fait mention que pour contribuer au plein développement des personnes et des peuples, il faut « des sages de ré�lexion profonde, à la recherche d’un humanisme nouveau, qui permette à l’homme moderne de se retrouver lui-même» (n. 19) et de créer une solidarité de plus en plus large (n. 61). De toute évidence, une éducation appropriée et ef�icace ne peut exister que dans le cadre d’une claire vision anthropologique dont on saura tirer un projet de formation cohérent, capable d’attirer et d’éclairer tous les acteurs intéressés et les institutions elles-mêmes (n. 661). Mais où sont les racines de l’éducation et de la solidarité? L’Evangile nous illumine en ce sens puisqu’il nous révèle que l’amour de Dieu dans le Christ, qui manifeste pleinement l’homme à lui-même (Gaudium et Spes, n. 22), est l’élément fondamental du développement et constitue la source d’inspiration de la vision anthropologique nécessaire pour promouvoir le développement même de tout l’homme et de tout homme (Gaudium et Spes, n. 18). Une vision globale de l’homme et de 35 l’humanité est de toute évidence nécessaire pour faire face à la crise actuelle, pour répondre aux exigences d’un possible développement futur et promouvoir l’engagement pour une nouvelle synthèse humaniste. La situation économique de nombreux pays est préoccupante et elle exige réalisme et espérance. Elle invite à assumer de nouvelles responsabilités face à un scénario qui exige un profond renouveau culturel (Caritas in Veritate, n. 21). À cette �in, au moins trois conditions sont à remplir: • face à la complexité des problèmes et des situations, les connaissances humaines sont insuf�isantes et, pour aller plus loin (n. 30), il faut que les différents savoirs, pour contribuer ef�icacement au développement, établis-sent un dialogue entre eux (n. 4); • il convient que les cultures cherchent aussi entre elles les chemins d’un vrai dialogue. S’il fut un temps où les cultures étaient plutôt clairement dé�inies et pouvaient se défendre contre le danger d’uniformisation, il est aujourd’hui nécessaire de développer aujourd’hui le « dialogue interculturel » (n. 26), tout en étant attentif à deux dangers: celui de l’éclectisme ou syncrétisme culturel adopté sans esprit critique, ou celui d’un aplatissement ou standardisation des comportements et des modes de vie. Une grammaire adéquate du dialogue pourra assurer la rencontre entre les différentes identités culturelles dans une relation mutuelle juste et respectueuse; • pour le développement intégral de l’homme, il est d’une importance capitale d’inclure la dimension religieuse, naturelle à l’homme. Le fanatisme religieux générateur de souffrance et le terrorisme fondamentaliste, qui tous deux bloquent le dialogue et détournent les ressources de leur emploi paci�ique au service des sociétés, ne peuvent être surmontés que par la promotion d’un Univ. Debate 2014 jan./dez., 2(1), 28-37 Dans ce contexte, l’éducation est présentée comme le vecteur du renouveau culturel devenu de plus en plus nécessaire dans les sociétés actuelles. Le but assigné à l’éducation est ici de former des hommes et des femmes conscients et responsables de la construction du bien commun. 36 Thivierge, G.R. sain dialogue interculturel et interreligieux dans les milieux de l’éducation (n. 29). L’effort pour éduquer à la culture du leadership responsable et de la solidarité ne se résume pas à une af�irmation de principe, mais passe par l’engagement des différents acteurs et lieux de l’éducation, personnes et institutions soucieuses de la qualité et de la pertinence des formations mises à disposition des populations qu’elles souhaitent servir. De même qu’il faut former au leadership et à la solidarité, les universités catholiques ont elles aussi le devoir de mettre en place dans leurs programmes dans ces domaines; elles doivent également promouvoir des initiatives, échanges et expériences divers, qui puissent aider à comprendre comment ce type d’éducation requiert une claire vision théorique et globale, qui rejoignent les aspects variés de la vie quotidienne a�in d’impliquer concrètement les personnes et les groupes. Perspectives En terminant, qu’il me soit permis de revenir sur la notion de transcendance qui agite toujours l’esprit de beaucoup de nos contemporains. Nous y avons fait directement référence de différentes manières au cours de nos propos. Qu’en est-il? Nous initons à retrouver le sens de la transcendance, non pas uniquement comme l’af�irmation d’une unique Vérité qui déclasserait automatiquement toutes les autres visions du monde, mais comme conscience de la précédence, c’està-dire du fait que nous sommes nés par la grâce d’autres. À nouveau, il s’agit de prendre le contrepied du fantasme néolibéral du self made man. L’anthropologue Maurice Godelier, que nous avons cité en début de nos propos, pourtant peu suspect d’être favorable au religieux (il est de formation marxiste), montre que toute société conçoit l’advenue d’un être humain au monde comme nécessitant toujours une intervention Univ. Debate 2014 jan./dez., 2(1), 28-37 surnaturelle: un esprit, un ancêtre, Dieu qui insuf�le l’âme… C’est-à-dire qu’aucune société, hormis peut-être la nôtre, ne se vit comme simplement naturelle. Godelier ajoute que toute société est fondée sur le politico-religieux. Ce n’est pas l’économie qui structure la vie humaine, mais l’imaginaire qui fait qu’une société donne certaines réponses aux questions fondamentales sur l’existence (Qui sommes-nous?, Que faisons-nous sur terre?, Comment devons-nous vivre?) et ainsi organise le vivre-ensemble. Pour le dire autrement, toute société doit reposer son ordre, sur de la transcendance. « Les religions offrent ainsi un fondement cosmique à un ordre social » (Dufour, 2011, pp. 312 - 324). Est-ce à dire qu’il faudrait revenir à une situation d’avant le sécularisme, où chaque société avait une religion nationale? Désirer que chacun s’appuie sur une transcendance n’équivaut pas à vouloir que cette transcendance soit unique. Peut-être faudrait-il méditer cet exemple rapporté par Tobie Nathan. Un jour, l’ethno-psychanalyste est appelé à intervenir dans une classe de terminale, dont tous les élèves, musulmans pratiquants, étaient originaires d’un même village marocain et dont certains enseignants se disaient athées, mais respectant toutes les croyances. D’où des tensions. Nathan dit à ces adolescents « qu’il n’existe pas d’être humain sans un dieu derrière lui » (Nathan & Clément, 1998, p. 142). Puis, s’adressant aux enseignants : « S’ils ne vous respectent pas, c’est que vous prétendez que vous n’avez rien derrière vous… Si vous aviez un dieu derrière vous, ils respecteraient votre dieu » (Nathan & Clément, 1998, p. 143). Les professeurs ont alors déclaré qu’ils avaient derrière eux des principes, quelque chose de plus important qu’eux et qui les dépassait. Voilà la transcendance qu’il faudrait redécouvrir: trouver, identi�ier, ce qui nous dépasse et nous fait vivre et inviter les autres à en faire autant. C’est peutêtre aussi cela un vrai leader responsable pour le monde d’aujourd’hui! Éduquer à la Culture du Leadership et de la Responsabilité dans un monde globalisé Références Anonyme. (20 février, 2014). Un chantier ouvert dans le monde. L’Osservatore Romano, 8, 4. Récupéré en 21 mars 2014, du http://www.osservatoreromano. va/fr/news/un-chantier-ouvert-dans-le-mond#. U4eNFHaWpSM Bauman, Z. (2000). La solitudine del cittadino globale. Milano: Feltrinelli. Beauman, Z. (1999). Dentro la globalizzazione. Le conseguenze sulle persone. Bari: Laterza. Benoît XVI (2009). Lettre Encyclique Caritas in veritate. Rome. Récupéré du http://www.vatican.va/holy_ father/benedict_xvi/encyclicals/documents/hf_ ben-xvi_enc_20090629_caritas-in-veritate_fr.html Collins, J. (2001). Good to great. New York: Harper Business. Nathan, T., & Clément, C. (1998). Le divan et le grigri. Paris: Odile Jacob. Paul VI (1965). Constitution Pastorale Gaudium et Spes. Rome. Récupéré du http://www.vatican.va/archive/hist_councils/ii_vatican_council/documents/ vat-ii_cons_19651207_gaudium-et-spes_fr.html Villagrassa, J. (2003). Globalizzazione. Un mondo migliore. Roma: Logos Press. (Endnotes) 1 Document publié le 19 juin 2012. Dénoncer « l’apostasie » silencieuse des catholiques et relancer la mission évangélisatrice de l’Église.(Eterovic, 2012). 2 Intervention du Pape François lors de l’Assemblée plénière de la Congrégation pour l’Éducation Catholique (Anonyme, 20 février, 2014). 3 La Fédération Internationale des Universités Catholiques est sur le point de diffuser les résultats d’une enquête mondiale touchant les cultures des étudiants dans les universités catholiques. L’édition espagnole, qui sera rapidement suivie de celle en anglais et en français, a été présentée à la presse espagnole le 12 mars dernier (2014) à Madrid, sous le titre suivant : Las culturas de los jovenes en las universidades catolicas. Un estudio mundial. Les éditions anglaise et française porteront respectivement les titres suivants : Youth Cultures in Catholic Universities, a Worldwide Study ; Les cultures des jeunes dans les universités catholiques. Une étude mondiale. La Centre de Coordination de la Recherche de la FIUC est responsable de cette étude et de son édition dont les résultats seront disponibles sous peu pour les universités catholiques et le monde de l’éducation. 4 Dans son célèbre livre Good to Great, Jim Collins (2001) commente les conclusions de l’étude sur les qualités de 1435 dirigeants des 500 principales entreprises de la liste FORTUNE. Il décrit que les caractéristiques dominantes des onze dirigeants qui se sont qualifiés au plus haut niveau de l’évaluation étaient : l’humilité et la volonté. Ces deux caractéristiques sont toujours les plus recherchées dans la gestion d’entreprise, que ce soit sur le plan du développement personnel tout autant que dans le contexte de l’entreprise. Congrégation pour l’Éducation Catholique, Fédération Internationale des Universités Catholiques (2004). Globalisation et enseignement supérieur catholique. Paris. Dufour, D. R. (2011). L’individu qui vient… après le libéralisme. Paris: Denoël. Eterovic, N. (2012). La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne: Instrumentum laboris. Rome: Secrétairerie Générale du Synode des Évêques; Libreria Editrice Vaticana. Feuer, G. (2002). La mondialisation : phénomène et processus. Seminarium, 3-4. Giovanni Paolo II (28 aprile 2001). Discorso ai partecipanti al congresso Internazionale promosso dal comitato europeo per l’educazione cattolica. Récupéré en 21 mars 2014, du http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/speeches/2001/documents/hf_jp-ii_spe_20010428_ educazione-cattolica_it.html. Godelier, M. (2007). Au fondement des sociétés humaines. Ce que nous apprend l’anthropologie. Paris: Albin Michel. 37 Univ. Debate 2014 jan./dez., 2(1), 28-37