Assurer la sécurité est par définition un travail d’équipe, qui requiert une
communication efficace et assertive. L’individualisme est encore trop omniprésent dans
le secteur médical.
On pense que la médecine se distingue de l’industrie parce qu’elle est «spéciale». Combien
de fois n’entend-on pas des leaders cliniques déclarer qu’une démarche calquée sur
l’industrie, qui prône l’établissement de standards et de procédures, serait une limitation
sévère de la sacro-sainte autonomie du praticien? Là aussi, c’est caresser la douce illusion que
nous avons encore un zeste d’autonomie décisionnelle dans un système de santé publique qui
se complexifie singulièrement et où la majorité des décisions sont prises loin en amont de
notre activité (ces mêmes décisions qui introduisent potentiellement des erreurs latentes dans
le système, erreurs latentes que nous méconnaissons). Me vient à l’esprit immédiatement la
question si cette autonomie est encore adéquate et souhaitable, vu l’explosion des coûts et des
connaissances. Ceci semble particulièrement sujet à caution, vu notre capacité limitée de
pondérer, de jauger les masses d’informations récoltables aujourd’hui et qui peuvent être
déterminantes dans nos choix. Dans un tel contexte, il est inquiétant de constater que les
médecins ont un problème fondamental à comprendre que les standards sont là pour assurer
une manière de travailler qui soit prédictible et surtout pour anticiper la manière dont les
acteurs du terrain vont agir. Ces standards sont des guides, des balises. Bien entendu, ils ne
nous affranchissent pas d’utiliser nos cerveaux! Ce n’est pas parce qu’il existe des standards
et des balises que l’option de sortir d’un protocole est irrémédiablement proscrite.
Guggisberger, le pilote qui a posé son avion sur la rivière Hudson, a fait la preuve de la
possibilité et de la nécessité dans certaines circonstances de sortir des standards quand la
situation l’impose mais en même temps, il faut analyser et comprendre pourquoi l’on sort des
balises.
Il serait trop simple d’effectuer des coupes sombres dans des domaines qui semblent à
priori non lucratifs, comme la mise en place de ressources humaines et matérielles
suffisantes visant une amélioration continue de la qualité et de la sécurité.
Nous avons évoqué le niveau de responsabilité du leadership académique et le niveau de
responsabilité du leadership clinique. N’oublions surtout pas le niveau de responsabilité du
leadership administratif et en particulier des comités budgétaires, des conseils
d’administration, des CEO et des pouvoirs publics et politiques. Dans un contexte de crise
économique importante, on aurait tendance à réduire les budgets alloués à des activités «non
lucratives». Il serait trop simple d’effectuer des coupes sombres dans des domaines qui
semblent à priori non lucratifs, comme la mise en place de ressources humaines et matérielles
suffisantes visant une amélioration continue de la qualité et de la sécurité. N’oublions surtout
pas que le manque de qualité a un coût. Aux USA, on évoque que les erreurs provenant des
systèmes hospitaliers coûtent annuellement approximativement 30 milliards de dollars. On n’a
aucune idée de l’ampleur de la note dans le contexte de la médecine non hospitalière.
Seulement, faire le lien entre une démarche qualité et une économie potentielle en matière de
santé publique n’est pas forcément une démarche aisée. Toutefois, tous les actionnaires qui
gravitent autour de la problématique de la culture de sécurité – y compris les patients et les
familles – doivent partager cette responsabilité pour ce changement culturel profond.
Sans l’implication du leadership, la démarche qui vise une amélioration continue de la
culture de sécurité dans nos institutions sera un exercice futile!