Une relation à double sens - Serval

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leadership et éthique
dossier spécial ||||||||||
Si les articles sur le thème du leadership ou de l’éthique sont monnaie courante, c’est le plus souvent à l’occasion d’un énième scandale financier ou
politique, scandales où le leadership brille par son absence d’éthique.
Une relation à double sens
Par Philippe
Jacquart
Doctorant HEC
en comportement
organisationnel
philippe.jacquart
@unil.ch
et John
Antonakis
Professeur HEC
en comportement
organisationnel
Vice-doyen
pour la recherche
john.antonakis
@unil.ch
Lorsque leadership et éthique sont associés,
cela permet bien plus que d’éviter ce genre de
scandales. En effet, non seulement l’éthique
est au cœur même d’un leadership efficace,
mais le leadership peut également servir
l’éthique.
Mais qu’entend-on précisément lorsque l’on
évoque ces deux termes ? Le leadership est un
processus d’influence qui résulte des perceptions que l’on a du comportement d’un leader
et des attributions que nous faisons sur la
base des caractéristiques, des comportements
et de la performance du leader en question.
Quand à l’éthique, elle peut se définir comme
la science qui s’intéresse à la morale, c’est-àdire à ce que l’on doit ou ne doit pas faire, à ce
qui est moralement juste ou non.
Le pouvoir est inhérent au leadership et la
question de l’emploi de ce pouvoir est centrale pour comprendre le lien entre l’éthique et
le leadership. En effet, lorsque le pouvoir est
utilisé d’une façon qui n’est pas moralement
juste en étant au service d’intérêts personnels,
il devient synonyme de soumission pour ceux
qui sont influencés par le leadership et les
conséquences pour l’organisation sont désastreuses. En revanche, lorsque le pouvoir est
employé de façon moralement responsable au
service d’intérêts collectifs (on parle dans ce
cas de leadership authentique), le leadership
responsabilise et donne du pouvoir à ceux sur
qui il a une influence et les conséquences
sont alors tout autres. Deux études empiriques, l’une menée par nos soins sur des dirigeants d’entreprises et l’autre sur les présidents américains, ont en effet montré que de
façon générale, chez ces leaders, un fort
besoin de pouvoir couplé avec une propension à utiliser ce pouvoir pour servir autrui
plutôt que leurs intérêts propres prédisait la
performance économique et sociale à long
terme de leurs organisations respectives (l’entreprise/le pays) ainsi que l’absence de crises
au cours des mandats présidentiels. Plus
généralement, la recherche dans le domaine
du leadership a trouvé, par exemple, que l’intégrité du leader est très fortement liée à la
satisfaction au travail des employés, et négativement liée à leur désir de quitter leur
emploi. On a aussi démontré que le leadership authentique a notamment pour conséquence de réduire les comportements déviants au travail, d’augmenter la motivation
des employés et surtout d’améliorer la performance de l’organisation tout entière.
Ces résultats s’expliquent par le rôle et l’impact des leaders dans une organisation. En
effet, les leaders, de par leurs comportements
et les valeurs qu’ils prônent, déterminent les
choix et les résultats de l’organisation. Ils
déterminent également les valeurs et
croyances de l’organisation, ses procédures et
politiques ainsi que la culture d’entreprise. En
plus de cela, les leaders, de par leur statut,
sont pris pour modèle par les autres membres
de l’organisation qui adoptent de façon plus
ou moins forte leurs valeurs et comportements.
Les raisons pour lesquelles un leader éthique
est meilleur que celui qui ne l’est pas sont
également les raisons pour lesquelles le lea-
«
Utiliser le pouvoir pour
servir autrui plutôt que
ses intérêts propres
«
dership peut être important
pour l’éthique. En effet, du fait
de l’impact du leadership sur
l’organisation et ses mem-bres,
celui-ci est à même d’infuser des
valeurs morales dans l’organisation et par ricochet dans la société. Des résultats empiriques ont
en effet démontré que les
employés d’une organisation
adoptent les standards moraux
de celle-ci.
A l’énoncé de tout ce qu’on vient
de lire, on est en mesure de se
demander pourquoi toutes les
entreprises ne sélectionnent pas
leurs dirigeants sur la base de
l’éthique. L’une des raisons est
sûrement que les entreprises
n’ont pas toujours conscience
du rôle de l’éthique ni des bénéfices qu’elle peut apporter. Une
autre raison majeure est que le
pouvoir corrompt. En effet, du
fait du pouvoir qu’ils détiennent,
les leaders deviennent trop sûrs
d’eux-mêmes et doivent donc
résister à la tentation de faire
comme bon leur semble. Certaines caractéristiques personnelles sont dès lors nécessaires
afin de pouvoir exercer un leadership authentique. Le leader
doit être courageux, intègre et
posséder le sens de l’équité et de
la justice. Par ailleurs, de bonnes
lois et de bons règlements peuvent servir de garde-fous contre
un leadership immoral et peuvent encourager les leaders à se
comporter d’une façon qui soit
moralement juste.
L’éthique constitue la fondation
sur laquelle un leadership efficace peut se bâtir et insuffler des
valeurs morales. Si les fondations sont bancales, tout l’édifice
est bancal.
Bulletin HEC 76
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