Université de Provence
Topologie 2
Cours6. Les espaces quotients
Notons RZle relation d’équivalence définie sur Rpar :
x, y R(xRZyxyZ).
La classe d’équivalence d’un réel xest notée x+Zcar c’est l’ensemble
suivant :
{x+n|nZ}.
Rappel. L’espace quotient d’une relation d’équivalence Rdéfinie sur un
ensemble Xest l’ensemble X/R des classes d’équivalences de la relation R.
Notation. L’espace quotient de RZest en fait noté R/Z. En algèbre, quand
Gdésigne un groupe abélien et Hun sous-groupe, on note G/H le quotient
de la relation d’équivalence définie sur Gpar “xyH (exercice : vérifier
que c’est bien une relation d’équivalence).
Définition. Quand Rdésigne une relation d’équivalence définie sur un en-
semble X, on appelle “surjection naturelle associée à la relation R” l’appli-
cation de Xvers le quotient X/R qui associe à tout point de Xsa classe
d’équivalence.
On veut munir l’espace quotient R/Zd’une topologie qu’on appellera
la topologie quotient. On décrète qu’une partie de R/Zsera un ouvert de la
topologie quotient si son image réciproque par la surjection naturelle associée
àRZest un ouvert de R.
Proposition. La topologie quotient est bien une topologie.
Démonstration. On doit vérifier quatre axiomes. Ils découleront tous du
fait que l’image réciproque se comporte bien pour les opérations ensemblistes.
Axiome de réunion : soit (Ui)iIune famille d’ouverts de R/Z. Notons s
la surjection naturelle. Alors :
s1([
iI
Ui) = [
iI
s1(Ui)
car l’image réciproque d’une réunion est la réunion des images réciproques.
Les Uisont des ouverts de R/Zdonc les s1(Ui)sont des ouverts de Rdonc
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leur réunion s1(SiIUi)est aussi un ouvert de Ret donc SiIUiest bien
un ouvert de R/Z.
Les trois autres axiomes se vérifient aussi facilement.
Remarque : ce qu’on vient de démontrer pour la relation RZest en fait
valable pour n’importe quelle relation d’équivalence définie sur un espace
topologique. On peut donc énoncer une proposition plus générale :
Proposition. Soit Run relation d’équivalence sur un espace topologique X.
Notons sla surjection naturelle. Alors on définit une topologie sur X/R en
crétant qu’une partie Ude X/R sera un ouvert de X/R si son image réci-
proque s1= (U)est un ouvert de X. Cette topologie sera appelée la topologie
quotient associée à la relation R.
(La démonstration est la même que pour RZ.)
Remarque. Il découle des définitions que si on munit X/R de la topologie
quotient la surjection canonique sera continue.
Question. Que peut-on dire de la topologie du quotient R/Z? Cet espace
topologique R/Zest-il homéomorphe à un espace connu?
Dans ce cours, on notera fZl’application suivante :
RC
x7→ exp(i2πx).
Remarque. Elle vérifie :
x, y R(xRZyfZ(x) = fZ(y)).
et, par ailleurs, son image est le cercle unité.
Proposition. Il existe une unique application hZde R/Zvers Cqui vérifie
hZ(x+Z) = exp(i2πx)pour tout xR.
De plus cette application hZest injective, son image est le cercle unité et
si on munit R/Zde la topologie quotient l’application hZsera continue.
Démonstration
Unicité de hZ. Soit Cune classe d’équivalence de RZ. On choisit un repré-
sentant xde C. Alors on peut écrire C=x+Zet donc hZ(C)est déterminé
par :
hZ(C) = hZ(x+Z) = exp(i2πx).
Existence de hZ. Soit Cune classe d’équivalence de RZ. On a remarqué
que tous les éléments de Cont la même image par fZ:x7→ exp(i2πx). On
peut donc associer à Ccette image qu’on notera hZ(C). En faisant ça pour
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toutes les classes d’équivalences de RZ, on définit bien une application hZde
R/Zvers R2qui vérifie hZ(x+Z) = exp(i2πx)pour tout xR.
Injectivité de hZ. Soient Cet Cdeux classes ayant la même image
hZ(C) = hZ(C). On choisit deux représentants xet x. Ils vérifieront donc
exp(i2πx) = exp(i2πx). On a remarqué que cette identité impliquait la re-
lation xRZx. Les classes Cet Cde xet de xsont donc égales.
Image de hZ. Les applications fZet hZont la même image car la prmière
est la composée de la seconde et d’une surjection (la surjection naturelle
associée à la relation RZ). L’image de hZest donc le cercle unité.
Continuité de hZ. Soit Uun ouvert de C. Son image réciproque h1
Z(U)est-
elle ouverte? Par définition de la topologie quotient, cela revient à demander
si l’image réciproque de h1
Z(U)par la surjection naturelle sest ouverte.
L’identité fZ=hZsimplique que cette image réciproque s1(h1
Z(U)) est
égale à f1
Z(U)qui est bien un ouvert par continuité de fZ.
Proposition. Soit fune application continue entre deux espaces topolo-
giques Xet Y. On suppose Xmuni d’une relation d’équivalence Rqui véri-
fie :
x, y X(xRy f(x) = f(y)).
Notons sla surjection naturelle associée à R. Alors il existe une unique
application gde X/R vers Yqui vérifie gs=f.
De plus cette application gest injective, son image est celle de fet si on
munit X/R de la topologie quotient l’application gsera continue.
(La démonstration est la même que pour fZet RZ.)
Remarque. On va voir que le quotient d’un espace topologique séparé X
par une relation d’équivalence n’est pas forcément séparé. C’est l’une des
raisons pour lesquelles on s’intéresse parfois à ces topologies étranges que
sont les topologies non séparées.
Notation. On désignera par RQla relation d’équivalence définie sur R
par :
x, y R(xRQyxyQ)
et on notera R/Ql’espace quotient.
Proposition. Le quotient R/Qn’est pas un espace séparé.
Démonstration. On va prouver que les seules parties fermées de ce quo-
tient sont la partie pleine et la partie vide. Supposons par l’absurde qu’il
existe dans R/Qune partie Ffermée non vide et non pleine. Choisissons
deux éléments a+Qet b+Qde R/Q, l’un dans Fet l’autre dans le compé-
mentaire. Notons sla surjection associée à RQ. Alors s1(F)contient le réel
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amais pas le réel b. Par définition de s, la partie s1(F)est une réunion de
classes d’équivalence de la relation R/Q. Cette partie contient donc toute la
classe de a. Or cette classe a+Qest dense dans Rdonc la partie s1(F)sera
dense. Par continuité de s, elle est aussi fermée. “Dense + fermé = Partie
pleine.” Donc s1(F)est la partie pleine, ce qui contredit le fait qu’elle ne
contienne pas le réel b.
On a prouvé que les seules parties fermées de R/Qsont la partie pleine
R/Qet la partie vide et donc les seules parties ouvertes de R/Qsont aussi
la partie pleine et la partie vide. Cela prouve que le quotient n’est pas séparé.
En effet, prenons deux classes distinctes, par exemple la classe de 0(c’est-à-
dire Q) et celle de 2(notée 2 + Q). On ne peut pas trouver d’ouvert de
R/Qcontenant l’une mais pas l’autre puisque les seuls ouverts sont la partie
vide et la partie pleine.
Remarque. On se souvient que tout espace métrique est séparé et l’exemple
de R/Qmontre que le quotient d’un espace métrique n’est pas toujours sé-
paré. “Le quotient d’un espace m’étrique n’est donc pas un espace métrique
(en général)”. Plus pŕécisément on ne pourra pas, en général, si Xest un
espace métrique, définir sur le quotient X/R de Xpar une relation d’équi-
valence R, une distance “quotient” qui induise la topologie quotient.
Question. Notre quotient R/Zest-il séparé?
Proposition. Soient Xet Ydeux espaces topologiques. On suppose Yséparé
et on suppose qu’il existe une application continue injective de Xvers Y.
Alors Xest séparé.
Démonstration. Soient dans Xdeux points distincts aet b. Comme f
est injective, les points f(a)et f(b)sont deux points distincts dans l’espace
séparé Yet donc il existe deux ouverts disjoints Uet Vcontenant respecti-
vement f(a)et f(b). Alors dans Xles deux parties f1(U)et f1(V)sont
disjointes, sont ouvertes (par continuité de f) et contiennent respectivement
aet b.
En appliquant la proposition précédente à l’injection continue hZ, on ob-
tient immédiatement :
Proposition. Le quotient R/Zest séparé.
Proposition. Soient Xet Ydeux espaces topologiques. On suppose Xcom-
pact et Yparé et on suppose qu’il existe une application continue surjective
de Xvers Y. Alors Yest aussi compact.
(On admet ce résultat qui sera démontré dans la leçon sur les espaces
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compacts.)
Proposition. Le quotient R/Zest compact.
Démonstration. On ne peut pas appliquer la proposition précédente à
la surjection naturelle associée à RZcar son espace de départ Rn’est pas
compact.
On l’applique à la restriction de cette surjection à l’intervalle compact
[0,1]. Vérifions les hypothèses. Cette restriction est évidemment continue et
elle est bien surjective car toute classe x+Zcontient un élément de [0,1] et
même de [0,1[ : la partie fractionnaire du réel x. On a par ailleurs vu que l’es-
pace d’arrivée est séparé. On peut bien appliquer la proposition précédente.
Proposition. Soit fune bijection continue entre deux espaces topologiques
Xet Y. On suppose compact l’espace de départ Xet on suppose séparé
l’espace d’arrivée Y. Alors fest un homéomorphisme.
(Ce résultat aussi sera démontré dans la leçon sur les espaces compacts.)
Proposition. Le quotient R/Zest homéomorphe à un cercle.
Démonstration. L’application hZest bien injective et continue. Elle sera
surjective si on restreint l’espace d’arrivée à l’image de hZqui, on s’en sou-
vient, est le cercle unité. L’espace de départ R/Zest compact. On peut donc
appliquer la proposition précédente qui donne un homéomorphisme entre cet
espace de départ et le cercle d’arrivée.
Remarque. Pour conclure, disons que le cercle est loin d’être le seul espace
topologique qu’on puisse identifier à un quotient intéressant. Nous verrons
en TD plusieurs autres exemples : le tore, le ruban de Möbius, la bouteille de
Klein etc.
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