chirurgie thoracique cardio-Vasculaire - 2012 ; 16(1) : 45-48 47
Le 6 mars, nouveau contrôle échographique : fonctionnement
satisfaisant de la bioprothèse malgré une cusp immobile, fuite
transprothétique de grade I, gradient moyen transprothétique
à 14 mmHg, surface fonctionnelle à 2,40 cm2. Le ventricule
droit reste dilaté et de cinétique très altérée, aspect de throm-
bus cave inférieure rétrohépatique, sans signe périphérique.
Compte tenu de la bonne clinique, en dehors de l’asthénie,
la patiente sort finalement sous danaparoïde sodique (Orga-
ran®) et AVK. Le séjour en convalescence se déroule avec
une amélioration constante de l’état général. Le dosage d’an-
ticorps anti-PF4 revient positif. Les contrôles échographiques
successifs montrent une régression progressive des images de
thrombus, qui finiront par disparaître totalement avec norma-
lisation de la fonction ventriculaire droite et de l’aspect de la
bioprothèse.
La patiente est revue en consultation le 27 juillet 2009, avec
ultime contrôle échographique [figure 6] (prothèse normale,
gradient moyen à 7 mmHg, surface à 2,40 cm2, fonction ventri-
culaire droite normale). Elle est en parfait état général, asymp-
tomatique (NYHA I) et a repris une vie normale à son domicile.
2. DISCUSSION
Il existe deux types de thrombopénies induites par l’héparine
(TIH) [3].
Les TIH de type I sont de mécanisme non immunolo-
gique, dues à un effet pro-agrégant direct de l’héparine sur
les plaquettes. La thrombopénie reste en général modérée
(100 g/l), le délai d’apparition est rapide (< 5 jours) et la
normalisation de la numération plaquettaire se fait malgré la
poursuite du traitement. Elle est assez fréquente, elle n’en-
traîne aucune conséquence clinique. Aucun test biologique
n’est nécessaire.
Les thrombopénies induites par l’héparine de type II sont
d’origine immunologique. Lorsque les plaquettes sont acti-
vées, elles libèrent le facteur 4 plaquettaire (PF4) contenu
dans leur granule, dont une partie vient se fixer à leur sur-
face. L’héparine, entre autres, se lie à ces PF4 qui change
alors sa conformation, exposant ainsi à une réaction im-
munologique. Certains patients développent en effet (sans
que l’on sache pourquoi) des anticorps de type IgG contre
le complexe PF4-héparine ainsi formé. Il s’ensuit une for-
mation de complexes immuns, qui se fixent à la surface pla-
quettaire, induisant eux-mêmes la formation de particules
procoagulantes. Ces complexes Ac-Ag peuvent également
activer la cascade de coagulation à l’origine de la formation
de thrombine.
Les seules pathogènes, elles sont une complication rare mais
parfois redoutable en postopératoire. Le risque de CIVD est
important. Leur fréquence varie entre 1 % et 5 % pour les
héparines non fractionnées, 0,1 à 0,2 % pour les héparines de
bas poids moléculaire (HBPM). Elles surviennent entre 7 et
10 jours après l’introduction du traitement héparinique, plus
précocement (quelques heures) si le patient a reçu de l’hépa-
rine dans les 3 à 12 mois qui ont précédé.
Elles sont plus importantes en chirurgies orthopédique
et cardiaque [1]. Leur diagnostic doit être « clinico-biolo-
gique » [2] devant la survenue de thrombose(s) veineuse(s) et/
ou artérielle(s), plus typiques, dans un contexte de thrombo-
pénie majeure et brutale survenant entre J5 et J10 après une
intervention chirurgicale.
Leur diagnostic biologique n’est pas aisé :
• test d’agrégation in vitro, plaquettes d’un donneur témoin
+ sérum patient + héparine et appréciation de l’agrégation.
Sensibilité faible ;
• recherche d’anticorps antiPF4, par méthode ELISA. Dé-
tecte à la fois les IgG, mais aussi IgA et M, alors que seules
les IgG sont spécifiques. La technique en phase liquide ne
détecte que les IgG, donc plus sensible ;
• test de référence : test de libération de la sérotonine mar-
quée au 14C. Des plaquettes témoins sont incubées avec la
sérotonine marquée, puis mises en contact avec le sérum à
tester, à différentes concentrations d’héparine. Si présence
d’anticorps : activation des plaquettes avec libération du
radiomarqueur. On mesure alors la radioactivité du surna-
geant. Grande sensibilité et spécificité.
Traitement [6] :
• arrêt immédiat de l’héparine, fractionnée ou non ;
• anticoagulation efficace par danaparoïde sodique (Orga-
ran®), à activité anti-Xa, ou par hirudine, à activité anti-
thrombinique ;
• antivitamine K, jamais sans un autre traitement anti-
coagulant.
Figure 6. Échographie 27 juillet 2009. Disparition du thrombus
(en haut) ; bonne visualisation des trois cusps prothétiques (en bas).