Non-compaction du ventricule gauche

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Non-compaction du ventricule gauche
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D. Messika-Zeitoun*
DÉFINITION
La non-compaction du ventricule gauche (NCVG) est une cause
rare de cardiomyopathie de description relativement récente (1).
Elle est liée à un défaut d’accolement des fibres musculaires
cardiaques (“compaction”) débutant normalement entre la
5e et la 8e semaine d’embryogenèse. Ce défaut d’accolement est
responsable de la persistance de nombreux récessus (figure 1)
au niveau de segments hypertrophiés et souvent hypokinétiques.
Normalement, les fibres musculaires s’accolent, se condensent,
et les récessus sont comblés par le réseau capillaire. Une atteinte
ventriculaire droite (VD) est possible, mais nos moyens actuels
ne permettent pas de différencier les trabéculations normales
du VD, souvent importantes, des trabéculations pathologiques
d’une non-compaction étendue au VD.
ÉPIDÉMIOLOGIE
Sa prévalence semble nettement plus importante chez l’enfant
que chez l’adulte : elle représenterait chez l’enfant la troisième
cause de cardiomyopathie après les cardiopathies dilatées et
hypertrophiques (2). Sa prévalence exacte chez l’adulte n’est pas
connue, mais semble faible. La NCVG touche préférentiellement les sujets jeunes ou d’âge moyen, avec une prédominance
masculine (environ 2 cas sur 3). Des formes familiales ont été
rapportées, mais la majorité des cas semblent sporadiques. Les
anomalies génétiques potentiellement à l’origine de la NCVG
sont mal caractérisées. Une association à des maladies neuromusculaires a également été rapportée (3). La NCVG peut également être associée à d’autres anomalies congénitales, mais on
parle alors de non-isolated left ventricular noncompaction.
Vocabulaire
V ocabulaire
TABLEAU CLINIQUE
Manifestations cliniques
La triade insuffisance cardiaque, arythmie et accident embolique
chez un sujet avec dysfonction ventriculaire gauche est très
évocatrice de NCVG. Le tableau clinique est souvent variable,
allant d’une découverte fortuite à un tableau d’insuffisance
cardiaque réfractaire ou à un AVC massif. Il dépend de l’étendue
de l’atteinte myocardique et du délai entre le début des signes
cliniques et le diagnostic de la maladie. Les arythmies peuvent
se voir aux deux étages, auriculaire et ventriculaire (à l’origine
de morts subites). Les accidents emboliques peuvent être liés
à plusieurs mécanismes : formation de thrombus au sein des
récessus, dysfonction VG et fibrillation auriculaire.
Examens complémentaires
• L’ECG montre le plus souvent des anomalies non spécifiques.
• L’échographie cardiaque est l’examen clé du diagnostic
(figure 2). Les critères diagnostiques sont présentés dans le
tableau I (4). Une atteinte diffuse peut aboutir à une dysfonction VG sévère. Le diagnostic de NCVG peut être effectué par
défaut, mais également par excès (tableau II).
Figure 1. Aspect macroscopique (nécropsie) et histologique. D’après (6).
* Service de cardiologie, hôpital Bichat, Paris.
La Lettre du Neurologue - Vol. XI - n° 5 - mai 2007
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Vocabulaire
V ocabulaire
• L’IRM peux compléter l’échographie. Les critères diagnostiques sont similaires à ceux de l’échographie, et sa place reste
encore à définir.
• Histologie : la NCVG n’est associée à aucune anomalie histologique spécifique. L’analyse histologique montre l’organisation
en bicouche et les récessus (figure 1).
A
HISTOIRE NATURELLE – PRONOSTIC – TRAITEMENT
Le pronostic de la NCVG semble péjoratif, avec un tiers de décès
(5) à 4 ans (dont une moitié de morts subites) et un taux élevé
d’insuffisance cardiaque et d’accidents emboliques. Toutefois,
le diagnostic étant souvent effectué tardivement, le pronostic
réel de la NCVG n’est pas connu.
Le traitement est avant tout symptomatique. Un traitement
anticoagulant prophylactique est recommandé pour prévenir
les complications emboliques. Un défibrillateur implantable doit
également être discuté, mais ses indications dans la NCVG ne
sont pas clairement établies. Les patients doivent être régulièrement suivis pour ne pas laisser passer l’heure d’une éventuelle
transplantation. Du fait de la gravité de la maladie, un screening
des parents au premier degré est recommandé par certains.
CONCLUSION
B
Figure 2. Aspect échographique.
A : incidence parasternale petit axe. B : incidence 4 cavités.
Noter le remplissage des récessus en Doppler couleur (flèche).
La NCVG est une forme rare de cardiomyopathie, de description récente, liée à un défaut d’accolement des fibres musculaires myocardiques durant l’embryogenèse. Le tableau clinique
dépend de la sévérité de l’atteinte musculaire, et associe classiquement insuffisance cardiaque (dysfonction VG associée),
arythmies auriculaires et ventriculaires (à l’origine de morts
subites) et accidents emboliques. L’échographie est l’examen
clé ; elle affirme le diagnostic (mise en évidence des récessus)
et apporte des éléments pronostiques (étendue de la maladie
et fonction systolique). Le traitement de la NCVG est symptomatique. Un traitement anticoagulant prophylactique est
recommandé pour prévenir les complications emboliques. La
place du défibrillateur implantable reste à définir, et les patients
doivent être très régulièrement suivis pour ne pas laisser passer
l’heure d’une éventuelle transplantation.
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Richardson P, McKenna W, Bristow M et al. Report of the 1995 World Health
Tableau I. Critères diagnostiques échographiques (figure 2).
» Absence de maladie du myocarde associée (en particulier cardiopathie
hypertensive)
» Structure en bicouche, avec une couche fine épicardique et une couche
plus épaisse endocardique, non compactée. Classiquement le rapport entre
épaisseur systolique et couche endocardique/épicardique est > 2
» Prédominance des lésions au niveau de l’apex et de la portion médioventriculaire des parois inférieure et latérale
» Communication des récessus avec la cavité ventriculaire gauche
Tableau II. Diagnostics différentiels échographiques.
»
»
»
»
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Cardiopathie hypertrophique, en particulier apicale
Fibrose endomyocardique
Faux tendons intraventriculaires gauches
Thrombus et autres masses apicales
Organization/International Society and Federation of Cardiology Task Force on the
Definition and Classification of Cardiomyopathies. Circulation 1996;93:841-2.
2. Pignatelli RH, McMahon CJ, Dreyer WJ et al. Clinical characterization
of left ventricular noncompaction in children: a relatively common form of
cardiomyopathy. Circulation 2003;108:2672-8.
3. Stollberger C, Finsterer J, Blazek G. Left ventricular hypertrabeculation/
noncompaction and association with additional cardiac abnormalities and
neuromuscular disorders. Am J Cardiol 2002;90:899-902.
4. Jenni R, Oechslin E, Schneider J, Attenhofer Jost C, Kaufmann PA.
Echocardiographic and pathoanatomical characteristics of isolated left
ventricular non-compaction: a step towards classification as a distinct
cardiomyopathy. Heart 2001;86:666-71.
5. Oechslin EN, Attenhofer Jost CH, Rojas JR, Kaufmann PA, Jenni R. Long-term
follow-up of 34 adults with isolated left ventricular noncompaction: a distinct
cardiomyopathy with poor prognosis. J Am Coll Cardiol 2000;36:493-500.
6. Lofiego C, Biagini E, Ferlito M et al. Paradoxical contributions of noncompacted and compacted segments to global left ventricular dysfunction in
isolated left ventricular noncompaction. Am J Cardiol 2006;97:738-41.
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