FAIT CLINIQUE Apport de l’IRM dans le diagnostic de la non compaction du ventricule gauche : à propos de deux cas. (MRI in the diagnosis of left ventricular non-compaction: two cases report.) Diop A D (1), Cassagne L (2), ALFIDJA A (2), GageanuC (2), DiopA N (1), Chabrot P (2), Boyer L (2). (1) Service de radiologie CHU de Fann : Avenue Cheikh Anta DIOP BP 5035 Dakar,Sénégal (2) Service de Radiologie B, CHU Gabriel MONTPIED : 58 Rue Montalembert,63003, Clermont-Ferrand, France. RESUME La non compaction du ventricule gauche (NCVG) est une cardiomyopathie génétique sous diagnostiquée car très peu connue. Nous rapportons deux cas de NCVG diagnostiqués à l’IRM chez des patients de 40 ans et 61 ans adressés pour altération de la fonction cardiaque à l’échocardiographie. L’IRM objectivait chez les deux patients un aspect de double couche myocardique, une interne non compactée présentant de nombreuses trabéculations et une externe compactée, mince avec un rapport myocarde non compacté sur myocarde compacté en diastole supérieur à 2,3 compatible avec une NCVG. Mots clés : Non compaction du ventricule gauche ; Cardiomyopathie génétique ; IRM. ABSTRACT: The non-compaction of the left ventricle (NCVG) is an underdiagnosed and rare genetic cardiomyopathy. We report two cases of NCVG diagnosed on MRI in patients 40 years and 61 years referred for alteration of cardiac function on echocardiography.MRIshowedin both patientsadouble aspectof myocardiallayer, an internal uncompressedwithmanytrabeculaeand an externalcompacted,thin with a myocardium comparedtonon-compacted and compactedgreater than 2,3 atdiastole compatible with NCVG. Key words: Left ventricular non-compaction; Genetic cardiomyopathy; MRI Adresse hôpital d’étude : Service de Radiologie B, CHU Gabriel MONTPIED, 58 Rue Montalembert, 63003, ClermontFerrand, France. Correspondance et tiré à part Dr Abdoulaye Dione DIOP, service de radiologie CHU de Fann : Avenue Cheikh Anta DIOP BP 5035 Dakar, Sénégal Tel : 0022177608882/00221708776151 Mail : [email protected] J Afr Imag Méd 2014; 6 (3):50-55 A Dione DIOP et al INTRODUCTION La non compaction du ventricule gauche (NCVG) est une variété relativement rare de cardiomyopathie, encore assez peu reconnue [1]. Il s'agit d'une cardiopathie congénitale liée à un arrêt de développement prématuré du myocarde, conduisant à un aspect de double couche myocardique : une externe compacte mince et une interne non compactée, constituée de formations cryptiques avec hypertrabéculations. Nous rapportons deux observations de NCVG diagnostiquées à l’IRM chez des adultes. OBSERVATION 1 Il s’agissait d’un patient de 61 ans sans facteur de risque cardiovasculaire, suivi depuis 2004 pour une cardiomyopathie hypertrophique découverte devant des troubles de la dépolarisation à l’électrocardiogramme. Il a bénéficié d’une échocardiographie dans le cadre d’un bilan de suivi de sa cardiomyopathie qui montrait un ventricule gauche non dilaté mais hypokinétique de manière globale avec une fraction d’éjection du ventricule gauche estimée à 50%. Devant ce tableau une IRM cardiaque a été demandée en complément pour une meilleure évaluation de la fonction ventriculaire gauche. L’IRM a été réalisée avec une machine siemens avanto 1.5 Tesla selon le protocole suivant : Acquisition axiale SE T1 (black blood) sur l'ensemble du médiastin, EG T1 et Ciné 3D en coupes de 7 mm jointives sur les plans du long axe du VG, des 4 cavités et du petit axe du VG. Etude de la perfusion de premier passage après 1ere dose de Dotarem et du rehaussement tardif à 10 minutes après injection d’une deuxième dose de Dotarem à raison de 0.2ml/Kg de poids corporel. Elle retrouvait une fonction ventriculaire gauche relativement conservée avec une fraction d'éjection mesurée à 55 %. Les volumes indexés télésystolique et télédiastolique étaient respectivement à 64 ml/m2 en et 23 ml/m2. Il n’y avait pas de trouble de la cinétique segmentaire. En revanche, l’analyse morphologique retrouve un aspect trabéculé du myocarde sous endocardique, avec un aspect de double couche (fig. 1): une couche externe compactée de 5 mm d’épaisseur et une couche interne non compactée de 12 mm d’épaisseur. Cet aspect répondait aux critères diagnostics de non compaction ventriculaire avec un ratio myocarde non compacté sur myocarde compacté de 2.4 endiastole. L’étude du rehaussement tardif ne retrouvait pas de prise de contraste tardive notamment en sous endocardique. Il n’y avait pas de thrombus intra cavitaire. OBSERVATION 2 Il s’agit d’une patiente de 40 ans sans antécédents particuliers, suivie depuis l'enfance pour des troubles du rythme ventriculaire en rapport avec une cardiomyopathie étiquetée hypertrophique avec hypertrophie septo-apicale, traitée par bêtabloquants jusqu'à l'âge de 32 ans. Son dernier bilan était favorable avec seulement des extra systoles supra ventriculaires et ventriculaires au Holter. Elle était quasiment asymptomatique avec quelques perceptions extrasystoliques. L'examen physique était normal avec une tension artérielle à 108/65 mm Hg. L'ECG retrouvait un rythme sinusal à 76 battements/mn avec des troubles de la repolarisation dans le territoire inférieur et latéral avec axe QRS à -60. L'échocardiographie Doppler objectivait un aspect d'épaississement apico-septal avec au niveau de la pointe un aspect de myocarde non compacté. La fraction d'éjection globale du VG J Afr Imag Méd 2014; 6 (3):50-55 A Dione DIOP et al était peu diminuée à 50% avec fraction de raccourcissement à 25%. L'IRM cardiaque réalisée en complément retrouvait une fraction d'éjection du ventricule gauche à 55% avec des volumes télédiastolique et télésystolique indexés à 64 ml/m² et 30 ml/m². Par contre l'analyse morphologique retrouvait un aspect global de trabéculation à l'apex persistant au delà de l'insertion distale des piliers valvulaires compatible avec une non compaction isolée du ventricule gauche dans sa forme mineure (fig.2). Ailleurs il n'était pas noté d'anomalie de la cinétique segmentaire, du rehaussement tardif ou de thrombus intra cavitaire. TABLEAU Tableau 1 : Critères diagnostiques pour la NCIV du myocarde par Oechslin et coll. 1. absence d'anomalies cardiques coexistantes (autre que 2-4 ci-dessous) par définition 2. structure typique du myocarde à deux couches avec une bande (épicarde) mince extérieure compactée et une couche (endocarde) intérieure non compactée beaucoup plus épaisse comprenant un réseau trabéculaire avec des espaces endocardiques profonds (le rapport télésystolique maximal entre le myocarde non-compacté et le myocarde compacté > 2 est caractéristique). Mesure du court axe parasternal en télésystole. 3. localisation segmentaire prédominante de l'anomalie dans la région apicale et moyenne de la paroi inférieure et latérale. 4. ligne à l'échographie doppler couleur de récessus intertrabéculaires profondément perfusés (sans communication avec la circulation coronarienne) Fig.1 : IRM cardiaque : EG T2 dans les trois plans de référence (petit axe VG (1), long axe VG (2) et 4 cavités (3)) retrouve cette aspect de double couche myocardique, une interne non compactée avec de multiples trabéculations (flèches droites) et une externe compacte (flèche courbe). Fig.1: Cardiac MRI: EG T2 weighed acquisitions in the short and long axis of left ventricle and four chambers view depict multiple prominent ventricular trabeculations of the inner layer (right arrow) and a thin compacted outer band (curved arrow). Fig 2 : IRM cardiaque EG T2 dans le plan des 4 cavités (1) et du petit axe du VG (2) retrouve un aspect de double couche, hypertrabéculation au niveau de l'apex et du tiers moyen (flèches). Figure 2: Cardiac MRI: EG T2 weighed acquisitions in the 4 chambers view (1) and in the short axis of the left ventricle (2): prominent apical trabeculation (arrows). J Afr Imag Méd 2014; 6 (3):50-55 A Dione DIOP et al DISCUSSION La non-compaction ventriculaire a été décrite pour la première fois chez une femme âgée de 33 ans par Engberding et al. en 1984[2]. Elle a été classée récemment comme une cardiomyopathie génétique causée par une anomalie de l’embryogenèse de l’endocarde et du myocarde in utero[3], avec un myocarde en double couche, une externe compactée et une interne composée de trabéculations ventriculaires proéminentes avec de profonds récessus inter-trabéculaires. Les zones les plus fréquemment atteintes sont l’apex du VG et les parois latérale et inférieure du tiers moyen. Cela s’explique par le fait que sur plan embryologique, la compaction se fait de la base vers l’apex, de l’épicarde vers l’endocarde et du septum vers la paroi libre du VG. Elle peut être isolée ou associée à diverses anomalies cardiaques, telles qu’une obstruction de la voie de chasse ventriculaire droite ou gauche, une cardiopathie congénitale cyanotique complexe et des anomalies coronariennes. Cependant, par définition, la non compaction isolée du ventricule gauche (NCVI) survient en l’absence d’autres anomalies cardiaques coexistantes [4]. Sur le plan génétique on distingue deux formes [3] : une familiale plus souvent diagnostiquée à l’enfance en rapport avec une mutation du gène G4.5 situé sur la région chromosomique Xq28 et une sporadique rencontrée chez l’adulte de transmission autosomique dominante. Les manifestations cliniques de cette maladie sont assez diverses et le diagnostic est souvent retardé en raison de la connaissance limitée de ses caractéristiques d’imagerie et cliniques [5]. Ses circonstances de découverte sont extrêmement variables allant d’un diagnostic échocardiographique accidentel sans symptômes à une insuffisance cardiaque incapacitante. Souvent, les raisons de l’orientation vers un cardiologue chez les patients qui recevront finalement un diagnostic de NCVI incluent une insuffisance cardiaque inexpliquée, certaines observations échocardiographiques, des palpitations ou un essoufflement à l’effort Les trois tableaux cliniques les plus fréquents incluent l’insuffisance cardiaque, les arythmies et les événements emboliques [3]. D’autres symptômes présentés incluent les douleurs thoraciques et la syncope [6]. Traditionnellement, le diagnostic de NCVI est fondé sur une échocardiographie en mode 2D et est caractérisé par la présence de nombreuses trabéculations proéminentes avec des récessus profonds dans des segments hypertrophiés et souvent hypokinétiques du VG. Les zones les plus fréquemment atteintes sont l’apex du VG, les parois latérale et inférieure du tiers moyen (figure 2) [3]. Les critères échocardiographiques les plus fréquemment utilisés pour le diagnostic de la NCVI chez les adultes sont conformes à la proposition d’Oechslin (tableau 1) [3]. Toutefois Kohli et al [7] ont montrés qu'il y avait une trop grande sensibilité des critères échographiques. En effet dans leur série 23,6% des patients explorés par échocardiographie pour altération systolique du VG avait un ou plusieurs des critères échographiques de la NCVI. Devant ces constations l’IRM s’est imposée comme l’examen de référence dans le diagnostic de la NCVI. Elle a non seulement un rôle diagnostic mais également pronostic. Du fait de sa plus grande résolution spatiale elle permet de détecter les formes subtiles de NCVI comme chez notre second patient. Elle évalue le pronostic en fournissant des données sur la fonction cardiaque, la perfusion myocardique, le degré de fibrose myocardique, l’identification des thrombi ventriculaires et recherche les diagnostics alternatifs. Les constatations à l’IRM dans le cas d’une NCVI incluent : J Afr Imag Méd 2014; (6), 3: 50-55 A Dione DIOP et al De nombreuses trabéculations excessives dans le ventricule gauche avec une atteinte prédominante des segments apicaux et moyen des parois latérale et inférieure [3] Un amincissement de la paroi du VG lors de la diastole La présence d’un myocarde structuré en deux couches avec un rapport myocardique en phase diastolique entre la surface compactée et la surface non compactée > 2,3 [8]. Toutefois le calcul de la masse ventriculaire gauche trabéculée par la formule suivante reste le meilleur critère diagnostic de la NCVI [9]: [(Masse du ventriculaire gauche globale - la masse ventriculaire gauche compacté) / la masse ventriculaire gauche global] A. Jacquier et al rapportent dans leur étude comparative entre NCVI, cardiomyopathie dilatée, cardiomyopathie hypertrophique et des sujets témoins sains que le pourcentage de masse trabéculée était trois fois plus élevé chez les patients atteints de NCVI que chez les autres et représentait 20% de la masse ventriculaire gauche globale avec une sensibilité et une spécificité de 93.7% [9]. Le pronostic de la NCVI est imprécis. Les patients pourraient demeurer longtemps asymptomatiques en évolution très progressive sans complications emboliques ni arythmies ventriculaires. Aras et al rapportent dans leur étude réalisée chez des adultes que 43% de leurs patients avaient présenté une baisse progressive de la fraction d’éjection ventriculaire gauche au cours d’une période de trois ans [6]. Le pronostic de NCVI est plus lié à la gravité de la dysfonction systolique sous-jacente qui favorise la formation de thrombi intra cavitaires, qui associés aux troubles du rythme peuvent occasionner des accidents thromboemboliques majeurs intéressant les systèmes cérébro vasculaire, pulmonaire, vasculaire périphérique ou mésentérique. La prise en charge thérapeutique n’est pas codifiée. Elle est tout d’abord symptomatique. L’approche préventive est très discutée. L’intérêt des anticoagulants s’avère nécessaire en cas de haut risque d’accident thromboembolique. L’implantation systématique d’un défibrillateur devant le risque arythmique reste à évaluer. La transplantation cardiaque, surtout chez le sujet jeune, n’est pas une recommandation communément admise. Toutefois, en cas d’échec du traitement médical la mise en place de pacemaker ou même une transplantation cardiaque doit être considérée [3]. Enfin, les membres de la famille de premier degré de tous les patients ayant reçu un diagnostic de NCVI devraient subir un échocardiogramme de dépistage. CONCLUSION La NCVI est un trouble congénital génétique rare causé par la dysfonction du processus de compaction embryogénique du myocarde normal. Son tableau clinique est extrêmement variable, allant du diagnostic échocardiographique accidentel à l’insuffisance cardiaque symptomatique, à la thrombo-embolie et à l’arythmie. Les principales modalités diagnostiques sont l’échocardiogramme 2D et l’IRM, toutes deux ayant des critères diagnostiques clairement définis. Le dépistage des parents de premiers degrés est recommandé. J Afr Imag Méd 2014; 6 (3):50-55 A Dione DIOP et al REFERENCES 1. 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