Le chapitre 3 de mon cours de topologie algébrique : Groupoïdes fondamentaux et revêtements. Les différences avec le cours 2012 se trouvent dans les sections 3.7 et 3.8. Chapitre 3 Groupoïdes fondamentaux et revêtements 3.1 Chemins ☞ 122 Définition. Soit X un espace topologique, a et b deux points de X. Un « chemin (de X) de a à b » est une application continue γ : [u, u + l] → X (où u et l sont deux réels et 0 ≤ l), telle que γ(u) = a et γ(u + l) = b. Le réel l est appelé la « longueur » du chemin γ (qui peut être nulle). Si u = 0 et l = 1, on dit que le chemin γ : [0, 1] → X est « standard ». Si γ : [u, u + l] → X est un chemin quelconque, le chemin standard γ défini par γ(s) = γ(u + sl) est appelé le « standardisé de γ ». Les points a et b sont appelés respectivement l’« origine » et l’« extrémité » de γ. a et b seront aussi appelés « les extrémités de γ ». Il est clair que tout chemin a les mêmes extrémités (et la même image) que son standardisé. ☞ 123 Définition. Soient γ : [u, u + l] → X et δ : [x, x + k] → X deux chemins d’un espace topologique X. On dit que « δ est concaténable à γ » si l’origine de δ est l’extrémité de γ (i.e. δ(x) = γ(u + l)). Si tel est le cas, la concaténation γ �δ : [u, u + l + k] → X est le chemin défini par (γ �δ)(s) = � si s ∈ [u, u + l] si s ∈ [u + l, u + l + k] γ(s) δ(s − u − l + x) L’application γ �δ est bien définie car pour u + l ≤ s ≤ u + l + k, on a x ≤ s − u − l + x ≤ x + k, et γ(u + l) étant égal à δ(x), le théorème 468 (page 99 100 3. Groupoïdes fondamentaux et revêtements 394) montre que γ �δ est une fonction continue. Noter également que si deux chemins sont concaténables, il en est de même de leurs standardisés (puisque la standardisation ne modifie pas les extrémités). ☞ 124 Lemme. La concaténation des chemins est associative, et les chemins de longueur nulle sont neutres pour la concaténation. Démonstration. Soient γ : [u, u + l] → X, δ : [x, x + k] → X et � : [y, y + m] → X trois chemins de X, tels que γ(u + l) = δ(x) et δ(x + k) = �(y). La définition 123 nous donne ((γ �δ)��)(s) = γ(s) δ(s − u − l + x) �(s − u − l − k + y) si s ∈ [u, u + l] si s ∈ [u + l, u + l + k] si s ∈ [u + l + k, u + l + k + m] Par ailleurs, elle donne (δ ��)(s) = � δ(s) �(s − x − k + y) si s ∈ [x, x + k] si s ∈ [x + k, x + k + m] et comme (s − u − l + x) − x − k + y = s − u − l − k + y, on voit que ((γ �δ)��)(s) = (γ �(δ ��))(s). L’assertion concernant les chemins de longueur nulle est triviale. ❏ En conséquence, pour toute paire topologique (X, A), on a une catégorie Chem(X, A) des « chemins de X relatifs à A ». Les objets de Chem(X, A) sont les éléments de A, et les flèches de a ∈ A vers b ∈ A sont les chemins de a à b. La composition des flèches est la concaténation des chemins et le chemin de longueur nulle en a ∈ A, est l’identité de a. ☞ 125 Lemme. Chem est un foncteur (covariant) de la catégorie Top2 des paires topologiques vers la catégorie Cat des petites catégories. Démonstration. On a déjà construit Chem sur les objets. Soit f : (X, A) → (Y, B) une application continue. Si γ : [u, u + l] → X est un chemin de X de a ∈ A à b ∈ A, le composé f ◦ γ : [u, u + l] → Y est un chemin de f (a) ∈ B à f (b) ∈ B. Il est immédiat que cette correspondance préserve la concaténation et les chemins de longueur nulle. ❏ ☞ Exercice 24. En remarquant que Chem(f ) : Chem(X, A) → Chem(Y, B) préserve la longueur des chemins, montrer que Chem n’a pas d’adjoint à gauche. Montrer que Chem n’a pas non plus d’adjoint à droite. Montrer que Chem préserve quand-même les produits et les sommes. ☞ 126 Définition. Soit X un espace topologique, a et b deux points de X, γ : [u, u + l] → X et δ : [x, x + k] → X deux chemins de a à b (on a donc 101 3.1. Chemins γ(u) = δ(x) = a et γ(u + l) = δ(x + k) = b). On dit que « γ est homotope à δ » s’il existe une application continue (appelée une « homotopie de γ à δ ») h : [0, 1] × [0, 1] → X telle que h(0, s) h(1, s) h(t, 0) h(t, 1) = = = = γ(u + sl) δ(x + sk) a b pour tout s ∈ [0, 1] pour tout s ∈ [0, 1] pour tout t ∈ [0, 1] pour tout t ∈ [0, 1] ☞ 127 Lemme. Tout chemin est homotope à son standardisé. Démonstration. Soit γ : [u, u + l] → X un chemin, et δ : [0, 1] → X son standardisé. On a δ(s) = γ(u + sl) pour tout s ∈ [0, 1]. Il suffit de poser h(t, s) = γ(u + sl). On a alors en effet : h(0, s) h(1, s) h(t, 0) h(t, 1) = = = = γ(u + sl) γ(u + sl) = δ(s) = δ(0 + s × 1) γ(u) = a γ(v) = b ❏ ☞ 128 Remarque. On peut éventuellement s’étonner du fait que l’homotopie h de la démonstration précédente ne fasse pas intervenir t. La raison est qu’une homotopie entre deux chemins est juste par définition une homotopie entre leurs standardisés. Du point de vue de l’homotopie, un chemin est donc essentiellement indiscernable de son standardisé, ce qui fait que l’homotopie de la démonstration précédente est « constante par rapport à t ». ☞ 129 Définition. Un chemin γ : [u, u + l] → X d’un espace topologique X est dit « constant » si γ est une application constante. On a dans ce cas γ(s) = a (où a est un point de X) pour tout s ∈ [u, u + l]. Les extrémités d’un tel chemin sont a et a. Le standardisé d’un chemin constant est évidemment constant. Si un chemin γ : [u, u + l] → X est tel que l = 0 (ce qui est permis par la définition 122), et si γ(u) = a, il est le « chemin de longueur nulle en a » et il est bien sûr constant. ☞ 130 Lemme. Soit X un espace topologique, a et b deux points de X. L’homotopie entre chemins de a à b est une relation d’équivalence. Démonstration. On a vu que deux chemins sont homotopes si et seulement si leurs standardisés sont homotopes. Il suffit donc de démontrer que l’homotopie est une relation d’équivalence entre chemins standard. Mais ceci résulte immédiatement du lemme 108 (page 84) appliqué aux triades ([0, 1], {0}, {1}) et (X, {a}, {b}). ❏ 102 3. Groupoïdes fondamentaux et revêtements Bien sûr, deux chemins qui ont le même standardisé sont homotopes. ☞ 131 Lemme. L’homotopie est une congruence sur la catégorie Chem(X, A). Démonstration. Il s’agit de montrer que si les chemins γ et γ � de a à b sont homotopes, et si les chemins δ et δ � de b à c sont homotopes, alors les chemins γ �δ et γ � �δ � (de a à c) sont homotopes. Soit h1 une homotopie de γ à γ � et h2 une homotopie de δ à δ � . On a h1 (0, s) h1 (1, s) h1 (t, 0) h1 (t, 1) = = = = γ(u + sl) γ � (u� + sl� ) a b h2 (0, s) h2 (1, s) h2 (t, 0) h2 (t, 1) = = = = δ(x + sk) δ � (x� + sk � ) b c Il suffit de poser h(t, s) = h1 (t, 2s) pour s ∈ [0, 12 ] et h(t, s) = h2 (t, 2s − 1) pour s ∈ [ 12 , 1]. Pour s = 12 , on a h1 (t, 2s) = b = h2 (t, 2s − 1). La fonction h est donc bien définie et continue sur [0, 1] × [0, 1]. Par ailleurs, c’est une homotopie de ❏ γ �δ à γ � �δ � . En particulier, on voit que bien que le standardisé d’une concaténation γ �δ ne soit pas la concaténation des standardisés de γ et δ (puisque le premier est défini sur [0, 1] et la seconde sur [0, 2]), ces deux chemins sont homotopes. ☞ 132 Lemme. Soit f : (X, A) → (Y, B) une application continue. Si les chemins γ et δ de a ∈ A à b ∈ A sont homotopes, il en est de même des chemins f ◦ γ et f ◦ δ. Démonstration. Comme une homotopie entre chemins est une homotopie entre leurs standardisés, ceci résulte immédiatement du lemme 109 (page 84). ❏ Soient γ : [u, u+l] → X un chemin de a à b d’un espace topologique X. On pose γ −1 (s) = γ(2u + l − s). Noter que γ −1 est bien défini, car pour si u ≤ s ≤ u + l, on a u ≤ 2u+l−s ≤ u+l. De plus γ −1 (u) = γ(u+l) = b et γ −1 (u+l) = γ(u) = a. L’origine de γ −1 est donc l’extrémité de γ et réciproquement. γ −1 est appelé le « chemin inverse de γ ». ☞ 133 Lemme. Pour tout chemin γ de a à b dans un espace topologique X, γ �γ −1 est homotope au chemin de longueur nulle en a et γ −1 �γ est homotope au chemin de longueur nulle en b. Démonstration. Soit γ : [u, u + l] → X un chemin de a à b de X. 103 3.2. Le groupoïde fondamental Π(X, A) s a γ −1 a γ a t On définit une homotopie h en posant h(t, s) = γ(u + 2sl) h(t, s) = γ(u + (1 − t)l) h(t, s) = γ(u + (2 − 2s)l) si 2s ≤ 1 − t (triangle inférieur) si 1 − t ≤ 2s ≤ 1 + t (triangle médiant) si 1 + t ≤ 2s (triangle supérieur) Pour 2s = 1 − t, on a γ(u + 2sl) = γ(u + (1 − t)l), et pour 2s = 1 + t, on a γ(u + (1 − t)l) = γ(u + (2 − 2s)l). On a donc une fonction continue h bien définie sur [0, 1] × [0, 1], qui prend par ailleurs sur les bords du carré les ❏ valeurs indiquées sur le dessin. On traite de même le cas de γ −1 �γ. 3.2 Le groupoïde fondamental Π(X, A) Il résulte du lemme 133 que le quotient de la catégorie Chem(X, A) par la congruence d’homotopie est un groupoïde. ☞ 134 Définition. Soit (X, A) une paire topologique. Le groupoïde quotient de Chem(X, A) par la relation d’homotopie est appelé le « groupoïde fondamental de X relatif à A » et noté Π(X, A). Dans le cas où A = X, il est appelé le « groupoïde fondamental de X ». Pour tout point a ∈ X, Π(X, {a}) est noté π1 (X, a) et appelé le « groupe fondamental de X en a ». On verra plus loin des exemples pour lesquels le groupe π1 (X, a) n’est pas commutatif. ☞ 135 Lemme. Soit (X, A, B) un triplet topologique (B ⊂ A ⊂ X). Alors Π(X, B) est la sous-catégorie pleine de Π(X, A) dont les objets sont les éléments de B. En particulier, on voit que pour a ∈ A, π1 (X, a) est le groupe des automorphismes de a dans le groupoïde Π(X, A). Démonstration. C’est une conséquence immédiate du fait que Π(X, A)(a, b) ne dépend que de X, a et b, et non pas de A. ❏ 104 3. Groupoïdes fondamentaux et revêtements ☞ 136 Lemme. Soient (X, A) et (Y, B) des paires topologiques, f : (X, A) → (Y, B) un morphisme entre elles. Alors f induit un morphisme de groupoïdes Π(f ) : Π(X, A) → Π(Y, B), et Π devient ainsi un foncteur de Top2 vers Grpd. Démonstration. C’est une conséquence immédiate du lemme 132 (page 102). ❏ ☞ 137 Lemme. Si l’espace topologique X est contractile, Π(X, A) est simplement connexe pour toute partie non vide A de X. Démonstration. Rappelons que Π(X, A) est simplement connexe (définition 26 (page 33)) si et seulement si il n’y a pas dans Π(X, A) plus d’une flèche entre deux objets. Comme X est connexe par arcs, Π(X, A) est connexe, et il suffit de montrer que pour au moins un point a de A, Π(X, A)(a, a) est un singleton, et pour cela, il suffit en fait de montrer que π1 (X, a) = 0 pour au moins un point de X (peu importe qu’il soit on non dans A). Comme X est contractile, l’identité de X est homotope à l’application constante qui envoie tout élément de X sur un point ∗. Si σ ∈ Chem(X, {∗}), la composition par cette homotopie montre que σ est homotope au chemin constant en ∗. Ainsi ❏ Π(X, {∗}) = π1 (X, ∗) n’a qu’un élément. 3.3 Le théorème de van Kampen Dans toute cette section nous considérons un espace topologique X, deux ouverts U et V de X couvrant X, et une partie A de U ∩ V ayant au moins un élément dans chaque composante connexe par arcs de U ∩ V . Le théorème de van Kampen nous explique comment calculer le groupoïde Π(X, A) à partir du diagramme de groupoïdes Π(U, A) � Π(U ∩ V, A) � Π(V, A) dont les flèches sont induites par les inclusions. ☞ 138 Définition. • Si a ∈ A, b ∈ A, si σ : [u, u + l] → X est un chemin de a à b dans X, et si n ∈ N, on note σin (ou σi ) la restriction de σ à l’intervalle [u+ 2iln , u+ (i+1)l 2n ] n n ième n(où bien sûr 0 ≤ i ≤ 2 − 1). Le chemin σi sera appelé le « i tronçon » (ou « iième tronçon ») de σ. • On dira que le chemin σ est « n-propre », si pour tout i, l’image de σin est incluse dans U ou incluse dans V . 3.3. Le théorème de van Kampen 105 • Une homotopie h entre deux chemins σ et τ de X de a ∈ A à b ∈ A, est dite « n-propre » si pour tout i (0 ≤ i ≤ 2n − 1), h([0, 1] × [ 2in , i+1 2n ]) est contenu dans U ou dans V . Évidemment, ceci implique que les chemins σ et τ sont eux-mêmes n-propres, et on dira dans ce cas qu’ils sont « nproprement homotopes ». ☞ 139 Lemme. Pour tout chemin σ : [u, u + l] → X de a ∈ A à b ∈ A, il existe n ∈ N tel que σ soit n-propre. Si σ est n-propre et si n ≤ m, alors σ est m-propre. Démonstration. σ −1 (U ) et σ −1 (V ) sont deux ouverts qui recouvrent [u, u + l]. Par le lemme de Lebesgue, il existe n ∈ N tel que chaque segment de la −1 −1 forme [u + 2iln , u + (i+1)l 2n ] soit inclus soit dans σ (U ) soit dans σ (V ). σ est donc n-propre. La deuxième assertion est triviale. ❏ ☞ 140 Lemme. Si deux chemins de a ∈ A à b ∈ A, σ et τ , sont homotopes, il existe n ∈ N et une suite finie γ0 , . . . , γk de chemins de a à b tels que γ0 = σ, γk = τ et pour tout i (0 ≤ i ≤ k − 1), γi soit n-proprement homotope à γi+1 . Démonstration. Comme tout chemin n-propre est clairement n-proprement homotope à son standardisé, on peut supposer que σ et τ sont standard. Soit h : [0, 1] × [0, 1] → X une homotopie de σ : [0, 1] → X à τ : [0, 1] → X (h(0, s) = σ(s), h(1, s) = τ (s), h(t, 0) = a, h(t, 1) = b). h−1 (U ) et h−1 (V ) sont deux ouverts qui recouvrent [0, 1] × [0, 1]. Il existe donc d’après le lemme de j j+1 Lebesgue un entier n tel que tout carré de la forme [ 2in , i+1 2n ] × [ 2n , 2n ] soit −1 −1 n inclus soit dans h (U ) soit dans h (V ). Posons k = 2 et γi (s) = h( 2in , s). La conclusion du lemme est alors satisfaite. ❏ ☞ 141 Lemme. Soit σ un chemin n-propre de a ∈ A à b ∈ A, x une des extrémités d’un n-tronçon σin de σ. • Si σin est contenu dans U ∩ V , il existe un chemin contenu dans U ∩ V de x à un élément de A. • Si σin est contenu dans U (resp. V ), il existe un chemin contenu dans U (resp. V ) de x à un élément de A. Démonstration. La première assertion est triviale, puisque chaque composante connexe par arcs de U ∩ V contient un élément de A. La seconde assertion requiert un raisonnement par récurrence sur i. Si i = 0, le tronçon σ0 a pour origine un élément de A ce qui résoud le problème que x soit l’origine ou l’extrémité de σ0 . Soit i > 0 tel que σi soit dans U . Si σi−1 est dans U le problème est résolu en concaténant au besoin σi à un chemin allant dans U d’un élément de A à l’extrémité de σi−1 . Si σi−1 est dans V , alors l’origine de σi est dans U ∩ V et peut être reliée à un élément de A dans U ∩ V , ce qui 106 3. Groupoïdes fondamentaux et revêtements résoud le problème dans ce cas. ❏ ☞ 142 Théorème. (théorème de van Kampen) Soit X un espace topologique, U et V deux ouverts de X, et A une partie de U ∩ V ayant au moins un point dans chaque composante connexe par arcs de U ∩ V . Alors le carré de morphismes de groupoïdes (dont les flèches sont induites par les inclusions) Π(U ∩ V, A) � Π(U, A) i j k � � Π(V, A) � Π(X, A) l est cocartésien. Démonstration. Soit G un groupoïde, ϕ : Π(U, A) → G et ψ : Π(V, A) → G deux morphismes de groupoïdes tels que le diagramme (en traits pleins) Π(U ∩ V, A) i j � Π(U, A) k � Π(V, A) l � � Π(X, A) ϕ θ ψ �� � G soit commutatif. Il s’agit de montrer qu’il existe un unique morphisme de groupoïdes θ : Π(X, A) → G tel que θ ◦ k = ϕ et θ ◦ l = ψ. Si a est un objet de Π(X, A), c’est-à-dire un élément de A, on a ϕ(a) = ϕ(i(a)) = ψ(j(a)) = ψ(a). On pose donc θ(a) = ϕ(a) et le diagramme cidessus est commutatif sur les objets. L’unicité de θ sur les objets résulte de l’injectivité de k sur les objets. Pour la suite de la démonstration, nous simplifions l’écriture en écrivant Chem(X, A) au lieu de Fl(Chem(X, A)) et G au lieu de Fl(G). Afin de définir θ sur les flèches de Π(X, A), on va d’abord définir une application Θ : Chem(X, A) → G puis on montrera que Θ passe au quotient pour donner l’application θ : Π(X, A) → G cherchée. Affirmation : Il existe une application Θ : Chem(X, A) → G telle que (pour tous σ et σ � de Chem(X, A)) : • Θ(σ) = ϕ([σ]) si σ est contenu dans U , • Θ(σ) = ψ([σ]) si σ est contenu dans V , 107 3.3. Le théorème de van Kampen • Θ(σ �σ � ) = Θ(σ)Θ(σ � ) si σ est concaténable à σ � (où la composition de G est notée par simple juxtaposition), • Θ(σ) = Θ(σ � ) si σ est homotope à σ � . Notons d’abord que si un chemin σ ∈ Chem(X, A) est contenu dans U ∩ V , on a [σ] = i([σ]) et [σ] = j([σ]), donc ϕ([σ]) = ψ([σ]). Les deux premières conditions sont donc compatibles. On utilisera cette propriété plusieurs fois. Soit σ : [u, u + l] → X un chemin quelconque de Chem(X, A). Soit n ∈ N tel que σ soit n-propre (lemme 139 (page 105)). Pour chaque xi = σ(u + 2iln ) (i = 1, . . . , 2n − 1), soit τin (aussi noté τi ) un chemin de xi à un point ai de A, tel que τi soit dans U ∩ V si xi ∈ U ∩ V , sinon dans U (resp. V ) si xi ∈ U (resp. V ) (lemme 141 (page 105)). On définit de plus les chemins τ0 et τ2n comme constants (et standard) respectivement en a et en b. Sur la figure ci-dessous, on a A = {a, a2 , b}, n = 2, a = a0 = a1 , a2 = a3 , b = a4 et les chemins τ0 et τ4 ne sont pas représentés puisque constants respectivement en a et b. x1 U τ1 σ τ2 a V x2 a2 b τ3 x3 n . γ n (aussi noté Pour chaque i (0 ≤ i ≤ 2n − 1), posons γin = (τin )−1 �σin �τi+1 i γi ) est un chemin reliant deux éléments de A, et il est contenu soit dans U , soit dans V , ce qui impose la valeur de Θ sur chaque γi . Si γi est dans U ∩ V , sa valeur est obtenue indifféremment via ϕ ou via ψ. Par ailleurs, σ est homotope à γ0 � . . . �γ2n −1 . Bien que Θ(γi ) dépende en général des choix de τi et de τi+1 , Θ(σ) ne dépend pas de ces choix. En effet, remplaçons l’un des τi (1 ≤ i ≤ 2n − 1, puisque τ0 et τ2n étant constants, ils ne sont pas l’objet de choix) par τi� , ce qui trans� et γi� . Supposons par exemple σi−1 (donc aussi γi−1 et forme γi−1 et γi en γi−1 � γi−1 ) dans U et σi dans V . On a, en remarquant que τi−1 �τi� est un élément de Chem(X, A) contenu dans U ∩ V , et en utilisant le fait que τi� �τi� −1 est 108 3. Groupoïdes fondamentaux et revêtements homotope à un chemin de longueur nulle : Θ(γi−1 )Θ(γi ) = = = = = = = ϕ([γi−1 ])ψ([γi ]) −1 �σi−1 �τi ])ψ([τi−1 �σi �τi+1 ]) ϕ([τi−1 −1 ϕ([τi−1 �σi−1 �τi ])ψ([τi−1 �τi� �τ � −1 i �σi �τi+1 ]) −1 −1 �σi−1 �τi ])ψ([τi−1 �τi� ])ψ([τ � i �σi �τi+1 ]) ϕ([τi−1 −1 −1 −1 � ϕ([τi−1 �σi−1 �τi ])ϕ([τi �τi ])ψ([τ � i �σi �τi+1 ]) −1 −1 �σi−1 �τi� ])ψ([τ � i �σi �τi+1 ]) ϕ([τi−1 � � Θ(γi−1 )Θ(γi ) On traite de manière similaire le cas où σi−1 est dans V et σi dans U et les cas où tous deux sont dans U ou tous deux sont dans V . On a donc montré que Θ(σ) défini par la formule Θ(σ) = Θ(γ0 ) . . . Θ(γ2n −1 ) ne dépend pas des choix des τi . Pour voir que Θ(σ) ne dépend pas de n, il suffit de montrer que sa valeur est invariante quand on remplace n par n + 1. Or ceci revient à remplacer dans n+1 n+1 )Θ(γ2i+1 ). Si on suppose la formule définissant Θ(σ) chaque Θ(γin ) par Θ(γ2i n+1 n+1 par exemple σi dans U , γ2i et γ2i+1 sont tous les deux dans U , et on a n+1 n+1 )Θ(γ2i+1 ) = Θ(γ2i = = = n+1 n+1 ϕ([γ2i ])ϕ([γ2i+1 ]) n+1 n+1 ϕ([γ2i �γ2i+1 ]) ϕ([γin ]) Θ(γi ) L’application Θ : Chem(X, A) → G est donc bien définie. Il reste à montrer qu’elle satisfait les conditions de l’affirmation. Les deux premières sont clairement satisfaites par la construction même de Θ. Pour la troisième, prenons un n assez grand pour que σ et σ � soient n-propres. Alors σ �σ � est (n + 1)-propre, et la formule définissant Θ montre immédiatement que Θ(σ �σ � ) = Θ(σ)Θ(σ � ). D’après le lemme 140 (page 105), il suffit de montrer la dernière propriété pour des chemins σ : [u, u + l] → X et σ � : [x, x + k] → X n-proprement homotopes. Soit h une homotopie n-propre de σ à σ � . Posons xi = σ(u + 2iln ) et yi = σ � (x + 2ikn ). Introduisons les τi et τi� qui comme ci-dessus permettent de définir les γi et les γi� qui servent à définir Θ(σ) et Θ(σ � ). Notons δi le chemin t �→ h(t, 2in ) (qui va de xi à yi ). 109 3.3. Le théorème de van Kampen ai τi x0 δ0 xi+1 xi δi+1 δi yi+1 yi δ 2n � τi+1 y 2n a�i+1 Noter que δ0 et δ2n sont des chemins constants. Posons µi = σ0 � . . . �σi−1 �δi �σi� � . . . �σ2� n −1 Il suffit de montrer que Θ(µi ) = Θ(µi+1 ) (0 ≤ i ≤ 2n − 1). Supposons par exemple que le carré gris sur la figure ci-dessus soit dans U . Il en est alors � . D’après la troisième propriété de l’affirmation, on a de même de τi et τi+1 Θ(µi ) = Θ(γ0 ) . . . Θ(γi−1 )Θ(τi−1 �δi �τi� )Θ(γi� ) . . . Θ(γ2� n −1 ) −1 � )Θ(γ � ) . . . Θ(γ � �δi+1 �τi+1 Θ(µi+1 ) = Θ(γ0 ) . . . Θ(γi )Θ(τi+1 2n −1 ) i+1 Or, on a Θ(τi−1 �δi �τi� )Θ(γi� ) = = = = = ϕ([τi−1 �δi �τi� ])ϕ([γi� ]) ϕ([τi−1 �δi �τi� �γi� ]) � ]) ϕ([τi−1 �δi �σi� �τi+1 � ]) ϕ([τi−1 �σi �δi+1 �τi+1 −1 � ) Θ(γi )Θ(τi+1 �δi+1 �τi+1 On a donc terminé la preuve de l’affirmation. L’existence de θ telle que θ ◦ k = ϕ et θ ◦ l = ψ en résulte immédiatement, de même que le fait que θ est un morphisme de groupoïdes. L’unicité de θ résulte du fait que pour toute flèche [σ] de Π(X, A), il existe des chemins γ0 , . . . , γk chacun contenu dans U ou dans V et à extrémités dans A, donc chacun dans Π(U, A) ou Π(V, A), tels que [σ] = [γ0 ]� . . . �[γk ], car ceci implique que θ([σ]) = θ([γ0 ]) . . . θ([γk ]), et bien sûr θ est déterminé sur les [γi ] à cause des relations θ ◦ k = ϕ et θ ◦ l = ψ. ❏ ☞ 143 Corollaire. (théorème de van Kampen pour les groupes fondamentaux) Si (X, ∗) est un espace topologique pointé, U et V deux ouverts de X couvrant X, et tels que U ∩ V soit connexe par arcs et ∗ ∈ U ∩ V , le carré de morphismes de groupes π1 (U ∩ V, ∗) � π1 (U, ∗) � � � π1 (X, ∗) π1 (V, ∗) 110 3. Groupoïdes fondamentaux et revêtements est cocartésien. Démonstration. C’est une conséquence immédiate du théorème 142 (page 106) en faisant A = {∗}. ❏ ☞ 144 Lemme. π1 (S1 , ∗) � Z. Démonstration. On identifie S1 avec le groupe des complexes de module 1, et on peut supposer que ∗ = 1. Posons U = S1 − {i}, V = S1 − {−i} et A = {1, −1}. Le théorème 142 (page 106) s’applique et on a le carré cocartésien de groupoïdes Π(U ∩ V, A) � Π(U, A) i j � � Π(S1 , A) � Π(V, A) où i et j sont les inclusions canoniques. Or, Π(U ∩ V, A) est le groupoïde union disjointe de deux groupoïdes triviaux à un objet et une flèche. Ce groupoïde est le groupoïde libre sur un graphe à deux sommets et aucune flèche. Comme U est contractile et contient les deux points de A, Π(U, A) est un groupoïde à deux objets ayant exactement une flèche entre tout couple d’objets. Ce groupoïde est le groupoïde libre sur le graphe fait de deux sommets et d’une arête entre ces deux sommets. On a le même résultat pour Π(V, A). Par ailleurs, le foncteur « groupoïde libre sur un graphe » étant un adjoint à gauche, il préserve les sommes amalgamées. Le groupoïde Π(S1 , A) est donc isomorphe au groupoïde libre sur le second graphe de l’exercice 12 (page 49), ce qui prouve le lemme. ❏ ☞ 145 Remarque. On vient de montrer, en utilisant des arguments catégoriques relativement sophistiqués, que le carré de morphismes de groupoïdes 1 1 � � a a � f � � f −1 � b � b 1 � 1 1 � � a � � (g −1 ◦f )n a g � � g −1 � b g −1 ◦(f ◦g −1 )n � 1 f ◦(g −1 ◦f )n � b � (f ◦g −1 )n 111 3.4. Le théorème de van Kampen (où le dernier groupoïde a autant de flèches entre deux objets qu’il y a de n ∈ Z) est cocartésien. On aurait pu le démontrer « à la main » en utilisant juste la définition des carrés cocartésiens. Le lecteur est invité à faire lui-même cette expérience. ☞ 146 Lemme. Après identification de S1 au groupe des complexes de module 1, la classe d’homotopie du chemin standard s �→ e2iπs est un générateur de π1 (S1 , 1). Démonstration. Soient σ et τ les chemins standard définis par σ(s) = eiπs et τ (s) = −eiπs , le premier de 1 à −1, le second de −1 à 1. Le groupoïde Π(S1 , {1, −1}) est celui qui est librement engendré par le graphe (exercice 12 (page 49)) : f 1 g −1 et g −1 ◦ f engendre π1 (S1 , 1). Or, f et g −1 sont les classes d’homotopie de σ et ❏ τ , et le standardisé de σ �τ est le chemin standard s �→ e2iπs . ☞ Exercice 25. Montrer que pour n ≥ 2, on a π1 (Sn , ∗) = 0. ☞ Exercice 26. Soit n ∈ Z. On identifie S1 au groupe des complexes de module 1. Déduire du lemme 146 que l’application z �→ z n induit la multiplication par n sur π1 (S1 , 1). En déduire que le conoyau de la flèche π1 (∂M, ∗) → π1 (M, ∗) induite par l’inclusion du bord de la bande de Mœbius dans la bande de Mœbius (où ∗ ∈ ∂M ) est isomorphe à Z/2. ☞ Exercice 27. Montrer que π1 (RP2 , ∗) � Z/2 (utiliser l’exercice 26), et en déduire que pour n ≥ 2, on a π1 (RPn , ∗) � Z/2. ☞ Exercice 28. Calculer le groupe fondamental d’un tore (i.e. de R2 /Z2 ) et d’une bouteille de Klein (pour la bouteille de Klein, donner une description par générateurs et relations). ☞ Exercice 29. Si (X, ∗) est un bouquet de n cercles, π1 (X, ∗) est isomorphe au groupe libre (non commutatif) sur n générateurs. Décrivez le groupe fondamental d’un bouquet de deux exemplaires de RP2 . ☞ Exercice 30. Montrer que pour tout groupe fini G il existe un espace topologique compact et connexe par arcs X tel que π1 (X, ∗) � G. ☞ Exercice 31. Soient X et Y deux espaces topologiques pointés. Le produit X × Y est pointé par (∗, ∗). Montrer que π1 (X × Y, (∗, ∗)) est isomorphe à π1 (X, ∗) × π1 (Y, ∗). 112 3.4 3. Groupoïdes fondamentaux et revêtements Revêtements ☞ 147 Définition. Soit F un espace topologique discret. Une application continue π : E → X est appelée un « revêtement trivial de fibre F » s’il existe un homéomorphisme ϕ : E → X × F tel que le diagramme E� ϕ �� � π ��� � X �X ×F � �� � �π �� � 1 soit commutatif. Une application continue π : E → X est appelée un « revêtement » s’il existe un recouvrement ouvert U = (Ui )i∈I de X, et pour chaque i ∈ I un espace discret Fi , tels que pour tout i ∈ I le pullback de π le long de l’inclusion Ui ⊂ X soit un revêtement trivial de fibre Fi . Si pour tout i on a Fi = F , on dit que π est un « revêtement de fibre F ». Enfin, si π : (E, ∗) → (X, ∗) est une application pointée, et si π : E → X est un revêtement, on dira que π : (E, ∗) → (X, ∗) est un « revêtement pointé ». On dit que le recouvrement U dont il est question dans cet énoncé « trivialise π ». Pour vérifier que π : E → X est un revêtement, il suffit bien sûr de trouver pour chaque x ∈ X un voisinage U de x tel que le pullback de π le long de l’inclusion U → X soit un revêtement trivial. Le pullback de π le long d’une inclusion U → X sera aussi appelé la « restriction » de π au dessus de U . Si la restriction de π au dessus de U est un revêtement trivial, on dira que « U trivialise π », ou que π est « trivial au dessus de U ». Noter que le carré Y ×F f ×1 �X ×F π1 π1 � Y � f �X étant cartésien, tout pullback d’un revêtement trivial est trivial (de même fibre). Ainsi, tout revêtement qui est trivial au dessus de U l’est a fortiori au dessus de tout ouvert inclus dans U . Si π : E → X est un revêtement et f : Y → X une application continue, le pullback de π le long de f pourra être noté f ∗ (π). ☞ 148 Lemme. Tout pullback d’un revêtement (le long d’une application continue) est un revêtement. 113 3.4. Revêtements Démonstration. Soit π : E → X un revêtement, et soit f : Y → X une application continue. Soit y ∈ Y et soit U un voisinage de f (y) au dessus duquel π est trivial. Comme le diagramme f f −1 (U ) �� �U �� i i � Y � f �X est commutatif (il est même cartésien), on voit que f ∗ i∗ (π) = i∗ f ∗ (π). Mais comme i∗ (π) est trivial, il en est de même de f ∗ i∗ (π), donc de i∗ f ∗ (π). Comme ❏ f −1 (U ) est un voisinage de y, on voit que f ∗ (π) est un revêtement. ☞ 149 Lemme. Tout revêtement est un homéomorphisme local. Démonstration. Soit π : E → X un revêtement de fibre F . Pour tout x ∈ E, il existe un voisinage ouvert V de π(x) qui trivialise π. On a donc un homéomorphisme ϕ : π −1 (V ) → V × F tel que π1 ◦ ϕ = π. Posons ϕ(x) = (π(x), a). Alors ϕ−1 (V × {a}) est un voisinage ouvert de x dans E ❏ et π : ϕ−1 (V × {a}) → V un homéomorphisme. ☞ 150 Lemme. Soit π : E → X un revêtement de fibre F finie non vide. Alors E est compact si et seulement si X est compact. Démonstration. Supposons X compact. Soient x et y deux points distincts de E. Si π(x) = π(y), soit U un voisinage de π(x) qui trivialise π. On a donc un homéomorphisme ϕ : π −1 (U ) → U × F tel que π1 ◦ ϕ = π. Comme ϕ(x) et ϕ(y) sont distincts et tels que π1 (ϕ(x)) = π1 (ϕ(y)), on voit que ϕ(x) = (π(x), a) et ϕ(y) = (π(x), b) où a et b sont deux éléments distincts de F . ϕ−1 (U × {a}) et ϕ−1 (U × {b}) sont alors des voisinages ouverts disjoints de x et y dans E. Si au contraire π(x) �= π(y), soient U et V des voisinages ouverts disjoints de π(x) et π(y). Alors π −1 (U ) et π −1 (V ) sont des voisinages ouverts disjoints de x et y. Ainsi, E est séparé. Comme X est compact, il est localement compact, et tout point de X a donc un voisinage compact qui trivialise π. Comme les intérieurs de tels voisinages recouvrent X, un nombre fini d’entre eux, K1 , . . . , Kn , suffisent à recouvrir X. Par ailleurs, π −1 (Ki ) est homéomorphe à Ki × F et est donc compact. Il en résulte que E (qui est séparé) est une réunion finie de compact et est donc compact. Réciproquement, supposons E compact. Soient x et y deux points distincts de X. Comme F est fini (disons à n éléments), la fibre π −1 (x) au dessus de x est finie, donc compacte. Posons π −1 (x) = {x1 , . . . , xn }, et soit y � ∈ π −1 (y). Comme 114 3. Groupoïdes fondamentaux et revêtements E est séparé et {x1 , . . . , xn , y � } fini, il existe des voisinages ouvert Ui de xi et V � de y � deux à deux disjoints. Posons U = ∩i π(Ui ) et V = π(V � ). Comme π est ouverte, U et V sont des voisinages ouverts de x et y. Supposons qu’il existe z ∈ U ∩ V . Alors z a un antécédent dans chaque Ui et dans V . Comme ces ouverts sont deux à deux disjoints, celà lui fait n + 1 antécédents, c’est-à-dire un de trop. Il n’existe donc pas de tel z et X est séparé. Comme π est continue et X séparé, l’image de π est compacte, mais comme F n’est pas vide, π est surjectif, et X est donc compact. ❏ ☞ 151 Lemme. Soit f : X → Y un homéomorphisme local propre, où X et Y sont des espaces localement compacts. Alors f est un revêtement et la fibre au dessus de chaque point de Y est finie. Démonstration. Soit y ∈ Y . Comme {y} est compact et f propre, f −1 (y) est compact. Soit x ∈ f −1 (y). Comme f est un homéomorphisme local, il existe un voisinage de x sur lequel f est injective, et le point x est donc isolé dans f −1 (y). Il en résulte que f −1 (y) est discret, donc fini. Posons f −1 (y) = {x1 , . . . , xn }. Comme X est séparé et f −1 (y) fini, il existe U1 , . . . , Un , où Ui est un voisinage de xi dans X, tels que pour i �= j, on ait Ui ∩ Uj = ∅. De plus ces voisinages peuvent être choisis tels que la restriction de f à Ui soit un homéomorphisme de Ui vers f (Ui ) et que f (Ui ) soit un voisinage de y. Soit V un voisinage compact de y contenu dans tous les f (Ui ) (i = 1, . . . , n). Posons Vi = Ui ∩ f −1 (V ). Comme f est propre, f −1 (V ) est compact. Soit A l’union des Vi . Alors A est ouvert dans f −1 (V ), car c’est l’intersection de f −1 (V ) avec l’union des Ui . Il en résulte que K = f −1 (V ) − A est compact (comme fermé du compact f −1 (V ). Comme f est continue, f (K) est compact et contenu dans V . Comme y �∈ f (K) (car tous les antécédents de y sont dans l’union des Ui ), il existe un voisinage ouvert W de y contenu dans V et ne rencontrant( 1 ) pas f (K). Alors f −1 (W ) est inclus dans l’union des Ui . Si on pose Wi = f −1 (W ) ∩ Ui , on voit que f −1 (W ) est l’union disjointe des Wi et que la restriction de f à chaque ❏ Wi est un homéomorphisme de Wi vers W . f est donc un revêtement. 3.5 Groupes et revêtements ☞ 152 Définition. Soit G un groupe topologique discret et ϕ : X × G → X une action continue de G sur X. On dit que l’action de G sur X est « propre1. « rencontrant » signifie bien sûr « avoir une intersection non vide avec ». 3.5. Groupes et revêtements 115 ment discontinue »( 2 ) si pour tout x ∈ X, il existe un voisinage U de x tel que les translatés de U sous l’action de G soient deux à deux disjoints. On remarque qu’une action proprement discontinue est nécessairement libre. ☞ 153 Lemme. Soit G un groupe discret dont l’action (continue) sur un espace topologique X est proprement discontinue. Alors la projection canonique π : X → X/G est un revêtement de fibre G. Démonstration. Pour tout point y ∈ X/G il existe un x ∈ X tel que y = π(x). Soit Uy un voisinage ouvert de x dans X tel que les translatés Uy .g (g ∈ G) de Uy soient deux à deux disjoints, et soit Vy l’image directe de Uy par � π. Alors Vy est un ouvert, car π −1 (Vy ) = g∈G Uy .g en est un. Vy est donc un voisinage ouvert de y dans X/G. L’application ψ définie par ψ(u, g) = u.g de Uy × G vers π −1 (Vy ) est un homéomorphisme (c’est en effet une application bijective, continue et ouverte), et on a π ◦ ψ = π1 . On voit donc que la famille d’ouverts (Vy )y∈X/G qui recouvre X/G, est telle que le pullback de π : X → X/G le long chaque inclusion Vy ⊂ X/G est un revêtement trivial de fibre G. ❏ ☞ 154 Exemple. Le groupe multiplicatif O(1) = {−1, +1} (groupe des matrices or- thogonales réelles 1 × 1), qui est un groupe topologique discret, agit sur la sphère Sn par multiplication (la multiplication par +1 ne bouge pas les points, et la multiplication par −1 envoie tout point x de Sn sur son antipode −x). L’action est clairement proprement discontinue. Le quotient Sn /O(1) est noté RPn et appelé l’« espace projectif réel de dimension n ». La projection canonique π : Sn → RPn est donc un revêtement d’après le lemme 153. ☞ 155 Lemme. Soit G un groupe topologique, et soit H un sous-groupe discret de G (non nécessairement distingué). Alors la projection canonique π : G → G/H est un revêtement de fibre H. Démonstration. (Le groupe G est noté multiplicativement.) Comme H est discret, il existe un voisinage U de 1 dans G tel que U ∩ H = {1}. Comme l’application λ : G × G → G définie par λ(x, y) = x−1 y est continue et envoie (1, 1) sur 1, il existe un voisinage V de {1} tel que λ(V × V ) ⊂ U . Soient h et k des éléments de H. Si V.h et V.k ont un point commun, alors il existe x et y dans V tels que xh = yk, et on a x−1 y = hk −1 , donc hk −1 ∈ U . Mais comme hk −1 appartient à H, on a hk −1 = 1, donc h = k. Si maintenant x est un élément quelconque de G, V.x est un voisinage ouvert de x disjoint de tous ses translatés par l’action de H, laquelle est donc proprement discontinue. On conclut en appliquant le lemme 153. ❏ 2. Bien sûr, ce vocabulaire est un peu troublant car l’action est à la fois continue et proprement discontinue. 116 3. Groupoïdes fondamentaux et revêtements ☞ 156 Exemple. Il résulte du lemme précédent que la projection canonique R → R/2πZ est un revêtement, de même que la projection canonique C → C/2iπZ (les groupes étant ici additifs). Comme l’application x �→ eix induit (par passage au quotient) un homéomorphisme R/2πZ → S1 (où S1 est identifié à l’espace des complexe de module 1), on voit que x �→ eix de R vers S1 est un revêtement de fibre Z. De même z �→ ez de C vers C − {0} est un revêtement de fibre Z. Voici une représentation graphique du revêtement R → S1 défini par x �→ eix . 4π R 2π 0 −2π π S1 1 La convention habituelle dans les représentations graphiques de revêtements π : E → X (et plus généralement de fibrés) est que pour tout x ∈ E, π(x) doit se situer (sur le dessin) en dessous de x sur la même ligne verticale. Ceci oblige généralement à représenter E d’une manière inhabituelle. Dans le cas du revêtement π : R → S1 défini par π(x) = eix , R doit être représenté, en perspective cavalière, comme une hélice. Dans cette même perspective, le cercle S1 apparaît comme une ellipse, et l’application x �→ eix consiste à « projeter » tout point de l’hélice R verticalement sur le cercle. Par exemple, sur ce dessin on voit bien que la fibre au dessus de 1, c’est-à-dire π −1 (1), est 2πZ. Ce qui est également visible sur ce dessin est que la restriction de ce revêtement à toute partie du cercle qui n’est pas le cercle tout entier est un revêtement trivial. Ce qu’on peut voir également est qu’un revêtement n’est pas nécessairement une application fermée. En effet, Z est fermé dans R, mais à cause de l’irrationnalité du nombre π, son image par l’application x �→ eix est une partie dénombrable et dense de S1 , qui ne peut donc pas être fermée. 3.6 Le relèvement des homotopies ☞ 157 Lemme. Soit π : E → B un revêtement, et soient f, g : X → E deux applications continues telle que π ◦ f = π ◦ g (autrement-dit, f et g sont deux relèvements d’une même application). Alors l’ensemble A = {x ∈ X | f (x) = g(x)} est ouvert et fermé dans X. En conséquence, si X est connexe, deux applications f, g : X → E qui sont des relèvements d’une même application 117 3.6. Le relèvement des homotopies (c’est-à-dire telles que π ◦ f = π ◦ g) sont égales dès qu’elles sont égales en un point de X. Démonstration. Soit x ∈ X. Posons a = f (x) et b = g(x). Soit U un voisinage ouvert de π(a) (qui est égal à π(b)) dans B au dessus duquel le revêtement π est trivial. On a donc un homéomorphisme ϕ : π −1 (U ) → U × F , avec F discret, tel que π1 ◦ϕ = π. Posons Va = U ×{π2 (ϕ(a))} et Vb = U ×{π2 (ϕ(b))}. Va et Vb sont alors des voisinages ouverts de ϕ(a) et ϕ(b) dans U × F . On a Va = Vb si et seulement si a = b, c’est-à-dire si x ∈ A, et Va ∩ Vb = ∅ dans le cas contraire. Comme ϕ ◦ f et ϕ ◦ g sont continues, il existe un voisinage W de x dans X tel que ϕ(f (W )) ⊂ Va et ϕ(g(W )) ⊂ Vb . Comme π1 : Va → U et π1 : Vb → U sont des homéomorphismes, et que π ◦ f = π ◦ g, on voit que ϕ ◦ f et ϕ ◦ g sont égales sur W si a = b, et ne sont égales en aucun point de W sinon. Ceci prouve que A ainsi que son complémentaire dans X sont ouverts. ❏ ☞ 158 Théorème. (Théorème de relèvement des homotopies) Soit π : E → B un revêtement. Soit f : X → E une application continue. Soit h : X × [0, 1] → B une homotopie de π ◦ f à une application g. Alors il existe une application h : X × [0, 1] → E qui relève h (c’est-à-dire telle que π ◦ h = h et qui est une homotopie de f à un relèvement de g. L’énoncé de ce théorème est résumé par le diagramme : X i0 � X × [0, 1] f �E � h h π � �B où i0 (x) = (x, 0), où les flèches en trait plein sont données, et où la flèche en pointillés est celle dont l’existence est affirmée par le théorème, rendant commutatifs les deux triangles du diagramme. Démonstration. Démontrons d’abord le théorème dans le cas où le revêtement π est trivial. On peut supposer que π est la projection π1 : X × F → X (F discret). (X × {a})a∈F est un recouvrement de X × F par des ouverts deux à deux disjoints, et (f −1 (X ×{a}))a∈F est donc un recouvrement de X par des ouverts deux à deux disjoints, et (f −1 (X × {a}) × [0, 1])a∈F est un recouvrement de X × [0, 1] par des ouverts deux à deux disjoints. Il suffit de définir h sur l’ouvert f −1 (X × {a}) × [0, 1] en posant h(x, t) = (h(x, t), a). Passons maintenant au cas général. Soit (Ui )i∈I un recouvrement de B par des ouverts qui trivialisent π. L’image réciproque par h de ce recouvrement 118 3. Groupoïdes fondamentaux et revêtements est une famille d’ouverts qui recouvre X × [0, 1]. Soit x0 ∈ X (le problème est trivial si X est vide). Chaque (x0 , t) ∈ X × [0, 1] appartient à un ouvert de la forme h−1 (Ui ) dans lequel on peut trouver un voisinage de (x0 , t) en forme de pavé, qu’on va noter Vt × Wt (Vt ouvert de X et Wt ouvert de [0, 1]). Vt × Wt X V x0 [0, 1] Les (Wt )t∈[0,1] recouvrent [0, 1], et le lemme de Lebesgue nous donne donc un entier naturel n tel que chaque segment [ ni , i+1 n ] (pour i = 0, . . . , n − 1) soit contenu dans l’un des Wt . Pour chaque i, choisissons un ti ∈ [0, 1] tel que [ ni , i+1 n ] ⊂ Wti . � Posons V = n−1 i=0 Vti . V est un voisinage ouvert de x0 dans X, et pour chaque i, h(V × [ ni , i+1 n ]) est contenu dans un ouvert (appelons-le Ui ) de B au dessus duquel le revêtement π est trivial. h est déjà relevée sur V × {0}. Supposons que h soit relevée sur V ×[0, ni ]. Alors h est relevée sur V ×{ ni }, et la première partie de la démonstration montre qu’on peut relever h sur V × [ ni , i+1 n ]. On a donc montré par récurrence sur i qu’on peut relever h sur V × [0, 1] de telle façon que ce relèvement prolonge f sur V . Le relèvement de h qui en résulte sur {x} × [0, 1] (pour tout x ∈ V ) est unique d’après le lemme 157 (page 117), puisque {x} × [0, 1] est connexe. On peut recouvrir X par des ouverts Vj tels que h se relève sur chaque Vj × [0, 1]. Tous ces relèvement s’accordent sur les intersection de leurs domaines (toujours d’après le lemme 157). Ils définissent donc un relèvement de h sur X × [0, 1] prolongeant le relèvement donné pour t = 0. ❏ ☞ 159 Corollaire. Soit π : E → B un revêtement, σ : [0, 1] → B un chemin de B, et a ∈ E un point tel que π(a) = σ(0). Alors il existe un unique relèvement 119 3.6. Le relèvement des homotopies σ : [0, 1] → E de σ tel que σ(0) = a. De plus, tout relèvement d’un lacet constant est un lacet constant. Démonstration. Il suffit de remarquer que σ est juste une homotopie entre les deux applications {∗} → B définies par ∗ �→ σ(0) et ∗ �→ σ(1), et d’appliquer le théorème 158. La dernière affirmation résulte immédiatement du fait que [0, 1] est connexe et que toute fibre d’un revêtement est un espace discret. ❏ On dira du chemin σ (tel que π ◦ σ = σ) qu’il est « le relèvement de σ à partir de a » si σ(0) = a et qu’il « aboutit » au point b si b = σ(1). Noter que si σ est le relèvement de σ à partir de a et s’il aboutit à b, le relèvement de σ −1 à partir de b n’est autre que σ −1 et il aboutit à a. Si on a une homotopie h : X × [0, 1] → B et un relèvement h : X × [0, 1] → E de cette homotopie le long du revêtement π : E → B, et si x ∈ X est tel que t �→ h(x, t) soit une fonction constante (l’homotopie « ne fait pas bouger le point x »), alors la même chose est vraie pour h, i.e. l’application t �→ h(x, t) est constante. En effet, la restriction de h à {x}×[0, 1] étant constante, l’image de {x} × [0, 1] par h est contenue dans la fibre au dessus de h(x, 0). Or {x} × [0, 1] est connexe et cette fibre discrete. Il en résulte que : ☞ 160 Lemme. Pour tout revêtement π : E → B, tout relèvement d’une homotopie entre chemins (les extrémités restent fixes) est une homotopie entre chemins, et tous relèvements à partir de a ∈ E de deux chemins homotopes aboutissent au même point de E. ❏ ☞ 161 Lemme. Soit π : E → X un revêtement pointé. Soit γ un lacet de (X, ∗) tel que [γ] ∈ π∗ (π1 (E, ∗)). Alors l’unique relèvement de γ à partir de ∗ ∈ E est un lacet, c’est-à-dire aboutit à ∗ ∈ E. Démonstration. L’hypothèse dit qu’il existe un lacet δ de (E, ∗) tel que π ◦ δ soit homotope à γ. En relevant cette homotopie le long de π, on obtient une homotopie de δ à un lacet (lemme 160), qui ne peut être que le relèvement de γ à partir de ∗ ∈ E. ❏ ☞ 162 Lemme. Soit π : E → X un revêtement. On suppose que E et X ont des points de base notés ∗ et tels que π(∗) = ∗. Alors le morphisme de groupes π1 (E, ∗) π∗ � π1 (X, ∗) est injectif. Démonstration. Soit σ un lacet de E tel qu’il existe une homotopie h : [0, 1] × [0, 1] → X du lacet π∗ (σ) au lacet constant. D’après le théorème 158, h 120 3. Groupoïdes fondamentaux et revêtements se relève en une homotopie du lacet σ à un lacet qui ne peut être que constant (corollaire 159). ❏ 3.7 Action du groupe fondamental de la base sur la fibre Soit π : E → X un revêtement, et soit ∗ un point de base dans X. Si σ : [0, 1] → X est un lacet de X en ∗ et si a ∈ π −1 (∗), il existe un unique relèvement σ de ce lacet à partir de a. Ce relèvement aboutit à un point de π −1 (∗) qu’on notera a.σ. π −1 (∗) a.σ σ E a π X ∗ σ D’après le lemme 160 (page 119), a.σ ne dépend que de la classe d’homotopie du lacet σ et non pas de σ lui-même, ce qui définit une application (a, [σ]) → a.σ de π −1 (∗) × π1 (X, ∗) vers π −1 (∗). ☞ 163 Lemme. L’application (a, [σ]) �→ a.σ définie ci-dessus est une action (à droite) de π1 (X, ∗) sur la fibre π −1 (∗) du revêtement π : E → B au dessus de ∗ ∈ B. Démonstration. Si σ est le relèvement de σ à partir de a ∈ E, et τ le relèvement de τ à partir de a.σ, la concaténation σ �τ est clairement le relèvement de σ �τ à partir de a. Il en résulte que a.(σ �τ ) = (a.σ).τ , et donc que a.([σ][τ ]) = (a.[σ]).[τ ]. L’égalité a.1 = a est triviale. ❏ ☞ 164 Lemme. Soit π : E → X un revêtement pointé où E est connexe par arcs. Alors l’action de π1 (X, ∗) sur π −1 (∗) est transitive et chaque point 121 3.7. Action du groupe fondamental de la base sur la fibre x de π −1 (∗) a l’image du morphisme (injectif) π∗ : π1 (E, x) → π1 (X, ∗) comme sous-groupe d’isotropie. Démonstration. Soient x, y ∈ π −1 (∗). Comme E est connexe par arcs, il existe un chemin γ de E d’extrémités x et y. Sa projection π◦γ sur X est un lacet de (X, ∗) et γ est l’unique relèvement de ce lacet à partir de x ∈ E. Il en résulte que y = x.[π◦γ], et donc que l’action de π1 (X, ∗) sur π −1 (∗) est transitive. Si un lacet σ de (X, ∗) agit trivialement sur le point x de la fibre π −1 (∗), c’est que tout relèvement de ce lacet partant de x aboutit à x, autrement-dit est un élément de π1 (E, x). [σ] est donc dans l’image de π∗ : π1 (E, x) → π1 (X, ∗). Réciproquement, si [σ] est dans l’image de π∗ : π1 (E, x) → π1 (X, ∗), son relèvement à partir de x aboutit à x (lemme 161 (page 120)), et [σ] est dans le sous-groupe d’isotropie de x. ❏ ☞ 165 Lemme. Soit G un groupe discret agissant à gauche de manière proprement discontinue sur un espace connexe par arcs X. Soit ∗ ∈ X un point de base pour X. On note encore ∗ la projection de ∗ sur G\X. On a la suite exacte( 3 ) 1 � π1 (X, ∗) π∗ � π1 (G\X, ∗) h �G �1 où le morphisme h est caractérisé par h([σ]).∗ = ∗.[σ], où le premier point représente l’action (à gauche) de G sur X et le second point l’action (à droite) de π1 (X/G, ∗) sur π −1 (∗).( 4 ) Démonstration. L’égalité h([σ]).∗ = ∗.[σ] définit bien h, car comme l’action de G sur π −1 (∗) (qui est l’orbite de ∗ sous l’action de G) est libre et transitive, il existe un unique g ∈ G tel que g.∗ = ∗.[σ]. C’est cet élément g qui est noté h([σ]). Si σ est le relèvement de σ à partir de ∗ (qui aboutit à ∗.[σ]), l’action de g ∈ G sur X transforme σ en le relèvement de σ à partir de g.∗, et il aboutit à (g.∗).[σ]. On a donc (g.∗).[σ] = g.(∗.[σ]). Le calcul suivant montre alors que h est un morphisme de groupes : h([σ][τ ]).∗ = = = = = = ∗.([σ][τ ]) (∗.[σ]).[τ ] (h([σ]).∗).[τ ] h([σ]).(∗.[τ ]) h([σ]).(h([τ ]).∗) (h([σ])h([τ ])).∗ Comme E est connexe par arcs, l’action de π1 (G\X, ∗) sur π −1 (∗) est transitive (lemme 164 (page 121)). Ainsi, pour tout g ∈ G, il existe [σ] ∈ π1 (G\X, ∗) 3. On note 1 un groupe multiplicatif réduit à son élément neutre. 4. Bien sûr, π −1 (∗) n’est rien d’autre que l’orbite de ∗ ∈ X sous l’action de G. 122 3. Groupoïdes fondamentaux et revêtements tel que g.∗ = ∗.[σ] et on voit que h est surjective. Par ailleurs, h([σ]) = 1 équivaut à h([σ]).∗ = ∗, donc à ∗ = ∗.[σ], autrement-dit au fait que [σ] est dans le sous-groupe d’isotropie de ∗ pour l’action de π1 (G\X, ∗), dont on sait (lemme 164) qu’il est l’image de π∗ , lequel π∗ est injectif par le lemme 162 (page 120). ❏ ☞ 166 Remarque. Un revêtement qui est la projection canonique π : X → G\X où G agit de manière proprement discontinue sur X, est appelé un « revêtement principal ». Le lemme précédent montre que dans ce cas, l’image de π∗ est un sous-groupe distingué de π1 (G\X, ∗). On verra plus loin que la réciproque est aussi vraie sous des hypothèses convenables de connexité (théorème 185 (page 135)). ☞ 167 Exemple. Reprenons l’action par translation de Z sur R, qui donne le revêtement R → R/Z. On a la suite exacte 1 � π1 (R, ∗) � π1 (R/Z, ∗) h �Z �1 et comme π1 (R, ∗) � 1, on voit que h est un isomorphisme. Comme R/Z est homéomorphe à S1 , ceci nous redonne le groupe fondamental du cercle.( 5 ) Plus généralement, Zn est un sous-groupe discret de Rn , et le quotient Rn /Zn est un tore de dimension n. Le même raisonnement montre que son groupe fondamental est Zn , résultat qu’on peut aussi obtenir et se souvenant que ce tore est homéomorphe à (S1 )n et en utilisant l’exercice 31 (page 112). ☞ 168 Corollaire. Tout revêtement π : E → B tel que B soit connexe par arcs, localement connexe par arcs et simplement connexe, est trivial. Démonstration. Soit E � une composante connexe par arcs de E. Tout point de B ayant un voisinage connexe par arcs trivialisant π, on voit que la restriction π � de π à E � est encore un revêtement de base B. Le groupe π1 (B, ∗), qui est réduit à 0, agit transitivement sur la fibre π � −1 (∗) qui est donc réduite à un seul point (quelque soit le choix de ∗ ∈ B). π � est donc bijective continue et ouverte, c’est-à-dire que c’est un homéomorphisme E � → B. Comme ceci s’applique à toutes les composantes connexes par arcs de E, lesquelles ❏ recouvrent E, on voit que π est un revêtement trivial (de fibre π0 (E)). En particulier, pour n ≥ 2, tout revêtement de Sn est trivial. ☞ Exercice 32. Soit f : Rn → Rn une application propre différentiable de classe C 1 , ayant en tout point une différentielle inversible. Montrer que f est un difféomorphisme. ☞ 169 Lemme. Soit π : (E, ∗) → (X, ∗) un revêtement pointé, et soit f : (Y, ∗) → (X, ∗) une application continue pointée, où Y est connexe et localement connexe par arcs. Pour qu’il existe un relèvement pointé de f le long 5. Dans la littérature, c’est généralement de cette manière qu’on calcule le groupe fondamental du cercle plutôt que par le théorème de van Kampen. 123 3.7. Action du groupe fondamental de la base sur la fibre de π, il faut et il suffit que l’image de f∗ : π1 (Y, ∗) → π1 (X, ∗) soit contenue dans l’image de π∗ : π1 (E, ∗) → π1 (X, ∗). Démonstration. Si un tel relèvement f : (Y, ∗) → (E, ∗) existe, on a π ◦ f = f , donc π∗ ◦ f ∗ = f∗ π1 (E, ∗) �� ��� � π∗ � � � ��� � π1 (X, ∗) π1 (Y, ∗) f∗ f∗ et on a Im(f∗ ) ⊂ Im(π∗ ). Réciproquement, supposons Im(f∗ ) ⊂ Im(π∗ ) et soit y ∈ Y . Comme Y est connexe par arcs, il existe un chemin γ reliant ∗ à y dans Y . Le chemin f ◦ γ de ∗ à f (y) dans X se relève (de manière unique) à partir de ∗ ∈ E en un chemin γ. Le point γ(1) ne dépend alors pas du choix de γ. En effet, soit δ un autre chemin de ∗ à y dans Y , et faisons pour δ la même construction que pour γ, c’est-à-dire le relèvement δ de f ◦ δ à partir de ∗ ∈ E. Construisons également le relèvement ε de (f ◦ δ)−1 à partir de γ(1), qui aboutit à a. δ ∗ a δ(1) ε γ(1) γ π f ◦δ δ y ∗ Y γ f ∗ f ◦γ f (y) X A priori, les points γ(1) et δ(1) peuvent être distincts. On va montrer qu’ils sont égaux. Comme (f ◦ γ)�(f ◦ δ)−1 est un lacet de (X, ∗) qui est l’image par f du lacet γ �δ −1 de (Y, ∗), sa classe d’homotopie est dans f∗ (π1 (Y, ∗)) donc dans π∗ (π1 (E, ∗)). Ceci signifie que si on relève (f ◦ γ)�(f ◦ δ)−1 à partir de ∗, on aboutit à ∗ (lemme 161 (page 120)). On a donc δ = ε−1 , puis γ(1) = δ(1). L’application f : Y → E définie par f (y) = γ(1) est donc bien définie, et telle que π◦f = f et f (∗) = ∗. Il reste juste à montrer que f est continue. Soit U un 124 3. Groupoïdes fondamentaux et revêtements voisinage de f (y) dans E. Quitte à réduire U , on peut supposer que π est un homéomorphisme de U sur π(U ), dont l’inverse sera noté s : π(U ) → U . Soit V un voisinage de y tel que f (V ) ⊂ π(U ). Comme Y est localement connexe par arcs, il existe pour tout z ∈ V , un chemin δ de y à z contenu dans V . Par ailleurs, s ◦ f ◦ δ est un chemin contenu dans U allant de f (y) à s(f (z)), et qui se projette sur f ◦ δ. C’est donc le relèvement de f ◦ δ à partir de f (y). Il en résulte que le relèvement de f ◦ (γ �δ) à partir de ∗ ∈ E est γ �(s ◦ f ◦ δ), et il aboutit à f (z), puisque δ �γ est un chemin de ∗ à z dans Y . Le point f (z) est donc dans U . ❏ ☞ Exercice 33. Montrer que pour n ≥ 2, toute application continue RPn → S1 , de même que toute application continue Sn → S1 , est homotope à une application constante. 3.8 Revêtement universel Pour tout espace topologique X connexe par arcs, On note Rev(X) la catégorie dont les objets sont les revêtements au dessus de X, et dont les flèches sont les morphismes de revêtements au dessus de X. Soit ∗ un point de base pour X. Le foncteur Rev(X) → Ens qui envoie tout revêtement au dessus de X sur sa fibre au dessus de ∗, et tout morphisme de revêtements au dessus de X sur l’application qu’il induit entre leurs fibres au dessus de ∗, sera appelé le « foncteur fibre de (X, ∗) ». Noter que pour un revêtement au dessus de X, on ne demande pas de point de base dans l’espace total de ce revêtement. ☞ 170 Définition. Soit X un espace topologique connexe par arcs, et soit ∗ ∈ X. Si le foncteur fibre de (X, ∗) est représentable, un classifiant (π : E → X, ∗) (où ∗ ∈ π −1 (∗)) de ce foncteur est appelé un « revêtement universel de (X, ∗) ». � ∗) → (X, ∗) Un revêtement universel de (X, ∗), s’il existe, sera noté π : (X, � (ou éventuellement π : X → X). Il résulte des propriété générales des classifiants que deux revêtement universels de (X, ∗) sont isomorphes, et qu’un tel isomorphisme est déterminé par le choix des éléments universels, c’est-à-dire des points de base dans la fibre de ces revêtements au dessus de ∗. La définition ci-dessus dit en d’autres termes que si un revêtement universel � → X existe, il y a, pour tout revêtement π � : E → X, une bijection π : X entre les morphismes de revêtements de π vers π � et les éléments de π �−1 (∗), et cette bijection est naturelle en π � . ☞ 171 Exemple. Le revêtement π : R → S1 donné par x �→ eix est un revêtement 3.8. Revêtement universel 125 universel de (S1 , 1). En effet, soit π � : E → S1 un revêtement. Comme π1 (R, ∗) = 0 (quel que soit le point ∗ choisi dans π −1 (1)), le lemme 169 (page 123) montre qu’il existe un morphisme de revêtements π → π � au dessus de S1 . Comme R est connexe, ce morphisme est par ailleurs déterminé par le choix de l’image de ∗ ∈ R d’après le lemme 157 (page 117). L’application qui envoie un morphismes f de π vers π � sur l’éléments f (∗) de la fibre de π � au dessus de ∗ est donc bijective. La naturalité de cette bijection résulte du lemme 100 (page 78). ☞ 172 Lemme. Si π : E → X est un revêtement universel de (X, ∗) (X connexe par arcs), et si ∗� est un point quelconque de X, π est un revêtement universel de (X, ∗� ). Autrement-dit, la notion de revêtement universel de X ne dépend pas du point de base choisi dans X. Démonstration. Comme X est connexe par arcs, il existe un chemin γ : [0, 1] → X tel que γ(0) = ∗ et γ(1) = ∗� , et ce chemin induit, pour tout revêtement π � : E � → X, une bijection de la fibre π �−1 (∗) vers la fibre π �−1 (∗� ). De plus cette bijection est naturelle en π � . Il en résulte que les foncteurs fibre de (X, ∗) et (X, ∗� ) sont isomorphes et que tout classifiant de l’un est un classifiant de l’autre. ❏ ☞ 173 Lemme. Soit X un espace connexe et localement connexe par arcs et π : E → X un revêtement de X. Si E est non vide, connexe et simplement connexe, le revêtement π est universel.( 6 ) Démonstration. Choisissons un point de base ∗ dans E. Soit π � : E � → X un revêtement quelconque de X. Comme π1 (E, ∗) = 0 et comme E est connexe et localement connexe par arcs, il résulte du lemme 169 (page 123) qu’il existe un morphisme de revêtements f : π → π � et, comme E est connexe par arcs, un tel morphisme est déterminé par l’image par f de ∗ ∈ E (lemme 157 (page 117)). ❏ ☞ 174 Définition. Un espace topologique X est dit « semi-localement simplement connexe » si pour tout point x ∈ X, il existe un voisinage V de x, tel que le morphisme π1 (V, x) → π1 (X, x) induit par l’inclusion de V dans X soit nul. Autrement-dit, dans un tel espace, un lacet « local » n’est pas nécessairement localement homotope à un lacet constant, mais il l’est si l’homotopie est autorisée à sortir du voisinage V . ☞ 175 Exemple. Il existe des espaces qui ne sont pas semi-localement simplement connexes, comme par exemple le sous-espace X de R2 réunion de tous les cercles de diamètres [(0, 0), ( n1 , 0)] (n ∈ N − {0}). La figure ci-dessous représente les 8 premiers cercles de cette réunion. 6. Il existe des revêtements universels dont l’espace total n’est pas simplement connexe. 126 3. Groupoïdes fondamentaux et revêtements Si V est un voisinage de (0, 0), il contient l’un des cercles de la réunion (en fait une infinité d’entre eux) et on peut facilement montrer en utilisant le théorème de van Kampen qu’un lacet qui parcourt ce cercle n’est pas homotope à un lacet constant, même dans l’espace X tout entier. Si maintenant on considère le cône sur cet espace, on obtient un espace semilocalement simplement connexe (parce que contractile) qui n’est pas localement simplement connexe. � → X, d’espace total Il est facile de voir qu’un espace X qui a un revêtement universel π : X simplement connexe, est semi-localement simplement connexe. En effet, soit x ∈ X et soit U un voisinage de x au dessus duquel le revêtement π est trivial. Soit σ un lacet basé en x et � et comme X � est simplement contenu dans V = π(U ). Alors σ se relève en un lacet σ de X, � connexe, σ est homotope à un lacet constant de X. En composant cette homotopie avec π, on obtient une homotopie de σ a un lacet constant de X, homotopie dont l’image n’est pas en général contenue dans V . ☞ 176 Théorème. Soit (X, ∗) un espace pointé connexe, localement connexe par arcs et semi-localement simplement connexe. Alors (X, ∗) a un revêtement universel, qui est un revêtement principal de groupe π1 (X, ∗), dont l’espace total est connexe par arcs et simplement connexe. Démonstration. Recouvrons X par des ouverts (non vides) (Ui )i∈I connexes par arcs et assez petits pour que tout lacet de l’un de ces ouverts soit homotope à un lacet constant dans X. Dans chaque Ui choisissons un point ai . Il est possible de faire en sorte que a0 soit le point de base ∗ de X. Soit τi un chemin de ∗ à ai (le chemin constant dans le cas de a0 ). Posons Ei = Ui ×π1 (X, ∗). On va recoller les Ei (via une colimite dans Top) pour en faire l’espace total d’un revêtement sur X. Pour tout x ∈ Ui ∩ Uj , on choisit un chemin u de ai à x dans Ui et un chemin v de aj à x dans Uj . 127 3.8. Revêtement universel Ui τj ai τi aj Uj u ∗ x v C’est possible puisque Ui et Uj sont connexes par arcs (ce qui n’est pas nécessairement le cas de Ui ∩ Uj ). De plus, les classes d’homotopie (dans X) de u et v ne dépendent pas des choix de u et v. En effet, si u� est un autre choix pour u, le lacet u� �u−1 est homotope à un lacet constant dans X. On a donc [u� ][u]−1 = 1ai dans le groupoïde fondamental Π(X, X), et par conséquent [u] = [u� ]. On définit le lacet γi,j (x) de (X, ∗) comme la concaténation τi �u�v −1 �τj−1 . Bien que ce lacet dépende des choix de u et v, sa classe d’homotopie [γi,j (x)] n’en dépend pas. Construction du revêtement : Pour chaque paire (i, j) de I × I, Posons Ei,j = (Ui ∩ Uj ) × π1 (X, ∗). On définit les applications : Ej �� � � ��βi,j � � Ei �� �� �� αi,j �� Ei,j par αi,j (x, [σ]) = (x, [σ]) et βi,j (x, [σ]) = (x, [σ][γi,j (x)]).( 7 ) Les flèches αi,j et βi,j (pour tous les couples (i, j)) forment alors un diagramme dans Top, et on définit E comme la colimite de ce diagramme. 7. Noter qu’on peut intervertir i et j, et qu’on a donc les flèches βj,i � ���� Ei ��� �� αi,j Ej,i � α � j,i ��� E �� j ��β�i,j ϕj,i � Ei,j où ϕj,i (x, [σ]) = (x, [σ][γj,i (x)]). Ce diagramme est commutatif, ϕj,i est un homéomorphisme, et on voit qu’on a une forme de redondance. On a également Ei,i = Ei et αi,i = βi,i = 1Ei . Alternativement, on pourrait supposer I totalement ordonné et ne considérer que les couples (i, j) tels que i < j. 128 3. Groupoïdes fondamentaux et revêtements Chaque Ei et chaque Ei,j se projette sur X (par (x, [σ]) �→ x), et ces projections, qui commutent avec les flèches du diagramme, définissent une flèche (c’est-à-dire une application continue) π : E → X. On notera [Ei , x, [σ]] l’image du couple (x, [σ]) ∈ Ei par l’insertion canonique θi de Ei dans la colimite E. On prend [E0 , ∗, 1] comme point de base ∗ de E. Il reste à montrer que π est un revêtement principal, que E est connexe par arcs et simplement connexe (lemme 173 (page 126)). L’insertion canonique θi : Ei → E est injective. En effet, Soient (x, [σ]) et (y, [τ ]) deux éléments de Ei tels que [Ei , x, [σ]] = [Ei , y, [τ ]]. En appliquant π aux deux membres de cette égalité, on obtient x = y. Il reste donc à prouver que [σ] = [τ ]. La colimite E est le quotient de l’union disjointe des Ei par la relation d’équivalence engendrée par les équations [Ei , x, [σ]] ∼ [Ej , x, [σ][γi,j (x)]]. Comme cette équation est équivalente à [Ej , x, [σ]] ∼ [Ei , x, [σ][γj,i (x)]], il suffit donc de prouver que toute composition de la forme [γi1 ,i2 (x)][γi2 ,i3 (x)] . . . [γin−1 ,in (x)], telle que i1 = in (= i dans le cas qui nous intéresse), est égale à 1. Or, si u1 , . . . , un sont des chemins tels que uk relie aik à x dans Uik , on a : −1 −1 −1 [γi1 ,i2 (x)] . . . [γin−1 ,in (x)] = [τi1 u1 u−1 2 τi2 ] . . . [τin−1 un−1 un τin ] −1 −1 = [τi1 u1 un τin ] = 1 car u1 = un et τi1 = τin . De plus, l’insertion canonique de Ei dans E est une application ouverte. En effet, il suffit de montrer que si V est un ouvert de Ei , alors pour tout j, θj−1 θi (V ) est un ouvert de Ej . Or, on a le diagramme commutatif : E �� �� �� θj �� �� � �� �� � �� θi Ei �� �� �� � βj,i �� Ej,i Ej �� � �� �� α �� j,i fait d’applications injectives. Comme θj−1 θi (V ) se projette sur Ui ∩ Uj , on voit −1 (V ), qui est ouvert car αj,i est une application ouverte. que θj−1 θi (V ) = αj,i βi,j 129 3.8. Revêtement universel Ceci montre que pour tout i, le carré : Ei θi �E p1 π � � � Ui � �X est cartésien (dans Top). En effet, donnons-nous deux applications continues ϕ : Z → Ui et ψ : Z → E, telles que pour tout z ∈ Z, on ait π(ψ(z)) = ϕ(z). Alors πψ(z) ∈ Ui et ψ(z) est donc de la forme [Ei , ϕ(z), [σ]]. Définissons ζ : Z → Ei en posant ζ(z) = (ϕ(z), [σ]). L’injectivité de θi montre que ζ est bien définie. Par ailleurs, le composé θi ◦ ζ (qui est égal à ψ) est continu. Comme θi est injective et ouverte, on voit que ζ est continue. Par ailleurs, toujours par injectivité de θi , elle est la seule flèche telle que θi ◦ ζ = ψ. L’application π est donc un revêtement de fibre π1 (X, ∗), et il est bien sûr trivial au dessus de chaque Ui . Comme l’application [σ] �→ [σ][γi,j ] qui a servi plus haut à définir βi,j est équivariante pour l’action à gauche de π1 (X, ∗) sur lui-même (de même bien sûr que l’application [σ] �→ [σ] qui sert à définir αi,j ), le revêtement π : E → X est principal de groupe π1 (X, ∗). Relèvement d’un chemin le long de π : Soit σ un chemin de ∗ à un point x de X. Soit k ∈ I tel que x ∈ Uk , et soit u un chemin de ak à x dans Uk . Nous allons montrer que l’unique relèvement de σ partant de ∗ aboutit à [Ek , x, [σ �u−1 �τk−1 ]] (ceci quel que soit le choix de u). τk ak ∗ τk−1 u x v Uk σk τk−2 w Uk−2 xk ak−1 ak−2 σ xk−1 Uk−1 Par compacité de l’intervalle [0, 1], σ est une concaténation de chemins σ0 � . . . �σk , où chaque σi est contenu dans un Ui . Si k = 0, σ est contenu 130 3. Groupoïdes fondamentaux et revêtements dans U0 , et le lacet σ �u−1 �τ0−1 , qui est contenu dans U0 est homotope à un lacet constant dans (X, ∗). Autrement-dit, on a [σ �u−1 �τ0−1 ] = 1. Par ailleurs, dans le revêtement trivial p1 : U0 × π1 (X, ∗) → U0 , le relèvement de σ à partir de (∗, 1) aboutit à (x, 1), donc dans le revêtement π, le relèvement de σ à partir de ∗ ∈ E aboutit à [E0 , x, 1]. Supposons maintenant k > 0 et raisonnons par récurrence sur k. Soient u et v des chemins dans Uk de ak à x et à xk (l’origine de σk ) respectivement, et w un chemin dans Uk−1 de ak−1 à xk . Par hypothèse de récurrence, le relèvement de σ0 � . . . �σk−1 (qui va de ∗ à xk ) à partir de ∗ ∈ E aboutit à −1 ]] [Ek−1 , xk , [σ0 � . . . �σk−1 �w−1 �τk−1 Or, par définition de la colimite E, cet élément est le même que −1 [Ek , xk , [σ0 � . . . �σk−1 �w−1 �τk−1 �τk−1 �w �v −1 �τk−1 ]] c’est-à-dire [Ek , xk , [σ0 � . . . �σk−1 �v −1 �τk−1 ]], ou encore [Ek , xk , [σ0 � . . . �σk �u−1 �τk−1 ]] puisque v −1 est homotope à σk �u−1 dans X par l’hypothèse de connexité simple semi-locale. Comme par ailleurs le revêtement est trivial au dessus de Uk , on voit que le relèvement du chemin σ à partir de ∗ ∈ E aboutit à [Ek , x, [σ0 � . . . �σk �u−1 �τk−1 ]], ce qui termine cette preuve par récurrence. E est connexe par arcs : Si maintenant σ est un lacet de (X, ∗), l’unique relèvement de σ à partir de ∗ ∈ E aboutit donc à [E0 , ∗, [σ �u−1 �τ0−1 ]] (où u est un lacet contenu dans U0 ), c’est-à-dire à [E0 , ∗, [σ]]. Comme [σ] ∈ π1 (X, ∗) est arbitraire, on voit que tout point de la fibre de π au dessus de ∗ ∈ X peut être relié par un chemin à ∗ ∈ E. Comme par ailleurs, la connexité par arcs de X et le théorème de relèvement des chemins montrent que tout point de E peut être relié à un point de cette fibre, on voit que E est connexe par arcs. E est simplement connexe : Soit enfin σ un lacet de (E, ∗). π ◦ σ est alors un lacet de (X, ∗), dont le relèvement à partir de ∗ ∈ E est σ. Comme ce relèvement aboutit à [E0 , ∗, [π ◦ σ]], on a [π ◦ σ] = 1. Ainsi, π ◦ σ est homotope à un lacet constant, et il en est donc de même de σ par relèvement de cette homotopie. ❏ ☞ 177 Remarque. Le théorème 176 s’applique en particulier aux variétés topologiques connexes de dimension n (n ∈ N), c’est-à-dire aux espaces (connexes) localement homéomorphes à Rn . 3.9. Classification des revêtements sur une base donnée 3.9 131 Classification des revêtements sur une base donnée Soit π : E → X un revêtement où E et X sont connexes par arcs et soit ∗ un point de base pour X. On a vu que la connexité par arcs de E entraîne que le groupe π1 (X, ∗) agit transitivement sur la fibre π −1 (∗) au dessus de ∗, et que chaque point x de π −1 (∗) a l’image de π∗ : π1 (E, x) → π1 (X, ∗) comme sous-groupe d’isotropie (lemme 164 (page 121)). De plus, par les propriétés générales des actions, si x et y sont des points de π −1 (∗) les sous-groupes d’isotropie Iso(x) et Iso(y) sont conjugués. Précisément, Iso(y) est l’image de Iso(x) par la conjugaison σ �→ π∗ (τ )−1 σπ∗ (τ ), où τ est la classe d’homotopie d’un chemin reliant x à y dans E. ☞ 178 Lemme. Soit X un espace connexe et localement connexe par arcs. Deux revêtements pointés π : E → X et π � : E � → X d’espaces totaux connexes par arcs sont isomorphes comme revêtements pointés si et seulement si les sous-groupes π∗ (π1 (E, ∗)) et π∗� (π1 (E � , ∗)) sont égaux et sont isomorphes comme revêtements non pointés si et seulement si ces deux mêmes sous-groupes sont conjugués dans π1 (X, ∗). Démonstration. Si π et π � sont isomorphes comme revêtements pointés, on a le diagramme commutatif d’applications continues pointées � � E� �� � � �� � � π �� �� π � � �� E� X et les sous-groupes π∗ (π1 (E, ∗)) et π∗� (π1 (E � , ∗)) sont égaux. Réciproquement, si ces sous-groupes sont égaux, π se relève le long de π � en une application pointée ϕ : E → E � et π � se relève le long de π en une application pointée ψ : E � → E. Le composé ψ ◦ ϕ est un automorphisme de π qui laisse fixe le point de base de E. Il est donc égal à l’identité de E d’après le lemme 157 (page 117). De même ϕ ◦ ψ est l’identité de E � , et π et π � sont isomorphes. On a vu que changer le point de base de E pour un autre point de π −1 (∗) changeait π∗ (π1 (E, ∗)) pour un sous-groupe conjugué. On voit donc que si π et π � sont isomorphes comme revêtements non pointés les sousgroupes π∗ (π1 (E, ∗)) et π∗� (π1 (E � , ∗)) sont conjugués. Réciproquement, si π∗� (π1 (E � , ∗)) = τ −1 π∗ (π1 (E, ∗))τ , soit τ le relèvement de τ dans le revêtement π à partir ∗ ∈ E et notons a le point de π −1 (∗) auquel il aboutit. On a π∗ (π1 (E, a)) = τ −1 π∗ (π1 (E, ∗))τ , d’où il résulte que π et π � sont isomorphes comme revêtement pointés si on prend a comme point de base dans E. Ceci 132 3. Groupoïdes fondamentaux et revêtements implique que π et π � sont isomorphes comme revêtements non pointés. ❏ ☞ 179 Théorème. Soit X un espace connexe, localement connexe par arcs, semi-localement simplement connexe et soit ∗ ∈ X. L’ensemble des classes d’isomorphisme de revêtements non pointés de X d’espace total non vide et connexe par arcs est en bijection avec l’ensemble des classes de conjugaison de sous-groupes de π1 (X, ∗). Démonstration. Pour chaque revêtement π : E → X on choisit un point de base ∗ dans E et on associe à ce revêtement la classe de conjugaison de π∗ (π1 (E, ∗)), laquelle ne dépend pas du choix de ∗ ∈ E d’après le lemme précédent. C’est donc une application bien définie. Elle est injective d’après le lemme précédent et surjective d’après le théorème ?? (page ??). ❏ ☞ 180 Exemple. Comme π1 (RP2 ) � Z/2Z, et comme Z/2Z n’a que deux sous-groupes (non conjugés), on voit qu’il n’y a à isomorphisme près que deux revêtements non vides et connexes de RP2 . Les espaces totaux de ces revêtements sont RP2 et S2 . 3.10 Automorphismes d’un revêtement Soit π : E → X un revêtement, et soit ∗ ∈ X. Rappelons qu’un automorphisme de π est un homéomorphisme ϕ : E → E tel que π ◦ ϕ = π. Un tel automorphisme induit une bijection de la fibre π −1 (∗) sur elle-même. Par ailleurs, on sait que le groupe π1 (X, ∗) agit (à droite) sur π −1 (∗). ☞ 181 Lemme. Soit ϕ un automorphisme d’un revêtement π : E → X et soit ∗ ∈ X. La bijection ϕ : π −1 (∗) → π −1 (∗) induite par ϕ est π1 (X, ∗)équivariante. Rappelons que cette affirmation signifie que ϕ(a.[σ]) = ϕ(a).[σ] pour tout a ∈ π −1 (∗) et tout [σ] ∈ π1 (X, ∗). Démonstration. Soit a ∈ π −1 (∗) et [σ] ∈ π1 (X, ∗). Notons σ l’unique relèvement de σ à partir de a, qui aboutit donc à a.[σ]. ϕ ◦ σ est alors un chemin de ϕ(a) à ϕ(a.[σ]), et c’est par ailleurs l’unique relèvement de σ à partir de ϕ(a). Il aboutit donc à ϕ(a).[σ], ce qui prouve le lemme. ❏ On vient donc de voir que tout automorphisme de π induit une bijection π1 (X, ∗)-équivariante de π −1 (∗). Autrement-dit, on a une application r : Aut(π) → Autπ1 (X,∗) (π −1 (∗)).( 8 ) 8. Où Autπ1 (X,∗) (π −1 (∗)) représente bien sûr le groupe des bijections π1 (X, ∗)équivariantes de π −1 (∗). 3.10. Automorphismes d’un revêtement 133 ☞ 182 Lemme. Soit π : E → X un revêtement où E et X sont connexes et localement connexes par arcs et soit ∗ ∈ X. L’application r : Aut(π) → Autπ1 (X,∗) (π −1 (∗)) définie ci-dessus est un isomorphisme de groupes. Démonstration. Noter que si E est vide, le lemme est trivial. On peut donc supposer E non vide, et comme X est connexe par arcs, il en résulte que π −1 (∗) n’est pas vide. Il est évident que r est un morphisme de groupes puisque le fait de restreindre un automorphisme de π à la fibre π −1 (∗) respecte la composition. Soit maintenant ψ : π −1 (∗) → π −1 (∗) une bijection π1 (X, ∗)-équivariante. Choisissons un point a ∈ π −1 (∗). Pour tout [σ] ∈ π1 (X, ∗) tel que a.[σ] = a, on a ψ(a).[σ] = ψ(a.[σ]) = ψ(a). Ainsi, a et ψ(a) ont le même sous-groupe d’isotropie pour l’action de π1 (X, ∗) et il en résulte qu’il existe un unique automorphisme ϕ de π tel que ϕ(a) = ψ(a). Comme ϕ induit sur π −1 (∗) une application π1 (X, ∗)-équivariante, et comme l’action de π1 (X, ∗) sur π −1 (∗) est transitive, on en déduit que ϕ induit ψ sur π −1 (∗), et donc que r est bijectif. ❏ Soit G un groupe et A une partie de G. L’ensemble NG (A) = {g ∈ G | g −1 Ag = A} est appelé le « normalisateur de A dans G ». NG (A) est clairement un sousgroupe de G (quelle que soit la partie A de G). De plus, si H est un sousgroupe de G, on a h−1 Hh = H pour tout h ∈ H et donc H ⊂ NG (H). NG (H) est clairement le plus grand sous-groupe de G dans lequel H est distingué (ou « normal »), d’où son nom. On a donc pour tout sous-groupe H d’un groupe G, un groupe quotient NG (H)/H. De plus, si H1 et H2 sont deux sous-groupes de G tels que H2 = a−1 H1 a, on a NG (H2 ) = a−1 NG (H1 )a, comme on le vérifie facilement. Il en résulte que les quotients NG (H1 )/H1 et NG (H2 )/H2 sont isomorphes.( 9 ) Soit X un ensemble sur lequel un groupe G agit (à droite) transitivement. Soit a ∈ X et soit Iso(a) le groupe d’isotropie de a. Soit g ∈ NG (Iso(a)), c’està-dire tel que Iso(a) = g −1 Iso(a)g = g Iso(a)g −1 . Alors il existe une unique bijection ϕ(g) : X → X G-équivariante telle que ϕ(g)(a) = a.g. En effet, pour x ∈ X, on a un h ∈ G (non unique) tel que x = a.h. Comme on doit avoir ϕ(g)(a.h) = ϕ(g)(a).h, on doit poser ϕ(g)(x) = a.gh. Si on change h pour h� , on a x = a.h = a.h� , donc h� h−1 ∈ Iso(a) puis gh� h−1 g −1 ∈ Iso(a). Mais ceci signifie que a.gh = a.gh� , et donc que ϕ(g) : X → X est bien définie (et bien 9. Un exemple important de cette situation est celui des groupes de Lie. On considère un « tore maximal » T dans un groupe de Lie G, c’est-à-dire un sous-groupe fermée commutatif de dimension maximale. Tous les tores maximaux de G sont conjugués, et le groupe W (G) = NG (T )/T ne dépend donc (à isomorphisme près) que de G. Il est appelé de « groupe de Weyl » de G et joue un rôle très important en théorie des représentations des groupes de Lie. 134 3. Groupoïdes fondamentaux et revêtements sûr unique). Par ailleurs, toujours avec x = a.h, on a x.k = a.hk pour tout k ∈ G, donc ϕ(g)(x.k) = a.ghk = (a.gh).k = ϕ(g)(x).k et on voit que ϕ(g) est G-équivariante. On vient donc de définir une application ϕ : NG (Iso(a)) → AutG (X), qui est par ailleurs un morphisme de groupes. En effet, toujours avec x = a.h, on a ϕ(gg � )(x) = a.gg � h. D’autre part, ϕ(g)(ϕ(g � )(x)) = ϕ(g)(a.g � h) = a.gg � h. ☞ 183 Lemme. Le morphisme de groupes ϕ : NG (Iso(a)) → AutG (X) défini ci-dessus est surjectif et son noyau est Iso(a). Démonstration. Soit f : X → X un automorphisme G-équivariant de X. Comme l’action de G sur X est transitive, il existe g ∈ G tel que f (a) = a.g. On a, pour tout h ∈ Iso(a), a.ghg −1 = f (a).hg −1 = f (a.h).g −1 = f (a).g −1 = a.gg −1 = a, et on voit que ghg −1 ∈ Iso(a) et donc que g ∈ NG (Iso(a)). Comme ϕ(g)(a) = a.g = f (a), comme l’action de G sur X est transitive et comme ϕ(g) et f sont G-équivariantes, on voit que f = ϕ(g) et donc que ϕ est surjective. Soit maintenant g ∈ Iso(a). On a ϕ(g)(a) = a.g = a, donc ϕ(g) = 1X . Réciproquement, si ϕ(g) = 1X , on a ϕ(g)(a) = a.g = a donc g ∈ Iso(a). ❏ De tout ce qui précède, on déduit immédiatement que : ☞ 184 Théorème. Soit π : E → X un revêtement pointé où E et X sont connexes par arcs. Alors le groupe Aut(π) des automorphismes de π est iso❏ morphe à Nπ1 (X,∗) (π∗ (π1 (E, ∗)))/π∗ (π1 (E, ∗)). Évidemment, tout ce qui précède se simplifie énormément dans le cas où π1 (X, ∗) est commutatif. 3.11 Revêtement principaux Un revêtement est dit « principal » s’il est isomorphe à une projection canonique π : E → E/G, où G est un groupe discret agissant de manière proprement discontinue sur E. On a vu (lemme 165 (page 122)) qu’on a la suite exacte courte de morphismes de groupes 1 � π1 (E, ∗) π∗ � π1 (E/G, ∗) h �G �1 et comme le noyau d’un morphisme de groupe est toujours un sous-groupe distingué, on voit que π∗ (π1 (E, ∗)) est un sous-groupe distingué de π1 (E/G, ∗). ☞ 185 Théorème. Un revêtement pointé π : E → X, avec E et X connexes et localement connexes par arcs, est principal si et seulement si π∗ (π1 (E, ∗)) 135 3.12. Une application aux surfaces plongées dans R3 est un sous-groupe distingué de π1 (X, ∗). Démonstration. On a déjà vu que si π est un revêtement principal, π∗ (π1 (E, ∗)) est distingué dans π1 (X, ∗). Réciproquement, supposons que π∗ (π1 (E, ∗)) soit un sous-groupe distingué de π1 (X, ∗). Alors tous les éléments de π −1 (∗) ont le même groupe d’isotropie et on voit que Aut(π) agit transitivement sur π −1 (∗). Par ailleurs, Aut(π) agit librement sur π −1 (∗). En effet, si a est un élément de π −1 (∗) tels que ϕ(a) = a (avec ϕ ∈ Aut(π)), alors ϕ = 1E par connexité de E. L’action de Aut(π) sur E est bien sûr continue, et elle est proprement discontinue. En effet, pour x ∈ E, soit U un voisinage ouvert de π(x) au dessus duquel π est trivial, et soit Ux la feuille de ce revêtement trivial contenant x. Ux est un voisinage de x. Comme Aut(π) permute les feuilles de ce revêtement trivial, lesquelles sont des ouverts disjoints de E, et agit librement sur la fibre au dessus de π(x), on voit que les translatés de Ux sont deux à deux disjoints. π est donc isomorphe à un revêtement principal pour le groupe (discret) Aut(π) (lequel est isomorphe à π1 (X, ∗)/π∗ (π1 (E, ∗)), puisque π1 (X, ∗) est alors le normalisateur de π∗ (π1 (E, ∗)) dans π1 (X, ∗)). ❏ En particulier, on voit que tout revêtement d’espace total connexe par arcs sur une base connexe et localement connexe par arcs dont le groupe fondamental est commutatif, est principal. 3.12 Une application aux surfaces plongées dans R3 Nous verrons plus loin (chapitre 10) la notion générale de variété différentielle, dont la notion de surface est un cas particulier. Comme les surfaces dont il est question ici sont plongées dans R3 , c’est-à-dire sont des sousensembles de R3 , leur définition est assez largement simplifiée. ☞ 186 Définition. Soit S ⊂ R3 . On dira que S est une « surface de classe C k (k ≥ 1) plongée dans R3 », si pour chaque x ∈ S, il existe un voisinage U de x dans R3 , et une fonction de classe C k f : U → R, dont la dérivée en x (df )x : R3 → R est de rang 1, et telle que S ∩ U = f −1 (0). ☞ 187 Exemple. Si on a une fonction de classe C k f : R3 → R, et si a ∈ R est une valeur régulière de cette fonction, c’est-à-dire si pour tout x ∈ f −1 (a), (df )x est de rang 1, alors f −1 (a) est une surface (a peut être remplacé par 0 en remplaçant f par f − a). Par exemple, la sphère S2 est une surface car c’est l’image réciproque de 1 par la fonction x �→ �x�2 , qui est de classe C ∞ , et dont la dérivée en x, qui est h �→ 2�x, h�, ne s’annule pas pour x �= 0, donc pas pour x vérifiant �x�2 = 1. Dans un langage plus traditionnel, on dirait que S2 est la surface d’équation x2 + y 2 + z 2 = 1 (où cette fois (x, y, z) représente un vecteur de R3 ). Un autre exemple est la surface T d’équation (x2 + y 2 − 1)2 + z 2 = 1 . 4 Ici la fonction est 136 3. Groupoïdes fondamentaux et revêtements f (x, y, z) = (x2 + y 2 − 1)2 + z 2 . Sa matrice jacobienne est (4x(x2 + y 2 − 1) 4y(x2 + y 2 − 1) 2z) qui ne s’annule que si x = y = z = 0 ou si x2 + y 2 = 1 et z = 0, ce qui n’arrive sur aucun point de T . Cette surface est un « tore ». Pour vous en convaincre, constatez d’abord qu’elle est invariante par rotation autour de l’axe des z, simplement parce qu’une telle rotation ne change pas la valeur de x2 + y 2 ni celle de z. La surface est donc engendrée par rotation à partir de la courbe obtenue en la coupant par exemple par le plan d’équation y = 0. Cette courbe a pour équation (x2 − 1)2 + z 2 = 14 , et est représentée ci-dessous. z −1 1 x ce qui permet d’imaginer facilement l’allure de ce tore. Soit S une surface, soit x ∈ S et U un voisinage de x dans R. Si f, g : U → R sont deux fonctions différentiables telles que S ∩ U = f −1 (0) = g −1 (0), alors les forme linéaires (df )x , (dg)x : R3 → R ont le même noyau. Ce noyau est donc indépendant de la fonction qui sert à définir la surface S, et est appelé le « plan tangent à S en x », et noté Tx (S). Un vecteur normal à la surface S en x ∈ S, est un vecteur Nx orthogonal à Tx (S). Comme Tx (S) est de dimension 2 et qu’on est dans R3 , les vecteurs normaux à S en x forment une droite, qui contient donc deux vecteurs de norme 1. Le choix de l’un de ces vecteurs détermine une « orientation » de S au voisinage de x. On dit que la surface S est « orientable » s’il est possible de choisir pour chaque x ∈ S un vecteur unitaire Nx normal à S en x, de façon que a fonction x �→ Nx définie sur S soit continue. Le choix d’une telle fonction continue est une « orientation » de S. Noter que si la fonction est définie par S = f −1 (0), où f : U → R est définie )x dans un voisinage U de S, alors x �→ � grad(f grad(f )x � définit une orientation de S. Bien sûr, (df )x �= 0 entraîne grad(f )x �= 0.( 10 ) ☞ 188 Définition. Soit S une surface orientable plongée dans R3 . Une application continue x �→ Nx associant à tout point de S un vecteur unitaire normal en ce point est appelé une « application de Gauss » pour S. Comme �Nx � = 1, l’application de Gauss N envoie S dans S2 . Soit x ∈ S. On a un voisinage U de x dans R3 et une fonction différentiable f : U → R telle 10. Rappelons que grad(f )x , le « gradient de f en x », est l’unique vecteur de R3 tel que pour tout h ∈ R3 , (df )x (h) = �grad(f )x , h�. 3.12. Une application aux surfaces plongées dans R3 137 que S ∩ U = f −1 (0). Ceci montre que la fonction N , qui est bien définie sur )x S ∩ U , se prolonge à U tout entier. En effet, il suffit de poser Nx = � grad(f grad(f )x � comme ci-dessus. On peut donc parler de la dérivée de N en x, qui est une application linaire (dN )x : R3 → R3 . Noter que si f est de classe C k , N est de classe C k−1 . On supposera désormais f de classe C 2 . N a donc une dérivée continue en x. La dérivée de x �→ �Nx , Nx � en x est h �→ 2�Nx , (dN )x (h)�, mais c’est 0 car �Nx , Nx � = 1. L’application linéaire (dN )x : R3 → R3 prend donc ses valeurs dans Tx (S), et induit donc un endomorphisme linéaire de Tx (S), qu’on note Wx et qu’on appelle l’« application de Weingarten en x ». ☞ Exercice 34. Montrer que l’application de Weingarten Wx est un endomorphisme autoadjoint de Tx (S). L’application de Weingarten Wx : Tx (S) → Tx (S) est donc diagonalisable dans une base orthonormée. (�1x , �2x ). Les vecteurs �1x et �2x déterminent les « directions de courbure principales de S en x ». La trace de Wx est appelée « courbure moyenne de S en x », et le déterminant de Wx est appelé la « courbure de Gauss (ou courbure totale) de S en x ». Les inverses des valeurs propres de Wx sont les deux « rayons de courbure principaux de S en x » (ils peuvent être ∞ puisqu’une valeur propre de Wx peut être nulle). ☞ 189 Lemme. Soit S une surface de classe C 2 orientable compacte connexe plongée dans R3 . Si la courbure de Gauss n’est nulle en aucun point de S, S est difféomorphe à S2 . Démonstration. Supposons que la courbure de Gauss ne s’annulle en aucun point de S. Ceci implique que l’application de Weingarten en un point quelconque de S est bijective, et donc que l’application de Gauss est un difféomorphisme local (théorème d’inversion locale). Comme S est compacte, l’application de Gauss est un revêtement (lemme 149 (page 113)), et comme S est connexe, π1 (S2 , ∗) agit transitivement sur la fibre de ce revêtement (lemme 164 (page 121)), mais comme S2 est simplement connexe, la fibre n’a qu’un seul élément. Le revêtement est donc un difféomorphisme. ❏