Chapitre 7
Optimisation et homotopie
7.1 Calcul d’une base optimale du π1
7.1.1 Cas des graphes
Suivant la discussion qui précède la proposition 6.2.4, on peut construire une base libre
{γT
e}eE0de π1(G, x)à partir des arêtes complémentaires d’un arbre maximal en temps
proportionnel à la taille PeE0|γT
e|de cette base. Remarquons cependant que toutes les
bases de π1(G, x)ne proviennent pas nécessairement d’une telle construction.
Peut-on calculer efficacement une base de taille minimale ? Existe-t-il une base minimale
associée à un arbre couvrant ? Avant de répondre (positivement) à ces deux questions
“géométriques”, donnons un petit lemme préparatoire :
Lemme 7.1.1 Soit Lun groupe libre de rang fini net {x1, x2, . . . , xn}une base de L.
Alors pour toute base {u1, u2, . . . , un}de L, il existe une permutation σde [1, n]telle que
xiapparaît dans l’expression réduite de uσ(i)en fonction des xj.
Preuve : Soit fl’automorphisme de Ldéfini par f(xi) = ui. Par passages aux quotients,
fdéfini un automorphisme du groupe libre commutatif de rang n,L/[L, L]. Il suffit donc
de prouver la propriété pour les automorphismes de Z-modules de rang n. Or la matrice
d’un tel automorphisme est inversible, donc de déterminant non nul. L’un des n!termes
de l’expression usuelle du déterminant est donc non nul, ce qui exprime précisément la
propriété recherchée. 2
Proposition 7.1.2 Soit xVun sommet d’un graphe connexe fini G, alors la base de
π1(G, x)associée à l’arbre de tout parcours en largeur de Gà partir de xest de taille
minimale.
Preuve : Soit Tl’arbre d’un parcours en largeur à partir de xet soit E0l’ensemble des
cordes de Tdans G. Par définition de T, on a que pour tout sommet yV, la distance
de xàydans Gcoïncide avec cette distance dans T, i.e. avec |γT
x,y|. Pour tout eE0,
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7.1. Calcul d’une base optimale du π1. Francis Lazarus. 31 mai 2012 55
on remarque donc que {γT
e}est un lacet de point base xcontenant ede taille minimale
avec cette propriété.
Considérons une base Bde π1(G, x). D’après le lemme préparatoire, les éléments de la
base BT={γT
e}eE0peuvent être mis en bijection avec les éléments de Bde sorte que
γT
eapparaisse dans l’expression réduite (dans BT) de son correspondant dans B. On
en déduit que eapparaît dans tout lacet représentant ce correspondant, et la remarque
précédente permet de conclure. 2
Exercice 7.1.3 Montrer, sans utiliser la notion de groupe, que parmi toutes les bases
associées à des arbres couvrants, celles associées à des parcours en largeur sont de taille
minimale.
Solution : On note dG(y)(resp. dT(y)) la distance de yàxdans G(resp. dans T). Soit ytel que
dT(y)> dG(y), avec dG(y)minimal. Soit γG
yun p.c.c. reliant yàxdans G. Soit e= (y, z)le
premier arc de γG
y, alors dG(z) = dG(y)1 = dT(z)< dT(y)1et donc e6∈ T. On considère le
cycle Cformé de e1et du p.c.c. de yàzdans T. Soit T0=T∪ {e0}\{e}e0est le successeur
de e1dans C. Comparer les tailles des bases associées à Tet T0et conclure.
On remarquera que la proposition 7.1.2 reste vraie si on suppose que les arêtes de Gsont
munies de poids positifs, que la taille est remplacée par le poids total, et que le parcours
en largeur est modifié par l’algorithme de Dijkstra [CLRS02].
7.1.2 Cas des surfaces
De même que pour les graphes, il est possible de calculer une base minimale du groupe
fondamentale d’une surface de manière efficace. L’algorithme qui suit est tiré de Erickson
et Whittlesey [EW05].
Soit Mune surface triangulée orientable sans bord de genre get xun sommet de M.
Comme pour les graphes, on commence par calculer un arbre couvrant Tobtenu par un
parcours en largeur. Pour toute corde ede Tdans le 1-squelette M1, on a un lacet γT
e
qui est le plus court lacet de base xcontenant e(cf. la preuve de la proposition 7.1.2).
On définit de manière récursive un générateur glouton γT
ei,i1par 1
M \ (T∪ {e1, . . . , ei})est connexe et |γT
ei|est minimal avec cette propriété.
Soit G
ile graphe dual de M\(T{e1, . . . , ei}), c’est-à-dire le graphe d’adjacence entre les
faces de M\(T{e1, . . . , ei}). Dire que M\(T{e1, . . . , ei})est connexe équivaut à dire
que G
iest connexe. Il est facile de voir à l’aide la caractéristique d’Euler que le graphe
dual Gde M \ Tpossède 2gcycles. Il y a donc 2ggénérateurs gloutons. Ces générateurs
peuvent être vus comme associés aux cordes de Tdans H=T∪ {e1, . . . , e2g}. Comme
M \ Hest un disque (une arborescence de triangles), on se retrouve dans la situation
précédant la proposition 6.2.9, et les générateurs gloutons forment donc une base de
π1(M, x), dite gloutonne. Les classes d’homologies des générateurs gloutons constituent
également de ce fait une base de H1(M).
1. Si Aest un sous-ensemble d’arêtes de M, On désigne par M \ Ala surface à bord obtenue en
coupant Mle long des arêtes de A.
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Le graphe dual G
2gde M\Hconstitue un arbre couvrant Kde G. On associe à chaque
arête ede Gle poids |γT
e|, longueur du lacet associé à la corde ede Tprimale de e.
On remarque alors que Kest un arbre couvrant de poids maximal dans G. En effet,
par définition e
iest une arête de poids minimal et appartient à un cycle de G
i1. Ceci
donne une définition globale d’une base gloutonne.
Définition 7.1.4 Fixons une base gloutonne de (M, x). Soit `un lacet de (M, x). Un
facteur homologique de `(relativement à la base gloutonne fixée) est un générateur glouton
qui apparaît avec un coefficient non nul dans l’expression de la classe d’homologie de `
sur la base gloutonne.
Lemme 7.1.5 Avec les notations précédentes, on a que pour toute corde ede Tdans
M1, le lacet γT
eest au moins aussi long que chacun de ses facteurs homologiques.
Preuve : Si γT
eest un générateur glouton, il n’y a rien à montrer. Supposons que ce
n’est pas le cas. Soient alors γT
e1, . . . , γT
ekles générateurs gloutons qui ne sont pas plus
longs que γT
e. On pose Gk=T∪ {e1, . . . , ek}.
Si M \ (Gk∪ {e})est connexe, alors k < 2get par définition de k, on a que γT
ek+1
est strictement plus long que γT
e, ce qui contredit la définition d’une base gloutonne.
Donc M \ (Gk∪ {e})n’est pas connexe, tandis que M \ Gkl’est. Soit M0une des deux
composantes de M \ (Gk∪ {e}). L’arête eapparaît exactement une fois sur le bord de
M0. Lequel bord est inclus dans Gk∪ {e}. La classe d’homologie de ce bord est donc une
combinaison des classes d’homologies de γT
e1, . . . , γT
eket γT
e, avec un coefficient ±1pour
cette dernière. Comme la classe d’homologie de ce bord est nulle (c’est un bord !), on en
déduit que la classe d’homologie de γT
es’exprime en fonction de celles de γT
e1, . . . , γT
ek.2
Lemme 7.1.6 Tout lacet de point base xest au moins aussi long que chacun de ses
facteurs homologiques.
Preuve : Soit `un lacet de (M, x). On exprime la classe d’homotopie de `, vu comme
lacet de (M1, x), dans la base libre associée aux cordes de Tdans M1:`'γT
a1, . . . , γT
ap.
On suppose que cette expression est réduite, de sorte que chaque arête aiapparaît néces-
sairement dans `. Par conséquent `est plus long que chaque γT
ai. Mais tout facteur ho-
mologique de `est facteur homologique de l’un des γT
ai, et on conclut avec le lemme
précédent. 2
Lemme 7.1.7 Pour toute base {`i}1i2gde π1(M, x), il existe une permutation σde
[1,2g]telle que pour tout i[1,2g], le générateur glouton γeσ(i)est un facteur homologique
de `i.
Preuve : La preuve est essentiellement la même que pour le lemme 7.1.1.2
Les deux lemmes précédents impliquent immédiatement que
7.2. Calculs de lacets sur les surfaces. Francis Lazarus. 31 mai 2012 57
Proposition 7.1.8 Toute base gloutonne est de longueur totale minimale parmi toutes
les bases de π1(M, x).
On remarque comme pour les graphes que la proposition reste vraie si on suppose que les
arêtes de Msont munies de poids positifs, que la taille est remplacée par le poids total,
et que le parcours en largeur est modifié par l’algorithme de Dijkstra [CLRS02].
Théorème 7.1.9 Soit Mune surface triangulée orientable sans bord de genre gayant
un nombre total nde sommets, arêtes et faces. Il existe un algorithme de complexité
O(nlog n+gn)qui calcule une base minimale de π1(M, x).
Preuve : Il suffit d’après la proposition précédente de construire une base gloutonne.
Pour cela on commence par calculer un arbre couvrant Tde plus courts chemins à l’aide
de l’algorithme de Dijkstra en temps O(nlog n). On peut en temps linéaire calculer la
longueur de γT
epour chaque corde de T. D’après la définition globale d’une base glou-
tonne, il suffit ensuite de calculer un arbre couvrant Kde poids maximal dans le graphe
d’adjacence Gdes faces de M \ Tmuni des poids |γT
e|. Ceci peut se faire en temps
O(nlog n)par des algorithmes classiques de calcul d’arbre couvrant de poids maximal
(ou minimal) [CLRS02]. Soient {e1, . . . , e2g}l’ensemble des arêtes primales correspondant
aux cordes de Kdans G, alors {γe1, . . . , γe2g}constitue une base gloutonne qui peut
être construite en temps proportionnel à sa taille O(gn).2
7.2 Calculs de lacets sur les surfaces
Un bon nombre d’algorithmes et de problèmes portant sur l’homotopie des courbes sur
les surfaces ont été étudiés ces dernières années. Citons :
le test d’homotopie entre deux courbes [DS95,DG99],
le calcul de système fondamental canonique de lacets pour l’homotopie [VY90,LPVV01],
le calcul d’un système fondamental minimal dans sa classe d’homotopie [CdVL05],
le calcul d’une décomposition en pantalons minimale dans sa classe d’homotopie [CdVL07],
– le calcul d’un cycle non contractile ou d’un cycle non séparateur minimal [MT01,
CM05],
le calcul d’une courbe minimale dans sa classe d’homotopie [CE06],
le calcul d’un cycle séparateur minimal [CCdVE+08],
etc. . .
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