Histoire naturelle de l’infection à VIH DIU Prise en charge des patients infectés par le VIH en Afrique sub saharienne Pr J.Y. Drabo OBJECTIFS Décrire les 3 phases d’évolution spontanée de l’infection par le VIH Citer les principaux facteurs de progression de l’infection à VIH Citer les 2 marqueurs biologiques prédictifs de progression Citer les éléments constitutifs des classifications CDC et OMS « Définition Ordre habituel et prévisionnel dans lequel se déroulent les manifestations cliniques et biologiques de l’infection à VIH » Ensemble des évènements survenant depuis la contamination jusqu’à l’apparition des signes cliniques. Définition Progression d’une maladie chez un individu, depuis l’exposition étiologique jusqu’à l’événement terminal (séquelle, guérison, décès) Histoire naturelle des maladies Le but des soins médicaux est de modifier l’histoire naturelle des maladies Comprendre l’histoire naturelle permet de : mettre au point la stratégie préventive, et en particulier le dépistage Assurer le traitement et la guérison Physiopathogénèse de l’infection …. La rencontre d’un virus avec son hôte La rencontre d’un virus avec son hôte 1) Virus = parasitisme intracellulaire obligatoire emporte le minimum : acide nucléique + qq enzymes détourne la machinerie cellulaire pour sa réplication 2) Virus enveloppé : fragile …. « close contact » Doit trouver rapidement cellule hôte 3) Récepteur du virus : détermine tropisme Les cellules cibles du VIH (1) Les lymphocytes T CD4+ – – représentent plus de 90% des cellules infectées infection très stable : virus intégré (provirus) activation des cellules infectées réplication virale infection productive CCR5 et CXCR 4 Les monocytes / macrophages – représentent 5 à 7% des cellules infectées – Infection productive – CCR5 CELLULES RÉSERVOIRS ET PRODUCTRICES 2 Les cellules cibles du VIH (2) Les cellules dendritiques : rôle du récepteur de surface DC Sign, (lectine = véritable "colle" à virus) infection transitoire : non productrice internalisation du virus (sans réplication virale) transport et transmission du virus à d'autres cellules. ROLE DANS LA DISSÉMINATION DES PARTICULES VIRALES 3 Virus Cellule hôte 2 glycoprotéines d’enveloppe: GP120 et GP41 2 récepteurs de pénétration: CD4 et récepteur chimiokine (CCR5 - CXCR4,……..) • • • • Lymphocytes T CD4+ Monocytes, macrophages Cellules microglie cerveau Cellules dendritiques (dont cellules Langerhans) Dynamique de la réplication virale du VIH-1 Pool des cellules à réplication rapide Pool des cellules à réplication lente CD4 au repos: infection latente CD4 activés infectés et productifs t1/2 = 10-21j VIH1 2,6 jour par génération t1/2 = 1,6j t1/2 = 6h macrophages t 1/2 = 80j CD4 activés non infectés D’après D.Ho, 1997 Dynamique de la réplication 10 milliards de particules virales / jour, durée de vie de 6 heures Organes lymphoïdes et cellules circulantes Réservoirs viraux, sélection continue de variants résistant aux réponses immunes de l’hôte, Variabilité génétique : V3 gp120, classification des VIH Plusieurs mécanismes de déplétion des CD4+ Histoire Naturelle de l’infection HIV = Rapport de force entre un virus et son hôte (CD4) (évolution péjorative si virus > CD4) Histoire naturelle de l’infection HIV Contamination Pas de signe clinique = asymptomatique Diagnostic +/- tardif Parfois au stade SIDA signe clinique = symptomatique ¾ cas ; 1- 3 semaines après: = infection aiguë HIV (primo-infection) fièvre, angine, ganglions (adénopathies) fatigue (asthénie), éruption, méningite… penser au risque possible d’être HIV+ Diagnostic rapide Prise en charge Histoire naturelle de l’infection HIV - Virus peu pathogène - Système immunitaire efficace - Traitement système immunitaire préservé ou restauré = réduction risque SIDA Évolution naturelle: risque SIDA par effondrement système immunitaire Virus CD4 Histoire naturelle 3 phases Infection aiguë ou primo-infection Infection chronique (latence clinique mais pas virologique) Phase finale symptomatique (sida) Réplication virale au cours des différents stades Réplication continue pendant les 3 phases: Forte à la primo-infection, large dissémination* Faible à la phase chronique, lymphoïde, contrôle immunologique du VIH Recrudescente à la phase finale 50-90% des contaminations liées à des patients sources en primo-infection (USA, JAIDS, 1994) Quelle est la durée d’évolution de la maladie ? Quels facteurs influencent la vitesse d’évolution? Valeur prédictive du niveau de stabilisation de la réplication virale Durée d’évolution Délai moyen séroconversion-sida: 7-11 ans EN EUROPE Etudes de 38 cohortes: 13000 patients avt trittt - Séroconversion entre 15- 24 ans durée moy de survie: 12,5 ans - Séroconversion entre 25- 34 ans durée moy de survie: 10,9 ans - Séroconversion entre 35- 54 ans durée moy de survie: 7,9 ans Morgan, Aids 2002 Durée d’évolution EN Afrique: Cohorte de prostituées: delai d’evolution vers sida= 4- 7 ans Survie moyenne: 9,8 ans en Ouganda Jaffar Bull WHO 2004 Jun;82(6):4629) Survie semble inf de 1à 2 ans TX d’évolution vers le sida ds le tps après la séroconversion Années après séroconversion Tx 1 an 3 ans 5 ans 11% 33% 58% Fréquence d’évolution vers le sida selon les stades stades Tx 1 2 3 2% 6% 22% Fréquence d’évolution vers le décès après 4 ans selon les stades stades Tx 1 2 3 4 9% 33% 56% 86 % Progression de la maladie HIV Progresseurs typiques 7-10 ans 90 % Infection VIH <5 % <10 % Progresseurs rapides Non progresseurs à long terme <3 ans >10-15 ans CD4 normaux, stables Facteurs de progression Age : > 40 ans, progression + rapide Selon les groupes de transmission: pas de difference Sexe, race, niveau socio- economique: pas de diff Signes cliniques prédictifs: leucoplasie, candose , signes généraux Infections systémiques: TB Non Progresseurs à Long Terme > 500 CD4 /mm3 après 10 ans: 5-8% CV basses Groupe hétérogène Virus ? : génétiquement différent? Réponse immune ?: + efficace? Récepteurs (délétion CCR5) ?: mutation delta 32CCR5, mutation sur le gène RANTES, système HLA Facteurs influençant la survie à long terme chez les NPLT Infection avec un virus à réplication lente ou un virus attenué ( mutation nef) avec une faculté réplicative réduite Forte reponse immune et à médiation cellulaire anti- VIH (cellule cytotoxique CD8 et Noncytotoxique ) Activité antivirale : production de cytokine de type 1 Facteurs influençant la survie à long terme chez les NPLT facteurs Genetiques:(polymorphismes des récepteurs, groupe HLA) AC Neutralisants, absence d’AC stimulants Deletion d’un allele CCR5. Facteurs influençant la survie Introduction des IP : avant, médiane survie sida 1026 mois; après 87 (monothérapies ARV, prophyl. des IO), survie; depuis 96, mortalité/morbidité Zone géographique: PED / PI Age=oui; sexe et groupe de transmission=non, sauf SK/homo et surmortalité/UDIV Taux de CD4 au diagnostic IO (LMNH>TB), malnutrition Prophylaxies dans les PED (cotrimo, TB) Facteurs importants: âge, Hb, Tx de décroissance des CD4, Ancienneté du sida 100% 80% ye a rs P ro b a b i li ty o f A ID S w i thi n 3 HAART 60% 2 1 .7 % 9 .8 % 1 0 .6 % 40% 4 .9 % 2 .4 % 6 .5 % 2 .3 % 2 .2 % 3 .7 % 1 .0 % 20% 3 .3 % 5 .8 % <200 2 0 1 -3 5 0 3 5 1 -5 0 0 5 0 1 -7 5 0 >750 0% > 110K 41 - 110K 14 - 41K 3 - 14K H IV -1 R N A c o nc e ntratio n (c o p ie s /m l) < 3K C D 4 c o unt HISTOIRE NATURELLE STADES EVOLUTIFS DE L’INFECTION A VIH Evolution spontanée 1. Phase aiguë ou primo-infection – durée : quelques semaines – réplication virale intense – infectiosité maximale 2. Phase chronique, de latence clinique – durée : quelques années – réplication virale faible mais continue (organes lymphoides) 3. Phase finale, symptomatique – durée : quelques mois/années – recrudescence de la réplication virale Histoire naturelle de l'infection par le VIH Deux paramètres différents : - Charge virale : vitesse d'évolution = plus faible sous traitement - Taux de CD4 : distance du terme = plus grande sous traitement Charge virale 1 000 10 000 100 000 1 000 900 800 700 600 500 400 300 200 100 Taux de CD4 6 D'après Coffin T. La Lettre de l'Infectiologue 1996 ; XI, 14 : 406-9 Contamination HIV Survenue des pathologies en fonction du taux de CD4 +/- primo-infection HIV Infection chronique : asymptomatique +/- adénopathies Infections mineures : Candidose buccale, herpès, zona… Lymphocytes CD4 200 CD4 * Infections opportunistes : Tuberculose, candidose digestive, pneumocystose, toxoplasmose cérébrale, cryptococcose, cryptosporidiose, infection à CMV… •Affections néoplasiques (« cancers ») : lymphomes (EBV), papillomavirus… Perte 60-100 CD4/an Charge virale Survenue des infections opportunistes est fonction du taux de CD4 CD4/mm³ 500 400 Infections bactériennes Herpès Tuberculose Candidose œsophagienne Pneumocystose Cryptosporidiose 200 100 50 Toxoplasmose Cryptococcose Cytomégalovirus Mycobactérie atypique Aspergillose Temps 12 Girard PM et al. In Doin SIDA 2004 Marqueurs prédictifs Numération des lymphocytes CD4+ circulants Virémie plasmatique quantitative (charge virale) Evolution des lymphocytes CD4+, de la charge virale VIH plasmatique et de la réponse cellulaire et humorale CD4 anticorps Réponse immune cellulaire charge virale 1-3 mois 6-8 8-10 ans CD4+ Décroissance annuelle moyenne de 60100/mm3 Risque de sida < 200 CD4/mm3 Marqueur isolément insuffisant 3 groupes: < 200, 200 à 500, > 500/mm3 (CDC93) Cohorte Frisco: 87, 46 et 16% de sida à 3 ans Marqueur d’efficacité thérapeutique controversé Diminution du nombre de CD4 Mécanismes de dépletion des CD4 Effet cytopathique direct du VIH et de ses protéines sur la cell CD4 et ses progéniteurs Effet du VIH sur la perméabilité membranaire ce qui augmente la fragilité Induction d’une apoptose via une activation immunitaire Destruction de la moelle osseuse Mécanismes de dépletion des CD4 cytotoxicité des Cytokines Destruction du tissu ymphoide (e.g., thymus) et reduction de la production de nouvelles cellules Activité cytotoxique anti-CD4 (CD8 and CD4; NK cells) Anticorps Anti-CD4 ARN VIH plasmatique Marqueur indépendant prédictif de survie et de progression vers le sida Intégré en routine dans le suivi des patients Indication: évaluation des primo-infections, suivi des patients avant traitement, évaluation efficacité d’un traitement ARV Variabilité intra-individuelle forte Réduction du risque d’événement/décès corrélé à la réduction de la CV à M6 Combinaison des marqueurs 100% 6 4 .4 % 80% 4 0 .1 % ye a rs P ro b a b i li ty o f A ID S w i th i n 3 8 5 .5 % 60% 40% 4 0 .1 % 4 2 .9 % 3 2 .6 % 3 2 .6 % 1 6 .1 % 8 .1 % 1 6 .1 % 8 .1 % 20% 2 .0 % 8 .1 % 9 .5 % 3 .2 % 2 .0 % 0% > 110K 41 - 110K 3 .7 % 2 .0 % 14 - 41K 3 - 14K HIV -1 R NA concentration (copies/m l) 0 .0 % < 3K < 200 201 - 350 351 - 500 501 - 750 > 750 C D 4 count Histoire naturelle 3 phases Infection aiguë ou primo-infection Infection chronique (latence clinique mais pas virologique) Phase finale symptomatique (sida) Primo-infection VIH Clinique 10 à 15 jours après la contamination [5-30] Signes peu spécifiques Fièvre, dysphagie, céphalées, myalgies, asthénie, amaigrissement Durée médiane: 14 jours Infection asymptomatique et maladie VIH symptomatique Symptômes cliniques initiaux Rien… LGP Puis : Fatigue Perte de poids Diarrhée intermittente ou prolongée Fièvre, frissons Sueurs nocturnes Recurrences HSV genital et lèvre ? Manifestations cliniques Liées au VIH ou indicatives d’un déficit immunitaire Évolution clinique ou prise en charge compliquée par l’infection VIH Angiomatose bacillaire Candidose oro-pharyngée Candidose vaginale persistante, fréquente ou répondant mal au traitement Dysplasie du col modérée ou grave, carcinome in situ Syndrome constitutionnel Leucoplasie chevelue langue TI Salpingite, abcès tuboovariens Neuropathie périphérique Puis …. Infections opportunistes sévères ou Cancers invasifs Classifications de l’infection A VIH Classifications 1. But épidémiologique – notification des cas – dynamique de l’épidémie 2. But pronostique – définition de groupes de patients homogènes – détermination des CD4 3. But thérapeutique – évaluation des risques évolutifs Evolution des classifications Avt tests biologiques: ds un but de surveillance épidémiologique et pour les praticiens: définition des cas de sida: Bangui, CDC 82, 87 reposait essentiellement sur l'absence d'autres causes du déficit immunitaire susceptible d'expliquer des manifestations infectieuses ou tumorales opportunistes Evolution des classifications Avec l’existence des tests biologiques: Il est apparu fondamental d'utiliser un système de classification hiérarchisant l'histoire naturelle de l'infection objectifs de cette classification sont multiples : reproductibilité entre examinateurs, critères pronostiques, critères thérapeutiques (mise en route des traitements antiviraux et prophylaxie) et épidémiologiques à large échelle. Plusieurs classifications CHEZ L’ADULTE Bangui: classification clinique sida en zone « tropicale » CDC 87: 4 groupes cliniques, avec classes biologiques simplifiées OMS 89: classification clinique en 4 stades avec degré d’activité CDC 93: 3 groupes cliniques et 3 groupes biologiques. OMS 2003, 2006 Classifications des manifestations cliniques et anomalies biologiques 1. Classification CDC (1993) – trois stades de sévérité croissante – fondée sur paramètres cliniques et numération CD4 2. Classification OMS – selon 4 groupes – fondée sur stade clinique et degré d ’activité Candidoses Herpès génital Manifestations dermatologiques Molluscum contagiosum 60 ZONA 61 Pneumopathies bactériennes: Pneumonie à pneumocoques 11 Pneumopathie à Mycobacterium tuberculosis Toxoplasmose cérébrale 8 Abcès souvent multiples (80 %) à l’inverse du lymphome Fond d’œil normal 19 Rétinite à CMV CLASSIFICATIONS CHEZ L’ENFANT ET L’ADOLESCENT - Classification clinique CDC Classification immunologique CDC Classification pédiatrique révisée de l’OMS(2006). CONCLUSION Les traitements ARV ont changé le cours de l’histoire naturelle Il reste de nombreuses zônes d’ombre en Afrique Les classifications sont évolutives et susceptibles de changement Nécessité d’adaptation et de consensus