Conf. n°8 - Barbara DONVILLE

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Barbara DONVILLE - Conférences EHESS 2013 " EMOTIONS ET CONNAISSSANCE DE SOI "
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CONFERENCE 8
LE SOI AUTOBIOGRAPHIQUE
Comment notre mémoire façonne-t-elle notre identité ? Philosophes et psychologues ont
longtemps débattu de la nature de la conscience de soi et de sa relation avec la mémoire.
Selon le modèle de Martin Conway, un souvenir n’est pas entièrement stocké et encodé
dans notre cerveau. Un administrateur central, l’identité exécutive, le reconstruit à partir de
différents types d’informations : les connaissances conceptuelles (schémas et périodes de
vie, événements généraux, et les souvenirs d’événements spécifiques dits épisodiques). Ces
souvenirs reconstruits par différents processus de rappels en cascade, nourrissent à leur tour
l’image que nous nous faisons de nous-mêmes. Nous nous arrêterons sur cette dernière
étape de la construction du soi, qu’est le soi autobiographique, nous comprendrons
pourquoi c’est effectivement notre passé qui construit notre avenir. Dans les années 1990,
Thomas Suddendorf de l’université de Queensland en Australie et Michael Corballis de
l’université d’Auckland en Nouvelle-Zélande s’intéressent à cette capacité unique qu’a
l’homme de pouvoir voyager mentalement dans le temps, d’être à la fois capable de se
souvenir d’un fait et d’élaborer un projet. C’est eux qui émettent les premiers l’hypothèse
d’un processus cérébral commun aux souvenirs et aux projets. Nous nous appuierons
également sur les travaux d’Antonio Damasio et d’Eric Kandel, neuroscientifiques, dont l’un
est spécialiste de la mémoire et l’autre est professeur de neurologie et de neurosciences,
pour mieux comprendre les fondements biologiques de notre personnalité. Le soi
autobiographique achève le processus du soi. Nous verrons comment se construit le soi
autobiographique et nous parcourrons les différentes implémentations neurales
responsables de la coordination et de l’évolution de cette dernière étape de la construction
du soi. Nous comprendrons alors pourquoi le soi autobiographique est, la plupart du temps,
inconstructible dans l’autisme.
Une autobiographie se compose de souvenirs personnels et représente la somme
totale de ce qu’ont été les expériences de notre vie, y compris celles des plans que
nous avons formés pour l’avenir. Le soi autobiographique est une autobiographie
rendue consciente. Il englobe toute l’histoire dont on se souvient, tant récente que
lointaine, les expériences sociales auxquelles on a participé, mais aussi les
expériences émotionnelles les plus raffinées, celles que l’on peut qualifier de
spirituelles.
Le soi autobiographique mène une double vie. D’un côté il peut être à découvert
et c’est alors que l’esprit conscient se présente sous la forme la plus développée ;
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de l’autre, il peut rester à l’état dormant, la foule de ses composants attendant
leur tour pour devenir actifs. Cette autre vie du soi autobiographique, a lieu hors
du champ conscient. Et c’est probablement en ces endroits et en ces moments que
le soi mature, grâce aux sédimentations graduelles et aux révisions de la
mémoire.
Lorsque les expériences vécues se reconstruisent et se rejouent par réflexion
consciente ou bien par entraînement non conscient, leur substance est réévaluée
et inévitablement réarrangée, qu’elle soit beaucoup ou peu modifiée, en terme de
composition factuelle et d’accompagnement émotionnel. Les entités et les
événements acquièrent un poids émotionnel nouveau, certains schémas
mémoriels sont abandonnés, tandis que d’autres sont restaurés et rehaussés ;
d’autres encore sont si adroitement combinés par nos désirs ou par les aléas du
hasard qu’ils créent de nouvelles scènes qui n’ont jamais été tournées, c’est
pourquoi, des faits peuvent prendre une autre signification et la musique de la
mémoire se jouer de façon différente aujourd’hui que l’année passée.
Rappel à propos des différentes étapes de la construction du soi
Nous avons vu, l’année dernière que le corps est le fondement de l’esprit conscient et
que les aspects les plus stables du fonctionnement du corps sont représentés sous forme de
cartes qui contribuent à l’élaboration des images que nous formons dans notre esprit.
Le soi se bâtit donc par étapes distinctes
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-
Le protosoi est la première étape, cette étape est l’engendrement des sentiments
élémentaires d’existence qui jaillissent, que l’on appelle les sentiments primordiaux.
-
Le soi-noyau est la seconde étape, elle porte sur l’action, en particulier sur la relation
entre notre organisme et l’objet de son attention. Le soi-noyau se déploie dans une
suite d’images qui décrivent un objet engageant le protosoi en modifiant les
sentiments primordiaux. Le Soi-noyau est l’étape où le sujet commence à se sentir
concerné par ce qui lui arrive et va alors élaborer une action pour réaliser un acte
dans un but précis.
-
Le soi autobiographique est la troisième étape. Cette étape se définit en termes
autobiographique qui vont du passé aux anticipations de l’avenir. Les multiples
images dont l’ensemble construit une biographie engendrent les pulsations et les
modifications du soi-noyau dont l’agrégat constitue un soi autobiographique. Le Soi
autobiographique ne peut se construire que lorsque le sujet possède réellement sa
faculté d’actions et peut s’approprier ces dernières, tant dans le passé, que dans le
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présent ou l’avenir. Le soi autobiographique modifie la façon dont le sujet engage sa
conscience dans ses actions et dans son espace, il modifie donc le Soi-noyau.
Le protosoi et ses sentiments primordiaux ainsi que le soi-noyau qui introduit un
protagoniste qui engage notre organisme, constituent ce que william James nommait
« le moi matériel ».Le soi autobiographique dont les couches supérieures embrassent
tous les aspects de la personnalité sociale forme « le moi social » et « le moi
spirituel ». Le soi-noyau et le soi autobiographique construisent dans notre esprit
conscient une instance connnaissante de nous-mêmes, et dotent notre esprit d’une
subjectivité.
Quelle stratégie le cerveau adopte-t-il pour édifier le soi autobiographique ?
Il s’agit tant d’un travail de construction à partir des étapes précédentes que sont
le protosoi et le Soi-noyau, que d’un travail de reconstruction neurologique qui
s’effectue en grande partie de manière inconsciente
-
3
-
Ce travail de reconstruction neurologique s’appuie sur une architecture de
convergence-divergence pour transformer les images codées contenues dans
l’espace qui contient ce type de cartes pour fabriquer ces images, en images
apparaissant explicitement dans l’espace propre des images, une fois
constituées : lorsque le nombre d’épisodes est limité, la complexité de ce
dont il faut se souvenir pour structurer le Soi est très grande.
-
Les ensembles de souvenirs qui définissent une biographie se regroupent
pour que chacun soit traité comme un objet individuel. Ces ensembles sont
substantiellement nombreux. Chacun de ces objets peut modifier le protosoi
et donne alors sa pulsation au soi-noyau ce qui fait émerger les sentiments de
savoir pour chacun des objets et de saillance qui leur correspond. C’est le fait
de savoir que l’on sait et que l’on peut faire saillir ce type de savoir qui crée
en nous une instance connaissante de nous-mêmes.
Les objets de notre biographie sont innombrables, donc le cerveau a besoin de
procédés capables de coordonner l’évocation de tous ces types de souvenirs pour
les procurer au protosoi pour l’interaction qui est requise et de placer les
résultats de cette évocation dans une structure cohérente qui soit reliée aux
objets qui en sont les causes et qui engagent notre organisme au niveau du Soinoyau.
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Ce problème est loin d’être simple….
En effet….
-
Les niveaux complexes du soi autobiographique englobent tant d’objets
biographiques, qu’ils exigent d’innombrables pulsations du soi-noyau.
Donc…..
-
Pour construire le soi autobiographique, il faut un appareillage neural capable
de produire de multiples pulsations du soi-noyau.
Que se passe-t-il du point de vue neural ?
-
Le processus est compliqué : les images qui constituent une biographie sont
en grande partie implantées dans les espaces d’images du cortex cérébral,
lesquelles sont fondés sur le rappel des souvenirs issus des cortex
dispositionnels.
-
Afin de devenir conscientes, ces images doivent interagir avec la machinerie
du protosoi qui est en grande partie située au niveau du tronc cérébral. La
construction du soi autobiographique fait appel à des mécanismes de
coordination très élaborés. Cette élaboration complexe édifie la construction
du soi-noyau.
-
Le soi autobiographique dépend de deux mécanismes conjoints :
a) D’une part, un mécanisme annexe au mécanisme du soi-noyau
b) D’autre part, un mécanisme qui accomplit dans tout le cerveau une
opération de coordination qui comprend plusieurs étapes :
1) Une première étape durant laquelle certains contenus sont évoqués à
partir de la mémoire et exprimés en images ;
2) Une seconde étape durant laquelle ces images sont autorisées à
interagir de façon ordonnée avec un autre système situé ailleurs dans
le cerveau, c’est-à-dire le protosoi ;
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3)
Une dernière étape durant laquelle les résultats de cette interaction
sont maintenus cohérents dans une certaine fenêtre de temps.
Les structures impliquées dans la construction du soi autobiographique
incluent toutes celles qui sont requises pour le soi-noyau, à savoir, dans
le tronc cérébral, le thalamus et le cortex cérébral qui sont impliqués
dans les mécanismes de coordination. Ces mécanismes de coordination
sont des organisateurs spontanés d’un processus. Les résultats se
matérialisent en particulier dans les structures qui forment les images
et engendrent l’esprit, lesquelles sont situées à la fois dans le cortex
cérébral et dans le tronc cérébral.
Mais…..
-
Pour que le soi autobiographique soit implémenté, une coordination dans le
cerveau est nécessaire.
Plusieurs structures peuvent être candidats au rôle de coordinateur :
-
Le thalamus, tout d’abord, qui représente un candidat important, car la
position intermédiaire des noyaux du thalamus, entre le cortex cérébral et le
tronc cérébral, est idéale pour échanger des signaux et jouer un rôle de
coordination.
Cependant…..
-
Si le thalamus associatif est très actif pour élaborer l’arrière-plan de toute
image, il ne joue pas un rôle essentiel en ce qui concerne la coordination des
contenus qui définissent le soi autobiographique.
Les autres structures possibles….
-
Une collection composite de régions situées dans les deux hémisphères
cérébraux, où chacune est un nœud macroscopique localisé à un grand
carrefour du réseau signalétique convergence-divergence (RCD).
En effet…..
-
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Les régions de convergence-divergence sont situées de façon stratégique dans
les cortex associatifs supérieurs, mais pas dans les cortex sensoriels servant à
la formation des images. Ces régions de convergence-divergence recèlent les
enregistrements des connaissances acquises précédemment concernant les
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thèmes les plus divers. En effet, l’activation de n’importe laquelle de ces
régions promeut la reconstruction par divergence et rétroactivation dans les
aires formant les images des aspects divers des connaissances passées dont
celles qui touchent à la biographie.
-
La tâche des régions de convergence-divergence consiste à coordonner les
diverses images engendrées par la perception présente, mais la
remémoration est assistée par les régions de convergence-divergence qui
sont situées dans les cortex associatifs non cartographiques.
La région des cortex postéromédians est le maître intégrateur/coordinateur de la
conscience….
-
Les cortex postéromédians sont cette région qui est située à l’intersection de
voies associées aux informations qui sont issues des viscères (intéroception),
du système musculo-squelettique (proprioception et kinesthésie), et du
monde extérieur (extéroception), mais en fait les informations neuroanatomiques disponibles sur cette région sont très limités.
En quoi consiste le travail des cortex postéromédians ?
-
Les cortex postéromédians contribuent à l’esprit conscient, ils reçoivent les
signaux de la plupart des régions d’association sensorielle supérieure et des
régions motrices.
-
Ce sont les régions de convergence-divergence qui envoient des signaux aux
cortex postéromédians (CPM). En effet, ces régions détiennent la clé de
composés d’informations multimodales et peuvent donc envoyer des signaux
aux CPM et en recevoir.
-
Les CPM reçoivent également des signaux des noyaux sous-corticaux
impliqués dans l’état de veille. Ainsi, les CPM émettent à leur tour vers des
régions impliquées vers l’attention, les récompenses et les routines motrices.
Que font les cortex postéromédians de ces signaux ?
-
6
ce sont des cortex où les images peuvent être formées et projetées. Pour que
cela se produise la conscience assiste les CPM en contribuant à l’assemblage
des états du soi autobiographique par le biais des activités sensorielles et
motrices qui sont liées à l’expérience personnelle et qui sont cartographiées.
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-
La conscience permet aux cortex postéromédians de rester actifs en
élaborant des ensembles fortement disparates d’activités cérébrales dans une
structure cohérente.
En effet…..
-
Les cortex postéromédians sont une structure de va-et-vient lorsqu’il y a
défaut d’opération. Par exemple, quand nous avons besoin d’être attentifs à
des stimuli extérieurs, notre esprit conscient place l’objet à examiner en
premier plan et laisse le Soi à l’arrière-plan. Quand nous ne sommes pas
sollicités par le monde extérieur, notre soi s’approche du centre de la scène et
peut même se mettre plus en avant lorsque l’objet à examiner est notre
propre personne.
Comment cela se passe-t-il lorsqu’il y a des pathologies de la
conscience ?
-
-
Les pathologies de la conscience ont révélé que les aspects neuroanatomiques des mécanismes envisagés pour la construction du soi-noyau et
du soi autobiographique ne sont pas forcément dépendants l’un de l’autre.
En effet……
Le soi autobiographique peut être compromis alors que le soi-noyau reste
intact : Lorsque des troubles du soi autobiographique apparaissent de façon
indépendante au système du soi-noyau, la cause est toujours le
dysfonctionnement d’un aspect de la mémoire.
Qu’en est-il des rouages de notre mémoire dans la construction du soi
autobiographique ?
Le modèle de Martin Conway…..
Selon le modèle de Martin Conway, un souvenir n’est pas entièrement stocké ni
encodé dans notre cerveau. Un administrateur central, l’identité exécutive, le
reconstruit à partir de différents types d’informations. En effet, les connaissances
conceptuelles (schémas et périodes de vie, et événements généraux) ainsi que les
souvenirs d’événements spécifiques dits épisodiques sont reconstructibles. Une fois
ces souvenirs reconstruits par différents processus de rappels en cascade, ils
nourrissent à leur tour l’image que nous nous faisons de nous-mêmes.
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Comment notre mémoire façonne-t-elle notre identité par le biais du soi
autobiographique ?
Philosophes et psychologues ont longtemps débattu de la nature de la conscience du
soi et de sa relation avec la mémoire. William James, en 1890 fut le premier à définir
l’identité par ses liens avec la mémoire de sa propre histoire. Pour lui, sans cette
capacité à remonter dans notre passé, nous ne pourrions pas avoir d’identité.
-
Aujourd’hui, on considère que c’est la mémoire autobiographique, celle des
expériences et des connaissances personnelles acquises tout au long de notre vie,
qui fonde notre identité : ce que nous avons été, ce que nous sommes, ce que
nous pourrions devenir. Ce système mnésique est considéré comme proprement
humain.
-
Lorsqu’un souvenir autobiographique vient à l’esprit, tout un réseau cérébral
largement distribué dans le néocortex, qui est la partie visible à la surface du
cortex cérébral humain, devient actif. Toute atteinte de ce réseau s’accompagne
d’une perturbation des souvenirs, voire d’une absence totale de souvenirs.
Trente ans de recherche dans ce domaine a conduit à une conception théorique
de ce système de mémoire du soi et à l’élaboration de ses différentes propriétés.
-
Des principes de cohérence et de correspondance ont été établis : Des études
cognitives montrent qu’un souvenir peut être presque exact, partiellement exact
ou totalement faux. Un souvenir est toujours incomplet et fragmentaire, sans
commune mesure avec les autres formes d’enregistrement comme les vidéos ou
les photographies. La mémoire humaine est bien plus axée sur l’extraction et la
mémorisation du sens général que sur celle des détails.
Les années 1990 ont proposé une nouvelle conception de la mémoire autobiographique
On savait déjà que la mémoire autobiographique reposait sur deux
composantes :
a) la mémoire épisodique qui repose sur la connaissance des événements
b) la mémoire sémantique, plus conceptuelle, qui repose sur des connaissances
générales sur le monde et sur soi.
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Ce nouveau modèle a mis l’accent sur le fait que les souvenirs autobiographiques
sont des reconstructions mentales complexes, guidés par deux principes
complémentaires, le principe de correspondance et le principe de cohérence.
En effet…..
a) Un souvenir doit refléter au mieux notre expérience de la réalité, c’est le
principe de la correspondance ;
b) Un souvenir doit aussi, être en accord avec ce que nous sommes, nos
croyances, l’idée que nous nous faisons de ce que nous faisons de nousmêmes, c’est le principe de cohérence ;
Chaque souvenir est donc un équilibre entre correspondance et cohérence qui
nourrit notre identité et permet de nous adapter au monde social…..
Cependant….
a) Trop de correspondance suscite l’émergence de souvenirs très détaillés et
vivaces qui focalisent l’attention et les ressources cognitives.
b) Trop de cohérence peut conduire à construire un passé fantasque, et une
identité non fondée sur les expériences vécues, voire, à l’extrême, une fausse
identité.
Alors, comment va-t-on du souvenir à la connaissance ?
-
L’idée que les souvenirs autobiographiques ne sont donc pas stockés comme tels,
mais sont des constructions mentales, engendre donc un processus complexe et
dynamique. On comprend que ce type de souvenirs est donc reconstruit à chaque
rappel à partir de plusieurs types d’informations générées par plusieurs régions
cérébrales. C’est de cette construction qu’émerge le sentiment conscient de
revivre l’événement passé.
De quelle nature sont les différentes composantes sur lesquelles s’appuie la
reconstruction du souvenir autobiographique ?
-
9
C’est la conscience autonoétique, ainsi nommée par Endel tulving, qui permet de
se projeter dans le temps pour revivre un souvenir personnel, c’est la pierre
angulaire de la mémoire épisodique. Cette expérience de pensée contraste avec
d’autres états de conscience tels que le sentiment de familiarité et de savoir dit
« conscience noétique » qui peut accompagner le rappel de connaissances
autobiographiques sans souvenirs épisodiques associés.
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En effet…..
-
Selon Edel Tulving, ces ceux états de conscience caractérisent respectivement le
rappel en mémoire épisodique et le rappel en mémoire sémantique. Il distingue
les deux types d’informations auxquels la mémoire fait appel : les souvenirs
épisodiques et les souvenirs conceptuels.
Les souvenirs épisodiques sont des représentations de moments spécifiques….
-
ils contiennent des détails perceptifs et sensoriels, ainsi que des détails visuels.
Ils présentent un point de vue, celui de l’observateur, ils conservent un point de
vue original de l’événement vécu.
-
C’est un événement unique, vécu une seule fois,
C’est un événement de courte durée (jusqu’à quelques heures),
C’est une situation spatiale et temporelle,
-
Dans ce type de souvenirs, les images mentales et perceptives du soi sont alors
vécues soit en tant qu’acteur soit en tant que spectateur.
Ce type de souvenir élabore un sentiment de revivre mentalement l’épisode vécu
avec des détails :
-
a) Détails factuels (comment ça s’est passé, qui était là)
b) Détails spatio-temporels (localisation dans l’espace, déroulement temporel)
c) Détails phénoménologiques (émotions, perceptions, pensées)
Les souvenirs conceptuels, sont constitués de schémas et de représentations génériques
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-
Ce sont les souvenirs les plus abstraits, ce sont des idées générales sur nousmêmes. Les représentations génériques concernent de longues périodes bien
définies avec un début et une fin. Elles sont reliées par thèmes de vies et non
selon un ordre temporel, elles sont appelées « périodes de vie ».
-
Ces souvenirs sont associés à un type de connaissances conceptuelles
personnelles : les « événements généraux » qui sont des résumés de nombreux
événements spécifiques soient étalés dans le temps (mes vacances), soient
répétés (mes week-ends pendant mon adolescence). Ils ont perdu l’inscription
contextuelle de chaque événement. On en crée une représentation schématique.
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-
Au fil d’expériences similaires, on passe donc d’un souvenir épisodique à un
souvenir conceptuel. L’événement particulier n’est plus inscrit en tant que tel.
Avec le temps, le sentiment de « se souvenir » devient celui de « savoir » et le
point de vue d’acteur se change en point de vue d’observateur.
Que se passe-t-il au moment du rappel du souvenir autobiographique ? Comment se
construit-il à partir des différents types d’informations épisodiques ou conceptuels ?
Il s’agit de processus stratégiques……
11
-
En fonction de notre état, de notre identité à un moment donné, nous
privilégions l’accès à un souvenir plutôt qu’à un autre. C’est cette identité
exécutive qui détermine quels souvenirs vont être rappelés.
-
Ces processus peuvent donner accès à des connaissances sur une période de vie
qui vont convoquer des événements généraux qui, eux-mêmes vont renvoyer à
des détails d’événements spécifiques.
-
Le rôle de l’identité exécutive est particulièrement visible chez les personnes
dépressives qui ont du mal à se souvenir de souvenirs épisodiques positifs, et se
souviennent surtout des souvenirs épisodiques négatifs. Dans les maladies
psychiatriques et neurologiques, la mémoire autobiographique est plus souvent
affectée par une perte d’accès aux souvenirs épisodiques qu’aux connaissances
conceptuelles.
-
Ces résultats suggèrent que les deux composantes de la mémoire
autobiographique, c’est-à-dire le principe de cohérence et le principe de
correspondance, même s’ils sont étroitement liés peuvent être dissociés au
niveau cognitif.
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Les principes de cohérence et de correspondance sont-ils également dissociés au niveau
cérébral ?
-
On a effectué de nombreuses expériences pour tenter de le savoir. On a cherché
à localiser les régions du cerveau activées lors de l’évocation de connaissances
générales sur soi (comme le goût, les traits de personnalité, les faits et
événements généraux) et de souvenirs autobiographiques. Ces expériences
montrent que la mémoire autobiographique engage un vaste réseau cérébral.
Préférentiellement localisé à gauche, il comprend les régions néocorticales
frontales, temporales incluant l’hippocampe, et des régions plus postérieures.
Plusieurs régions sont donc sollicitées par le rappel d’un souvenir autobiographique :
a) Le lobe préfrontal et le lobe temporal pour les processus stratégiques et de
reconstruction ;
b) L’hippocampe pour la capacité à revivre les détails du contexte d’encodage,
ce que l’on nomme reviviscence ;
c) Les régions pariéto-occipitales pour l’imagerie mentale associée au
souvenir ;
Ce réseau implique des structures cérébrales médianes que l’on associe en général aux
processus de référence du Soi.
12
-
Grâce à certaines techniques, il est aussi possible de suivre la séquence
d’activation en temps réel pour préciser comment les différentes régions se
passent le relais, ce qui permet dans un second temps d’établir des comparaisons
sur le plan cognitif. Au départ, pendant la reconstruction du souvenir qui
développent des processus stratégiques qui donnent accès aux connaissances
conceptuelles, ce sont les régions préfrontales et temporales latérales qui sont
sollicitées, puis, après 10 ou 20 secondes, c’est au tour de l’hippocampe et des
régions postérieures d’être activées au moment où la personne revit ses
souvenirs
-
Se souvenir du passé ou envisager le futur, semble engager les mêmes
mécanismes cérébraux. De récentes expériences ont été menées, et les résultats
suggèrent que, plus les événements sont éloignés dans les temps, plus le nombre
d’événements rapportés diminue. Au-delà de trois jours, la plupart des
reconstructions sont davantage génériques que spécifiques.
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-
L’existence d’un réseau cérébral commun aux différentes composantes de la
mémoire autobiographique a été démontrée ainsi que celle de régions
spécifiques, confirmant l’idée d’une dissociation fonctionnelle entre les aspects
épisodiques et conceptuels.
C’est notre passé qui construit notre futur
Dans les années 1990, Thomas Suddendorf de l’université de Queensland en
Australie et Michael Corballis de l’université d’Auckland en Nouvelle-Zélande
s’intéressent à cette capacité unique qu’a l’homme de pouvoir voyager
mentalement dans le temps, et de pouvoir tout à la fois se souvenir d’un fait et
d’élaborer un projet. C’est eux qui émettent les premiers l’hypothèse d’un
processus cérébral commun aux souvenirs et aux projets. Auparavant, Endel
Tulving de l’université de Toronto, avait apporté la dimension cruciale pour faire
émerger le concept de voyage mental dans le temps. Pour lui, la conscience de
soi, se référait à cette conscience autonoétique par laquelle l’individu sait qu’il est
l’acteur de l’évocation en cours de l’événement remémoré ou projeté, qui permet
ce voyage.
Le concept de la projection du Soi
-
En 2006, Randt Buckner et Daniel Caroll de l’université de Harvard proposent un
concept qu’ils nomment « projection de Soi ». Ce concept comprend le fait de
s’imaginer à un autre endroit ou à la place d’un autre.
Dans cette vision, le rôle de la mémoire autobiographique n’est pas de livrer un
enregistrement précis de notre histoire, mais de fournir des schémas pour
envisager l’avenir.
En effet……
-
13
La mémoire du passé n’est pas parfaite, elle ne semble pas assez performante
pour que son rôle soit uniquement l’évocation du passé. Pour ces auteurs, la
quintessence de l’activité cérébrale est donc d’imaginer le futur.
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Souvenirs et projections activent les mêmes régions cérébrales
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-
Les images montrent que les régions préfrontales dorso-latérales gauches, le
cortex préfrontal médian à gauche et dans une moindre mesure à droite, et enfin
les zones médianes postérieures du cerveau sont sollicitées.
-
Les régions préfrontales dorso-latérales gauches sont activées dès que la tâche
en cours fait appel à la dimension « temps », ou quand elle nécessite un effort de
construction des représentations.
-
On sait que les zones cérébrales médianes (préfrontales, temporales, et
pariétales) sont impliquées dans les processus mentaux se référant à soimême. Quant à l’hippocampe gauche (qui fait partie du lobe temporal médian),
on lui attribue comme rôle principal de relier divers informations encodées et
stockées dans le cortex.
-
L’activation de l’hippocampe quand des projets sont évoqués indique que la
représentation d’un événement projeté, requiert l’accès aux zones corticales de
stockage, donc aux souvenirs. La sollicitation de l’hippocampe droit, elle, implique
l’association du cortex spatial à l’évocation de souvenirs et de projets.
-
On considère que les zones postérieures du cerveau sous-tendent différentes
étapes qui conduisent à la construction des représentations d’événements
personnels. Le schéma cérébral mis au jour par les projections dans le futur
correspond donc bien à celui étudié pour l’évocation des souvenirs.
-
Moshe Bar de la Harvard Medical School a montré que ce sont aussi les mêmes
zones qui s’activent quand on fait des « prédictions ». En effet, Il entend par
« prédictions », les analogies que fait en permanence le cerveau entre un
élément nouveau et ses souvenirs stockés, ce qui permet de construire ce que
Damasio nomme « l’arrière-plan corporel ».
-
Pour Moshe Bar, la projection de soi, l’état de repos et les prédictions traduisent
la même activité et « utilisent » la même machinerie cérébrale. La stimulation la
planification et la combinaison du passé et du futur, qui occupent constamment
notre cerveau, fabriquent de nouveaux éléments à mémoriser, des faux souvenirs
en quelque sorte, puisqu’ils ne correspondent à aucun événement réels. Ces faux
souvenirs, comme les souvenirs réels, ont un même objectif : créer des schémas
approximatifs qui serviront dans des situations à venir.
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Au-delà de la démonstration d’un système neuro-cognitif commun aux souvenirs
d’événements réels et aux projections, ces résultats ouvrent une nouvelle
perspective : notre cerveau envisage et prépare l’avenir non seulement avec nos
souvenirs concrets, mais aussi avec ceux qui prennent forme et réalité uniquement
dans notre mémoire.
Les fondements biologiques de notre individualité : l’expérience modifie
les synapses
Si l’invariance de l’architecture nerveuse est établie, on doit se demander comment
un comportement contrôlé par un circuit nerveux câblé avec précision peut être
modifié par l’expérience ?
-
Si les circuits nerveux impliqués dans la perception forment des connexions
synaptiques figées, assurant ainsi la précision de notre monde perceptif, les
circuits nerveux impliqués dans la mémorisation possèdent des connexions
synaptiques dont l’intensité évolue avec l’apprentissage.
Ce mécanisme forme la base de la mémoire et du fonctionnement cognitif
supérieur.
En effet….
-
L’apprentissage débouche sur une modification de la force synaptique, mais
également sur une modification de la force de communication entre des cellules
spécifiques des circuits qui véhicule le comportement.
On constate que…..
-
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Etant donné qu’en situation « d’habituation », un potentiel d’action dans le
neurone sensoriel donne naissance à un potentiel synaptique plus faible dans le
neurone moteur, alors qu’en situation de sensibilisation, il fait apparaître un
potentiel plus important dans le neurone moteur et donc une meilleure efficacité
dans la communication, ses résultats poussent à réfléchir à la manière dont des
processus génétiques et de développement, interagissent avec l’expérience pour
déterminer la structure de l’activité mentale dont dépend le Soi
autobiographique.
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Que se passe-t-il au niveau des neurones ?
-
La force et l’efficacité des connexions synaptiques sont régulées par l’expérience.
En effet, on sait que la potentialité, pour bon nombre de comportements d’un
organisme, est présente à l’intérieur du cerveau et se trouve, dans ce cas
contrôlée par la génétique et le développement de l’individu.
Cependant….
-
L’environnement et l’apprentissage altèrent l’efficacité des chemins préexistants
et entraînent l’expression de nouveaux schémas comportementaux.
L’apprentissage effectue une sélection parmi un large répertoire de connexions
préexistantes et altère la force des sous-ensembles de ces connexions.
De fait…..
-
Un ensemble donné de connexions synaptiques entre deux neurones peut être
modifié suivant deux modalités opposées, soit renforcé soit affaibli, par
différentes formes d’apprentissages. Ces mécanismes cellulaires sous-tendent
l’apprentissage et la mémoire à court terme. De plus, comme ces modifications se
produisent à plusieurs endroits dans le circuit nerveux, la mémoire est distribuée
et stockée à travers tout le circuit, et non dans un site spécifique.
Donc….
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-
L’apprentissage, tellement essentiel dans l’élaboration du soi autobiographique,
s’effectue à partir de combinaisons de diverses formes élémentaires de plasticité
synaptique pour produire de nouvelles formes plus complexes, un peu comme
nous utilisons l’alphabet pour former un mot.
-
L’abondance des synapses chimiques comparées aux synapses électriques reflète
un avantage fondamental de la transmission chimique sur la transmission
électrique et engendre une capacité à relayer une variété de formes
d’apprentissage et de stockage mnésique.
-
La mémoire se forme par étape : la mémoire à court terme se transforme en
mémoire à long terme, et les circuits modifiés par un apprentissage provoquent
pour les synapses des modifications importantes et durables même lors que
l’entraînement est relativement réduit.
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Par quelle voie la mémoire à court terme se transforme-t-elle en
mémoire à long terme ?
Un peu d’histoire…..
C’est en 1885 que commencent les travaux expérimentaux sur l’apprentissage
notamment avec le philosophe allemand Hermann Ebbinghaus qui analyse la
mémoire humaine. Ebbinghaus fut influencé par les travaux d’Hermann Von
Helmholtz qui introduisit une méthode rigoureuse dans l’étude de la perception.
Helmholtz mesura la vitesse à laquelle un stimulus sur la peau voyageait jusqu’au
cerveau. Il découvrit que cette vitesse était lente (30M par seconde) et que le
temps de réaction émis par un sujet pour réagir à ce stimulus était encore plus
long. Cela poussa Helmholtz à avancer qu’une part considérable du traitement
de l’information perceptuelle par le cerveau s’effectue de manière inconsciente. Il
baptisa ce processus « l’inférence inconsciente » et proposa un mécanisme fondé
sur l’évaluation et la transformation du signal nerveux à l’insu de l’individu. Ces
processus, affirmait-il, devaient résulter de signaux routés et traités à différents
endroits durant la perception et le mouvement volontaire. Comme Helmholtz,
Ebbinghaus soutenait que les processus mentaux sont de nature biologique.
Ebbinghaus découvrit alors, que la mémoire se constitue par degré, et que donc le
perfectionnement naît de la pratique, la mémoire à long terme semblait
jusqu’alors être une simple extension de la mémoire à court terme, mais il
découvrit également qu’il fallait plus de temps pour retenir quelque chose de plus
long et que cela nécessitait des présentations répétées. Enfin, il découvrit que
l’oubli comporte plusieurs phases : un déclin initial rapide et un déclin beaucoup
plus graduel qui se poursuit pendant des mois
Se fondant sur les résultats d’Ebbinghaus, William James conclut en 1890 que la
mémoire devait être constituée d’au moins deux processus différents : un
processus à court terme qu’il nomma mémoire primaire et un processus à long
terme qu’il nomma mémoire secondaire. Il fallait alors déterminer comment la
mémoire à long terme (qui constitue le soi autobiographique) s’enracine dans un
processus aujourd’hui appelé « consolidation ». On présumait qu’un certain temps
était requis pour figer et consolider la mémoire à long terme. Ce n’est que dans les
années 1950 avec Duncan et surtout Flexner que l’on comprit que le stockage
mnésique à long terme nécessitait la synthèse de nouvelles protéines.
Un stockage mnésique en deux étapes semblait se confirmer : une mémoire à
court terme de quelques minutes est convertie par un processus de consolidation
qui requiert la synthèse d’une nouvelle protéine en une mémoire à long terme
stable qui dure des jours et des mois.
Si certains avançaient que les mémorisations à court terme s’effectuaient en deux
endroits anatomiques différents, alors que d’autres psychologues avançaient que
la mémoire était présente en un seul endroit et qu’elle se renforçait simplement
progressivement au court du temps, la question était de savoir si les mémoires à
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court et à long terme exigent deux sites distincts ou si elles peuvent se satisfaire
d’un site unique, phénomène déterminant pour l’analyse de l’apprentissage en
particulier dans l’analyse de la mémoire à l’échelle cellulaire.
Les travaux d’Eric Kandel sur les différentes formes de mémoires contribuant à
la compréhension de l’élaboration du soi autobiographique
Eric Kandel en vint donc à se demander si les mémoires à court et à long terme
étaient des processus nerveux identiques ou distincts, et si ces processus se
déroulaient aux mêmes endroits ou dans des endroits différents ?
Kandel et son équipe, découvre que les modifications cellulaires qui accompagnent
la sensibilisation à long terme sont similaires aux modifications qui sous-tendent la
mémoire à court terme dans le cerveau des mammifères : la mémoire à long terme
requérait donc la synthèse d’une nouvelle protéine.
Kandel cherche alors à savoir si les formes simples de mémoire à long terme utilisent
les mêmes sites de stockage, c’est-à-dire le même groupe de neurones et le même
ensemble de synapses, que la mémoire à court terme. Il découvre que les mêmes
connexions synaptiques entre neurones sensoriels et moteurs, modifiées dans
l’habituation et la sensibilisation à court terme, le sont également dans l’habituation
et la sensibilisation à long terme. Dans les deux cas, les modifications synaptiques
s’opèrent parallèlement à des modifications du comportement observé.
Etant donné que les processus qui sous-tendent la mémoire à court terme et à la
mémoire à long terme, sont identiques, mais qu’il faut, cependant, l’adjonction
d’une protéine pour engendrer la mémoire à long terme, quelle est la nature du
processus de consolidation de la mémoire à long terme ?
-
La mémoire à long terme n’est pas juste une extension de la mémoire à court
terme. Non seulement les modifications de la force synaptique durent plus
longtemps mais encore, le nombre de synapses évolue.
Plus précisément…..
- Dans l’habituation à long terme le nombre de connexions pré-synaptiques chez
les neurones sensoriels et moteurs décroît, tandis que dans la sensibilisation à
long terme, les neurones moteurs font croître de nouvelles connexions qui
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persistent tant que le souvenir est conservé. De plus, on peut observer dans
chaque cas un ensemble de modifications analogues dans la cellule motrice.
La mémoire à long terme s’accompagne de modifications anatomiques, cette modification
anatomique s’exprime de différentes façons….
a) Dans la sensibilisation à long terme le nombre de terminaisons synaptiques
fait plus que doubler, et la proportion de synapses actives passe de 40% à
60%. Le neurone moteur comporte une excroissance qui peut recevoir
certaines de ces nouvelles connexions. Au cours du temps, à mesure que le
souvenir s’estompe et que la réponse exacerbée revient à la normale, le
nombre de terminaisons pré-synaptiques chute.
b) Dans l’habituation à long terme le nombre de terminaisons pré-synaptiques
chute et le nombre de terminaisons actives se réduit, soit un arrêt quasi-total
des transmissions synaptiques.
Bibliographie
-
Le sentiment même de soi, corps, émotions et conscience, Antonio Damasio,
Editions Odile Jacob 1999
L’autre moi-même, les nouvelles cartes du cerveau, de la conscience et des
émotions, Antonio Damasio, Editions Odile Jacob 2010
Les dossiers de La Recherche : La mémoire, Hors-série n° 49 juin 2012
A la recherche de la mémoire, une nouvelle théorie de l’esprit, Eric Kandel,
Editions Odile Jacob 2006
L’art de la mémoire, Frances A. Yates, Collection Bibliothèque des histoires,
Editions Gallimard 1975
Le livre de la mémoire, Mary Carruthers, Collection Argo, Editions Macula 2002
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