Barbara DONVILLE - Conférences EHESS 2013 " EMOTIONS ET CONNAISSSANCE DE SOI "
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CONFERENCE 8
LE SOI AUTOBIOGRAPHIQUE
Comment notre mémoire façonne-t-elle notre identité ? Philosophes et psychologues ont
longtemps débattu de la nature de la conscience de soi et de sa relation avec la mémoire.
Selon le modèle de Martin Conway, un souvenir n’est pas entièrement stocké et encodé
dans notre cerveau. Un administrateur central, l’identité exécutive, le reconstruit à partir de
différents types d’informations : les connaissances conceptuelles (schémas et périodes de
vie, événements néraux, et les souvenirs d’événements spécifiques dits épisodiques). Ces
souvenirs reconstruits par différents processus de rappels en cascade, nourrissent à leur tour
l’image que nous nous faisons de nous-mêmes. Nous nous arrêterons sur cette dernière
étape de la construction du soi, qu’est le soi autobiographique, nous comprendrons
pourquoi c’est effectivement notre passé qui construit notre avenir. Dans les années 1990,
Thomas Suddendorf de l’université de Queensland en Australie et Michael Corballis de
l’université d’Auckland en Nouvelle-Zélande s’intéressent à cette capacité unique qu’a
l’homme de pouvoir voyager mentalement dans le temps, d’être à la fois capable de se
souvenir d’un fait et d’élaborer un projet. C’est eux qui émettent les premiers l’hypothèse
d’un processus cérébral commun aux souvenirs et aux projets. Nous nous appuierons
également sur les travaux d’Antonio Damasio et d’Eric Kandel, neuroscientifiques, dont l’un
est spécialiste de la mémoire et l’autre est professeur de neurologie et de neurosciences,
pour mieux comprendre les fondements biologiques de notre personnalité. Le soi
autobiographique achève le processus du soi. Nous verrons comment se construit le soi
autobiographique et nous parcourrons les différentes implémentations neurales
responsables de la coordination et de l’évolution de cette dernière étape de la construction
du soi. Nous comprendrons alors pourquoi le soi autobiographique est, la plupart du temps,
inconstructible dans l’autisme.
Une autobiographie se compose de souvenirs personnels et représente la somme
totale de ce qu’ont été les expériences de notre vie, y compris celles des plans que
nous avons formés pour l’avenir. Le soi autobiographique est une autobiographie
rendue consciente. Il englobe toute l’histoire dont on se souvient, tant récente que
lointaine, les expériences sociales auxquelles on a participé, mais aussi les
expériences émotionnelles les plus raffinées, celles que l’on peut qualifier de
spirituelles.
Le soi autobiographique mène une double vie. D’un côté il peut être à découvert
et c’est alors que l’esprit conscient se présente sous la forme la plus développée ;
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de l’autre, il peut rester à l’état dormant, la foule de ses composants attendant
leur tour pour devenir actifs. Cette autre vie du soi autobiographique, a lieu hors
du champ conscient. Et c’est probablement en ces endroits et en ces moments que
le soi mature, grâce aux sédimentations graduelles et aux révisions de la
mémoire.
Lorsque les expériences vécues se reconstruisent et se rejouent par réflexion
consciente ou bien par entraînement non conscient, leur substance est réévaluée
et inévitablement réarrangée, qu’elle soit beaucoup ou peu modifiée, en terme de
composition factuelle et d’accompagnement émotionnel. Les entités et les
événements acquièrent un poids émotionnel nouveau, certains schémas
mémoriels sont abandonnés, tandis que d’autres sont restaurés et rehaussés ;
d’autres encore sont si adroitement combinés par nos désirs ou par les aléas du
hasard qu’ils créent de nouvelles scènes qui n’ont jamais été tournées, c’est
pourquoi, des faits peuvent prendre une autre signification et la musique de la
mémoire se jouer de façon différente aujourd’hui que l’année passée.
Rappel à propos des différentes étapes de la construction du soi
Nous avons vu, l’année dernière que le corps est le fondement de l’esprit conscient et
que les aspects les plus stables du fonctionnement du corps sont représentés sous forme de
cartes qui contribuent à l’élaboration des images que nous formons dans notre esprit.
Le soi se bâtit donc par étapes distinctes
- Le protosoi est la première étape, cette étape est l’engendrement des sentiments
élémentaires d’existence qui jaillissent, que l’on appelle les sentiments primordiaux.
- Le soi-noyau est la seconde étape, elle porte sur l’action, en particulier sur la relation
entre notre organisme et l’objet de son attention. Le soi-noyau se déploie dans une
suite d’images qui décrivent un objet engageant le protosoi en modifiant les
sentiments primordiaux. Le Soi-noyau est l’étape le sujet commence à se sentir
concerné par ce qui lui arrive et va alors élaborer une action pour réaliser un acte
dans un but précis.
- Le soi autobiographique est la troisième étape. Cette étape se définit en termes
autobiographique qui vont du passé aux anticipations de l’avenir. Les multiples
images dont l’ensemble construit une biographie engendrent les pulsations et les
modifications du soi-noyau dont l’agrégat constitue un soi autobiographique. Le Soi
autobiographique ne peut se construire que lorsque le sujet possède réellement sa
faculté d’actions et peut s’approprier ces dernières, tant dans le passé, que dans le
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présent ou l’avenir. Le soi autobiographique modifie la façon dont le sujet engage sa
conscience dans ses actions et dans son espace, il modifie donc le Soi-noyau.
Le protosoi et ses sentiments primordiaux ainsi que le soi-noyau qui introduit un
protagoniste qui engage notre organisme, constituent ce que william James nommait
« le moi matériel ».Le soi autobiographique dont les couches supérieures embrassent
tous les aspects de la personnalité sociale forme « le moi social » et « le moi
spirituel ». Le soi-noyau et le soi autobiographique construisent dans notre esprit
conscient une instance connnaissante de nous-mêmes, et dotent notre esprit d’une
subjectivité.
Quelle stratégie le cerveau adopte-t-il pour édifier le soi autobiographique ?
Il s’agit tant d’un travail de construction à partir des étapes précédentes que sont
le protosoi et le Soi-noyau, que d’un travail de reconstruction neurologique qui
s’effectue en grande partie de manière inconsciente
- Ce travail de reconstruction neurologique s’appuie sur une architecture de
convergence-divergence pour transformer les images codées contenues dans
l’espace qui contient ce type de cartes pour fabriquer ces images, en images
apparaissant explicitement dans l’espace propre des images, une fois
constituées : lorsque le nombre d’épisodes est limité, la complexité de ce
dont il faut se souvenir pour structurer le Soi est très grande.
- Les ensembles de souvenirs qui définissent une biographie se regroupent
pour que chacun soit traité comme un objet individuel. Ces ensembles sont
substantiellement nombreux. Chacun de ces objets peut modifier le protosoi
et donne alors sa pulsation au soi-noyau ce qui fait émerger les sentiments de
savoir pour chacun des objets et de saillance qui leur correspond. C’est le fait
de savoir que l’on sait et que l’on peut faire saillir ce type de savoir qui crée
en nous une instance connaissante de nous-mêmes.
- Les objets de notre biographie sont innombrables, donc le cerveau a besoin de
procédés capables de coordonner l’évocation de tous ces types de souvenirs pour
les procurer au protosoi pour l’interaction qui est requise et de placer les
résultats de cette évocation dans une structure cohérente qui soit reliée aux
objets qui en sont les causes et qui engagent notre organisme au niveau du Soi-
noyau.
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Ce problème est loin d’être simple….
En effet….
- Les niveaux complexes du soi autobiographique englobent tant d’objets
biographiques, qu’ils exigent d’innombrables pulsations du soi-noyau.
Donc…..
- Pour construire le soi autobiographique, il faut un appareillage neural capable
de produire de multiples pulsations du soi-noyau.
Que se passe-t-il du point de vue neural ?
- Le processus est compliqué : les images qui constituent une biographie sont
en grande partie implantées dans les espaces d’images du cortex cérébral,
lesquelles sont fondés sur le rappel des souvenirs issus des cortex
dispositionnels.
- Afin de devenir conscientes, ces images doivent interagir avec la machinerie
du protosoi qui est en grande partie située au niveau du tronc cérébral. La
construction du soi autobiographique fait appel à des mécanismes de
coordination très élaborés. Cette élaboration complexe édifie la construction
du soi-noyau.
- Le soi autobiographique dépend de deux mécanismes conjoints :
a) D’une part, un mécanisme annexe au mécanisme du soi-noyau
b) D’autre part, un mécanisme qui accomplit dans tout le cerveau une
opération de coordination qui comprend plusieurs étapes :
1) Une première étape durant laquelle certains contenus sont évoqués à
partir de la mémoire et exprimés en images ;
2) Une seconde étape durant laquelle ces images sont autorisées à
interagir de façon ordonnée avec un autre système situé ailleurs dans
le cerveau, c’est-à-dire le protosoi ;
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3) Une dernière étape durant laquelle les résultats de cette interaction
sont maintenus cohérents dans une certaine fenêtre de temps.
Les structures impliquées dans la construction du soi autobiographique
incluent toutes celles qui sont requises pour le soi-noyau, à savoir, dans
le tronc cérébral, le thalamus et le cortex cérébral qui sont impliqués
dans les mécanismes de coordination. Ces mécanismes de coordination
sont des organisateurs spontanés d’un processus. Les résultats se
matérialisent en particulier dans les structures qui forment les images
et engendrent l’esprit, lesquelles sont situées à la fois dans le cortex
cérébral et dans le tronc cérébral.
Mais…..
- Pour que le soi autobiographique soit implémenté, une coordination dans le
cerveau est nécessaire.
Plusieurs structures peuvent être candidats au rôle de coordinateur :
- Le thalamus, tout d’abord, qui représente un candidat important, car la
position intermédiaire des noyaux du thalamus, entre le cortex cérébral et le
tronc cérébral, est idéale pour échanger des signaux et jouer un rôle de
coordination.
Cependant…..
- Si le thalamus associatif est très actif pour élaborer l’arrière-plan de toute
image, il ne joue pas un le essentiel en ce qui concerne la coordination des
contenus qui définissent le soi autobiographique.
Les autres structures possibles….
- Une collection composite de régions situées dans les deux hémisphères
cérébraux, chacune est un nœud macroscopique localisé à un grand
carrefour du réseau signalétique convergence-divergence (RCD).
En effet…..
- Les régions de convergence-divergence sont situées de façon stratégique dans
les cortex associatifs supérieurs, mais pas dans les cortex sensoriels servant à
la formation des images. Ces gions de convergence-divergence recèlent les
enregistrements des connaissances acquises précédemment concernant les
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