Lésions pré-cancéreuses de l’estomac Un point en 2015 Jean-François Fléjou Cancer de l’estomac : quelques rappels • Cancer de l’estomac = adénocarcinome (98%) • Sa fréquence diminue beaucoup en Occident (dont la France, 6ème cancer), mais il reste globalement très fréquent (2ème dans le monde, 1er au Japon) • Nombreuses classifications – topographiques – histologiques – de « staging » « Carcinome gastrique à cellules peu cohésives » Peut être à cellules en bague à chaton ou non Correspond aux cancers diffus (Lauren), infiltrants (Ming), indifférenciés (Nakamura), à cellules isolées (Carneiro) Vauhkaunen et al, Best Pract Res Clin Gastroenterol 2006 Vauhkaunen et al, Best Pract Res Clin Gastroenterol 2006 Une cancérogenèse multi-étape Inflammation (H pylori) Gastrite chronique atrophique Métaplasie intestinale Dysplasie (néoplasie intra épithéliale) Cancer gastrique (de type intestinal) Lésions « précurseurs » du cancer de l’estomac prédisposent au cancer de type intestinal • Gastrite et métaplasie intestinale : • Gastrite chronique atrophique • Gastrite à H pylori, gastrite atrophique multifocale (MAG) • Gastrite auto-immune • Métaplasie intestinale • « complète » (intestinale grêle, type I) • « incomplète » (colique, type II (A, B), type II/III) • Lésions pré-cancéreuses • Dysplasie : bas grade / haut grade • intestinale (adénomateuse, type I) • gastrique (fovéolaire, pylorique, type II) • Mixte (hybride) • Polypes : adénomes / autres polypes Risque de cancer gastrique après 20 ans de suivi : - Muq. normale 1/256 - Gastrite 1/85 - Atrophie 1/50 - Métaplasie intest. 1/39 - Dysplasie 1/19 Dinis Ribeiro M et al. Endoscopy 2012;44:74-94, Virchows Archiv 2012;460:19-46 La gastrite chronique doit être caractérisée en utilisant une classification reproductible, comme le système de Sydney, ou le système OLGA/OLGIM Les lésions sont souvent irrégulièrement réparties : importance de l’échantillonnage, avec « cartographies » muqueuses Classification OLGA • Atrophie et métaplasie intestinale facteurs de risque de cancer gastrique • Pour les gastroentérologues à la lecture des CR anapaths descriptifs, difficile de savoir quels malades surveiller • Groupe international, composé de gastro-entérologues et pathologistes, dirigé par Rugge & Genta, se réunissait en 2005 à Parme. • Produisait une nouvelle classification des gastrites, la classification OLGA (Operative Link for Gastritis Assessment) – basée sur l’évaluation des lésions atrophiques au niveau des muqueuses fundique et antrale – Grading allant d’un stade I (sans atrophie) à un stade IV (atrophie marquée) – Stades III et IV à risque plus élevés de développer un cancer (RR : 19), à surveiller Calcul du score OLGA • Analyse – – • • Apprécier le % de glandes atrophiques pour chacune des biopsies antrales, de l’angulus et fundiques, Calcul du score d’atrophie antrale: – – • – Absence de glandes atrophiques: score 0 ; < 30% de glandes atrophiques: atrophie légère score 1 ; 31%< <60% de glandes atrophiques: atrophie modérée score 2; > 60% de glandes atrophiques atrophie sévère score 3. Report des scores obtenus dans le tableau élaboré par le groupe OLGA. – • moyenne des % obtenus pour chacune des biopsies fundiques somme des pourcentages des 2 biopsies fundiques divisée par 2. Attribuer un score en fonction du pourcentage de glandes atrophiques : – – – • moyenne des % obtenus pour chacune des biopsies antrales et de l’angulus somme des pourcentages des 3 biopsies antrales divisée par 3 Calcul du score d’atrophie fundique, – – • au moins deux biopsies antrales, une biopsie de l’angulus, et deux fundiques, incluses perpendiculairement, pour mieux apprécier toute l’épaisseur de la muqueuse, Score de l’atrophie antrale (allant de 0 à 3) croisé et combiné avec score de l’atrophie fundique (avec un score de 0 à 3). Le tableau donne la valeur du grading OLGA obtenu, allant du stade 0 au stade IV Classification OLGIM Score antral 2: (1+1+2) / 3 =1.33 • • • Analyse au moins deux biopsies antrales, une biopsie de l’angulus, et deux fundiques, Evaluation du degré de métaplasie intestinale pour chacune des biopsies antrales, de l’angulus et fundiques, Attribution d’un score en fonction de l’importance de la métaplasie intestinale sur les biopsies antrales et de l’angulus, et sur les biopsies fundiques, en utilisant la grille visuelle de la classification de Sydney modifiée: – – – – Score fundique 1: (1+2) / 3 =1 • • • Calcul du score de métaplasie intestinale antrale: moyenne des scores obtenus pour chacune des biopsies antrales et de l’angulus, Calcul du score de métaplasie intestinale fundique: moyenne des valeurs obtenues pour chacune des biopsies fundiques. Report des scores obtenus dans le tableau élaboré par le groupe OLGIM. – • Stade II OLGIM (stade III OLGA) score 0: absence de métaplasie intestinale, score 1: lésions discrètes de métaplasie intestinale, score 2: lésions modérées de métaplasie intestinale score 3: lésions marquées de métaplasie intestinale Les scores de métaplasie antrale et fundique (allant de 0 à 3) sont croisés. Le tableau donne la valeur obtenue du grading OLGIM, allant du stade 0 au stade IV Classification OLGIM • Stade III et IV OLGIM: à surveiller • En fait classifications OLGA et OLGIM souvent assez superposables Classification OLGIM évaluation plus semiquantitative (reproductibilité 1/2 et 2/3?) • – Certains quantifient en % de glandes en métaplasie intestinale comme dans classification OLGA • Absence de mi: 0 Discrète mi: 1 Lésions modérées de mi: 2 Lésions sévères de mi: 2 Classification OLGIM décriée par créateur de classification OLGA car – ne prend pas en compte atrophie sans métaplasie intestinale – ni atrophie de type pseudopylorique Métaplasie complète / incomplète Métaplasie intestinale de type III HID-AB CK20 CK7 Métaplasie intestinale : un marqueur de risque élevé de cancer gastrique • 1967 – 1976 : 1525 patients avec MI en Slovénie • 34 cas de cancer gastrique incidents • Risque relatif de cancer – Métaplasie type I : 1 – Métaplasie type II : 2.14 (0.65 – 7.03) – Métaplasie type III : Filipe et al. Int J Cancer 1994 4.58 (1.76 – 11.94) Dinis Ribeiro M et al. Endoscopy 2012;44:74-94, Virchows Archiv 2012;460:19-46 Dinis Ribeiro M et al. Endoscopy 2012;44:74-94, Virchows Archiv 2012;460:19-46 Dysplasie – néoplasie intra-épithéliale Définitions et synonymes • Néoplasie intra-épithéliale (IEN) = dysplasie (Riddell) = néoplasie non invasive (OMS 2002) • Définition de la dysplasie (Riddell) : épithélium néoplasique “non équivoque”, strictement limité par la membrane basale. • Définition de la néoplasie intra-épithéliale (OMS) : modification néoplasique pré-invasive des glandes gastriques Dysplasie gastrique Principes des classifications 2 types – Selon la sévérité des modifications : 5 catégories, 3 catégories, 2 catégories. – Selon la différenciation phénotypique (et pathogénique ?) Classifications From 3 tiered to 2 tiered systems Former WHO Riddell Vienna, Padova Dysplasia Dysplasia Dysplasia – non Intraepithelial invasive neoplasia neoplasia Mild Indefinite (?) Indefinite (?) Moderate Low grade Low grade Low grade Severe High grade High grade High grade CIS Current WHO Non invasive Ca CIS Suspicion of invasive Ca T1 Ca... Evolution et traitement • Risque de progression néoplasique – Varie en fonction des études de 0% à 73% / an – Risque de progression DBG vers cancer : 3% à 9% (0-11%) – Risque de progression DHG vers cancer : 25% à 1 an (10-85%) • Présence associé d’un adk de voisinage dans 10-100% des cas • Traitement – Exérèse endoscopique des lésions visibles – Surveillance endoscopique • DHG – Nouvelle endoscopie avec évaluation et biopsies multiples – Exérèse endoscopique lésion – Traitement chirurgical rare désormais: lésions multifocales, exérèse endoscopique impossible, et patient éligible pour la chirurgie – Surveillance tous les 6 mois • DBG et indéfini pour la dysplasie – lésion visible: nouvelle endoscopie et exérèse endoscopique, surveillance tous les 12 mois – Pas de lésion visible: surveillance endoscopique tous les 12 mois • Gastrite atrophique avec métaplasie intestinale importante – Surveillance tous les 3 ans Diagnostic reproducibility of gastric dysplasia (Fertitta et al, Endoscopy 1993) Diagnosis by general histopathologists Diagnosis by specialists histopathologists Dysplasia (all grades) • 51% hyperplastic or metaplastic changes • 49% dysplasia Severe dysplasia • 65% agreement • 10% moderate dysplasia • 6% adenocarcinoma Histological classification of gastric dysplasia • Type I or adenomatous or intestinal – Similar to adenomas of the colon, and dysplasia in Barrett’s and IBD – Precursor of intestinal adenocarcinomas (Laurèn) • Type II or foveolar or pyloric – Difficult to differentiate from regenerative changes (low grade) – Precursor of poorly differentiated intestinal adenocarcinomas • Non metaplastic or tubule neck dysplasia – Poorly recognized – Precursor of diffuse type adenocarcinoma (?) (sporadic). For hereditary GC (E-cadherin), hyperplastic type (Carneiro) Dysplasie fovéolaire gastrique • Immunohistochimie : MUC5AC – Souvent MUC5AC et MUC6 + (mucines type gastrique), – Habituellement MUC2CDX2- CD10- et p53- • Biologie moléculaire – anomalies moléculaires + rares que adénomes classiques, MUC2 CD10 D’après Park DY et al. Am J Surg Pathol 2008;32:524-33 • mais pas de différence statistiquement significative pour APC, K-ras, β-caténine et MSI. Dysplasie cryptique basale gastrique (pit dysplasia) • DBG ou DHG à la partie basale des cryptes, mais respectant l’épithélium de surface. – Lésions jusqu’alors classées dans le groupe des lésions régénératives ou indéfinies pour la dysplasie. – Histoire naturelle et potentiel évolutif mal connus. D’après Odze RD et al. Archiv Pathol Lab Med 2010;134:896-906 Dinis Ribeiro M et al. Endoscopy 2012;44:74-94, Virchows Archiv 2012;460:19-46 Fréquence des différents polypes gastriques Adénome gastrique • Définition histologique : prolifération épithéliale dysplasique (bas grade ou haut grade), architecture tubuleuse, villeuse ou tubulo-villeuse, différenciation intestinale (souvent) ou « gastrique –fovéolaire » (rarement) • Sporadiques souvent, ou au cours d’une PAF rarement • Prédominent dans l’antre, sur gastrite atrophique • Précancéreux : risque de cancer corrélé à la taille (près de 50% au dessus de 2 cm) • Cas particulier : adénome pylorique (plus souvent dans le fundus, chez la femme, en dysplasie de haut grade) : morphologie et immunohistochimie (MUC6+) caractéristiques Adénome gastrique : polype sessile traité par mucosectomie Adénome gastrique « pylorique » MUC 6 Une lésion méconnue, des critères de dysplasie différents des autres adénomes gastriques Dysplasie sur polypes gastriques non adénomateux • Polype glandulokystique – Dysplasie rarissime – Habituellement contexte de PAF • DBG, • exceptionnellement DHG ou adk • Polype hyperplasique – 1-3% des cas – Souvent polype >2 cm – Dysplasie adénomateuse ou fovéolaire D’après Abraham SC et al. Am J Pathol 2002;161:1735-42 Dysplasie sur polypes gastriques non adénomateux • Polype de Peutz-Jeghers – Rarissime – Polype >3cm – Risque de cancer gastrique 5-10% • Polype juvénile – Rare, dans série de Jass et al. DHG sur polype de Peutz Jeghers • DBG 12% des cas, • DHG 3% des cas – Polype >1cm – Plus souvent en cas de mutation du gène SMAD4 que du gène BMPR1A – Risque de cancer gastrique 15-20% • Adénome pylorique – DBG 12%, DHG 51% des cas dans série de Chen et al. Foyer de DHG dans adénome pylorique Dysplasie et gastrite du moignon • Chez malades ayant eu une gastrectomie partielle (généralement pour ulcère) • Facteur de risque de survenue d’un cancer gastrique, 10 à 15 ans après l’intervention. – Fréquence adk variable : 0,8% à 9% en fonction des séries, – Souvent adk peu différenciés à cellules indépendantes. • La pathogénie mal connue, – mais serait précédée par la survenue de lésions dysplasiques de type intestinal ou fovéolaire. • Fréquence de la métaplasie intestinale sur les moignons gastriques: 39-47% • Fréquence DBG: 10%-15% • Fréquence DHG: 1-6%. En conclusion • La plupart des cancers de l’estomac se développent sur des lésions pré-cancéreuses, dans un contexte de gastrite chronique atrophique avec métaplasie intestinale. • Ces lésion doivent être caractérisées histologiquement sur des prélèvements étagés, et classées selon des systèmes validés au plan international. • Les recommandations de traitement et de surveillance sont établies selon le st ade histologique de ces lésions.