1
••••••••
tion ne signifie pas lien de causalité.
C’est toute la difficulté de la prise en
charge diagnostique et thérapeutique
de ces pathologies.
Le RGO peut induire des manifesta-
tions supra-œsophagiennes soit direc-
tement par l’intermédiaire de micro-
aspirations du contenu gastrique qui
remonte jusqu’au niveau du carrefour
pharyngo-laryngé, soit indirectement
par l’intermédiaire d’un réflexe vago-
vagal. Ces 2 mécanismes ont été mis
Laryngite, asthme
et reflux gastro-
œsophagien :
où est le vrai ?
en évidence expérimentalement à la
fois chez l’homme et chez l’animal.
Les manifestations ORL et respiratoires
seront ici abordées séparément car par
certains aspects, les problèmes posés
sont différents.
RGO et pathologie ORL
Parmi les symptômes ORL susceptibles
d’être en rapport avec un RGO, les plus
fréquemment rapportés et étudiés sont
l’enrouement chronique, les brûlures
et paresthésies pharyngées et le « glo-
bus hystericus ». Ces symptômes sont
des motifs fréquents de consultation
auprès du médecin généraliste puis de
l’ORL. La toux est plutôt considérée
comme un symptôme d’appel respira-
toire le plus souvent pris en charge par
les pneumologues. La prise en charge
de ces symptômes est difficile car les
pathologies organiques sous-jacentes
sont finalement assez peu fréquentes :
néoplasies, allergies, infections. Cela
signifie probablement qu’une grande
partie de ces symptômes ont une com-
posante fonctionnelle plus ou moins
importante, d’où les difficultés de prise
en charge. La tentation est donc grande
Introduction
De nombreuses manifestations respi-
ratoires et ORL (dites « supra-œsopha-
giennes ») sont susceptibles d’être en
rapport avec un reflux gastro-œso-
phagien (RGO) (Tableau I). Il est rela-
tivement fréquent de mettre en évi-
dence un RGO chez les patients
rapportant de tels symptômes, mais
compte tenu de la fréquence du RGO
dans la population générale, associa-
F. ZERBIB
(Bordeaux)
Tirés à part : Frank Zerbib, Service d’Hépato-gastroentérologie, Hôpital Saint-André, 1, rue
Jean-Burguet - 33075 Bordeaux Cedex.
Manifestations respiratoires
Asthme chronique
Bronchite
Bronchectasies
Pneumonies
Atélectasies
Hémoptysies
Fibrose pulmonaire
Toux chronique, post-prandiale ou nocturne
Manifestations ORL
Symptômes d’appel
Enrouement chronique
Brûlures et paresthésies pharyngées ; pharyngite chronique
Apnées obstructives nocturnes ; laryngospasmes
Globus hystericus, impression de corps étranger pharyngé
Halithose ; hypersialorrhée
Otalgies et douleurs cervicales
Laryngite peptique (ou laryngite postérieure)
Ulcères de contact des cordes vocales
Granulomes
Erythème et œdème inter-aryténoidiens
TABLEAU I
MANIFESTATIONS SUPRA-ŒSOPHAGIENNES SUSCEPTIBLES D’ÊTRE EN RAPPORT
AVEC UN RGO
2
••••••••
gite, permettant d’affirmer la présence
d’un RGO, est diversement appréciée
dans cette population de malades, de
20 à 40 %. Dans une étude récente
portant sur plus de 400 malades avec
symptômes ORL, l’équipe de Louvain
a observé 52 % d’œsophagites pep-
tiques et 5 % d’œsophage de Barrett,
alors que chez les patients ayant uni-
quement des symptômes typiques, les
chiffres étaient respectivement de 38
et 4,5 % [1]. Une fois sur deux, l’en-
doscopie permet aisément et rapide-
ment le diagnostic de RGO sous ré-
serve que le patient ne prenait pas
préalablement des IPP, ce qui est
malheureusement très fréquent. En
effet, la prévalence élevée de l’œso-
phagite dans l’étude citée était proba-
blement due aux restrictions de pres-
cription des IPP en Belgique. Il faut
garder à l’esprit qu’il est important de
réaliser une endoscopie chez un patient
de plus de 50 ans, suspect de RGO pour
dépister les lésions potentiellement
dangereuses comme l’œsophage de
Barrett.
La pH-métrie œsophagienne de
24 heures est toujours considérée – à
juste titre – comme le « gold standard »
pour établir le diagnostic de RGO.
Toutefois, plusieurs écueils doivent être
rappelés. La sensibilité de la pH-métrie
des 24 heures n’est pas parfaite. Elle est
de 90 % chez les sujets avec œsopha-
gite [4], c’est-à-dire chez qui le dia-
gnostic de RGO pathologique est cer-
tain. Il est possible, voire probable, que
cette sensibilité soit moindre en cas de
symptômes atypiques chez un sujet
sans œsophagite. L’exposition acide
peut être mesurée au niveau de l’œso-
phage distal, 5 cm au-dessus du SIO,
mais également au niveau de l’œso-
phage proximal voire au niveau pha-
ryngé. Ces pH-métries « proximales »
sont encore mal standardisées et d’in-
terprétation difficile. Les résultats sont
très discordants d’une équipe à l’autre.
Au total, les pH-métries œsopha-
giennes (quel que soit le niveau consi-
déré) sont considérées comme patho-
logiques dans 30 à 60 % des cas [5, 6].
Enfin, l’utilisation du marqueur d’évé-
nement est inutile dans le cas de symp-
tômes ORL qui sont le plus souvent
permanents ou très prolongés, contrai-
rement aux manifestations respira-
toires ou douloureuses thoraciques.
Enfin, le développement des études
couplées du pH et de l’impédance œso-
phagiens ouvrira peut-être de nou-
veaux horizons. Cette technique permet
l’enregistrement des reflux acides et
non acides et surtout l’évaluation de
leur extension proximale [7] mais nous
n’avons pas pour l’instant de données
fiables dans l’exploration des mani-
festations ORL.
Au total, la présence d’un RGO peut
être suspectée sur des données laryn-
goscopiques, mais il sera affirmé par
la présence de signes typiques et/ou
les données endoscopiques et pH-
métriques.
Le traitement anti-reflux
De très nombreuses études ont évalué
l’efficacité des traitements anti-reflux
pour soulager les symptômes ORL. Le
plus souvent, il s’agit d’études ouvertes
évaluant l’efficacité de 2-3 mois avec
des doubles doses d’IPP, rapportant de
50 à 70 % de réponses [8]. Outre le fait
qu’il s’agit d’études ouvertes, il peut
exister des discordances entre l’amé-
lioration des lésions macroscopiques
et l’évolution des symptômes : dans
une étude récente, 63 % des patients
traités avaient une amélioration des
signes endoscopiques de laryngite mais
il n’y avait pas d’amélioration symp-
tomatique significative [9]. On peut
s’interroger sur la valeur de l’amélio-
ration de signes aussi subjectifs qu’un
œdème ou un érythème laryngés,
signes présents chez 90 % des patients.
Au total, 5 études randomisées contrô-
lées contre placebo ont été publiées,
dont 4 sont négatives. La seule étude
positive (11 patients par groupe !) rap-
porte une amélioration sous traitement
dans 50 % des cas contre seulement
10 % avec le placebo [10], ce qui est ex-
ceptionnellement bas dans ce type
d’étude. L’étude la plus complète n’est
pour l’instant disponible que sous
forme de résumé [5] : 195 patients ont
été inclus dans cette étude, 95 dans le
groupe esoméprazole (40 mg deux fois
par jour) et 50 dans le groupe placebo.
Tous avaient des symptômes ORL et
une laryngite endoscopique, 30 %
avaient une pH-métrie œsophagienne
anormale. Les patients avec pyrosis
modéré ou sévère étaient exclus. A
d’attribuer ces symptômes à une pa-
thologie organique, et donc d’incri-
miner le RGO, ce qui permet de confier
le patient à un autre spécialiste. Il en
résulte des allers-retours fréquents
entre spécialistes que les malades per-
çoivent souvent de manière très né-
gative.
Le diagnostic de RGO
Le diagnostic de RGO peut reposer sur
l’interrogatoire, la laryngoscopie, et
les examens complémentaires habi-
tuels (endoscopie et pH-métrie).
Chez les patients ayant des symptômes
ORL inexpliqués, des signes typiques
de reflux (pyrosis et régurgitations
acides) sont présents dans 20 % des
cas [1] et permettent, compte tenu de
leur spécificité, de faire le diagnostic
de RGO. Ces symptômes sont souvent
au second plan et ne représentent pas
la plainte principale des patients. Il
faut donc savoir les rechercher.
Peut-on évoquer la présence d’un RGO
sur les données de l’examen laryngo-
scopique ? Il a été décrit de multiples
aspects du larynx plus ou moins spé-
cifiques du RGO ; ces aspects incitent
nos collègues ORL à considérer avec
force qu’un RGO est la cause des symp-
tômes. Initialement, les signes laryngés
étroitement associés à la présence d’un
RGO étaient représentés essentielle-
ment par les ulcérations des cordes
vocales. En fait, ces lésions que l’on
peut qualifier d’objectives sont rares ;
les aspects les plus souvent décrits sont
l’œdème et l’érythème (la fameuse « la-
ryngite postérieure ») dont l’évaluation
est nettement plus subjective [2] et qui
peuvent être observés dans 70 % des
cas chez des sujets totalement asymp-
tomatiques [3]. Par analogie, on peut
rappeler la valeur attribuée par les gas-
troentérologues à une œsophagite éry-
thémateuse ou une gastrite non ul-
cérée pour expliquer des douleurs
épigastriques.
Le rôle de l’endoscopie est discuté mais
nous paraît essentiel. La conférence de
consensus franco-belge sur le RGO de
l’adulte recommande la réalisation de
l’endoscopie en 1ère intention chez les
patients ayant des symptômes aty-
piques susceptibles d’être attribués au
reflux [4]. La prévalence de l’œsopha-
tives, qu’il est relativement facile
d’obtenir avec l’endoscopie et la pH-
métrie. La sensibilité de la pH-mé-
trie œsophagienne n’étant pas par-
faite, un traitement par double dose
d’IPP pendant 3 mois peut se dis-
cuter si la suspicion de RGO est forte.
Si ce traitement est inefficace, le
gastroentérologue sera plus crédible
pour affirmer que le RGO n’est pas
responsable des symptômes du pa-
tient… qui pourra retourner consul-
ter son ORL !
Au total, il est grand temps d’expli-
quer à nos collègues ORL que toute la-
ryngite, même postérieure, n’est pas
synonyme de RGO, loin s’en faut ! Il
est certain qu’un sous-groupe de ma-
lades a des symptômes et des signes
laryngoscopiques en rapport avec un
RGO et il revient aux gastroentéro-
logues de documenter ce reflux par les
examens adéquats. Néanmoins, une
proportion importante de patients a
des symptômes qui ne sont pas liés au
RGO (même si celui-ci est présent) et
qui correspondent probablement pour
une grande partie à des manifestations
fonctionnelles « pharyngo-laryngées ».
RGO et pathologie
respiratoire
Toux chronique
La toux chronique est un symptôme
extrêmement fréquent dont les causes
sont multiples, ORL et cardiorespira-
toires. Le RGO est une cause classique
de toux chronique qui ne doit être
envisagée qu’après avoir éliminé les
causes non digestives. A titre d’exem-
ple, même en l’absence de symptôme
respiratoire « classique », une toux
chronique peut être l’unique expres-
sion symptomatique d’un asthme. Il
sera assez facile d’obtenir le diagnostic
en mettant en évidence une hyper-
réactivité bronchique par la réalisa-
tion d’un test à la méthacholine (re-
cherche d’une broncho-constriction
lors de l’inhalation d’un agoniste cho-
linergique) [11]. L’expérience montre
que, si les pneumologues réalisent sou-
vent les EFR classiques, le test à la mé-
thacholine est plus rarement effectué,
16 semaines, respectivement 14,7 et
16 % des patients étaient asympto-
matiques sous IPP et placebo. Une
amélioration était observée dans 42 %
et 46 % des cas respectivement. Cette
étude montre que l’amélioration des
symptômes sous traitement ne permet
pas de conclure quant à la responsa-
bilité du RGO dans les signes ORL rap-
portés par les patients.
ENPRATIQUE, QUE PROPOSER ?
L’association RGO et symptômes ORL
est fréquente mais établir un lien de
cause à effet n’est pas chose facile. La
spécificité des signes laryngoscopiques
les plus fréquemment observés est mé-
diocre, il n’y a pas de critère endo-
scopique ou pH-métrique prédictif d’un
lien de causalité, et l’efficacité du trai-
tement anti-reflux ne peut être consi-
dérée comme un argument suffisant, si
l’on en croit le résultat des études ran-
domisées. Deux attitudes s’opposent :
Le traitement empirique d’emblée
par double dose d’IPP pendant 2 à
4 mois, attitude prônée par les spé-
cialistes américains [2]. L’endoscopie
doit, selon nous, être tout de même
proposée aux patients de plus de
50 ans. En cas d’efficacité, on pourra
difficilement éliminer l’éventualité
d’un effet placebo, et se pose le pro-
blème de la conduite à tenir sur le
long terme : maintenir ou diminuer
les doses ? Proposer une intervention
chirurgicale si le patient est IPP-dé-
pendant ? Dans ce cas, il est évident
qu’il faudra tôt ou tard documenter
le RGO. Si le traitement est ineffi-
cace, peut-on définitivement éli-
miner le RGO ? Faut-il prolonger le
traitement ? Envisager des examens
sous traitement (endoscopie et pH-
métrie) dont l’interprétation sera dé-
licate ?
–L’autre attitude consiste à docu-
menter l’existence d’un RGO selon
les recommandations de la confé-
rence de consensus. Selon nous, il
n’y a pas dans la littérature d’argu-
ment nouveau susceptible de modi-
fier ces recommandations. Dans un
contexte où tant de paramètres sont
subjectifs, difficiles à évaluer (les
symptômes, les aspects laryngosco-
piques), il nous semble important de
s’appuyer sur des données objec-
alors que l’asthme est considéré comme
l’étiologie d’une toux chronique dans
25 % des cas.
LEDIAGNOSTIC DE RGO
Le RGO est considéré comme une cause
de toux chronique dans 10 à 40 % des
cas selon les critères diagnostiques uti-
lisés [11]. Le diagnostic de RGO peut
être fait sur la présence de symptômes
typiques de reflux qui sont, comme
dans les manifestations ORL, présents
dans 20 à 25 % des cas. La grande ma-
jorité des patients n’a donc pas de
symptôme typique de reflux, ce qui
impose la réalisation d’examens com-
plémentaires.
L’endoscopie peut faire le diagnostic
de RGO en cas d’œsophagite peptique.
Cet examen pourrait être très « ren-
table » en terme de diagnostic si l’on
en croit la récente étude belge, précé-
demment citée, qui rapporte 66 % d’œ-
sophagite chez les patients avec toux
chronique inexpliquée [1]. Les résultats
de la pH-métrie œsophagienne des
24 heures dépendent de la population
étudiée, c’est-à-dire du soin avec lequel
les autres étiologies de toux chronique
ont été éliminées. Ainsi, les sensibi-
lité, spécificité, valeurs prédictives
positives et négatives pourraient être
de l’ordre de 100 % dans les popu-
lations les mieux sélectionnées [11].
Contrairement aux manifestations ORL
décrites dans le chapitre précédent, il
est possible d’établir une corrélation
temporelle entre les épisodes de toux
et les reflux enregistrés en pH-métrie,
même si les patients ne signalent avec
le marqueur d’événement que 10 à
40 % des épisodes de toux [12, 13].
L’évaluation de la probabilité d’asso-
ciation symptomatique (« SAP »), main-
tenant possible avec la plupart des
logiciels de pH-métrie, est particuliè-
rement utile lorsque les symptômes
sont fréquents pour éliminer la possi-
bilité que l’association symptôme-re-
flux soit liée au hasard. Environ 1/3
des malades ont un SAP significatif
témoignant d’une association positive
entre toux et épisodes de reflux [14].
Dans une étude récente, évaluant la
toux par des profils de manométrie
ambulatoire et non par l’intermédiaire
du marqueur d’événement activé par
le patient, environ 1/3 des malades
avec SAP positif avait majoritairement
3
••••••••
4
••••••••
turnes (sifflement, suffocation ou toux)
précédés de brûlures rétrosternales ou
de régurgitations, et 42 % pensent que
leurs symptômes respiratoires sont en
rapport avec leur RGO [18]. En pH-
métrie, une association temporelle
entre reflux et symptômes respiratoires
peut être documentée dans 45 à 75 %
des cas [17], mais cela suppose que le
patient ait des symptômes pendant les
24 heures d’enregistrement. De plus,
l’association temporelle peut éven-
tuellement signifier que la crise
d’asthme a provoqué un reflux.
Finalement, c’est l’efficacité du traite-
ment anti-reflux qui représente le
meilleur argument pour établir la cau-
salité. Il est admis, comme pour les
autres symptômes supra-œsophagiens,
qu’une double dose d’IPP pendant
3mois est nécessaire pour évaluer
l’efficacité du traitement, qui devra
être appréciée à la fois sur les symp-
tômes de l’asthme et la fonction res-
piratoire (EFR) [22]. Certaines études
ouvertes rapportent jusqu’à 67 % de
patients améliorés par le traitement
anti-reflux ; toutefois, le nombre d’étu-
des randomisées contrôlées contre pla-
cebo évaluant les IPP à double dose
pendant au moins 8 semaines est
faible : seules 2 études ont montré une
amélioration des symptômes respira-
toires nocturnes (amélioration des
symptômes diurnes chez 1/3 des pa-
tients dans une étude), et la majorité
n’a pas mis en évidence d’effet béné-
fique du traitement anti-reflux sur la
fonction respiratoire [22]. Le seul fac-
teur prédictif de réponse au traitement
anti-reflux serait la sévérité du reflux
apprécié en endoscopie ou pH-métrie.
Quant à la chirurgie anti-reflux, elle
semble fournir des résultats identiques
(absence d’étude randomisée), per-
mettant une amélioration des symp-
tômes et une diminution de l’utilisa-
tion des bronchodilatateurs mais elle
est sans effets sur la fonction respira-
toire [23].
Au total, si la prévalence du RGO est
très importante chez l’asthmatique,
seul un sous groupe de patients (30 à
50 % ?) avec reflux documenté tire bé-
néfice du traitement anti-reflux d’un
point de vue essentiellement sympto-
matique. La responsabilité du reflux
dans les symptômes respiratoires reste
des épisodes de reflux induits par la
toux [13]. Sans cette technologie non
utilisable en routine, les reflux auraient
été à tort considérés comme induits
par le reflux. Dans cette même étude
réalisée en étude couplée pH-impé-
dance intraluminale, 1/3 des épisodes
de toux étaient associées à des reflux
non acides, 14 % des patients ayant
un SAP positif uniquement pour les
reflux non acides [13].
L’EFFET DES TRAITEMENTS ANTI-REFLUX
L’efficacité d’un traitement anti-reflux
suggère une relation de cause à effet
entre le reflux et la toux, même si celle-
ci ne peut être affirmée. Une étude ran-
domisée a montré que seuls 35 % des
malades avec reflux pathologique en
pH-métrie répondaient à un traitement
par oméprazole à fortes doses (80 mg/j)
[15]. En revanche, aucun des patients
avec pH-métrie normale n’a répondu
au traitement. Dans une autre étude
randomisée en cross-over [16], il était
constaté que la toux continuait à
s’améliorer sous placebo chez les pa-
tients initialement sous oméprazole,
l’amélioration ne devenant significa-
tive qu’en fin de période placebo. Il est
admis que le traitement doit être ad-
ministré à double dose pendant au 2
à 4 mois. Il est possible que certains pa-
tients résistant au traitement aient un
reflux acide mal contrôlé par le trai-
tement, ce qui pourrait justifier une
étude en pH-métrie sous traitement.
La possibilité d’une toux liée à un
reflux non acide sera certainement
évoquée plus fréquemment avec le
développement de l’impédancemétrie
intraluminale œsophagienne [13].
ENPRATIQUE
La problématique de la toux chronique
est similaire à celle des manifestations
ORL précédemment évoquées. Il nous
semble préférable de proposer de do-
cumenter le RGO par les examens ap-
propriés, à savoir l’endoscopie et la
pH-métrie œsophagienne avec analyse
de l’association symptomatique, plutôt
qu’un traitement d’épreuve par IPP qui
peut toutefois se discuter, si les exa-
mens sont négatifs, si la suspicion de
RGO est forte. Le rôle du reflux non
acide sera probablement mieux évalué
dans un futur proche.
Asthme
La problématique est différente lorsque
que l’on considère les relations éven-
tuelles entre asthme et RGO : il ne s’agit
plus de faire le diagnostic de mani-
festations atypiques mais de recher-
cher un facteur étiologique ou aggra-
vant de la maladie asthmatique qui est
en général documentée facilement
(symptômes, EFR, test à la méthacho-
line). La prévalence des 2 pathologies
étant très élevée, il faut rappeler une
fois de plus qu’association ne signifie
pas forcément relation de cause à effet.
La démarche consiste donc à dia-
gnostiquer le RGO puis dans un
deuxième temps d’établir la relation
causale.
DIAGNOSTIC DE RGO
La prévalence du RGO chez les patients
asthmatiques est très élevée, variant
selon les critères diagnostiques de 30
à 80 % [17], même s’il est possible
qu’un biais de sélection explique les
prévalences les plus élevées de RGO.
La prévalence des symptômes typiques
de RGO chez les asthmatiques est de
l’ordre de 70 à 80 %. Une étude ré-
cente portant sur plus de 200 asthma-
tiques non sélectionnés a montré une
prévalence du pyrosis, des régurgita-
tions acides et de la dysphagie chez
respectivement 71 %, 45 % et 22 % des
asthmatiques (51 %, 30 % et 5 % chez
les sujets témoins). La prévalence des
symptômes diurnes et nocturnes était
significativement plus fréquente chez
les asthmatiques [18].
L’endoscopie peut affirmer le diagnostic
de RGO en cas d’œsophagite ou d’œ-
sophage de Barrett dans environ 40 %
des cas [19]. La prévalence du reflux
en pH-métrie est très élevée et peut at-
teindre 80 % chez des asthmatiques
[20]. Il est plus intéressant de consi-
dérer qu’un reflux « silencieux » (ab-
sence de symptôme digestif évocateur)
peut être mis en évidence chez 62 %
des patients [21].
ÉTABLIR LE LIEN DE CAUSALITÉ
Le problème posé n’est pas de consi-
dérer si le RGO peut être la cause de
l’asthme, mais de rechercher s’il s’agit
d’un facteur favorisant ou aggravant.
Un tiers des asthmatiques déclarent
avoir des symptômes respiratoires noc-
données objectives, il nous paraît im-
portant de plaider en faveur d’une at-
titude reposant sur des signes ou des
examens complémentaires dont la sen-
sibilité et la spécificité sont bien éta-
blies. En clair, plutôt que de rajouter
de l’empirisme dans des situations cli-
niques difficiles, il nous semble légi-
time de documenter le plus souvent
possible la présence d’un RGO dans la
mesure où nous avons à notre dispo-
sition des moyens accessibles et rela-
tivement peu invasifs pour le faire (en-
doscopie et pH-métrie).
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difficile à démontrer, ce qui laisse
penser qu’un certain nombre de pa-
tients ont des symptômes de RGO in-
duits par la bronchoconstriction et/ou
les traitements de l’asthme [24]. Enfin,
actuellement, le rôle de la composante
non acide du reflux dans l’asthme n’est
pas connu.
ENPRATIQUE
En pratique, chez l’asthmatique, le RGO
symptomatique doit être évoqué, ex-
ploré et traité selon les modalités te-
nant compte des critères habituels (âge,
présence de signes d’alarme, réponse
au traitement). Lorsqu’un reflux « si-
lencieux » est suspecté d’aggraver ou
d’entretenir la maladie asthmatique, il
faut avoir recours aux examens com-
plémentaires, en premier l’endoscopie
puis la pH-métrie œsophagienne. Une
fois de plus, cette attitude nous paraît
préférable au traitement d’épreuve
d’emblée. Si le reflux est documenté,
un traitement par double dose d’IPP
doit être prescrit pendant au moins
3mois au terme desquels une rééva-
luation clinique et fonctionnelle res-
piratoire doit être réalisée. En l’absence
d’amélioration, il peut être utile de pro-
poser des examens sous traitement
pour s’assurer que le reflux est bien
contrôlé. En cas d’amélioration des
symptômes respiratoires, la dose mi-
nimale efficace devra être recherchée
et dans de très rares cas, une fundo-
plicature pourra être discutée.
Conclusion
Les relations entre RGO et symptômes
ORL ou respiratoires sont complexes
et difficiles à appréhender. Les don-
nées réellement objectives manquent,
tant pour caractériser les symptômes
ou les aspects laryngoscopiques, que
pour évaluer les résultats des traite-
ments anti-reflux. Les études rando-
misées bien menées sont assez peu
nombreuses mais leurs résultats sug-
gèrent par exemple qu’un effet pla-
cebo explique certainement en partie
l’amélioration de symptômes ORL sous
IPP et que la proportion de patients
asthmatiques tirant bénéfice d’un trai-
tement anti-reflux a été très largement
surestimée jusqu’à une période récente.
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