EXPLORATIONS DU REFLUX GASTRO

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EXPLORATIONS DU REFLUX GASTRO-OESOPHAGIEN
Nathalie Boige
Hôpital Robert Debré - Paris
IL Y A PEU D’INNOVATIONS
L’INVESTIGATION DU RGO.
TECHNIQUES
CHEZ
L’ENFANT
DANS
Une capsule (Bravo, Medtronic) mise en place par voie nasale ou endoscopique,
et adhérant à la paroi oesophagienne est utilisée chez l’adulte. Ce dispositif permet
d’enregistrer les reflux acides durant 48h par un système d’émetteur récepteur, sans
sonde naso-gastrique en place, le patient menant une vie normale. Il existe chez l’enfant
des interrogations sur les difficultés de pose, la tolérance (phénomènes douloureux), et
d’une façon générale sur le coût (1,2).
L’enregistrement double de 24h, pH-métrique et manométrique, pour des raisons
de lourdeur du matériel et de la lecture sont des dispositifs utilisés en recherche clinique.
L’impédance-métrie permet-elle de pallier aux insuffisances de la pH-métrie ?
LA COMPREHENSION DU RGO DE L’ENFANT A EVOLUE.
L’individualisation du RGO pathologique comme maladie de reflux date des
années 70-80, et son incidence a probablement été surestimée, entraînant une
surmédicalisation et une surinvestigation. Dans le même temps, les progrès des
investigations et traitements ont permis d’éviter les complications telles que les sténoses
peptiques de l’oesophage, et ont montré le rôle favorisant ou clairement étiologique du
RGO dans certaines pathologies respiratoires et ORL.
Une décennie plus tard, la responsabilité du RGO dans la Mort Subite Inexpliquée
du Nourrisson a été réévaluée à la baisse (consignes de couchage, de lutte contre
l’hyperthermie etc..), ce qui a diminué l’acharnement pour faire disparaître le RGO, et
actuellement, nous sommes de plus en plus attentifs au caractère fonctionnel, variable,
transitoire du RGO du nourrisson, et à sa composante psychosomatique au sens large
du terme. On a insisté auprès des soignants de première ligne sur l’importance d’une
meilleure distinction clinique entre RGO physiologique et pathologique, compliqué ou
non. Le but du traitement est d’attendre la maturation en évitant les complications.
Dans les RGO sévères, atypiques, ou secondaires, des facteurs favorisants ont
été objectivés (allergie aux PLV chez le nourrisson, infection à HP chez le grand enfant)
L’affirmation classique et optimiste faite aux parents « l’évolution du RGO du bébé
sera favorable autour de l’âge d’acquisition de la marche…. » doit être plus prudente et
remise en question au fil du suivi longitudinal des patients : qu’il s’agisse de notre
pratique quotidienne, ou de publications, le nombre de grands enfants consultant pour
symptomatologie de RGO, parmi les troubles fonctionnels digestifs, est important et
croissant (3 )
DES CHANGEMENTS DANS LES MODALITES DE TRAITEMENT MEDICAMENTEUX
ONT MODIFIE L’UTILISATION DES EXAMENS COMPLEMENTAIRES.
Parmi les prokinétiques, le Cisapride (Prepulsid*) est le seul à avoir montré son
efficacité par rapport au Dompéridone et au Métoclopramide et n’est actuellement plus
prescrit ou très peu (prescription hospitalière, bilan ionique et ECG) (4-5). L’Urecholine
est peu utilisée en raison de ses effets secondaires respiratoires.
On a recours de plus en plus comme traitement du RGO aux antisecrétoires
acides au long cours (anti H2, ou IPP Omeprazole Lanzoprazole Pantoprazole
Esomeprazole). Parmi les IPP, seul le premier a l’AMM chez l’enfant de plus de un an en
cas d’oesophagite ulcérée. Ceci pose le problème de l’innocuité du traitement par IPP au
long cours qui est de plus en plus souvent utilisé, en particulier dans les manifestations
respiratoires du RGO (6-12). Jusqu’ici les publications n’ont pas fait état de
complications liées à l’hypergastrinémie.
On sait que par ce moyen, on va diminuer le caractère acide du reflux et une
partie de son agressivité, mais pas la fréquence et le volume du RGO. Le recours à la
pH-métrie de contrôle sous traitement prokinétique n’a donc pratiquement plus
d’indications actuellement.
RECOMMANDATIONS : DE QUOI DISPOSE-T-ON?
Les recommandations de l’ESPGHAN sont maintenant anciennes, antérieures
aux réserves émises sur la prescription du Cisapride. (13-14)
En 1995, l’ANDEM a émis des recommandations concernant les indications des
explorations dans le diagnostic et le suivi du reflux gastro-oesophagien du nourrisson et
de l’enfant, et plus particulièrement la pH-métrie et la fibroscopie (15)
« Il existe un accord des professionnels pour recommander que les enfants ayant un
RGO non compliqué (histoire typique, développement staturo-pondéral normal), n'aient
aucune investigation préalable à la mise en route du traitement.
Il existe un accord des professionnels pour considérer que l'enregistrement continu de
longue durée (supérieure à 18 heures) du pH oesophagien est la méthode diagnostique
de référence du RGO acide.
La pHmétrie oesophagienne de longue durée est l'examen de choix pour le diagnostic
du RGO acide chez les enfants ayant un symptôme ou une affection, dont les causes
habituelles ont été éliminées, et dont la nature peut faire suspecter un RGO, malgré
l'absence de vomissements ou de régurgitations.
L'enregistrement du pH oesophagien n'est pas indiqué en cas de RGO non compliqué
de l'enfant, et en cas de RGO compliqué cliniquement évident (régurgitations et/ou
vomissements fréquents), dont les complications peuvent à l'évidence lui être attribuées
(exemple de l'oesophagite).
La fibroscopie oesophagienne est l'examen de référence pour le diagnostic
d'oesophagite. Elle ne montre pas le RGO. Il n'est pas recommandé de prescrire des
anti-sécrétoires pour une oesophagite sans l'avoir confirmée par une fibroscopie.
L'examen radiologique avec opacification oeso-gastro duodénale n'est pas indiqué pour
le diagnostic du RGO.
En l'absence de données concernant les indications des examens dans le suivi des
enfants ayant un RGO, les seules recommandations faisant l'objet d'un accord des
professionnels sont:
- une oesophagite ulcérée nécessite un contrôle endoscopique après traitement
médical;
- il n'est pas nécessaire de contrôler, par une pH-métrie oesophagienne, un RGO qui
répond au traitement médical, ou qui a guéri spontanément après l'âge de la marche. »
La hiérarchie diagnostique et thérapeutique du RGO a été très utilement
rediscutée par nos collègues francophones en 2004 (5, 6, 16, 17).
DU BON USAGE DES EXPLORATIONS :
Il est encore utile et nécessaire de réfléchir avant de faire des
investigations, en nous rappelant que nous sommes dans l’extrême majorité des
cas devant une pathologie bénigne.
Devant un bébé ou un enfant consultant pour RGO ou un possible RGO, le
clinicien doit évaluer la nécessité ou non de proposer des investigations
complémentaires, et le(s)quel(s). Chaque cas est particulier. On doit s’exercer à ne
prescrire un examen que s’il est utile sur le plan diagnostique ou thérapeutique (pas pour
rassurer la famille, le médecin traitant ou faire un bilan « exhaustif » mais peu utile pour
le patient). Les échanges avec les patients et les familles en consultation nous le
rappellent, la notion « d’information et de consentement éclairé » concernant plus, dans
le domaine du RGO, les explications sur les modalités de réalisation pratique des
examens, leur pénibilité, et la discussion de leur intérêt que les risques encourus. La
prescription d’examens est dictée par la présentation clinique : importance de
l’anamnèse, de la sémiologie, de la possibilité de revoir les patients si l’on tente un
traitement d’épreuve. Il faut éviter les bilans systématiques, s’auto-engendrant, prescrire
les examens un par un, en fonction des résultats du précédent. A l’inverse ce n’est pas
parce qu’un examen a de grandes chances d’être négatif qu’il est forcément inutile.
SITUATIONS COURANTES : QUESTIONS A REPONSE OUVERTE
La pH-métrie est-elle maintenant bien utilisée ?
Cet examen est maintenant bien utilisé, à visée diagnostique dans les pathologies
extra-digestives pouvant être dues à un RGO non extériorisé, en particulier ORL et
pneumologiques pneumopathies, asthme, laryngites, otites moyennes.
On connaît les limites de la pH-métrie : corrélation reflux acide symptôme ; une situation
particulière à discuter est le problème des laryngites du grand enfant.
L’indication de la pH-métrie est à discuter au cas par cas dans les troubles du sommeil
de l’enfant qui sont souvent une indication abusive, et qui nécessitent une réflexion
particulière au même titre que les bébés qui pleurent.
La pH-métrie est utile dans le bilan de situations à risque d’être aggravées par un
RGO (mucoviscidose, bronchodysplasie), dans des situations chirurgicales favorisantes
(Atrésie de l’œsophage opérée, grêle court), et dans certaines pathologies
neurologiques chroniques (IMC, pathologie neuro-musculaire).
La pH-métrie sous traitement est actuellement très peu utilisée, puisque les
traitements prokinétiques actuels sont rarement utilisés seuls.
Enfin, même lorsque le RGO est ancien et évident, une pH-métrie pré-opératoire
récente sans traitement est nécessaire avant une intervention anti-reflux.
La réalisation d’une fibroscopie avant mise sous anti-secrétoire est-elle
nécessaire ?
En théorie la réponse est : oui, pour faire le diagnostique visuel d’une
oesophagite. En réalité, on sait que peu d’examens chez le nourrisson vont être

Par exemple, on ne fait pas d’office une fibroscopie ou une pH-métrie à un bébé qui pleure,
avant de l’avoir vu.
anormaux, que le problème posé est celui de l’œsophage irritable, et que les médecins
traitants n’ont souvent pas attendu l’examen avant de tenter un IPP, hors AMM.
Il serait donc intéressant de discuter cliniquement les cas où un traitement d’épreuve
peut être tenté, et ses modalités, et les cas où une fibroscopie est nécessaire.
(caractéristiques des pleurs, avis d’un spécialiste?).
Les autres indications de la fibroscopie dans le RGO sont assez claires :
L’examen est indiqué en cas d’hématémèse chez l’enfant, de malaise ou
d’hématémèse néonatale, et à discuter en cas de malaise du nourrisson (cf. exposé de
Marc Bellaïche).
Une fibroscopie peut être indiquée pour rechercher une gastrite chez le grand
enfant en cas de RGO secondaire avec vomissements et/ou douleurs épigastriques.
La manométrie oesophagienne avant intervention anti-reflux est-elle utile,
nécessaire ?
Cullu et Gottrand (18) ont montré dans une série pédiatrique que la manométrie
oesophagienne pré-opératoire n’a pas eu de valeur prédictive sur les complications
fonctionnelles post-opératoires, qui sont survenues dans un patient porteur
d’encéphalopathie et un autre d’atrésie de l’œsophage, et non chez des patients ayant
en pré-opératoire une dysmotricité du corps de l’œsophage. Cependant cet examen peut
avoir un intérêt pour étudier le mécanisme du reflux, évaluer les troubles moteurs dans
l’atrésie de l’œsophage opérée, et éliminer chez les autres patients une achalasie. Son
indication pourrait être portée au cas par cas et non seulement sur des données
statistiques, compte-tenu des résultats variables de la chirurgie anti-reflux (19).
En dehors des situations pré-opératoires et de RGO sur terrain déjà pathologique
(encéphalopathie, atrésie de l’œsophage), la manométrie n’a pas beaucoup d’indications
dans le RGO de l’enfant sauf si la présentation clinique est atypique : douleurs
rétrosternales, spasmes oesophagiens (dont la première cause chez l’enfant est le
RGO).
Le TOGD est-il révolu dans le RGO?
Il ne faut pas en oublier l’utilité dans certains cas, sous prétexte qu’il a été
pratiqué de façon abusive pour rechercher le RGO. En cas de vomissements
prédominants sur le plan symptomatique, de RGO atypique, d’aggravation secondaire,
de résistance aux traitements, il permet le diagnostic différentiel (obstacle sous jacent),
et la recherche d’anomalies anatomiques (hernie hiatale, malrotation etc…) ou leur
élimination.
Il est nécessaire dans la discussion chirurgicale.
Ex : une histoire de vomissements récurrents.
Quand faut-il faire un bilan plus complet ?
En résumé, un bilan par pH-métrie, fibroscopie, TOGD, + manométrie est justifié
chez les enfants ayant un reflux sévère avant intervention chirurgicale, chez les enfants
opérés d’atrésie de l’oesohage, les enfants ayant un grêle court, les enfants ayant un
RGO et une encéphalopathie.
Quand rechercher les causes de RGO secondaire ?
Comment distinguer les vraies des fausses histoires d’APLV chez les bébés ?
Quand la recherche d’Helicobacter Pylori justifie-t-elle une fibroscopie chez l’enfant
ayant une symptomatologie de RGO ?
Faut-il explorer le RGO du grand enfant ?
Les symptômes sont souvent fluctuants, et les résultats du bilan peu pathologiques.
Faut-il réaliser un bilan au moins une fois ?
A quelle fréquence doit-on faire des contrôles ? Quel est le risque à long terme ?
En conclusion, ces idées ne sont qu’une base de discussion entre cliniciens. Si l’on a
comme cadre les recommandations issues des conférences de consensus, il reste
fondamental de bien connaître les explorations elles-mêmes, ce que l’on peut en
attendre, leurs modalités de réalisation, leur(s) pénibilité et/ou risques, et de faire une
analyse clinique de la situation au cas par cas avant de les prescrire.
Références :
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5- Dupont C, Benhamou P-H
Y a-t-il encore une indication pour les prokinétiques dans le reflux gastro-oesophagien de l’enfant ?
Arch Ped 2004 ; 11 : 671-3
6- Faure C
Peut-on prescrire des inhibiteurs de la pompe à protons en dehors de l’oesophagite peptique ?
Arch Ped 2004 ; 11 : 674-6
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Reflux gastro-oesophagien de l’enfant : quand proposer des explorations non endoscopiques ?
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Severe Gastroesophageal Reflux Disease and Cow Milk Hypersensititivity in Infants and Children :
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