GASTRO Entre brûlures d’estomac et reflux gastro-œsophagien Quand y a-t-il le feu? Quand s’inquiéter? Aigreurs, remontées acides… Il existe plusieurs mots pour désigner ces brûlures d’estomac qui peuvent facilement nous gâcher la vie. Mais quand parler de reflux gastro-œsophagien? Quels sont les traitements? Quand consulter son médecin? Avec la collaboration du Professeur Hubert Piessevaux, gastroentérologue aux Cliniques Universitaires Saint-Luc. RGO pour reflux gastroœsophagien Le reflux gastro-œsophagien peut-il donner d’autres signes? Mon médecin m’a prescrit une endoscopie Le passage à travers l’orifice inférieur de l’œsophage (le cardia) d’une partie du contenu gastrique dans l’œsophage sans effort de vomissement est appelé reflux gastro-œsophagien (RGO). Il s’agit d’un phénomène physiologique présent normalement chez tout le monde. Il a principalement lieu après les repas, mais ne produit pas de symptômes. Il prend un tour pathologique lorsque le reflux du contenu gastrique devient anormalement fréquent et/ou prolongé. Il peut entraîner des conséquences désagréables au quotidien, justifiant la mise en route d’un traitement. Le RGO peut se cacher sous des symptômes auxquels on ne le relie pas naturellement. C’est le médecin traitant, en général consulté en cas de persistance de ce type de symptômes, qui pourra faire le lien avec ce trouble. Des signes de nature non digestive peuvent accompagner le RGO: Ɠ des enrouements, des irritations de la gorge, des douleurs abdominales; Ɠ des manifestations pulmonaires sous la forme de toux ou d’asthme se produisant surtout la nuit; Ɠ certaines douleurs thoraciques sont certainement liées au reflux: une remontée d’acidité peut entraîner un spasme œsophagien très douloureux qui simule un angor, mais dont le bilan cardiologique s’avère négatif; Ɠ des perturbations du sommeil de type micro-réveils nocturnes; Ɠ des problèmes dentaires tels qu’une abrasion de l’émail. C Aïe, ça brûle! La proportion de la population présentant des symptômes réguliers de ref lux gastroœsophagien est de l’ordre de 20%, nous explique le Pr Hubert Piessevaux. Elle monte à 5060% si l’on ne tient compte que de la présence de symptômes occasionnels. Son symptôme cardinal est le pyrosis, qui se marque particulièrement lorsque la personne se penche ou est en position couchée. Ce symptôme est parfois confondu avec une sensation de brûlure au niveau de l’épigastre qui peut être un signe d’autres affections. La question la plus simple à poser au patient pour les distinguer est de lui demander si les symptômes augmentent lorsqu’il noue ses lacets. La remontée du liquide acide de l’estomac peut aller jusqu’à des vomissements sans effort. Pourquoi un RGO? Dans la majorité des cas, le reflux gastro-œsophagien est dû à une défaillance du sphincter inférieur de l’œsophage qui n’est plus capable de jouer son rôle de barrière contre les sucs gastriques. D’autres facteurs favorisent également le RGO: tout ce qui augmente la pression sur l’estomac (obésité, des repas trop abondants, des vêtements serrants, la grossesse,…), certains aliments comme le tabac, le café, le chocolat, la menthe,… et examen médical consiste à introduire par la bouche un tube souple muni d’une caméra à l’extrémité. Il permet de repérer les lésions de l’œsophage et d’en mesurer la gravité, mais aussi d’écarter d’autres diagnostics tels qu’ulcères, gastrite, cancer,… En pratique, cet examen est réalisé à jeun, sous anesthésie locale de la gorge avec parfois un calmant intraveineux. L’examen peut être ressenti comme désagréable, mais il n’est pas douloureux. Sur le plan des complications La complication principale du RGO prend la forme d’une œsophagite sévère, c’est-à-dire une inflammation de la partie inférieure de l’œsophage. Le contact de l’acide en excès sur la paroi de l’œsophage produit à la longue des ulcérations, voire un rétrécissement. Ce rétrécissement peut provoquer des difficultés au passage des aliments. Quand consulter mon médecin? Si vous êtes âgé de plus de 50 ans, si certains signes sont alarmants comme une perte de poids importante ou une perte d’appétit, si vous avez des difficultés à avaler, si vos symptômes sont apparus brutalement, il est important de consulter rapidement un médecin, nous explique encore le Pr Hubert Piessevaux. Les médicaments, en deuxième intention Les médicaments «antiacides» sont adaptés en cas de symptômes occasionnels. Ils neutralisent l’acidité de l’estomac; d’autres jouent un rôle protecteur en formant une mousse qui, lors du reflux, va CORRIGER SES HABITUDES ALIMENTAIRES: LE PREMIER TRAITEMENT! X Manger lentement X Contrôler son poids. X Eviter les repas abondants et gras. X Remplacer les 3 repas classiques par 5 repas plus petits. X Après avoir mangé, ne pas aller dormir immédiatement et ne pas se pencher. X Eviter ou limiter les aliments piquants et acides (comme le chocolat, la menthe, les repas gras, le café et le thé, les boissons gazeuses, l’alcool, le jus d’orange, les tomates, les repas épicés, les oignons, les boissons trop froides ou trop chaudes). X Les vêtements trop serrés au niveau du ventre sont également déconseillés. X Eviter les efforts intenses après le repas. X Arrêter de fumer. Néanmoins, ces mesures ne suffisent pas toujours. Le RGO nécessite alors la prise de médicaments. X Si vous souffrez de RGO plus d’une ou deux fois par semaine, une consultation médicale s’impose. RGO et poids Le nombre de cas de RGO est en augmentation régulière dans les pays occidentaux. En cause le surpoids et l’obésité; en effet, on observe une corrélation significative entre l’indice de masse corporelle et la prévalence du RGO. On constate que, même si l’indice de poids corporel est normal, la prise rapide de plus de 5kg augmente le risque de RGO. J’ai mal surtout la nuit Sur le plan des postures, on suggère de laisser au moins 1h, voire 1h30 entre la dernière prise d’aliments et le coucher, que ce soit le soir ou dans le cas d’une sieste. Chez certaines personnes, surélever la tête du lit peut être bénéfique. Une élévation du lit de 10 à 20cm réduit l’exposition acide. Cette opération doit être réalisée en plaçant des objets solides sous les pieds du lit et non pas à l’aide d’oreillers supplémentaires car ceux-ci risquent d’augmenter la pression abdominale. Bien choisir ses boissons Première boisson à éviter si vous souffrez d’aigreurs: l’alcool, qui favorise le relâchement du sphincter œsophagien inférieur. Dans la liste des facteurs générant des brûlures d’estomac, figurent également les jus de fruits, qui peuvent parfois être mal tolérés selon l’acidité de leurs constituants. En ligne de mire, les agrumes, tels que l’orange, le pamplemousse ou le citron, mais aussi la tomate. Outre ces produits, il faut aussi limiter sa consommation de boissons contenant de la caféine, comme le cola, soupçonnées de favoriser les brûlures. A noter cependant: on conseille souvent aux personnes souffrant d’aigreurs de boire du lait. Cette recommandation n’est pas à suivre à long terme. Le lait a bien un effet calmant sur le moment, mais il favorise aussi la sécrétion de sucs gastriques. Attention à certains médicaments! Certains médicaments (théophylline, alpha- et bêtabloquants, benzodiazépines…), en relâchant le sphincter de l’œsophage, peuvent augmenter les symptômes de RGO. D’autres médicaments comme les corticostéroïdes risquent quant à eux de provoquer des lésions à l’œsophage. Si vous souffrez de RGO, signalez à votre médecin tout traitement médical en cours! tapisser la muqueuse du bas œsophage et ainsi la protéger de l’acidité; ces médicaments soulagent rapidement, mais leur durée d’action très courte nécessite des prises répétées. Les antihistaminiques de type 2 diminuent la sécrétion acide également de manière transitoire. Pour soulager vos symptômes, demandez conseil à votre médecin ou à votre pharmacien. Les IPP (inhibiteurs de la pompe à protons) sont plus puissants: ils bloquent spécifiquement la sécrétion d’acide à sa source (la pompe à protons fait sortir l’acide des cellules productrices de l’estomac), ce qui va permettre un soulagement durable des symptômes. Bien tolérés et sans accoutumance, les IPP constituent aujourd’hui le traitement de référence. Jusqu’à présent, les IPP n’étaient accessibles que sur prescription. Actuellement, ils peuvent être délivrés sous le conseil de votre pharmacien. «Arme puissante et peu dangereuse, les IPP peuvent donc sans problème être utilisés en automédication, mais pour autant que la nécessité d’une prise en charge médicale ait été exclue, insiste le Pr Piessevaux. La durée du traitement doit être intermittente ou occasionnelle. Un traitement continu avec un IPP (ce qu’un tiers environ des patients avec symptômes réguliers sera amené à recevoir) nécessite une prise en charge par un médecin et une mise au point par endoscopie.» NATHALIE EVRARD