L’Encéphale (2008) 34 Supplément 2, S77–S88 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep 2ème SESSION A la recherche du self : théorie et pratique de la mémoire autobiographique dans la maladie d’Alzheimer P. Piolino CNRS FRE 2987, Laboratoire de Psychologie et Neurosciences Cognitives, groupe de recherche Mémoire et Apprentissage, Université Paris Descartes, Inserm-EPHE-Université de Caen-Basse Normandie, Unité E0218, Laboratoire de Neuropsychologie, CHU Côte de Nacre, Caen, France. Philosophes et psychologues ont longtemps débattu la nature de la conscience de soi (self) et souligné sa relation avec la mémoire. Parmi eux, William James fut l’un des premiers à définir la conscience de soi par ses liens avec la mémoire autobiographique : aussi loin que cette conscience peut remonter vers le passé, aussi loin s’étend l’identité personnelle. C’est le souvenir des expériences vécues, enveloppé de « chaleur » et d’ « intimité », qui fonde l’identité du sujet. Depuis une vingtaine d’années plusieurs modèles théoriques en psychologie cognitive se sont intéressés à définir les liens entre Self et mémoire autobiographique. Plus récemment, les études en neuropsychologie se sont penchées sur les troubles du self et de la mémoire autobiographique dans diverses étiologies et lésions cérébrales, tant sur le plan de la séméiologie que sur celui des substrats neuronaux [31]. La maladie d’Alzheimer, qui est la plus fréquente des démences, pose de manière exemplaire la question du lien entre l’atteinte du self et de la mémoire autobiographique. L’objet de cette présentation est d’évoquer dans un premier temps des notions théoriques et pratiques sur la mémoire autobiographique, un des aspects essentiel du self, puis dans un second temps de présenter les résultats des recherches en neuropsychologie sur la mémoire autobiographique dans le vieillissement normal et la maladie d’Alzheimer. Adresse e-mail : [email protected] L’auteur n’a pas déclaré de conflits d’intérêts © L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés. Définition et modèles structuro-fonctionnels de la mémoire autobiographique La mémoire autobiographique est souvent considérée comme la mémoire du self. Elle nous permet de répondre à la vaste question, « qui suis-je » ? Toutefois, le self présente un aspect multidimensionnel qui dépasse les aspects purement mnésiques. Beaucoup de types de processus sont englobés dans le terme « self ». De fait, suivant les auteurs, les définitions en sont très diverses [12]. Certaines conceptions du self soulignent les diverses connaissances que le sujet a de lui-même sur différents aspects de son identité (physique, social, comportemental, ou émotionnel…), d’autres la notion de conscience phénoménologique de soi ou de métacognition. Certains chercheurs comme Northoff et Bermpohl [24] utilisent le terme self pour désigner un ensemble de processus cognitifs de référence à soi mis en jeu dans diverses activités cérébrales comme la conscience, la perception ou encore la mémoire autobiographique. Ces processus, de façon globale, sous-tendraient l’implication commune d’un réseau cérébral médian impliquant à la fois le cortex préfrontal, le cortex cingulaire et le précunéus. Ainsi, la mémoire autobiographique n’est qu’un des aspects du self, quoique son aspect essentiel d’après Conway et Pleydell-Pearce [8]. Qu’est-ce que la S78 mémoire autobiographique ? Nous en avons tous une idée. Souvent, dans les esprits, la mémoire autobiographique, c’est la « mémoire » par excellence. Celle qui nous permet de conserver du passé des images chargées d’émotion, des souvenirs de fêtes et de vacances en famille, et de chaque moment clé de notre vie. Parmi les fonctions attribuées à la mémoire autobiographique, la construction de l’identité personnelle et la poursuite des buts du sujet occupent une place prépondérante. De plus, la mémoire autobiographique cimente les interactions familiales et sociales [3]. Ainsi, les patients atteints de difficultés importantes de mémoire autobiographique ont dans la vie quotidienne des troubles d’identité et des troubles du comportement. Les modèles cognitifs proposent des définitions beaucoup plus strictes de la mémoire autobiographique en resituant cette dernière dans les modèles de la mémoire humaine. La mémoire autobiographique est alors définie comme un système mnésique servant à encoder, stocker et récupérer un ensemble de représentations dont le « self » est le sujet central. C’est une mémoire à très long terme qui possède un rôle majeur dans la construction et le maintien de notre identité. Au sein des modèles contemporains de la mémoire humaine, on a souvent associé la mémoire autobiographique à la mémoire épisodique. La mémoire épisodique est une mémoire à long terme, déclarative, qui permet l’acquisition et la rétention des événements personnellement vécus et situés dans un contexte spatio-temporel précis ; et surtout – c’est un point majeur dans la définition actualisée - dont la récupération s’accompagne d’un rappel conscient du contexte d’encodage [39]. Ainsi pour répondre au caractère d’épisodicité, la récupération de l’événement doit impliquer un voyage mental temporel au cours duquel l’événement est revécu avec les détails phénoménologiques qui ont participé à l’étape de l’encodage. Elle est principalement sous-tendue par le cortex préfrontal et le lobe temporal médian. A cette mémoire s’oppose la mémoire sémantique qui est une mémoire des mots, des concepts, des idées, et plus largement de toute information, pourrait-on dire, dès lors que la récupération de celle-ci s’effectue de manière indépendante au contexte d’encodage. Tulving [39] a proposé d’opposer deux états de conscience en lien avec ces deux types de mémoire : la conscience autonoétique qui s’accompagne d’un sentiment de reviviscence ; la conscience noétique qui autorise uniquement un sentiment de familiarité. Le self est l’une des trois caractéristiques, avec le temps subjectif et la conscience autonoétique, qui définit la mémoire épisodique comme mémoire des souvenirs autobiographiques inscrits dans un contexte spatiotemporel précis. Le self reflète l’implication du sujet dans l’événement et sert de base à la prise de conscience de sa propre identité. Les processus de stockage et de récupération liés au self sont considérés indépendants de la mémoire sémantique qui stocke des connaissances générales ou personnelles décontextualisées. En somme, la notion de self chez Tulving est celle d’un self phénoménologique lié à la capacité de reviviscence des souvenirs autobiographiques émaillés de détails phénoménologiques et spatiotemporels. Toutefois, la mémoire autobiographique comprend P. Piolino aussi une part importante de mémoire sémantique. Celle-ci peut être préservée chez les patients cérébrolésés tandis que la part épisodique est souvent atteinte. Tulving luimême, à partir de l’étude de la mémoire autobiographique d’un patient ayant un syndrome amnésique [40], remarque que ce dernier demeure capable d’accéder à certains types de connaissances sémantiques personnelles (les noms de personnes de l’entourage, les adresses, les événements habituels…) alors qu’il se montre dans l’incapacité d’accéder au souvenir du moindre événement particulier de son existence qui possède une quelconque spécificité spatiotemporelle et intensité émotionnelle. Ceci donnait à la mémoire autobiographique de ce patient une teinte assez particulière, comme si la mémoire de son passé était impersonnelle. L’observation de Tulving est une observation importante. En effet, que nous suggère-t-elle ? Cette observation nous suggère qu’avoir une mémoire autobiographique fonctionnelle, nous conférant un sentiment d’identité et de cohérence satisfaisants impose à la fois une préservation des aspects sémantiques (en leur absence, il existe une perte totale de l’identité à la manière de certains patients qui ont perdu toute la mémoire de leur passé) mais aussi la capacité à revivre certains épisodes du passé qui ont pu être importants pour nous, qui possèdent une coloration émotionnelle, et enfin à voyager mentalement vers le temps subjectif. Certains modèles de mémoire reprennent cette idée d’une coexistence au sein de la mémoire autobiographique d’aspects épisodiques et d’aspects sémantiques [8]. Notamment, le modèle de la mémoire du self de Conway [7] est un modèle de reconstruction du souvenir autobiographique s’appuyant sur l’interaction entre trois systèmes : le self de travail (« working self »), le self à long terme, et le système de mémoire épisodique, qui permet de rendre compte d’une organisation structurale hiérarchique de la mémoire autobiographique et de son fonctionnement (Fig. 1). Le self de Conway répond à une définition structuro fonctionnelle assez différente de celle de Tulving puisque les aspects conceptuels du self sont mis en avant et moins les aspects phénoménologiques. Conway définit en effet le self à long terme comme une véritable représentation sémantique de nous-mêmes, une structure de connaissances servant à organiser les souvenirs que nous avons de nos expériences personnelles, un modèle d’intégrité et de cohérence de notre propre soi. Le self de travail est constitué par un ensemble complexe de processus de contrôle dirigés par les buts actuels du sujet, ses désirs, et ses croyances. Le self de travail peut être considéré comme un ensemble de processus exécutifs liés aux lobes frontaux et au Système Attentionnel Superviseur du modèle de Normann et Shallice ou à l’administrateur central de la mémoire de travail de Baddeley. Il contraint à la fois l’encodage et la construction des souvenirs sur la base de deux principes : la correspondance et la cohérence [6]. D’une part, il permet d’encoder les expériences vécues correspondant aux buts activés et, d’autre part, il maintient une représentation stable et cohérente de l’interaction du self avec le monde, permettant ainsi un sentiment continu d’identité. En vertu de ces principes, les buts du self de travail influencent la A la recherche du self : théorie et pratique S79 Souvenirs autobiographiques Le Self à Long terme Système de Mémoire Episodique Connaissances Autobiographiques Shéma Historique Personnel Le Self Conceptuel Self de travail Script personnel Image sensorielle Périodes de vie Evénements Généraux Self possible Fonctions exécutives La croyance Figure 1 Schéma du modèle de la mémoire du self (adapté de 7). construction des souvenirs en modulant l’accessibilité de certaines représentations. Le self à long terme est une structure de connaissances sémantiques personnelles à différents niveaux d’abstraction qui comprend le self conceptuel et la base des connaissances autobiographiques. Le self conceptuel regroupe les connaissances sémantiques personnelles les plus abstraites qui spécifient les scripts personnels, les catégories d’appartenance et les schémas socialement établis, les images de soi possibles ou désirées, et génèrent ainsi les attitudes, les valeurs, les croyances. Il peut être décrit sous forme de règles orientant les contenus de la base de connaissances autobiographiques. Celle-ci abrite des connaissances générales organisées de façon hiérarchiques en trois niveaux d’abstraction emboîtés (schémas de vie, périodes de vie, évènements généraux) et constitue la principale voie d’accès aux souvenirs épisodiques autobiographiques. Les schémas de vie renvoient à des informations très générales sur l’histoire globale de l’individu (e.g. le travail, la famille…). Ils s’appuient notamment sur des conventions sociocognitives à propos de l’ordre et des thèmes dominants du schéma de vie classique de la culture d’appartenance de l’individu. Les périodes de vie sont associées à des connaissances sur des buts et des activités liées à de longues durées (e.g. lieux et personnes liés la période scolaire). Enfin, les événements généraux correspondent à des connaissances liés temporellement ou organisés autour d’un thème commun sur des événements répétés (e.g. « les cours de sport ») ou étendus d’une durée supérieure à 24 heures (e.g. « le voyage linguistique à Nuremberg ») et se mesurent en jours, semaines ou mois. Le système de mémoire épisodique sous-tend le niveau de spécificité le plus élevé (e.g. « la cueillette des cèpes avec Gunther et Jeannette dans la forêt noire ») et stocke des informations de brève durée (quelques secondes, minutes ou quelques heures au maximum). Il permet de retenir des informations sur les activités reliées aux buts actuels (présent psychologique) et contient donc des détails sensoriels, perceptifs, cognitifs et affectifs liés à l’évènement et organisés selon un ordre chronologique. Il implique l’imagerie mentale et une expérience de reviviscence du passé qui s’apparente à la conscience autonoétique de Tulving. La nature épisodique d’un souvenir dépend de l’accès à ce niveau de détails, sans quoi les souvenirs restent génériques (sous-spécifiés). Un accès direct au souvenir spécifique est possible dans certains cas où l’existence d’indices perceptivo-sensoriels très proches de la situation d’encodage conduit immédiatement à la reviviscence de l’événement autobiographique en dispensant des différentes étapes de la recontextualisation. Tout le monde connaît l’épisode de la « madeleine de Proust ». Dans la majorité des cas cependant, les souvenirs autobiographiques épisodiques sont des constructions mentales transitoires établies par le self de travail défini par l’installation d’un but, sa valence, et l’allocation de ressources exécutives. Ces processus favorisent préférentiellement l’accès indirect aux souvenirs épisodiques par l’intermédiaire de l’activation de connaissances sémantiques pertinentes à l’action en cours (présent psychologique) afin de permettre la résolution de l’activité pour atteindre des buts actuels et actifs. Ainsi, le système de mémoire du self facilite l’accès aux représentations supportant le soi et les buts actuels ou distord, voire inhibe, les représentations en désaccord avec le soi et ses buts afin d’éviter un état de dissonance et les affects négatifs qui en résulteraient. Il existe un phénomène de rétroaction entre le type de souvenir auquel on accède et le self : autrement dit, les souvenirs auxquels on accède confortent notre modèle de soi. Lorsque des patients, en situation pathologique, accèdent à des souvenirs de mauvaise qualité, ou privilégient des souvenirs avec une valence négative comme cela est le cas dans la dépression, ils confortent une image négative d’eux-mêmes. Le cycle de récupération de souvenirs négatifs se voit renforcé alors que l’accès aux souvenirs à valence positive se fait de plus en plus rare et à un niveau plus générique [19]. La mémoire autobiographique est donc une mémoire mouvante se reconstruisant en permanence, tout à fait différente d’une mémoire cristallisée. Ainsi, lorsqu’un sujet âgé ou un patient va rapporter inlassablement le même souvenir, il ne s’agit pas à proprement parler d’un souvenir autobiographique, mais plutôt d’un schéma, d’un script qui caractérise son passé mais n’a pas le caractère d’une reviviscence épisodique. S80 P. Piolino La distribution temporelle est un autre des aspects intéressants de la mémoire autobiographique. Plusieurs souvenirs épisodiques seraient formés chaque jour, mais tous ne résisteraient pas au passage du temps, seuls les plus pertinents (en fonction des buts actuels de l’individu) étant retenus. Dès lors qu’ils sont sans importance et sans caractère émotionnel particulier, la plupart de nos expériences vécues sont oubliées au même titre qu’une liste d’items apprise en situation de test. De plus, dans la vie quotidienne, la fréquence de répétition des événements similaires détermine une transition de la mémoire épisodique vers la mémoire sémantique par un processus de sémantisation [5] : la capacité de rappel des circonstances épisodiques de chaque événement s’efface au profit du rappel des caractéristiques communes. Ainsi pour une grande part, la mémoire sémantique personnelle est issue d’un processus d’abstraction à partir de souvenirs épisodiques et de ce fait, les processus de stockage (comme les processus de récupération) des représentations mnésiques épisodique ou sémantique sont nettement moins indépendants que ne le suggère le modèle de Tulving. Certains événements spécifiques vont être conservés dans les détails tout au long de la vie car ils sont marquants dans la constitution de notre self et représentent un changement de but. Ces souvenirs épisodiques définissant le soi (Self-Defining Memories, [6]) sont caractérisés par la densité des images mentales et des affects, le haut niveau de répétition du souvenir, le lien avec des souvenirs qui partagent le même thème central pour l’individu, et l’accessibilité. Concernant les souvenirs autobiographiques épisodiques, la distribution temporelle observée avec la méthode des mots-indices (voir infra) comporte trois phases distinctes [35] : la fonction de rétention, l’amnésie infantile et, à partir de la quarantaine, le pic de réminiscence (Fig. 2). La fonction de rétention concerne les souvenirs des vingt dernières années et correspond à une courbe d’oubli classique au cours du temps avec un effet de récence marqué. L’amnésie infantile caractérise la pauvreté du rappel des événements vécus avant l’âge de 4-5 ans, avec une absence presque totale de souvenirs des trois premières années de vie [33]. Le pic de réminiscence correspond à la supériorité du rappel des souvenirs encodés à l’adolescence et à l’âge de jeune adulte (entre 10 et 30 ans) par rapport aux autres périodes du passé. Ce phénomène observé dans les souvenirs anciens a beaucoup intrigué les chercheurs. Quelle explication en donner ? L’explication du phénomène n’est pas consensuelle. Certains auteurs invoquent un mécanisme d’encodage spécifique et, d’autres, un mécanisme particulier de récupération puisque cette période de vie fournit des indices de rappel particulièrement efficaces (« le jour du mariage »). Mais l’explication la plus probable est celle liée au Self. Cette période de vie déterminante pour la construction et le maintien du sentiment d’identité dépendrait de l’influence des intérêts et des buts personnels les plus stables qui continueraient d’exercer une influence tout au long de la vie [6]. En revanche, si la distribution temporelle des connaissances sémantiques personnelles est marquée par la même courbe d’oubli, il existe ensuite l’installation d’un plateau, ce qui signifie qu’à partir d’un certain moment (5 à 10 ans après l’encodage), dès lors qu’une information est conservée, elle le sera toujours. Certaines recherches se sont intéressées à déterminer le substratum neuronal de la mémoire autobiographique. Les activations cérébrales sont enregistrées en tomographie par émission de positons (TEP) ou en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) lorsque des sujets sains évoquent mentalement des souvenirs personnels à partir d’indices (des mots, phrases ou photographies) ou bien les reconnaissent. Ces études de neuroimagerie fonctionnelle mettent en évidence l’implication d’un vaste réseau cérébral frontal, temporal, et postérieur. Les régions frontotemporales notamment gauches semblent impliquées dans les processus contrôlés de reconstruction du souvenir et les régions plus postérieures dans la production des images mentales associées aux souvenirs (pour revue, 27). Les études en électrophysiologie (EEG) fournissent des données complémentaires en précisant le décours temporel des réponses cérébrales dans ce vaste réseau. Les travaux de Conway et al. [7] ont montré que les changements de potentiels corticaux ont lieu dans le réseau frontal gauche lors de la phase d’initiation d’accès au souvenir, puis dans les réseaux plus postérieurs lors de la phase de reconstruction par les connaissances générales (lobe temporal gauche) et la phase de reviviscence % (1) La fonction de rétention: déclin du nombre de souvenirs au cours du temps 1 2 · (2) Le pic de réminiscence: grand nombre des souvenirs encodés entre l'âge de 10 et 30 ans · · · 3 (3) L'amnésie infantile: quasi absence de souvenirs encodés avant l'âge de 3 - 4 ans · 0 10 20 30 40 Durée de rétention (ans) 50 Figure 2 Distribution temporelle des souvenirs autobiographiques épisodiques chez un sujet âgé de 50 ans (d’après 36). S81 A la recherche du self : théorie et pratique des détails spécifiques (régions bilatérales temporales et postérieures). Plus spécialement, le rôle de l’hippocampe dans le travail de reconstruction de souvenirs anciens fait actuellement débat. Certains auteurs postulent que l’hippocampe interviendrait dans l’encodage et la récupération des souvenirs récents (durant quelques années) mais ne serait plus sollicité dans la récupération des souvenirs anciens [2]. D’autres pensent que l’intervention de l’hippocampe est indispensable dans la récupération de souvenirs autobiographiques, peu important leur ancienneté, pourvu qu’ils soient épisodiques [22]. Dans l’ensemble, les résultats des études confortent ce dernier modèle. Cependant, ces recherches présentent souvent des limites méthodologiques puisque les sujets rappellent ou reconnaissent des événements personnels anciens qu’ils ont évoqués peu de temps avant l’enregistrement en TEP ou IRMf, ce qui génère une réactivation des traces mnésiques anciennes dans le système hippocampique. Pour pallier ce biais méthodologique, nous avons réalisé dans le laboratoire de neuropsychologie et neuroimagerie fonctionnelle de l’Inserm à Caen des études où les sujets devaient évoquer des souvenirs autobiographiques récents et anciens, non réactualisés, à partir d’indices personnalisés [28, 41]. Par ailleurs, la nature épisodique de chaque souvenir était strictement contrôlée. Chez des femmes âgés de 60 à 75 ans, nous avons pu tester les souvenirs de cinq périodes d’encodage recouvrant l’ensemble de leur vie (0/17 ans, 18/30 ans, plus de 30 ans, cinq dernières années, 12 derniers mois) à partir d’indices (« la visite de la tour de Pise ») recueillis à l’aide de leur conjoint. Toutes périodes confondues (analyse de conjonction), les résultats ont montré l’activation en IRMf d’un réseau cérébral commun impliquant principalement des régions frontales gauches, et d’autres régions jouant un rôle dans l’imagerie mentale comme le précunéus et dans la récupération en mémoire épisodique comme le cingulaire postérieur. Donnée plus intéressante, quelle que soit la période de vie explorée, nous avons démontré une activation hippocampique (d’autant plus bilatérale que les périodes de vies étaient plus riches au niveau de la reviviscence des détails phénoménologiques et contextuels) en accord avec l’hypothèse du rôle permanent de l’hippocampe dans les souvenirs autobiographiques. L’implication de ce large réseau rend compte des différentes origines cérébrales possibles des troubles de la mémoire autobiographique : hypométabolismes fonctionnels et lésions cérébrales de topographie variable voire dysconnexions cérébrales, notamment fronto-temporales. D’après le modèle de Conway, le travail de reconstruction du souvenir dans sa pleine spécificité peut s’arrêter au cours d’une étape intermédiaire, pour différentes raisons. Les sujets ne vont alors évoquer que des souvenirs très généraux sans pouvoir accéder aux détails spécifiques et phénoménologiques. C’est le cas dans de nombreuses pathologies neurologiques ou psychiatriques comme la maladie d’Alzheimer ou la dépression. Différentes causes peuvent rendre compte de cette incapacité à effectuer un travail de reconstruction parmi lesquelles un trouble de la mémoire de travail (altération de la fonctionnalité liée à un dysfonctionnement frontal), un déficit de la mémoire sémantique (liée à un dysfonction- nement temporal entravant l’accès aux détails spécifiques) et un déficit de la mémoire épisodique (liés à un dysfonctionnement hippocampique ou des régions impliquées dans l’émotion et l’imagerie mentale entravant la reviviscence des détails phénoménologiques et contextuels). Un même déficit constaté lors d’épreuves psychométriques (accès à des souvenirs généraux et non spécifiques) peut alors répondre à une grande variété de mécanismes neurocognitifs (eg . « la démence frontotemporale, [21, 25] »). Méthodes d’évaluation de la mémoire autobiographique Évoquons maintenant les méthodes d’évaluation de la mémoire autobiographique. Les tests dont dispose le clinicien sont relativement assez nombreux, de ceux portant sur des mots indices aux fluences verbales autobiographiques ou aux questionnaires (pour revue, [31]). La méthode des mots-indices élaborée par Crovitz et Schiffman [9], à partir de la méthode développée par Galton en 1883, consiste à présenter successivement des mots (bébé, chat…) et à demander au sujet d’évoquer le premier souvenir personnel qui lui vient à l’esprit, puis de le dater (pour une version récente de ce test, voir [16]). L’épreuve de fluence verbale autobiographique proposée à l’origine par Dritschel et al. [11] consiste à énumérer en un temps donné (par exemple 60 secondes) deux catégories d’informations autobiographiques, l’une sémantique (noms de personnes de l’entourage) et l’autre épisodique (événements personnels) provenant de plusieurs périodes (pour une version de fluences autobiographiques en 2 minutes avec des normes françaises, voir [31]). Dans la catégorie des questionnaires, le questionnaire AMI de Kopelman et al. [18] est le plus utilisé. Il porte d’une part sur le rappel d’informations sémantiques personnelles (noms de personnes, adresses…) et d’autre part sur le rappel de souvenirs d’événements autobiographiques spécifiques provenant de trois périodes distinctes : l’enfance et l’adolescence, l’âge de jeune adulte, le passé récent. Le Test Épisodique de Mémoire du Passé autobiographique (TEMPau, [26, 27, 31, 32]) est un autre questionnaire qui propose des critères particulièrement stricts pour évaluer la nature épisodique des souvenirs autobiographiques. Il permet de distinguer les aspects sémantiques des aspects épisodiques qui sont les seuls caractérisés par la capacité à revivre mentalement des événements spécifiques avec des détails phénoménologiques et contextuels. Pour cinq périodes de vie (0/17 ans, 18/30 ans, plus de 30 ans, cinq dernières années, 12 derniers mois), le sujet doit évoquer un événement spécifique (unique, inférieur à 24 heures, situé dans le temps et l’espace et détaillé) pour chacun des 4 thèmes de rappel proposés (une rencontre, un événement professionnel, familial et un déplacement). Pour la période récente, 8 thèmes sont proposés au lieu de 4 permettant de tester la restitution des événements vécus en fonction de l’intervalle de rétention. L’organisation générale du test (périodes testées, thèmes explorés, exemples d’indices) et des normes sont présentées Tableaux 1 et 2. Chaque souvenir évoqué est contrôlé lors d’un retest S82 P. Piolino Tableau 1 Organisation générale du Test Episodique de la Mémoire du Passé autobiographique (TEMPau) : périodes testées, thèmes explorés et exemples d’indice et grille de cotation PÉRIODES D’ENCODAGE THÈMES Une rencontre ENFANCE et ADOLESCENCE (0-17 ans) « Quand vous étiez petit, adolescent. » JEUNE ADULTE (18-30 ans) « Lorsque vous étiez jeune marié, jeune adulte. » ADULTE PLUS AGÉ (au delà de 30 ans) « Quand vos enfants sont devenus grands. » LES 5 DERNIÈRES ANNÉES « Depuis ces dernières années. » Un jour avec un camarade Un jour avec votre conjoint Un jour avec un ami Le jour d’une nouvelle rencontre PÉRIODE RÉCENTE (les 12 derniers mois) « Depuis ces derniers mois. » Liste des 8 thèmes Le jour de votre départ à la retraite 1. L’été dernier 2. Noël ou jour de l’An Un jour pendant Un jour lors du Un jour lors Un jour lors d’un Un déplacement 3. Le mois dernier les vacances voyage de noce d’un voyage voyage 4. La semaine Un événement Le jour d’une Le jour d’une Le jour d’un Le jour d’une dernière familial fête en famille naissance mariage visite 5. Le dernier week-end 4. Evénement spécifique situé dans un contexte spatiotemporel détaillé 6. Avant-hier 3. Evénement spécifique situé dans un contexte spatiotemporel non détaillé 7. Hier Grille de cotation 2. Evénement générique ou spécifique sans contexte spatiotemporel 8. Aujourd’hui du souvenir 1. Description vague sans contexte spatiotemporel 0. Absence de réponse ou information générale Un événement scolaire ou professionnel Un jour avec un professeur Un jour sur le premier lieu de travail Un jour avec un collègue Tableau 2 Résultats -m (σ) - au Test Episodique de la Mémoire du Passé autobiographique (TEMPau) chez 224 sujets (48% d’hommes) ayant effectué au minimum 8 années d’étude 20-35 ans n=77 40-49 ans n=22 50-59 ans n=34 60-69 ans n=56 70-79 ans n=35 Score global 14.17 (1.41) 14.36 (1.46) 13.18 (2.41) 13.00 (2.37) 12.91 (1.99) Score épisodique 10.02 (4.23) 10.91 (3.94) 8.71 (5.25) 8.21 (5.36) 7.66 (3.41) Score global 13.94 (1.84)* 14.09 (1.97) 14.00 (1.87) 13.42 (2.61) 12.23 (2.82) Score épisodique 10.58 (3.66)* 10.91 (4.64) 10.35 (4.19) 9.31 (4.62) 7.63 (4.33) Score global 13.18 (2.82) 13.63 (2.38) 12.73 (2.70) 12.06 (2.94) Score épisodique 9.82 (4.51) 9 .41 (4.39) 8.43 (5.02) 7.31 (4.49) Période 0-17 ans Période 18-30 ans ( * n = 34) Période > 30 ans Période 5 dernières années Score global 14.45 (1.29) 13.36 (2.36) 13.35 (2.38) 12.09 (3.03) 8.48 (3.96) Score épisodique 10.39 (4.60) 10.18 (5.01) 9.41 (4.39) 7.71 (4.56) 4.57 (3.64) Score global 14.71 (1.39) 14.45 (1.45) 14.21 (1.73) 13.36 (2.11) 11.23 (2.55) Score épisodique 11.97 (2.91) 11.09 (4.56) 10.59 (4.28) 9.07 (4.11) 6.43 (4.28) Période récente, 12 derniers mois S83 A la recherche du self : théorie et pratique proposé au sujet 15 jours après le test et auprès de la famille, puis coté sur une grille d’épisodicité en 5 points (de 0 à 4 points). Pour chaque période, un score global de mémoire autobiographique qui comptabilise les points attribués à chaque souvenir quelle que soit sa nature plus ou moins sémantique (score maximum sur 16 points) et un score strictement épisodique (score maximum sur 16 points) qui ne comptabilise que les points attribués aux souvenirs présentant tous les critères d’épisodicité (cotés 4 points). Les scores de la période « 12 derniers mois » sont divisés par deux. Le test ainsi décrit correspond à sa version clinique et dure une heure lorsque les 5 périodes sont testées. Toutefois, ce test est le premier test standardisé de mémoire autobiographique qui permet aussi d’évaluer l’état de conscience (paradigme « je me souviens/je sais », Tulving, [38]) et la perspective du self (paradigme « acteur/spectateur », Nigro et Neisser, [23]) pour chaque souvenir évoqué par le sujet. Le paradigme « je me souviens/je sais » (i.e., remember/ know) consiste à demander au sujet de préciser s’il sait seulement ou s’il se souvient aussi avoir vécu l’événement autobiographique rappelé. Les réponses « je me souviens » sont l’expression directe de la mémoire épisodique lorsqu’elles sont associées à la reconstruction consciente de la scène dans laquelle les événements ont été vécus, et par conséquent, à la reviviscence qui implique le self subjectif et le situe dans un contexte spatio-temporel. Les réponses « je sais » sont l’expression d’un processus plus automatique, un sentiment de familiarité, qui n’implique que la mémoire sémantique et pas le self subjectif. Pour plus de sensibilité, ce paradigme est proposé distinctement pour le factuel, le spatial et le temporel, au lieu d’être proposé globalement pour l’événement. Le paradigme « acteur/spectateur » (i.e., field/observer) permet d’évaluer la perspective du Self dans le rappel de souvenirs en caractérisant le point de vue associé à la représentation mentale correspondante. Lors de l’évocation d’un souvenir, le sujet doit préciser s’il voit la scène de ses propres yeux, comme s’il revivait l’événement en tant que sujet/acteur, ou s’il se voit lui-même dans la scène et joue alors le rôle de spectateur. Ce paradigme ne recouvre pas strictement les notions de mémoire épisodique et de mémoire sémantique car d’autres facteurs peuvent influer sur le point de vue comme l’émotion. Par exemple, la perspective d’acteur accompagne plus souvent le souvenir lorsqu’il est associé au self actuel et à une valence positive et lorsque le sujet revit le contenu émotionnel au lieu des circonstances de l’événement. Toutefois, la reviviscence qui implique le self subjectif s’accompagne le plus souvent de réponses « je me souviens » et d’une perspective d’acteur. A partir de ce test original, de nombreuses versions ont été adaptées en fonction de l’âge des sujets, de l’enfant au sujet âgé, et à différentes pathologies neurologiques ou psychiatriques (ictus amnésique, dépression, schizophrénie…). Enfin, certains auto-questionnaires sont utilisés en neuropsychologie pour permettre d’obtenir des mesures standardisées quantitatives et qualitatives de la représentation de soi [1] tels que des échelles d’estime de soi (e.g. Twenty Statement Test) ou des échelles de self multidimensionnel (e.g. Tennessee Self Concept Scale) évaluant la consistance et la valence des représentations de soi. Vieillissement normal et mémoire autobiographique Les sujets âgés ont souvent l’impression que leur mémoire autobiographique ancienne est nettement meilleure que leur mémoire récente. Or, des études récentes montrent qu’il s’agit le plus souvent d’une erreur d’appréciation. Peu de recherches ont examiné les effets de l’âge sur les deux composantes, épisodique et sémantique, de la mémoire autobiographique. Cependant les études réalisées avec un matériel classique (liste d’items) de laboratoire suggèrent que la mémoire épisodique, qui est l’une des mémoires les plus affectées dans le vieillissement, serait également atteinte avec du matériel autobiographique. En administrant un questionnaire autobiographique semi-structuré à 52 sujets âgés de 40 à 79 ans testant 6 à 9 décennies de vie en fonction de l’âge des sujets, nous avons montré que les capacités de rappel d’événements spécifiques et détaillés (composante épisodique) diminuaient avec l’âge tandis que les connaissances sémantiques personnelles étaient préservées [30]. Toutefois, quel que soit l’âge des sujets, les souvenirs récents (« effet de récence ») étaient plus épisodiques que les souvenirs anciens à l’exception des souvenirs du pic de réminiscence (voir supra). Ainsi, dans le vieillissement normal, l’effet de récence semble conservé et le pic de réminiscence devient de plus en plus ancien, mais il coïncide toujours aux événements encodés entre 10 et 30 ans. Ces résultats confortés par les données collectées par Levine et al. [20] ont été récemment précisés en utilisant le TEMPau administré à 180 sujets âgés de 21 à 80 ans répartis en 3 groupes d’âge (jeunes, âgés, très âgés). Cette étude [27] a montré que le sentiment de reviviscence (« se souvenir ») du passé autobiographique diminue avec l’âge alors que le sentiment de familiarité (« savoir ») augmente. Les sujets âgés sont aussi davantage spectateurs de leurs souvenirs qu’acteurs. Toutefois, les capacités de reviviscence sont relativement mieux préservées concernant les périodes les plus anciennes qui recouvrent en partie le pic de réminiscence (e.g. la période 18-30 ans). Chez les sujets âgés, le nombre plus élevé de réponses « je sais » ou de perspectives « spectateurs » pourrait témoigner non seulement de la sémantisation de leurs souvenirs, mais aussi d’une difficulté à utiliser les structures du self actuel. Néanmoins, même chez les sujets très âgés quelques souvenirs épisodiques persistent. Leurs caractéristiques sont semblables aux souvenirs des autres groupes d’âge et correspondent aux souvenirs définissant le self (i.e., densité des images mentales et des affects et accessibilité). L’ensemble de ces résultats indique un changement délétère lié à l’âge sur la mémoire autobiographique épisodique et le self subjectif (conscience autonoétique). Ces difficultés sont en partie dues à des dysfonctionnements exécutifs présents dans le vieillissement normal. Les modifications de la spécificité des souvenirs ainsi que de la conscience autonoétique et de la perspective du self pourraient suggérer qu’il existe un affaiblissement du sentiment d’identité chez les sujets âgés. Or, ces déficits liés à l’âge n’entament généralement pas la représentation identitaire des sujets S84 âgés sains [12] contrairement à la maladie d’Alzheimer [1]. De plus, les sujets âgés ont tendance à évaluer les événements de leur vie plus positivement que les sujets jeunes (biais de positivité), même lorsqu’ils évoquent des événements négatifs (e.g. un accident, un événement stressant) [37] et à en tirer une signification personnelle ou morale. Cette capacité d’élaboration des souvenirs permettrait d’influencer le self, et donc de renforcer ou transformer les buts de vie, et de se construire une identité cohérente, notamment par l’assimilation de nouvelles connaissances et d’expériences négatives [45]. Au total, il semble que la préservation des connaissances sémantiques personnelles, du sentiment subjectif de reviviscence du passé lointain et de quelques souvenirs épisodiques définissant le self, permettent aux sujets âgés de voyager dans leur passé, leur assurant ainsi un sentiment de continuité [44]. Le sujet âgé sain ne serait pas atteint dans son identité personnelle tant que son self attesterait de sa continuité malgré les décalages qui peuvent exister entre les représentations du self et les expériences vécus. Maladie d’Alzheimer et mémoire autobiographique : évaluation et prise en charge en neuropsychologie Chez les patients cérébrolésés, il est classique d’évaluer de façon formelle l’amnésie antérograde (amnésie des informations acquises depuis la survenue de la lésion cérébrale) mais beaucoup plus rarement l’amnésie rétrograde (amnésie des informations acquises avant la survenue de la lésion cérébrale). Pourtant, certaines maladies neurologiques perturbent tout particulièrement la composante autobiographique de l’amnésie rétrograde et endommagent ainsi les connaissances et/ou les souvenirs liés au self qui contribuent à notre identité. Dans la maladie d’Alzheimer notamment (pour revue, [34]), les patients présentent des troubles de la conscience de soi puisqu’ils sont anosognosiques et une amnésie rétrograde qui s’étend en fonction des stades de la démence. Au fur et à mesure de la progression de la maladie, les souvenirs du passé semblent s’effacer en commençant par les plus récents pour remonter vers le passé le plus lointain selon le fameux gradient temporel décrit par Ribot (1881). Le profil de l’amnésie rétrograde peut prendre également des formes très différentes selon la nature des souvenirs testés et les méthodes d’évaluations utilisées. L’étendue de l’amnésie rétrograde autobiographique a été étudiée dans la maladie d’Alzheimer à partir de la méthode des mots indices. Les patients présentent une distribution temporelle des souvenirs semblable aux sujets âgés avec un effet de récence et un pic de réminiscence bien qu’ils produisent globalement un moins grand nombre de souvenirs spécifiques. Avec l’avancée de la maladie, un pic de réminiscence subsiste mais concerne une période de vie plus ancienne que chez les sujets âgés. Récemment, Fromholt et al. [14] ont comparé des récits de souvenirs autobiographiques de patients atteints de la maladie d’Alzheimer à ceux de sujets sains octogénaires et centenaires et de patients dépressifs. Les P. Piolino résultats montrent que les souvenirs autobiographiques des patients atteints de la maladie d’Alzheimer, comme ceux des sujets dépressifs et des centenaires, sont significativement moins nombreux, moins détaillés, moins bien datés et moins positifs que les souvenirs des sujets âgés. D’autres recherches ont comparé les déficits de mémoire autobiographique sémantique et épisodique dans la maladie d’Alzheimer débutante et modérée avec des tâches de fluences verbales autobiographiques. Les résultats obtenus sont contrastés. Certaines études montrent des performances nettement perturbées, quelles que soient l’information et la période testées, même chez les patients les moins atteints, et d’autres études trouvent une relative préservation des performances aux tâches de fluences verbales sémantiques et épisodiques testant les périodes anciennes selon un gradient temporel de Ribot. Avec le questionnaire AMI de Kopelman, les études retrouvent généralement une meilleure préservation de la période de l’enfance et de l’adolescence au détriment des périodes plus récentes, qu’il s’agisse de la sémantique personnelle ou des événements autobiographiques. D’autres questionnaires autobiographiques ont permis de montrer des performances fortement altérées sans gradient temporel ou bien avec gradient temporel selon la sévérité de la maladie [36]. En fonction de cette évolution, on assisterait à une « hiérarchie de dégradation » : au stade débutant (MMS>20), le déficit atteindrait la mémoire autobiographique récente, au stade modéré (MMS 15-20), seules persisteraient les connaissances relativement anciennes et au stade sévère (MMS<15), seules les connaissances de l’enfance résisteraient à l’amnésie. Cependant, ces études n’appliquent pas de critères stricts d’épisodicité. Pour répondre à cette critique, nous avons proposé le questionnaire TEMPau, dans une version courte, à un groupe de 17 patients atteints de maladie d’Alzheimer à un stade débutant de la démence [13] et, dans sa version longue, à un groupe de 13 patients [26]. Les résultats de l’étude portant sur 17 patients montrent que les performances des patients Alzheimer sont inférieures à celles d’un groupe de 18 sujets âgés contrôles pour le score global de rappel autobiographique selon un gradient temporel de Ribot. En revanche, l’atteinte est massive et sans gradient pour les rappels strictement épisodiques. Ainsi, 80 % des souvenirs produits par les patients sont de nature générique (cotés inférieurs à 4) contre 20 % de souvenirs épisodiques. Des analyses complémentaires indiquent clairement que la relative préservation du passé lointain dans la maladie d’Alzheimer concerne majoritairement des souvenirs sémantisés et non strictement épisodiques. Ainsi, le gradient de Ribot qui est fréquemment décrit dans la littérature semble refléter le gradient de sémantisation des souvenirs [15] et également la relative préservation de la mémoire sémantique comparée au déficit massif de mémoire épisodique chez les patients atteints de maladie d’Alzheimer au stade débutant. Les résultats de corrélations cognitivo-métaboliques réalisées dans ce même groupe de patients entre le score global de mémoire autobiographique du TEMPau et le métabolisme de glucose au repos recueilli par tomographie par émission de positons (TEP) corroborent cette interprétation. En effet, pour les A la recherche du self : théorie et pratique S85 souvenirs correspondant aux cinq années les plus récentes, les corrélations sont principalement localisées dans la région hippocampique droite et dans le cortex préfrontal droit impliqués dans la récupération des souvenirs épisodiques. En revanche, pour la période correspondant à l’enfance et l’adolescence, les corrélations sont localisées uniquement dans le cortex préfrontal gauche impliqués dans la récupération en mémoire sémantique ou autobiographique mais pas dans la reviviscence des souvenirs épisodiques (voir supra). Le désengagement des corrélations avec l’hippocampe avec l’augmentation de l’intervalle de rétention est en conformité avec les différentes théories de la consolidation puisque les souvenirs anciens des patients sont sémantisés et non épisodiques. La spécificité de ces résultats a été confirmée récemment. En effet, nous avons démontré dans la démence frontotemporale que l’atteinte de la mémoire autobiographique dépendait de déficits exécutifs sous-tendus par les régions préfrontales gauches, notamment orbitofrontales, pour toutes les périodes de vie testées [25]. Les résultats de notre seconde étude dans la maladie d’Alzheimer ont indiqué en plus que les réponses « je me souviens » sont inférieures aux sujets âgés tandis que, les réponses « je sais » sont supérieures quelle que soit la période explorée. Les patients considèrent moins que les témoins se souvenir d’un événement passé en voyageant mentalement dans le temps et revivre l’événement vécu. Leurs capacités d’évocation de détails phénoménologiques (pensées, perceptions, émotions) et spatio-temporels (localisation, déroulement, heure) du contexte d’encodage des événements vécus sont très déficitaires (Fig. 3). Ces résultats confortent chez les patients Alzheimer débutant la présence de troubles de mémoire autobiographique épisodique et de conscience autonoétique et suggèrent qu’ils peuvent néanmoins recourir à leur mémoire sémantique personnelle et à leur conscience noétique pour restituer des souvenirs autobiographiques anciens et récents comme les patients atteints d’un syndrome amnésique [40]. Au total, les résultats de la littérature suggèrent que le profil de l’amnésie autobiographique chez les patients Alzheimer dépend en partie du type de connaissances testées (épisodiques ou sémantisées) et du stade d’évolution de la maladie. L’étendue massive de l’amnésie autobio- 4 Quoi graphique épisodique dès le stade débutant de la maladie d’Alzheimer serait compatible avec le modèle de consolidation qui assigne un rôle permanent au lobe temporal interne dans la récupération des souvenirs épisodiques. Toutefois, certains souvenirs épisodiques anciens peuvent persister en début de maladie d’Alzheimer. Cette persistance semble liée à la valeur émotionnelle du souvenir, à son importance dans la construction de l’identité et sa concordance avec le self actuel du patient [7, 8] bien plus qu’à un intervalle de rétention particulier. En somme l’étendue et la nature du déficit de mémoire autobiographique (épisodique et sémantique) affectent la qualité des représentations du self. Addis et Tipett [1] ont mis en évidence chez des patients Alzheimer débutants une corrélation entre les performances à des tests de mémoire autobiographique et à des échelles mesurant la représentation du self. Comme de nombreux patients amnésiques, les patients en début de maladie d’Alzheimer sont plus ou moins incapables d’évoquer le moindre événement épisodique important de leur vie, pourtant ils connaissent encore des connaissances générales sur eux-mêmes. Ainsi, ces patients ne sont pas privés de toute leur mémoire autobiographique, ils peuvent encore répondre à leur manière à la question « qui suis-je ? ». Pourtant, il semble que la part défaillante les prive du sentiment de reviviscence et de continuité, le passé devenant de ce fait de plus en plus discontinu, désincarné et impersonnel au fur et à mesure de la progression de la maladie : les patients gardent encore des connaissances générales sur leur self mais ils sont incapables de donner le moindre exemple pour illustrer ce qu’ils savent d’eux-mêmes. C’est l’étroite interaction entre le self conceptuel (conscience noétique et mémoire sémantique) et le self phénoménologique (conscience autonoétique et mémoire épisodique) qui fonde le sentiment de cohérence du soi dans le temps en maintenant un lien entre les connaissances de soi et la reviviscence d’expériences vécues. A partir du moment où le déficit atteint de façon très importante aussi bien le versant épisodique que sémantique de la mémoire autobiographique, la perte d’identité devient massive. Quelques îlots de connaissances persistent encore parfois pour nourrir le présent psychologique des patients en fonction des informations de la Ou Quand 3,5 3 Témoins MA 2,5 2 1,5 1 0,5 017 18 an -3 s 0 5 an de rn > 3 s iè 0 12 res ans de ann rn ée ie rs s m oi s 017 18 an -3 s 0 5 an de rn > 3 s iè 0 r a e ns 12 s de ann rn ée ie rs s m oi s 017 18 an -3 s 0 5 an de rn > 3 s iè 0 r 12 es ans de ann rn ée ie rs s m oi s 0 Figure 3 Capacité de reviviscence des détails épisodiques associés aux trois contenus - factuel, spatial, temporel - de la mémoire des événements autobiographiques en fonction de 5 périodes de vie chez des patients atteints de maladie d’Alzheimer (MA) au stade léger à modéré comparés à des sujets témoins S86 période de vie accessible. Ils déterminent alors leur sentiment d’identité actuel comme l’illustre cette observation décrite par Delay [10] : « Noémie, âgée de 64 ans […] ne peut évoquer aucun souvenir relatif à son passé […]. Si l’on demande à Noémie son âge, elle répond je suis une petite fille, j’ai 8 ans ». Contrairement au vieillissement normal, le patient Alzheimer subit une « sénescence » de son self car il devient incapable d’intégrer de nouvelles connaissances ou expériences et perd progressivement son stocke de connaissances sémantiques personnelles. Cependant, il existe une atteinte hétérogène des différentes dimensions du self dans la maladie d’Alzheimer [15]. L’évaluation des troubles de mémoire autobiographique fournit des données cliniques qui peuvent contribuer au diagnostic, le profil du gradient et la nature des troubles étant différents selon les pathologies. Elle peut aussi orienter vers le type de prise en charge proposé au patient. La prise en charge de ces troubles est importante car l’amnésie autobiographique s’accompagne d’une perte d’identité et de nombreux troubles du comportement qui représentent une difficulté majeure dans la vie quotidienne (familiale, institutionnelle) [1]. Néanmoins, jusqu’à très récemment, seule la psychologie clinique s’est intéressée au passé autobiographique à des fin thérapeutiques. La mémoire autobiographique constitue en effet la cible naturelle des thérapies de la réminiscence. L’activité de réminiscence ou revue de vie (« life review », Butler [4]) consiste au rappel conscient des expériences passées et à un retour aux conflits non résolus ; l’introspection sur son propre passé aurait une fonction adaptative dans le présent en renforçant l’identité et l’estime de soi ou en favorisant l’intégration dans un nouvel environnement. La relation réciproque entre mémoire autobiographique et self a été utilisée par les cliniciens comme moyen d’intervention thérapeutique auprès des personnes âgées, dans la dépression des sujets âgés, et la maladie d’Alzheimer (pour revue [17]). Certains sujets âgés en fonction de leur vécu et de leur personnalité privilégient un type d’introspection délétère pour le self [42]. Ils ruminent négativement des événements passés au lieu de pratiquer une activité de réminiscence intégrative qui permet à l’individu de s’accepter et d’intégrer le présent et le passé afin de trouver un sens et une cohérence à sa vie. En ce qui concerne plus particulièrement la maladie d’Alzheimer, la réminiscence semble avoir un effet visible à la fois sur la sphère comportementale et cognitive agissant sur la dépression, sur les interactions sociales, sur les troubles du comportement (agitation, agressivité, nervosité, exigence), sur la désorientation spatio-temporelle et la capacité à rester engagé dans une activité présente et à planifier une activité future [43]. De nombreuses études ont examiné les bénéfices des thérapies de la réminiscence mais une analyse plus précise telle que celle proposée par la revue Cochrane [46] montre les limitations méthodologiques de la plupart de ces études. Les méthodes d’évaluation standardisées de la mémoire autobiographique utilisées en neuropsychologie pourraient constituer un support contrôlé au travail de reconstruction de l’histoire personnelle afin d’améliorer l’orientation dans le temps, la chronologie des événements, et optimiser les stratégies d’accès aux souvenirs spécifiques. P. Piolino Dans le cadre de la maladie d’Alzheimer cependant, la prise en charge des troubles autobiographiques a principalement pour objectif d’optimiser la sémantique personnelle mieux préservée que la mémoire autobiographique épisodique. Nous avons élaboré un programme de réminiscence avec le soutien de la Fondation Médéric Alzheimer inspiré des thérapies de la réminiscence avec une visée plus cognitive puisque l’activité de réminiscence est narrative ciblant une simple description du passé sans but interprétatif. Ce programme vise la reconstruction du sentiment d’identité et de continuité en réinstaurant une temporalité par le renforcement des connaissances sémantiques personnelles et des capacités de reviviscence des souvenirs anciens. En référence au modèle de Conway précédemment décrit, le programme cible tout d’abord, les connaissances sémantiques personnelles afin de reconstituer les principales informations générales (en fonctions des thèmes : noms de personnes de l’entourage, dates importantes, adresses…) recouvrant cinq différentes périodes de vie (celles du TEMPau) et, dans un second temps, l’accès à des souvenirs plus spécifiques à partir de ces connaissances personnelles. Le programme (REMau, [29]) s’appuie sur une procédure d’indiçage multi-sensoriel (photos, chansons, objets, indices verbaux), la plupart des indices provenant de l’entourage familial qui remplit un questionnaire détaillé sur la vie du patient (informations et événements marquants). Le type de prise en charge proposé se fonde principalement sur une méthode de facilitation d’accès aux informations par des effets d’amorçage dus à la répétition de l’indiçage [40] et par le biais de stratégies de récupération. L’impact cognitif et comportemental de ce programme réalisé sur 8 séances d’une heure (deux fois par semaine pendant quatre semaines) a été testé à terme et à plus long terme chez des patients atteints de maladie d’Alzheimer modérée (MMSE > 18) sans histoire personnelle particulièrement douloureuse et sans troubles du comportement majeurs. Dans une étude préliminaire, neuf patients bénéficiant du programme ont été comparés à neuf autres patients appariés en niveau de sévérité de la maladie et vivant dans le même cadre institutionnel auxquels étaient proposées des activités occupationnelles (travail sur l’actualité) à la place du programme. Les deux groupes de patients (Réminiscence et Témoins) ont été testés avant et après la passation du programme (sessions 1 et 2) et à distance (session 3, 15 jours après) à l’aide du test TEMPau et d’une version sémantique personnelle de ce test (inspirée de Piolino et al., [30]), et de l’échelle de dépression gériatrique, GDS [47]. En résumé, les résultats obtenus à la deuxième évaluation du TEMPau et du test de sémantique personnelle indiquent que les patients du groupe Réminiscence ont bénéficié du programme. En effet, les performances du groupe Réminiscence étaient significativement supérieures à celles du groupe Témoins aux sessions 2 et 3. Leurs performances étaient améliorées à la session 2 et 3 par rapport à la session 1 contrairement au groupe Témoins qui gardait des performances globalement inchangées (Fig. 4). Ces effets dépendaient cependant de la période de vie explorée puisque l’amélioration observée au TEMPau dans le groupe Réminiscence concernait la période 18-30 ans mais aussi la A la recherche du self : théorie et pratique période la plus récente. Pour le test de sémantique personnelle, l’amélioration observée concernait les trois périodes les plus anciennes (0-17 ans, 18-30 ans et plus de 30 ans). Sur le plan comportemental, la réminiscence a eu un effet positif sur les scores de dépression évalués avec la GDS aux sessions 2 et 3.Ces premiers résultats sont encourageants du point de vue cognitif et comportemental. Globalement, même s’ils sont encore préliminaires, ils semblent montrer que les patients à un stade modéré peuvent bénéficier favorablement de ce type de programme pour reconstruire des aspects de la mémoire autobiographique qui contribuent au sentiment d’identité. En effet, l’impact significatif du programme concerne la sémantique personnelle et la capacité d’évocation de souvenirs de la période de S87 vie 18-30 ans qui recouvre en partie le pic de réminiscence (voir supra). Nous confirmons l’impact positif de la réminiscence décrit dans la littérature, mais l’intérêt de cette étude est d’une part de le contrôler expérimentalement et de préciser sur quel type de représentation mnésique il intervient et, d’autre part, de fournir un cadre standardisé aux neuropsychologues pour appliquer une prise en charge des troubles de mémoire rétrograde. Un autre résultat particulièrement intéressant à approfondir est que la reconstruction des connaissances du self opère positivement dans la vie quotidienne des patients, ce qui semble améliorer l’encodage. Toutefois, bien que les résultats montrent un maintien relatif de l’impact positif 15 jours après la fin du programme, ils indiquent aussi une diminution des effets ce qui suggère qu’il faut certainement prévoir de répéter régulièrement ce type de programme chez un même patient et de l’ajuster avec la progression de la démence. Il serait également important de vérifier l’impact d’un tel programme de réminiscence chez les patients atteints de troubles de mémoire autobiographique d’origine frontale/ exécutive comme chez des patients traumatisés crâniens et des patients atteints de démences frontotemporales. Dans de tels cas, le programme pourrait permettre d’accéder de nouveau à des souvenirs épisodiques et d’intervenir de façon plus efficace sur les liens réciproques unissant la mémoire autobiographique et le self. Conclusion L’objectif de cette présentation était de souligner l’importance de la mémoire autobiographique dans la construction et le maintien du sentiment d’identité et de montrer que les troubles de mémoire autobiographique sont importants dans la maladie d’Alzheimer dès un stade débutant de la démence. Ils affaiblissent graduellement la cohérence de soi et le sentiment d’identité, mais les connaissances sémantiques personnelles mieux préservées que les souvenirs épisodiques en début de maladie peuvent servir de support à une prise en charge des troubles. Ce domaine de la neuropsychologie clinique peut favorablement bénéficier de techniques standardisées basées sur l’organisation structuro fonctionnelle de la mémoire autobiographique et du self. Références Figure 4 Effet du programme REMau dans la maladie d’Alzheimer sur les rappels épisodique et sémantique autobiographiques en fonction des sessions testées : comparaison d’un groupe de patients pris en charge (Réminiscence) et d’un groupe de patients avec de activités occupationnelles (Témoins) avant (Session 1) et après le programme (Session 2) et à 15 jours (Session 3). **, p<.01, ***, p<.001 [1] Addis RA, Tippet LJ. Memory of myself: autobiographical memory and identity in Alzheimer’s disease. Memory 2004;12:56-74. [2] Bayley PJ, Gold JJ, Hopkins RO, Squire LR. The neuroanatomy of remote memory. Neuron 2005;2:799-810. [3] Bluck S. Autobiographical memory: exploring its functions in everyday life. Memory, 11, 113-23. [4] Buttler N. The life review : an interpretation of reminiscence in aged. Psychiatry 1963;26 :65-76. [5] Cermak LS.The episodic-semantic distinction in amnesia. In L.R. Squire & N. Butters (Eds.), Neuropsychology of Memory (pp. 55-62). 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