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des détails spécifi ques (régions bilatérales temporales et 
postérieures). Plus spécialement, le rôle de l’hippocampe 
dans le travail de reconstruction de souvenirs anciens fait 
actuellement débat. Certains auteurs postulent que l’hip-
pocampe interviendrait dans l’encodage et la récupération 
des souvenirs récents (durant quelques années) mais ne 
serait plus sollicité dans la récupération des souvenirs an-
ciens [2]. D’autres pensent que l’intervention de l’hippo-
campe est indispensable dans la récupération de souvenirs 
autobiographiques, peu important leur ancienneté, pourvu 
qu’ils soient épisodiques [22]. Dans l’ensemble, les résul-
tats des études confortent ce dernier modèle. Cependant, 
ces recherches présentent souvent des limites méthodolo-
giques puisque les sujets rappellent ou reconnaissent des 
événements personnels anciens qu’ils ont évoqués peu de 
temps avant l’enregistrement en TEP ou IRMf, ce qui gé-
nère une réactivation des traces mnésiques anciennes dans 
le système hippocampique. Pour pallier ce biais méthodo-
logique, nous avons réalisé dans le laboratoire de neuropsy-
chologie et neuroimagerie fonctionnelle de l’Inserm à Caen 
des études où les sujets devaient évoquer des souvenirs 
autobiographiques récents et anciens, non réactualisés, à 
partir d’indices personnalisés [28, 41]. Par ailleurs, la natu-
re épisodique de chaque souvenir était strictement contrô-
lée. Chez des femmes âgés de 60 à 75 ans, nous avons pu 
tester les souvenirs de cinq périodes d’encodage recou-
vrant l’ensemble de leur vie (0/17 ans, 18/30 ans, plus de 
30 ans, cinq dernières années, 12 derniers mois) à partir 
d’indices (« la visite de la tour de Pise ») recueillis à l’aide 
de leur conjoint. Toutes périodes confondues (analyse de 
conjonction), les résultats ont montré l’activation en IRMf 
d’un réseau cérébral commun impliquant principalement 
des régions frontales gauches, et d’autres régions jouant 
un rôle dans l’imagerie mentale comme le précunéus et 
dans la récupération en mémoire épisodique comme le cin-
gulaire postérieur. Donnée plus intéressante, quelle que 
soit la période de vie explorée, nous avons démontré une 
activation hippocampique (d’autant plus bilatérale que les 
périodes de vies étaient plus riches au niveau de la revi-
viscence des détails phénoménologiques et contextuels) 
en accord avec l’hypothèse du rôle permanent de l’hippo-
campe dans les souvenirs autobiographiques. L’implication 
de ce large réseau rend compte des différentes origines 
cérébrales possibles des troubles de la mémoire autobio-
graphique : hypométabolismes fonctionnels et lésions cé-
rébrales de topographie variable voire dysconnexions céré-
brales, notamment fronto-temporales. D’après le modèle 
de Conway, le travail de reconstruction du souvenir dans sa 
pleine spécifi cité peut s’arrêter au cours d’une étape inter-
médiaire, pour différentes raisons. Les sujets ne vont alors 
évoquer que des souvenirs très généraux sans pouvoir ac-
céder aux détails spécifi ques et phénoménologiques. C’est 
le cas dans de nombreuses pathologies neurologiques ou 
psychiatriques comme la maladie d’Alzheimer ou la dépres-
sion. Différentes causes peuvent rendre compte de cette 
incapacité à effectuer un travail de reconstruction parmi 
lesquelles un trouble de la mémoire de travail (altération 
de la fonctionnalité liée à un dysfonctionnement frontal), 
un défi cit de la mémoire sémantique (liée à un dysfonction-
nement temporal entravant l’accès aux détails spécifi ques) 
et un défi cit de la mémoire épisodique (liés à un dysfonc-
tionnement hippocampique ou des régions impliquées dans 
l’émotion et l’imagerie mentale entravant la reviviscence 
des détails phénoménologiques et contextuels). Un même 
défi cit constaté lors d’épreuves psychométriques (accès à 
des souvenirs généraux et non spécifi ques) peut alors ré-
pondre à une grande variété de mécanismes neurocognitifs 
(eg . « la démence frontotemporale, [21, 25] »).
Méthodes d’évaluation de la mémoire 
autobiographique
Évoquons maintenant les méthodes d’évaluation de la mé-
moire autobiographique. Les tests dont dispose le clinicien 
sont relativement assez nombreux, de ceux portant sur 
des mots indices aux fl uences verbales autobiographiques 
ou aux questionnaires (pour revue, [31]). La méthode des 
mots-indices élaborée par Crovitz et Schiffman [9], à partir 
de la méthode développée par Galton en 1883, consiste à 
présenter successivement des mots (bébé, chat…) et à de-
mander au sujet d’évoquer le premier souvenir personnel 
qui lui vient à l’esprit, puis de le dater (pour une version 
récente de ce test, voir [16]). L’épreuve de fl uence verbale 
autobiographique proposée à l’origine par Dritschel et al. 
[11] consiste à énumérer en un temps donné (par exemple 
60 secondes) deux catégories d’informations autobiographi-
ques, l’une sémantique (noms de personnes de l’entourage) 
et l’autre épisodique (événements personnels) provenant 
de plusieurs périodes (pour une version de fl uences auto-
biographiques en 2 minutes avec des normes françaises, 
voir [31]). Dans la catégorie des questionnaires, le ques-
tionnaire AMI de Kopelman et al. [18] est le plus utilisé. Il 
porte d’une part sur le rappel d’informations sémantiques 
personnelles (noms de personnes, adresses…) et d’autre 
part sur le rappel de souvenirs d’événements autobiogra-
phiques spécifi ques provenant de trois périodes distinctes : 
l’enfance et l’adolescence, l’âge de jeune adulte, le passé 
récent. Le Test Épisodique de Mémoire du Passé autobio-
graphique (TEMPau, [26, 27, 31, 32]) est un autre question-
naire qui propose des critères particulièrement stricts pour 
évaluer la nature épisodique des souvenirs autobiographi-
ques. Il permet de distinguer les aspects sémantiques des 
aspects épisodiques qui sont les seuls caractérisés par la 
capacité à revivre mentalement des événements spécifi -
ques avec des détails phénoménologiques et contextuels. 
Pour cinq périodes de vie (0/17 ans, 18/30 ans, plus de 
30 ans, cinq dernières années, 12 derniers mois), le sujet 
doit évoquer un événement spécifi que (unique, inférieur à 
24 heures, situé dans le temps et l’espace et détaillé) pour 
chacun des 4 thèmes de rappel proposés (une rencontre, 
un événement professionnel, familial et un déplacement). 
Pour la période récente, 8 thèmes sont proposés au lieu
de 4 permettant de tester la restitution des événements
vécus en fonction de l’intervalle de rétention. L’organisation 
générale du test (périodes testées, thèmes explorés, exem-
ples d’indices) et des normes sont présentées Tableaux 1
et 2. Chaque souvenir évoqué est contrôlé lors d’un retest 
A la recherche du self : théorie et pratique