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venirs ne se résume pas à une simple
restitution, mais correspond plutôt à
une reconstruction. Il existe deux
types de récupération (contrôlée et
automatique), que l’on retrouve aussi
sous les termes de processus “straté-
giques” et “associatifs”.
La récupération de souvenirs se fait
généralement avec une multitude de
détails, y compris l’émotion et l’humeur
associées à l’événement. Les souvenirs
autobiographiques sont reconstruits de
façon dynamique à partir de trois
types de représentations emboîtées, du
plus général au plus spécifique : les
périodes de la vie, les événements
généraux et les détails caractéristiques.
De nombreuses études soulignent que
l’émotion et l’imagerie visuelle sont
des facteurs qui facilitent la formation
et la rétention de ces souvenirs. D’un
point de vue psychopathologique, le
facteur émotion peut, dans certains cas,
provoquer un “blocage mnésique”,
alors qu’il peut aussi contribuer à la
préservation de certains souvenirs
chez des patients amnésiques.
La spécificité des techniques
d’investigation
L’objectif de cette partie n’est pas de
faire un inventaire exhaustif des tech-
niques d’investigation mises au point
pour explorer la mémoire autobiogra-
phique, mais plutôt de mettre en évi-
dence les principales caractéristiques
de ces méthodes.
Les travaux de Galton
La méthode mise au point initialement
par Galton (4) et reprise par Crovitz et
Schiffman (5) repose sur l’indiçage.
L’expérimentateur présente un mot
“indice” au sujet et lui donne pour
consigne de rappeler, en relation avec
le mot présenté, un événement vécu.
Après le rappel des souvenirs, il est
demandé au sujet de les dater et d’en
préciser différentes qualités inhérentes,
telles que la vivacité et la valence
affective.
Le rappel libre
Le rappel libre est une autre méthode
largement utilisée pour l’exploration
de la mémoire autobiographique. Les
consignes de rappel utilisées peuvent
contraindre le sujet à choisir un souvenir
en fonction d’une période temporelle,
qu’elle soit ou non restreinte.
Dritschel et al. (6) ont proposé une
épreuve de fluence verbale au cours de
laquelle il est demandé aux sujets de
fournir le plus d’items possibles en
90 secondes. Les auteurs distinguent
deux dimensions autobiographiques,
l’une sémantique (noms de proches,
d’amis et de professeurs), l’autre
épisodique (événements personnels)
et trois périodes de vie (l’enfance et
l’adolescence, l’âge adulte et la période
récente). Ils s’intéressent dans une
seconde partie aux performances des
sujets dans une épreuve de fluence
catégorielle (sémantique non person-
nelle) : animaux, légumes, Premiers
ministres et présidents (depuis 1930).
Une analyse en clusters des données
recueillies met en évidence l’existence
d’une dissociation entre l’évocation
des événements, les faits personnels et
les connaissances sémantiques non
personnelles.
Le questionnaire autobiographique
Différents questionnaires ont été mis
au point. Nous nous proposons de pré-
senter les deux principaux question-
naires retrouvés dans la littérature sur
la mémoire du passé lointain.
◗
◗ Le questionnaire semi-structuré,
développé par Kopelman et al. (7) en
Angleterre, comprend deux parties :
un inventaire d’informations person-
nelles (sémantique personnelle) et un
inventaire d’événements autobiogra-
phiques (épisodique personnelle).
Il explore le contenu de trois périodes
de vie distinctes : l’enfance et l’ado-
lescence, l’adulte jeune et la période
récente. Chaque période comprend
des questions personnelles séman-
tiques et épisodiques.
◗
◗ Le test d’évaluation de la mémoire
du passé lointain autobiographique
(TEMPau) (8) explore la capacité des
sujets à récupérer quatre événements
personnels, spécifiques et détaillés en
fonction de cinq périodes de vie : la
période de l’enfance et de l’adolescence
(de 0 à 17 ans), la période de jeune
adulte (de 18 à 30 ans), au-delà de
30 ans, les cinq dernières années
hormis la période récente et, enfin, la
période récente (les 12 derniers mois).
Il comprend aussi une évaluation de
l’état de conscience et du point de vue
associé aux souvenirs récupérés. Les
auteurs distinguent une évaluation
pour le contenu factuel (le quoi), le
contenu du contexte spatial (le où) et
le contenu du contexte temporel (le
quand) de chaque souvenir. Un nouveau
test est proposé aux sujets 15 ± 2 jours
plus tard. La cotation comprend, entre
autres, un score d’épisodicité, un score
de spontanéité et un score global.
L’objectif de notre travail avec T.G.
était l’évaluation des composantes
épisodique et sémantique personnelles
de sa mémoire autobiographique.
Nous avons utilisé deux épreuves prin-
cipales : une adaptation du test de
fluence autobiographique de Dritschel
et une version abrégée du TEMPau.
Ces épreuves nous ont permis d’ex-
plorer différentes périodes de la vie de
T.G. : son enfance, son adolescence
jusqu’au traumatisme, du traumatisme
à l’année précédant les tests et, enfin,
l’année en cours. Les performances de
T.G. ont été comparées à celles d’un
groupe de 10 sujets sains appariés
selon l’âge, le sexe et le niveau d’édu-
cation.
Le test de fluence autobiographique
nous a permis d’évaluer la quantité
d’informations personnelles, séman-
tiques (“Dites-moi tous les noms
d’amis dont vous vous souvenez”) et
épisodiques (“Pouvez-vous m’énumérer
tous les événements qui vous viennent
à l’esprit ? Décrivez les succinctement
et sans détail”), que T.G. pouvait récu-
pérer en 90 secondes. Nos résultats
ont mis en évidence une différence
significative globale entre les perfor-
mances de T.G. et celles des sujets
sains pour les deux parties (informa-
tions sémantiques et épisodiques).
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (20), n° 6, septembre 2003
Mise au point (III)
Mise au point (III)