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ANGINE DE POITRINE
J Boschat, S Weber
L’angine de poitrine est par définition la douleur intermittente consécutive à l’apparition
d’une ischémie myocardique ; son étiologie très largement prédominante est la maladie
coronaire athéromateuse. La douleur d’angine de poitrine n’est cependant que la
conséquence facultative de l’ischémie myocardique, celle-ci peut être totalement
indolore, la maladie coronaire débutant cliniquement par un trouble du rythme, une
insuffisance cardiaque voire une mort subite. De surcroît, depuis environ une vingtaine
d’années, les traitements préventifs de l’angine de poitrine sont particulièrement
efficaces ; de ce fait, la majorité des patients souffrant d’une insuffisance coronaire
chronique restent asymptomatiques, sans angor d’effort, entre deux accidents évolutifs
(infarctus myocardique, syndrome de menace…) malgré l’absence de symptômes, ils
n’en justifient pas moins d’une surveillance régulière clinique et paraclinique afin
d’évaluer la progression de la maladie coronaire et d’adapter en conséquence son
traitement.
I – PHYSIOPATHOLOGIE
L’ischémie myocardique correspond à un déséquilibre entre les besoins en oxygène et
en énergie du myocarde et les apports assurés par la circulation coronaire. L’adéquation
entre apport et besoin doit être régulée instantanément, en temps réel, car contrairement
au muscle strié squelettique le myocarde ne dispose d’aucune forme de réserve
énergétique (pas de glycogène).
A – Les besoins
La contraction cardiaque, l’interaction des fibres d’Actine et de myosine nécessite de
fortes quantités d’ATP que seul peut produire le métabolisme oxydatif mitochondrial à
partir de glucose mais également d’acide gras et de corps cétonique au prix d’une forte
consommation en oxygène. Les besoins en oxygène myocardique (MVO2) dépendent
de trois paramètres majeurs :
La fréquence cardiaque
La contractilité (inotropisme)
La tension pariétale du ventricule gauche dépendant elle-même de la dimension du
ventricule gauche (diamètre de la cavité, épaisseur pariétale) de la précharge que
l’on peut assimiler à la pression télédiastolique du ventricule gauche (PTDVG) et de
la post charge que l’on peut assimiler à la pression artérielle systolique.
La cause la plus fréquente de l’apparition d’une ischémie intermittente est
l’augmentation des besoins en oxygène notamment lors de l’effort (augmentation
simultanée de la fréquence de la contractilité et de la pression artérielle systolique).
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La réduction des besoins en oxygène est le mécanisme principal de l’action des anti
angineux.
B – Les apports sanguins sont assurés par la circulation coronaire ; il s’agit d’une
circulation de type « terminal » c’est à dire sans anastomose, à l’état physiologique,
entre les divers territoires vasculaires myocardiques. Du fait de l’écrasement systolique
des artères intramyocardiques, la perfusion coronaire se fait quasi exclusivement en
diastole. De surcroît, le seul mécanisme d’adaptation du débit coronaire à la variabilité
des besoins en oxygène du myocarde est la vasodilatation (l’extraction d’oxygène par le
muscle cardiaque étant maximal dès le stade de repos). Les contraintes imposées à la
circulation coronaire sont donc énormes, probablement les plus « rudes » de toutes les
circulations locales. Elle doit réguler, uniquement par vasodilatation, un débit coronaire
susceptible d’être multiplié brutalement par cinq entre le repos et l’effort ; cette
régulation doit se faire systole par systole puisqu’il n’existe aucune réserve énergétique
et enfin la perfusion est intermittente, limitée à la seule diastole.
Malgré ces contraintes énormes, la circulation coronaire normale s’adapte parfaitement
du fait de la mise en œuvre conjointe de plusieurs puissants systèmes vasodilatateurs :
monoxyde d’azote NO sécrété par les cellules endothéliales normales, vasodilatation
bêta-2 adrénergique, prostaglandine vasodilatatrice (prostacycline) et vasodilatation
d’origine métabolique (adénosine).
C – Circulation coronaire athéromateuse
L’existence d’une maladie coronaire athéromateuse modifie profondément la
physiologie de la circulation coronaire :
Réduction globale des capacités vasodilatatrices essentiellement par altération des
capacités de synthèse par les cellules endothéliales des artères athéromateuses du
monoxyde d’azote (NO) vasodilatateur.
La ou les sténoses coronaires localisées, focales, amputent la réserve de dilatation
coronaire à partir de 50 à 70 % de réduction du diamètre luminal responsable d’une
ischémie intermittente généralement d’effort.
Au-delà de 90 % de réduction, le débit sanguin coronaire de repos peut être altéré,
responsable alors d’une ischémie permanente.
Il existe schématiquement deux types de sténoses athéromateuses :
Les plaques stables, essentiellement fibro-musculaires dont la progression est
globalement lente et régulière. Dans la majorité des cas, la progression de ce type de
lésion s’accompagne du développement concomitant d’une circulation collatérale
de suppléance ; il n’y a pas d’ischémie myocardique, la progression de la maladie
coronaire est silencieuse. Parfois cependant, la circulation collatérale se développe
moins vite que la progression de la sténose athéromateuse ; la conséquence clinique
en est alors un angor d’effort stable.
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Les plaques instables sont de nature histologique hétérogène comportant
généralement un entre, un « cœur » lipidique mou surmonté d’une couche cellulo-
conjonctive plus rigide appelé chape fibreuse. A l’occasion d’un stress mécanique
(vasoconstriction, élévation tensionnelle) cette structure histologique instable peut
se rompre, exposant le cœur lipidique, extrêmement thrombogène, aux plaquettes
sanguines circulantes. Il en résulte la constitution d’une thrombose au contact de la
plaque rompue. Celle-ci peut être limitée sans grande conséquence clinique ou au
contraire rapidement progressive vers la sténose critique ou l’occlusion totale. La
thrombose se développe très rapidement, en quelques minutes, ne laissant pas à la
circulation collatérale de suppléance le temps de se développer. Les conséquences
cliniques en sont beaucoup plus sévères : angor d’effort de novo d’emblée
invalidant, angor de repos instable, infarctus myocardique voire mort subite.
D - Les conséquences de l’ischémie myocardique
Lorsque le déséquilibre apport/besoin entraîne une ischémie, c’est à dire l’abolition du
métabolisme aérobie et le passage en anaérobiose, les conséquences cellulaires sont par
ordre chronologique :
Une altération de la contractilité, du segment myocardique concerné
Des modification de l’électrogénèse cellulaire responsable des signes
électrocardiographiques de l’ischémie (permettant donc le diagnostic) mais pouvant
également se manifester par des troubles du rythme graves (extrasystoles
ventriculaires, tachycardie ventriculaire) voire gravissime (fibrillation ventriculaire).
La douleur angineuse ne survient que quelques dizaines de secondes à quelques
minutes après le début de l’ischémie ; elle peut être totalement absente ; l’ischémie
est indolore chez environ 20 % des coronariens ; jusqu’à 40 % chez les coronariens
diabétiques.
Lorsque il existe de façon permanente une réduction extrêmement importante du débit
de perfusion myocardique dans un territoire myocardique donné, celui-ci peut se mettre
en hibernation. Le débit coronaire résiduel (de l’ordre de quelques pour cent du débit
normal) suffit à assurer le métabolisme de base de la cellule, à maintenir son intégrité.
Par contre toute activité contractile et électrique est abolie. Le territoire concerné est
donc akinétique ; l’électrocardiogramme peut être celui d’une séquelle d’infarctus (onde
Q). Il est pourtant fondamental de pouvoir différencier un territoire hibernant d’un
territoire nécrosé, c’ est à dire d’évaluer la viabilité myocardique. En effet un territoire
hibernant, contrairement à un territoire nécrosé, est susceptible de récupérer une activi
contractile après revascularisation.
E - Angor d’origine non athéromateuse
La maladie coronaire athéromateuse est l’étiologie de l’angine de poitrine dans plus de
95 % des cas.
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L’angor vasospastique pur représente la majorité des 5 % restant …
(cf. paragraphe IV) ;le spasme localisé survient sur une artère angiographiquement
normale mais des études echographiques et anatomiques ont revélés la présence
quasi constante d’un athérome modéré .
Le syndrome x est en rapport avec une trouble « primitif » encore mal identifiée du
métabolisme myocardique. Il s’agit d’un authentique angor d’effort avec signes
électrocardiographiques et constatation objective d’une anaérobiose myocardique ;
les coronaires sont normales et il n’y a pas de spasme ; c‘est à dire que la cellule
myocardique ne parvient pas à utiliser correctement l’oxygène et les substrats
énergétiques qui lui sont pourtant fournis normalement. Les symptômes sont
améliorables par les bêtabloquants et le pronostic est bon.
La radiothérapie médiastinale, certaines anomalies congénitales des artères
coronaires, la syphilis, représentent des étiologies rares d’insuffisance coronaire.
Un anticancéreux, le 5 fluoro-uracil est responsable d’épisodes d’angine de poitrine,
généralement de repos ; le mécanisme de cet effet indésirable est encore mal connu.
Enfin certaines angines de poitrine sont liées non pas à une altération de la
circulation coronaire mais à une augmentation des besoins en oxygène du myocarde,
du fait d’une hypertrophie des parois du ventricule gauche. Il s’agit du
rétrécissement valvulaire aortique serré, plus rarement des insuffisances aortiques
volumineuses ou des cardiomyopathies hypertrophiques.
F- Angor organo-fonctionnel
Dans certains cas, un facteur extérieur peut venir aggraver les conséquences d’une
sténose athéromateuse modérément serrée qui « spontanément » n’aurait pas été capable
d’induire une ischémie myocardique. Il peut s’agir d’une augmentation des besoins en
oxygène du myocarde : troubles du rythme avec tachycardie (notamment fibrillation
auriculaire), fièvre, médicaments tachycardisants ou inotropes positifs (par exemple
bêta-2 mimétique utilisé chez l’asthmatique), hyperthyroïdie.
Parfois il s’agit d’une diminution des apports en oxygène liée à une anémie importante
(circonstance fréquente de découverte de la maladie coronaire chez le sujet âgé) à une
hypoxémie, à une chute tensionnelle (état de choc). Ces facteurs « extérieurs » ne sont
pas susceptibles de déclencher une ischémie myocardique sur un réseau coronaire
rigoureusement sain mais peuvent représenter un facteur déclenchant d’un angor
généralement instable chez les patients porteurs d’un athérome coronaire antérieurement
méconnu.
II – ANGOR DEFFORT
A - La douleur d’angor d’effort est dans la grande majorité des cas
caractéristique. On en précisera :
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- la fréquence
- le mode de déclenchement
- les éventuels signeses associés (éructations...)
- l’ancienneté et le mode évolutif
- la gravité
Le lien à l’effort est évident ; certains efforts dont la marche sont, à dépense
énergétique égale, plus fréquemment déclencheurs d’angine de poitrine ; le temps froid,
le vent contraire sont des facteurs favorisants. La douleur monte rapidement en
intensité ; elle est de siège médian, rétrosternale dans approximativement 80 % des cas.
Les irradiations les plus caractéristiques concernent le cou, le maxillaire inférieur, les
membres supérieurs surtout le gauche.
Le caractère constrictif de la douleur est hautement évocateur ; l’interrogatoire doit
rechercher cette notion sans pour autant la suggestionner. La meilleure technique
d’interrogatoire s’apparente aux QCM : suggérer dans une même phrase plusieurs
qualificatifs dont les adjectifs définissant la constriction (constriction, serrement,
écrasement, impression d’étau).
Typiquement la douleur disparaît de façon rapidement progressive dans les deux à
trois minutes suivant l’arrêt de l’effort.
Parfois elle est associée à une dyspnée ou à des palpitations
Parfois la gène à l’effort est ressenti comme un blocage respiratoire plus qu’une
douleur proprement dite ; il s’agit alors d’une blockpnée dont la signification
diagnostique est la même.
Dans 20 % des cas le siège de la douleur est différent, limité à une irradiation,
généralement brachiale gauche, un maximum xiphoïdien plus que retrosternal ou
parfois dorsal, plus rarement légèrement latéralisé à gauche plutôt que médian.
L’administration de Trinitrine sublinguale fait disparaître la douleur en une à parfois
deux minutes ; ce test diagnostic a cependant une valeur limitée dans l’angor
d’effort puisque la douleur disparaît spontanément en deux à trois minutes à l’arrêt
de l’effort…. La valeur du test à la Trinitrine est plus importante dans l’angor de
repos.
L’interrogatoire doit impérativement définir le profil évolutif de l’angor d’effort
dont dépend la suite de la prise en charge. Parfois la première douleur survient pour
un effort exceptionnel, par exemple sportif pour se reproduire plusieurs jours ou
plusieurs semaines plus tard à l’occasion d’un nouvel effort inhabituel ; l’intensité
de l’effort déclenchant peut rester stable ou diminuer lentement au fil des semaines
ou des mois. Il s’agit d’un angor d’effort authentiquement stable ; cette forme
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