Le Béaba des Espaces Normés et Algèbres de Banach

Le Béaba des
Espaces Normés et Algèbres de Banach
Alain Prouté
Université Denis Diderot-Paris 7
Dernière révision de ce texte : 21 novembre 2012
Ce texte a été écrit pour le niveau Licence 2.
Table des matières
1 Normes. 1
2 Normes sur un espace de dimension finie. 3
3 Continuité des applications linéaires. 4
4 Normes équivalentes. 5
5 Espaces et algèbres de Banach. 6
6 Quelques propriétés des algèbres de Banach. 8
7 L’application exponentielle. 9
8 Comparaison des fonctions au voisinage d’un point. 10
1 Normes.
+1 Définition. Soit Eun espace vectoriel réel. Une « norme » sur Eest une application N:E
[0,+[, telle que (pour tous xet yde E, et tout ade R) :
N(x)>0, pour tout xnon nul,
N(x+y)N(x) + N(y),
N(ax) = |a|N(x).
Noter que le dernier axiome implique que N(0) = 0 et N(x) = N(x). L’inégalité N(x+y)N(x) +
N(y)s’appelle l’« inégalité triangulaire ». On peut l’utiliser de la façon suivante :
N(x) = N(x+yy)N(x+y) + N(y) = N(x+y) + N(y)
ce qui donne N(x)N(y)N(x+y). En échangeant les rôles de xet y, on a aussi N(y)N(x)
N(x+y), ce qui donne finalement :
|N(x)N(y)| ≤ N(x+y)
L’inégalité triangulaire complète est donc la suivante :
|N(x)N(y)| ≤ N(x+y)N(x) + N(y)
qui peut se lire comme suit si on assimile 0,xet yaux sommets d’un triangle et la norme d’un vecteur
à sa longueur : « dans un triangle, la longueur d’un coté est comprise entre la différence et la somme
des longueurs des deux autres cotés. »
Il arrive qu’on ait à considérer plusieurs normes distinctes sur un même espace vectoriel E, mais quand
ce n’est pas le cas, et donc quand aucune ambiguïté ne peut en résulter, il est d’usage de noter kxkla
norme de xquel que soit l’espace vectoriel E. L’inégalité triangulaire s’écrit alors :
|kxk−kyk| ≤ kx+yk≤kxk+kyk
+2 Définition. Soit k k une norme sur E. La « distance associée » à k k est l’application d:E×E
[0,+[donnée par d(x, y) = kxyk.
La vérification que les axiomes des distances sont satisfaits est sans difficulté. Tout espace normé est
donc aussi un espace métrique, et cela a un sens de parler d’application continue sur Eou à valeurs
dans Erelativement à une norme donnée. Noter en particulier que l’application x7→ kxkest continue
relativement à elle-même. En effet, on a d(kxk,kak) = |kxk−kak| ≤ kxak=d(x, a), ce qui montre
que kxktend vers kak, quand xtend vers a. On voit même que l’application x7→ kxkest 1-lipschitzienne
pour la distance qui lui est associée.
+3 Remarque. Noter toutefois qu’il n’y a aucune raison en général pour que x7→ kxksoit continue
relativement à une autre distance, même si celle-ci est associée à une norme.( 1) Par exemple, sur
l’espace Edes fonctions continuement dérivables [0,1] R, on a la distance associée à la norme de
la convergence uniforme qui est donnée par kfk= sup
x[0,1] |f(x)|, et on a aussi la norme Ndéfinie
par N(f) = sup
x[0,1] |f(x)|+|f0(x)|. Cette dernière n’est pas continue relativement à la distance de la
convergence uniforme, car une suite de fonctions continuement dérivables peut converger uniformément
vers 0sans qu’il en soit de même de la suite des dérivées de ces fonctions. C’est par exemple le cas de
la suite (x7→ 1
ncos(nx))nN.
+4 Lemme. Soit (x, y)7→ x.y un produit scalaire sur E. l’application x7→ x.x est une norme sur
E, dite « associée » au produit scalaire (x, y)7→ x.y.
Démonstration. On a :
(kx+yk)2= (x+y).(x+y)
=x.x + 2x.y +y.y
x.x + 2|x.y|+y.y
≤ kxk2+ 2kxkkyk+kyk2(inégalité de Cauchy-Schwartz)
= (kxk+kyk)2
L’inégalité triangulaire en résulte. Les autres propriétés sont trivialement vérifiées. o
+5 Lemme. Si Eet Fsont deux espaces normés, on peut faire de E×Fun espace normé en posant :
k(x, y)k= sup(kxk,kyk)
o
Noter que les projections canoniques (x, y)7→ xet (x, y)7→ yde E×Fsur Eet sur Fsont continues,
et même 1–lipschitziennes, puisqu’elles diminuent la norme. On aurait les mêmes propriétés en prenant
comme norme sur E×F:k(x, y)k=kxk+kyk, ou k(x, y)k=p|xk2+kyk2, mais nous supposerons
dans la suite que la norme à choisir par défaut sur E×Fest la norme « sup », introduite en premier.
1. Sauf, comme on va le voir plus loin, dans le cas de la dimension finie.
2
Noter qu’une application à valeurs dans le produit E×Fest continue si et seulement si ses deux
composantes (c’est-à-dire ses compositions avec les deux projections canoniques) sont continues.
2 Normes sur un espace de dimension finie.
Si Eest un espace vectoriel de dimension finie et si B= (e1, . . . , en)est une base de E, on peut associer
plusieurs normes à cette base. Les plus couramment utilisées sont notées k k1,k k2et k k, et sont
définies, pour x=x1e1+··· +xnen, par
• kxk1=|x1|+··· +|xn|
• kxk2=p|x1|2+··· +|xn|2
• kxk= sup(|x1|,...,|xn|)
On a déjà vérifié plus haut que k k2est bien une norme. La vérification pour les deux autres ne pose
aucune difficulté. Noter qu’on a les inégalités
kxk≤ kxk2≤ kxk1
En effet, pour la première on a kxk=|xi|pour un certain i, et |xi|2≤ |x1|2+···+|xn|2. La seconde
résulte de |x1|2+··· +|xn|2(|x1|+··· +|xn|)2.
On a également :
kxk1nkxk2et kxk2nkxk
En effet, on a clairement kxk1nkxk, d’où la première inégalité. La deuxième résulte de l’inégalité
évidente kxk2
2nkxk2
.
Il résulte de tout cela que si on note d1,d2et dles distances associées aux trois normes ci-dessus, on
a pour tout xet yde E:
d(x, y)d2(x, y)d1(x, y)d1(x, y)nd2(x, y)d2(x, y)nd(x, y)
et donc que les notions de continuité relatives à d1,d2et dsont équivalentes.
+6 Lemme. Soit B= (e1, . . . , en)une base d’un espace Ede dimension finie et soit dl’une des
distances d1,d2et dassociées à cette base. Soit Nune norme quelconque sur E. Alors Nest continue
pour la distance d.
Démonstration. D’après ce qui précède, il suffit de traiter le cas de d. On a (pour x=x1e1+···+xnen) :
N(x) = N(x1e1+··· +xnen)
≤ |x1|N(e1) + ··· +|xn|N(en)
Ksup(|x1|,...,|xn|)(où K=N(e1) + ··· +N(en))
=Kkxk
ce qui montre la continuité de Nen 0. L’inégalité |N(x)N(a)| ≤ N(xa)permet d’en déduire la
continuité de Nen tout point ade E.o
3
3 Continuité des applications linéaires.
+7 Lemme. Soient Eet Fdeux espaces vectoriels réels normés, et f:EFune application
linéaire. Les conditions suivantes sont équivalentes.
(1) Il existe un réel ktel que kf(x)k ≤ k, pour tout xde Etel que kxk= 1.
(2) Il existe un réel ktel que kf(x)k ≤ kkxk, pour tout xde E.
(3) fest continue en 0.
(4) fest continue en tout point de E.
Démonstration. Montrons que (1) entraine (2). Soit xun vecteur de E. Si xest nul, l’inégalité kf(x)k ≤
kkxkest trivialement vérifiée. Sinon, posons y=x
kxk. Le vecteur yest alors de norme 1, et on a par
hypothèse kf(y)k ≤ k. En multipliant les deux membres par kxk, et en utilisant la définition de la norme
et la linéarité de f, on voit que kf(x)k ≤ kkxk.
Que (2) entraine (3) est trivial, puisque (2) montre que f(x)tend vers 0quand xtend vers 0.
(4) résulte facilement de (3), grâce à la linéarité de f. En effet, la différence f(x)f(x0)étant simplement
f(xx0), le fait que xtende vers x0entraine que xx0tend vers 0, donc que f(xx0)tend vers 0
(par (3)), et donc que f(x)tend vers f(x0).
Il suffit pour terminer de prouver que (4) entraine (1). Supposons donc fcontinue. Elle est en particulier
continue en 0. Donc, pour tout ε > 0, il existe alors η > 0, tel que pour tout xde Eon ait :
kxk ≤ η⇒ kf(x)k ≤ ε.
En particulier, pour ε= 1, on a un η > 0, tel que kxk ≤ η⇒ kf(x)k ≤ 1. Posons k=1
η. Soit xun
vecteur de Ede norme 1. Alors ηx est de norme inférieure ou égale à η, donc ηf (x) = f(ηx)est de
norme inférieure ou égale à 1. Ceci montre que f(x)est de norme inférieure ou égale à k.o
La borne inférieure de l’ensemble des kvérifiant (1) ou (2) ci–dessus (qui existe si fest continue),
s’appelle la « norme » de l’application linéaire f, et est noté kfk. La condition (2) peut donc encore
s’écrire kf(x)k≤kfkkxk.
On voit donc qu’une application linéaire entre espaces normés est continue si et seulement si elle a une
norme. On dit aussi dans ce cas que l’application fest « bornée ».
+8 Lemme. Le norme d’une application linéaire continue f:EFest donnée par l’une quelconque
des formules suivantes :
kfk= sup
kxk=1 kf(x)k= sup
kxk≤1kf(x)k= sup
xE−{0}
kf(x)k
kxk= sup
kxk=a
kf(x)k
kxk,
aest un réel strictement positif quelconque.
Démonstration. En effet, on a défini la norme de fcomme la borne inférieure de l’ensemble des ktels que
pour tout xde E, on ait kf(x)k ≤ kkxk. On voit donc que pour tout xde norme 1, on a kf(x)k≤kfk.
Il en résulte que :
sup
kxk=1 kf(x)k≤kfk.
4
Si ce sup (appelons–le s) était strictement inférieur à kfk, on aurait kf(x)k ≤ spour tout xde norme 1, et
kfkne serait alors pas la borne inférieure de l’ensemble des kvérifiant (1). On a donc kfk= sup
kxk=1 kf(x)k.
Les autres formules s’en déduisent facilement en utilisant la linéarité de f.o
+9 Lemme. La notion de norme définie ci-dessus pour les applications linéaire continues d’un espace
normé Evers un espace normé F, est une norme sur L(E, F )au sens de la définition 1(page 1).
4 Normes équivalentes.
Soit Eun espace vectoriel, N1et N2deux normes sur E. On dit que N2« domine » N1s’il existe un
réel Ktel que pour tout xE, on ait N1(x)KN2(x). Deux normes qui se dominent l’une l’autre
sont dites « équivalentes ». Autrement-dit, N1et N2sont équivalentes si et seulement si il existe des
réels Ket k6= 0 tels que pour tout xE, on ait kN2(x)N1(x)KN2(x). On a montré plus haut
que les normes k k1,k k2et k kassociées à une base d’un espace de dimension finie sont équivalentes.
Mais on a mieux :
+10 Lemme. Sur un espace vectoriel réel de dimension finie, toutes les normes sont équivalentes.
Démonstration. Traitons d’abord le cas où Eest Rn. La distance usuelle sur Rnest la distance d2
associée à la base canonique. Soit Nune norme quelconque sur Rn. On sait que la sphère unité Sde
Rn, définie par S={xRn|d2(x, 0) = kxk2= 1}est une partie compacte de E. Comme N:RnR
est continue (lemme 2(page 3)), N(S)est une partie compacte de R, en fait une partie compacte de
]0,+[car Nne s’annule qu’en 0qui n’appartient pas à S. Il en résulte qu’il existe des réels ket
Kstrictement positifs tels que kN(x)Kpour tout xde Rn. Autrement-dit, si kxk2= 1, on a
kkxk2N(x)Kkxk2. L’axiome N(ax) = |a|N(x)de la définition des normes montre qu’il en est de
même pour tout x6= 0, et donc pour tout xE, ce qui signifie que Net k k2sont équivalentes.
Le cas général s’en déduit par utilisation de l’unique isomorphisme linéaire f:RnEqui envoie la base
canonique de Rnsur une base choisie dans E(qui est supposé de dimension n). On a alors kf(x)kE
2=
kxkRn
2, et si Nest une norme sur E,Nfest une norme sur Rn, et on a kkxkRn
2N(f(x)) KkxkRn
2,
donc kkf(x)kE
2N(f(x)) Kkf(x)kE
2. Le lemme en résulte par surjectivité de f.o
+11 Lemme. Si Eest de dimension finie, toute application linéaire f:EF, où Fest un espace
normé, est continue relativement à toute norme sur E.
Démonstration. D’après le lemme 10, il suffit de traiter le cas où la norme de Eest la norme k kassociée
à une base quelconque de E. Notons k kFla norme donnée sur F. Pour tout x=x1e1+··· +xnende
E, on a :
kf(x)kF=kf(x1e1+··· +xnen)kF
≤ |x1|kf(e1)kF+··· +|xn|kf(en)kF
Kkxk
où on a posé K=kf(x1)kF+··· +kf(xn)kF. L’application fest donc continue en 0et sa linéarité
entraîne qu’elle est continue sur Etout entier. o
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