
Revue Médicale Suisse
–
www.revmed.ch
–
5 janvier 2011 0
de Pauzé et coll.,10 Ceccin,11 Ausloos,12 Pitmann13 et De-
Clercq.14 Parmi eux, seul DeClercq pensait que l’urgence
était à considérer comme une opportunité de changement
alors que Ceccin, Pitmann et Ausloos soulignaient plutôt le
risque que dans ces prises en charge en urgence, les soi-
gnants soient tentés de répondre à la demande des fa-
milles, qui est d’éviter le changement et de les maintenir
dans un état d’homéostasie ou de déresponsabilisation.
Dès les années 1960, des études ont été menées aux Etats-
Unis sur la prise en charge en urgence et les suivis de crise
de famille. Il s’agissait, dans les deux plus grandes études,
de patients arrivant dans un service d’admission d’urgence
d’hôpital psychiatrique (Langsley),6 et de patients arrivant
en hôpital général (DeClercq).14 Tous deux partent du prin-
cipe qu’il n’existe pas de crise individuelle sans crise du
contexte. La crise individuelle est clairement mentionnée
comme psychiatrique : «La psychiatrie est interpellée pour
faire face non à une psychopathologie lourde mais davan-
tage à des explosions systématiques plus souvent révéla-
trices de troubles de communication au sein du tissu social,
conjugal ou familial des patients» (DeClercq). L’intérêt de
l’étude de Langsley 6 est de présenter un groupe contrôle.
Un des critères choisis pour mesurer l’intérêt d’une inter-
vention familiale en urgence, lors d’une demande d’admis-
sion en psychiatrie de l’un des membres de cette famille,
était la décision de ne pas hospitaliser ce patient ainsi que
l’évaluation de ces patients quand ils pouvaient être main-
tenus à domicile. Dans les 75 cas du groupe étude, l’hospi-
talisation en urgence du patient désigné a été évitée. Durant
les six mois suivant la prise en charge de crise, seulement
19% des patients du groupe étude ont été hospitalisés en
hôpital psychiatrique, hospitalisation significativement plus
courte que celle des 75 cas du groupe contrôle, dont tous
les patients ont été hospitalisés et 21% d’entre eux ont été
réhospitalisés dans les six mois après l’admission.
D’autres études sont plus focalisées sur la prise en
charge des adolescents avec, comme critère d’efficacité de
ces interventions, le non-retrait de la famille ou placement
de l’adolescent en institution. Nous avions déjà mentionné
l’étude de Pauzé et coll.10 mais elle ne présente pas de
groupe contrôle. L’étude de Seeling et coll.,9 qui se base sur
un suivi intensif dans le milieu (suivi à six et douze mois),
utilisant les échelles de mesure
Family adaptability and cohe-
sion scale
et
Clinical rating scale
, montre qu’à 90 jours, 86% des
ados étaient toujours dans leur famille, à douze mois 75%
y étaient encore, aucun n’avait été hospitalisé.
De nombreuses études 2,3 n’ont pas de groupe contrôle,
ni d’évaluation des niveaux de fonctionnement de la famille.
Dans beaucoup de ces études partant d’un patient dési-
gné, le critère principal d’évaluation de ces interventions est
centré sur ledit patient. Au pôle Urgence-crise de l’UCCF, la
situation est différente : il s’agit d’une unité ambulatoire et
les familles y font appel pour elles-mêmes, qu’elles aient
ou non un patient désigné en leur sein.
méthodologie
Nous avons fait une hypothèse générale : répondre à la
demande en urgence serait thérapeutique à partir du mo-
ment où l’aspect fécond de la crise est exploité, et poursuivi
les deux hypothèses présentées dans notre précédent ar-
ticle : 1) le motif de la demande en urgence relèverait d’une
mise en danger majeure de l’équilibre du système (pour
les couples, la menace de séparation imminente et pour les
familles, un symptôme insupportable), et 2) le facteur de
crise relèverait d’un événement d’ordre situationnel, plutôt
que d’un événement du cycle de vie (tableau 1).
L’échantillon se compose de 45 couples et quinze famil-
les reçus par le pôle Urgence-crise entre fin 2007 et début
2010. Les données ont été récoltées à partir d’entretiens
cliniques d’orientation systémique, menés par deux théra-
peutes. Après la première séance d’urgence, les thérapeu-
tes ont rempli systématiquement une grille de codification
dont les items ont été saisis dans une base de données in-
formatisée avec le logiciel SPSS. La satisfaction des sys-
tèmes consultants a pu être récoltée à partir d’un question-
naire de type échelle de Lickert. Une catamnèse envoyée
à chaque patient nous a permis de mesurer l’évolution des
mêmes systèmes au bout d’une année.
A noter que cette étude respecte les principes des codes
de déontologie de la SSP (Société suisse de pédiatrie) et
de la FMH. Elle a été soumise à la commission d’éthique
de la recherche clinique de l’Université de Lausanne.
résultats
Epidémiologie
Nous avons cherché à savoir
quelle était la population qui
pouvait avoir besoin de faire recours au pôle Urgence-crise
d’une
consultation pour le couple et la famille. Sur les 60 cas rete-
nus par l’étude, 75% étaient des couples et 25% des fa mil les
(figure 1).
L’origine de la demande :
dans 31,7% des cas, la demande
est spontanée, c’est-à-dire que la famille fait elle-même la
démarche sans autre référent. 23,3% des situations sont
adressées par l’Hôpital de Prangins, 11,7% des situations
ont été référées par des confrères généralistes et 11,7% par
des thérapeutes installés. Le reste des situations nous est
référé par des hôpitaux somatiques ou les autorités locales.
Vérification des hypothèses
Motif de la demande en urgence :
tel qu’avancé par les sys-
tèmes eux-mêmes, la menace de séparation ou de divorce
est le premier motif des couples, alors que l’apparition de
534 Revue Médicale Suisse
–
www.revmed.ch
–
7 mars 2012
Cycle de vie Hors cycle de vie
Naissance Séparation/divorce/relation
extraconjugale
Adolescence Violence
Leaving home Déscolarisation
Mode de constitution du couple Déménagement
Emménagement Travail
Mariage/pacs Maladie somatique ou psychique
Retraite Toxique
Décès Accident
Tableau 1. Facteurs de crise
45_50_35824.indd 2 01.03.12 09:57