DOCUMENT 15
La fonction exponentielle complexe
La fonction exponentielle xexest d’une grande importance en analyse r´eelle. Nous allons
introduire ici diff´erentes g´en´eralisations de cette fonction au cas complexe et voir les analogies
mais aussi les diff´erences, entre les exponentielles r´eelles et complexes. Cette introduction est
faite `a partir des fonctions circulaires dont diff´erentes d´efinitions sont propos´ees en appendice.
1. L’application t7→ eit
1.1. Les fonctions exponentielles r´eelles. On peut d´efinir les fonctions exponentielles
r´eelles comme ´etant les fonctions r´eciproques des fonctions logarithmes. En particulier, la fonc-
tion r´eciproque de la fonction logarithme n´ep´erien, x7→ ln x, est la fonction exponentielle de
base e,x7→ ex. Plus gnralement, la fonction r´eciproque de la fonction logarithme de base a > 0
et diff´erent de 1, x7→ logax=ln x
ln a, est la fonction exponentielle x7→ exln a.
Les fonctions exponentielles poss`edent plusieurs caract´erisations int´eressantes et en partic-
ulier les deux suivantes qui permettrons d’introduire la notation exponentielle eit.
Proposition 15.1.Soit fune application de Rdans R. Les affirmations suivantes sont
´equivalentes :
(1) La fonction fest une fonction exponentielle ;
(2) La fonction fest continue, n’est pas constante, et v´erifie
(x, y)R2, f(x+y) = f(x)f(y);
(3) La fonction fn’est pas constante et il existe aRtel que fsoit la solution de
l’´equation diff´erentielle
y0+ay = 0
verifiant la condition initiale y(0) = 1.
En particulier, la fonction exponentielle x7→ eax est la solution de l’´equation y0ay = 0
v´erifiant la condition y(0) = 1.
1.2. La notation eit.Soit ϕla fonction de Rdans Cefinie par
ϕ(t) = cos t+isin t.
Les fonction sinus et cosinus ´etant ind´efiniment d´erivables, il en est de mˆeme pour la fonction
ϕ. En particulier, cette fonction est continue,
ϕ0(t) = sin t+icos t=i(cos t+isin t) = (t).
et plus g´en´eralement on a ϕ(n)(t) = inϕ(t).
La fonction ϕest donc solution de l’´equation diff´erentielle y0iy = 0 et elle v´erifie la
condition initiale y(0) = 1.
161
162 15. LA FONCTION EXPONENTIELLE COMPLEXE
Pour tout (t, t0)R2on a :
ϕ(t+t0) = cos(t+t0) + isin(t+t0)
= cos tcos t0sin tsin t0+i(sin tcos t0+ sin t0cos t)
= (cos t+isin t)(cos t0+isin t0)
=ϕ(t)ϕ(t0).
On voit donc que la fonction ϕerifie la mˆeme ´equation fonctionnelle que les fonctions
exponentielles r´eelles et qu’elle est la solution du mˆeme type d’´equation diff´erentielle avec la
mˆeme condition ininiale y(0) = 1. Tout cela justifie d’adopter une nouvelle notation pour la
fonction ϕen posant :
ϕ(t) = eit.
On verra en appendice que la d´efinition des fonctions exponentielles `a l’aide des s´eries enti`eres
procure un argument suppl´ementaire pour l’adoption de cette notation exponentielle.
1.3. Etude de l’application t7→ eit.
Proposition 15.2.L’application ϕ:R7→ Cefinie par ϕ(t) = eit est ind´efiniment d´erivable
avec ϕ(n)(t) = inϕ(t). C’est un homomorphisme surjectif et 2π-p´eriodique du groupe (R,+) sur
le groupe (U, .). Son noyau est 2πZ.
Preuve. Il est clair que ϕ(RU={zC| |z|= 1}bet pour montrer que l’image de ϕest
Uconsid´erons zU. On a z=a+ib avec a2+b2= 1 et (a, b)R2. Il existe donc tRtel
que a= cos tet b= sin t(voir le document ”Repr´esentations param´etriques des coniques” du
fascicule 1) d’o`u ϕ(t) = zet la surjectivit´e de ϕ.
Il est clair que ϕest 2π-p´eriodique et que ϕ(t) = 1 ´equivaut `a t2πZd’o`u ker ϕ= 2πZ.
Remarques. 1) Le r´esultat pr´ec´edent entraine que le groupe quotient (R/2πZ,+) est isomor-
phe au groupe (U, .) grˆace `a l’application ϕ: (t+ 2πZ)7→ ϕ(t). Ce r´esultat est en g´enral utilis´e
lors de la d´efinition de la mesure des angles orienes et de l’argument d’un nombre complexe,
l’application argument ´etant ϕ1.
2) La restriction de ϕ`a [0,2π[ est une bijection de cette intervalle sur Umais ce n’est pas un
isomorphisme car [0,2π[ n’est pas stable pour +.
2. D´efinition de ezet appplications tReat,aC.
2.1. D´efinition de ez.On a vu que eit1+it2=eit1eit2. Pour deux imaginaires purs z1et z2
on a donc ez1+z2=ez1ez2.
Si plus g´en´eralement, on veut associer `a tout nombre complexe zun nombre complexe, not´e
ez, ayant les propri´et´es suivantes :
l’application zezprolonge `a Cl’exponentielle r´eelle;
pour z=it,tR,ez=ϕ(t);
pour tout couple (z1, z2)C2;ez1+z2=ez1ez2;
alors la seule d´efinition possible de ezpour un nombre complexe z=x+iy, (x, y)R2, est
donc
ez=ex+iy =exeiy =ex(cos y+isin y).
2. D´eFINITION DE ezET APPPLICATIONS tReat ,aC. 163
Si z1=x1+iy1et z2=x2+iy2on a alors:
e(z1+z2)=e(x1+x2)+i(y1+y2)
=ex1+x2ei(y1+y2)=ex1ex2eiy1eiy2
= [ex1eiy1][ex2eiy2]
=ez1ez2
On peut donc ´enoncer :
Proposition 15.3.La fonction de Cdans C,z7→ ez, d´efinie par
ez=exeiy =ex(cos y+isin y), z =x+iy,
prolonge la fonction exponentielle relle et pour z=it,tR,ez=ϕ(t). C’est un homomor-
phisme surjectif du groupe (C,+) sur le groupe (C, .), de noyau 2Zet de p´eriode 2.
Preuve. Il est clair que ez6= 0 car |ez|=exet si 0 6=z=ρ(cos θ+isin θ) alors z=eln ρe=
eln ρ+ce qui montre que l’image de zezest C. D’autre part, ex+iy = 1, (x, y)R, ´equivaut
`a excos y= 1 et exsin y= 0 ce qui est r´ealis´e si et seulement si x= 0 et y2πZ.
Il est clair que 2est une p´eriode de zez.
Remarques. 1) La proposition pr´ec´edente entraine que le groupe (C/2Z,+) est isomorphe
au groupe (C, .).
2)Soit (α, β, γ, δ)R4. L’application
zeαx+βyei(γx+δy)
est un homomorphisme surjectif du groupe (C,+) sur le groupe (C, .) si αδ βγ 6= 0. (Cette
condition est utile seulement pour la sujectivit´e).
3) On a |ez|=|ex+iy|=|ex||eiy|=exet arg ez=y+ 2πZcar ex(cos y+isin y) est la forme
trigonom´etrique de ez.
2.2. Les appplications tReat,aC.
Proposition 15.4.Pour tout a=α+C, l’application de Rdans C,teat, est un
homomorphisme ind´efiniment d´erivable du groupe (R,+) dans le groupe (C, .). Il est injectif si
et seulement si α6= 0 et lorsque α= 0 son noyau est 2π
βZ.
Preuve. L’application teat est le produit des deux fonctions ind´efiniment d´erivable
teαt et tet. Elle est donc indfiniment d´erivable et
(eat)0= (eαt)0et +eαt(et)0=αeαtet +eαtet = (α+)eαteβt =aeat.
Elle est aussi compos´ee de l’homomorphisme tat de (R,+) dans (C,+) et de l’homomorphisme
zezde (C,+) dans (C, .). C’est donc un homomorphisme de (R,+) dans (C, .).
Si α= 0 alors eat =ϕ(βt) et l’application teat est donc une application p´eriodique, de
p´eriode 2π
β. Elle est en particulier non injective. Si α6= 0 alors |eat|=eαt et l’injectivit´e de
l’exponentielle r´eelle entrainent que t6=t0implique eat 6=eat0d’o`u l’injectivit´e de l’application
teat.
On a e(α+)t= 1 si et seulement si eαt cos βt = 1 et eαt sin βt = 0. Si α= 0, alors β6= 0 et
les deux ´egalit´es pr´ec´edentes ´equivalent `a t2π
βZd’o`u le noyau de l’homomorphisme teiβt.
164 15. LA FONCTION EXPONENTIELLE COMPLEXE
Remarque. Soit a=α+,αβ 6= 0, et (O,
u ,
v) un rep`ere orthonorm´e d’un plan affine
euclidien P. La courbe Γ d’´equations param´etriques x(t) = eαt cos βt et y(t) = eαt sin βt dans
(O,
u ,
v) est une spirale qui s’enroule autout du point O. Si M(t) est le point de coordonn´ees
(x(t), y(t)) alors, en supposant α > 0, ||
OM|| =eαt est une fonction strictement croissante de
tavec lim
t→−∞ ||
OM|| = 0 et lim
t+||
OM|| = +. On a mes(\
u ,
OM) = t+ 2πZqui est une
fonction 2π-p´eriodique de t.
3. Applications
3.1. Applications en alg`ebre. Les diff´erentes fonctions exponentielles introduites ici per-
mettent de construire plusieurs isomorphismes de groupes, certains d’entre eux ayant d´ej`a ´et´e
remarqu´es.
L’application tReit est un homomorphisme surjectif du groupe (R,+) sur le groupe
(U, .), de noyau 2πZ. Par passage au quotient, on obtient un isomorphisme ϕentre le groupe
(R/2πZ,+) et le groupe (U, .), l’isomorphisme r´eciproque ϕ1´etant l’application argument.
A partir de l’application φqui `a l’angle oriene de vecteurs unitaires (\
u ,
v) fait correspon-
dre le nombre complexe de module 1 a+ib,aet b´etant les ´el´ements de la premi`ere colonne
de la matrice dans une base directe de l’unique rotation ρtelle que ρ(
u) =
v, on obtient
l’isomorphisme µ= arg φentre le groupe des angles et R/2πZ. C’est la mesure en radians.
On v´erifie facilement que l’application zC(|z|,z
|z|) est un isomorphisme de (C, .) sur
(R, .)×(U, .) d’o`u un isomorphisme, r´ealis´e par l’application qui `a un nombre complexe non
nul fait correspondre son module et son argument, entre (C, .) et (R, .)×(R/2πZ,+). Cet
isomorphisme traduit le fait qu’un nombre complexe non nul est enti`erement d´etermin´e par son
module et son argument et que pour multiplier deux nombres complexes non nuls on multiplie
leurs modules et on ajoute leurs arguments.
Plus g´en´eralement, les applications tet,βR, permettent d’obtenir des isomorphismes
entre les groupes (R/2π
βZ,+) et (U, .). Cela montre que tous les groupes quotients R/aZ,a6= 0,
sont isomorphes entre eux , contrairement aux groupes Z/nZ.
L’application zCezest un homomorphisme surjectif entre les groupes (C,+) et (C, .)
de noyau 2Zd’o`u on d´eduit un isomorphisme entre (C/2Z,+) et (C, .).
On peut aussi montrer que les isomorphismes pr´ec´edents sont en fait des isomorphismes
entre groupes topologiques.
3.2. Applications `a la trigonom´etrie.
3.2.1. Formule de Moivre. L’application ϕ:teit = cos t+isin t´etant un homomorphisme
de (R,+) sur (U, .) on a, pour tout nZ,ϕ(nt) = (ϕ(t))nce qui se traduit par la formule de
Moivre :
(cos t+isin t)n= cos nt +isin nt, n Z.
On peut ´evidemment aussi d´emontrer cette formule par r´ecurrence sur n, pour n0, et ensuite
la d´eduire pour n < 0.
Par la formule du binme on a, pour n¿0,
(cos t+isin t)n=
k=n
X
k=0
Ck
ninkcosktsinnkt=
k=n
X
k=0
Ck
nikcosnktsinkt
3. APPLICATIONS 165
d’o`u, en utilisant la formule de Moivre et l’identification des parties r´eelles et imaginaires,
cos nt =
k=E(n/2)
X
k=0
C2k
n(1)kcosn2ktsin2kt
et
sin nt =
k=E((n1)/2)
X
k=0
C2k+1
n(1)kcosn2k1tsin2k+1 t.
Ces expressions permettent d’obtenir tan nt sous forme d’une fraction rationnelle en cos tet
sin tlorsque t6∈ π
2+πZ. Apr`es division du num´erateur et du d´enominateur par cosnton a
tan nt sous forme d’une fraction rationnelle en tan t:
tan nt =
k=E(n/2)
X
k=1
C2k+1
n(1)ktan2k+1 t
k=E(n/2)
X
k=0
(1)ktan2kt
=C1
ntan tC3
ntan3t+C5
ntan5t. . .
1C2
ntan2t+C4
ntan4t. . . .
On remarque que dans cos nt toutes les puissances de sin tsont paires. En utilisant sin2t=
1cos2ton peut donc exprimer cos nt sous forme d’un polynˆome en cos t, c’est-`a-dire ´ecrire
cos nt =Tn(cos t) avec Tn(X)R[X].
Les polynˆomes Tnsont connus sous le nom de polynˆomes de Tchbytchev. Leur suite est
d´etermin´ee par la relation de r´ecurrence
Tn+2(x) = 2xTn+1(x)Tn(x), n 0,
et ses deux premiers termes : T0(x) = 1, T1(x) = x. On a T2(x) = 2x21, T3(x) = 4x33x,
T4(x)=8x48x2+ 1 d’o`u cos 2t= 2 cos2t1, cos 3t= 4 cos3t3 cos t, cos 4t= 8 cos4t
8 cos2t+ 1.
Les polynˆomes de Tch´ebitchev sont des solutions de l’quation diff´erentielle, dite de Tch´ebitchev,
(1 x2)y00 xy0+n2y= 0.
Ce sont aussi les coefficients de la division suivant les puissances croissantes des deux polynˆomes
en t, 1 xt et 1 2xt +t2.
On peut aussi montrer que si nest pair alors cos nt est un polynˆome en sin tet si nest
impair sin nt est un polynˆome en sin t.
3.2.2. Formules d’Euler. On a eit = cos tisin t= cos t+isin t=eit d’o`u les formules
d’Euler, obtenues en utilisant les relations donnant la partie r´eelle et la partie imaginaire d’un
nombre complexe,
cos t=eit +eit
2,sin t=eit eit
2i.
En utilisant ces formules, on peut exprimer cosntet sinnten fonctions lin´eaires des cos kt
et des sin kt, 0 kn. Cela est particulirement utile pour d´eterminer une primitive de
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