Notes du Général Dufour sur les expériences sur la déviation du

Notes du Général Dufour sur les expériences sur
la déviation du plan d'oscillation du pendule
produite par la rotation de la terre dans la
Cathédrale Saint-Pierre de Genève*
Chacun sait maintenant, par la belle expérience de M. Foucault, que le pendule dévie, ou plutôt paraît dévier, de la méridienne par
suite du mouvement de rotation de la terre.
1
La vitesse avec laquelle il s’écarte de sa direction primitive est égale à celle de la terre multipliée par le sinus de la latitude du lieu
se fait l’observation. En sorte qu’en représentant par
ωterre
la vitesse angulaire de la terre, et par
ϕ
la latitude du lieu, on aura la
vitesse angulaire
ωpendule
des déviations du pendule, par la formule :
ωpendule
=
ωterre
sin (
ϕ
)
qui montre que cette vitesse angulaire
ωpendule
est nulle à l’équateur sin (
ϕ
) = 0, et qu’aux pôles elle est précisément égale à
celle de la terre, parce qu’en ce point sin (
ϕ
) = 1.
Mais cette formule ne donne, si l’on peut s’exprimer ainsi, que le gros du mouvement ; elle ne tient pas compte de certaines
influences perturbatrices, telles que la force centrifuge, la différence des vitesses des différents points de l’appareil oscillatoire, etc.,
qui cependant se font sentir et ôtent au mouvement du pendule la régularité que suppose la formule.
C’est ce que montrent bien évidemment les expériences qui ont éfaites à Genève par MM. les Professeurs Marignac, Wartmann
père et fils et le Général Dufour dans les journées des 12, 16, 17 et 18 juin 1851.
Le pendule qui a servi à ces expériences est suspendu à la voûte de la Cathédrale Saint-Pierre de Genève ; il a une longueur
l
= 20
m ; l’amplitude** de ses oscillations est
A
= 3.25 m en commençant et
A
= 0.70 m environ au bout de 2 h 15 min ; la masse
mouvante est un boulet de plomb
m
= 12 kg. Il est suspendu à un fil d’acier très mince et porte, en dessous et dans le
prolongement du fil, une tige qui indique le moment où le pendule arrive sur tel ou tel diamètre d’un cercle tracé sur le sol autour de
la verticale qui passe par le point de suspension.
Les expériences ont érépétées quatre fois sur la méridienne et quatre fois sur la perpendiculaire ; et l’on a eu soin de donner la
première impulsion tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, de chacune de ces lignes, afin de s’assurer qu’il est indifférent de faire
commencer le mouvement au nord ou au sud de la méridienne, à l’est ou à l’ouest de la perpendiculaire.
Il est fort difficile d’apprécier le moment précis où le pendule arrive sur une division déterminée du cercle ; on ne peut presque pas
répondre de la minute. En sorte que les expériences n’ont une exactitude suffisante que pour l’amplitude totale de la déviation, qui a
été chaque fois de 25° ; mais pour les amplitudes partielles de en 5°, on trouvait des anomalies assez fortes pour ne pas devoir
trop compter sur ces observations de détail, faites cependant avec une montre à secondes. Quant à celle qui terminait chaque fois
l’expérience, elle était assez précise, malgla petitesse de l’oscillation, parce que le pendule se mouvait alors sur un diamètre du
cercle très visiblement tracé et non interrompu. D’ailleurs l’erreur qu’on pouvait commettre dans l’appréciation du temps se
répartissait sur un plus grand nombre de degrés.
2
Nous ne donnerons donc que le résultat final de chaque observation, laissant à ceux qui ont la possibilité de se servir d’un pendule
plus grand et dont les oscillations aient plus de durée, le soin d’apprécier sa marche de 5° en 5° ou au moins de 10° en 10°, dans une
amplitude de 50° à 60°. C’est alors seulement, et quand on aura un nombre suffisant d’observations, que l’on connaîtra bien les
circonstances de la déviation d’un pendule oscillant librement.
Quoi qu’il en soit, voici les résultats que nous avons obtenus, le temps étant exprimé en heures et fractions décimales de l’heure,
pour la commodité des calculs :
Temps employé par le pendule à dévier de 25° à partir de la
méridienne
:
2.355 h
2.333 h
2.336 h
2.382 h
Moyenne des quatre observations
t
= 2.351 h [
ωpendule
= 10.634°/h]
Temps employé par le pendule à dévier de 25° à partir de la
perpendiculaire
:
2.101 h
2.153 h
2.091 h
2.094 h
Moyenne des quatre observations
t
= 2.110 h [
ωpendule
= 11.848°/h]
Comparant les deux moyennes, on voit que, pour une même déviation, le pendule a mis moins de temps en partant de la
perpendiculaire que de la méridienne ; d’où l’on conclut que sa vitesse était plus grande dans le premier cas que dans le second.
Cette accélération peut être attribuée, en partie du moins, à la force centrifuge dont la composante suivant la méridienne pousse le
pendule vers l’équateur.
Son effet est sensible dans l’expérience, car on remarque constamment que le pendule, lorsqu’il part de la perpendiculaire, décrit
des ellipses très allongées de l’est à l’ouest par le sud ; ces ellipses, d’abord peu appréciables, se prononcent de plus en plus et vont
s’élargissant pendant la première heure au bout de laquelle le petit axe atteint la longueur d’environ deux centimètres, pour rester
tel jusqu’au bout de l’expérience, bien que le grand axe diminue de plus en plus. Rien de semblable ne se remarque quand le pendule
oscille sur la méridienne ; il reste très sensiblement dans son plan, pendant tout le temps qu’il met à parcourir les 25° de déviation.
Si maintenant on calcule par la formule
ωpendule
=
ωterre
sin (
ϕ
), appliquée à la latitude de Genève qui est de 46° 12’, le temps
t
que
le pendule devrait mettre à parcourir l’arc de 25°, on trouve, en réduisant l’arc en temps, à raison de 15° pour une heure :
t
= 2.309 h [
ωpendule
= 10.827°/h]
3
Ce nombre est compris entre les deux moyennes précédentes, mais beaucoup plus rapproché de la première que de la seconde.
La différence avec la première moyenne est de
t
= 0.042 h ou 2 min 31 s. On ne peut pas l’attribuer avec certitude à une cause
étrangère, puisque même entre les observations, la deuxième et la quatrième par exemple, on trouve une différence de
t
= 0.049 h
ou 2 min 56 s, plus forte que la précédente. Mais la différence entre la valeur théorique de
t
et la seconde moyenne allant à
t
=
0.199 h ou 11 min 56 s ne peut pas résulter uniquement des écarts de l’observation ; il faut qu’il existe, comme nous l’avons dit,
une cause d’accélération qui fait parcourir au pendule, dans un certain temps, un arc plus grand que celui qui est donné par la
formule.
Nous nous bornons à tirer des expériences des 12, 16, 17 et 18 juin 1851, la conséquence que le mouvement azimutal du
pendule n’est pas absolument uniforme, ni le même, quelle que soit la ligne d’où l’on parte ; il est évidemment
plus rapide sur la
perpendiculaire que sur la méridienne
; ou, ce qui revient au même, les déviations sont plus fortes, pour un temps donné, dans la
première région que dans la seconde.
Général Guillaume-Henri Dufour
* Transcription modernisée dans le Système international d’unités (SI).
** L’amplitude A (SI) se mesure entre la verticale et l’angle d’oscillation maximale, il reste à déterminer si en 1851 le Général
Dufour mesure l’amplitude totale entre les deux oscillations maximales ou comme actuellement.
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