Vécu de la douleur et relation thérapeutique après traitement initial

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Vécu de la douleur et relation thérapeutique
après traitement initial d’un cancer du sein
Marc-Karim BENDIANE1,2
&
Laura SPICA 1, Patrick PERETTI-WATEL1,2.
(1) INSERM UMR 912 “Sciences Economiques & Sociales, Systèmes de santé, Sociétés
(SE4S)” IRD, Université d’Aix-Marseille, Marseille.
(2) Observatoire Régional de Santé Provence-Alpes-Côte d’Azur (ORS-PACA), Marseille.
Contexte… Cancer et douleur
La douleur chronique affecterait près de la moitié de la population générale,
et pour 11% des adultes cette douleur est sévère, c’est-à-dire très fréquente
et intense (conférence de consensus, HCSP, 2009).
La douleur est la première préoccupation des patients atteints d’un cancer.
La douleur cancéreuse est le plus souvent due à l’évolution de la tumeur,
mais une fois sur cinq elle est d’origine iatrogène, c’est-à-dire provoquée par
les traitements. Ces douleurs iatrogènes restent relativement mal connues,
leur fréquence et leur gravité seraient souvent sous-estimées, en particulier
par les soignants.
Contexte… chez la femme atteinte de cancer du sein
Le cancer du sein est le premier cancer féminin, totalisant
chaque année un million de nouveaux cas dans le monde.
– En France, il représente 36% des cancers
féminins, et son incidence connaît une forte
croissance (+60% en vingt ans).
S’agissant du cancer du sein,
la douleur est imputable :
– à la chirurgie
cicatrisation, neuropathies par section nerveuse,
« membres fantômes »…
– à la chimiothérapie
mucites, douleurs musculaires et osseuses…
– ou à la radiothérapie
inflammations, nécroses…
Contexte…
Sous déclaration par les patients
et sous traitement par les soignants de la douleur
Traiter la douleur est devenu un enjeu thérapeutique de premier plan
(invention d’une médecine de douleur)
De manière paradoxale, la littérature médicale internationale rapporte que :
– La douleur reste souvent négligée ou ignorée par les soignants,
aboutissant à des situations de « sous traitement ».
– La douleur est souvent « sous déclarée » par les patients.
– En outre, les douleurs chroniques affectent davantage les femmes et les
personnes âgées de plus de 65 ans.
Contexte…
Une recherche en sciences sociales
soutenue par la Ligue contre le Cancer
Les objectifs
Prévalence de la douleur chez les femmes atteintes de cancer du sein :
– Quel est l’ampleur du phénomène ?
Vécu de la douleur par les femmes atteintes d’un cancer du sein :
– Comment ce vécu particulier peut-il expliquer leurs attitudes face aux
soignants (sous déclaration) ?
Interaction de genre et d’âge dans la relation thérapeutique :
– Comment les représentations du genre et de l’âge peuvent-elles affecter
les pratiques des soignants (sous traitement) ?
Contexte…
Une recherche en sciences sociales
soutenue par la Ligue contre le Cancer
La méthode
Une approche associant données quantitatives et données qualitatives.
Données quantitatives issues des questionnaires de suivi élaborés dans le
cadre des cohortes « ELIPPSE »
– Création d’une série de questions spécifiques insérées dans les questionnaires
administrés 24 mois (ELIPPSE 65) et 48 mois (ELIPPSE 40) après la survenue
d’un cancer du sein
Données qualitatives issues d’entretiens conduits auprès de femmes
atteintes d’un cancer du sein (n=25) et de soignants (n=40).
– Analyse thématique à partir des corpus constitués par la retranscription de ces
entretiens.
Contexte …
Les cohortes E.L.I.P.P.S.E.
Etude Longitudinale sur l’Impact Psychosocial des Pathologies du Sein
Objectif : étude des conséquences à moyen et long termes du
cancer du sein et de ses traitements sur la vie quotidienne, la vie
sociale, la qualité de vie et la survie des femmes atteintes.
Méthode : suivi longitudinal pendant 5 ans de femmes atteintes
pour la première fois d’un cancer du sein vivant, en région
Provence-Alpes-Côte d’ Azur.
–
ELIPPSE 40 : 500 femmes âgées de moins de 41 ans
–
ELIPPSE 65 : 800 femmes âgées de plus de 65 ans
Premiers résultats…
Prévalence de la douleur chez la femme « jeune »
atteinte de cancer du sein (ELIPPSE 40, décembre 2009)
Actuellement, souffrez-vous de douleurs articulaires,
de douleurs osseuses ou de douleurs musculaires ?
% 100
80
53,5
52,3
52,5
48,7
60
40
20
0
10
mo
16
is (
n=
370
)
mo
28
is
( n=
327
)
mo
48
is (
n=
236
)
mo
is (
n=
61)
Non
Oui
Premiers résultats…
Prévalence de la douleur chez la femme « âgée »
atteinte de cancer du sein (ELIPPSE 65, décembre 2009)
Actuellement, souffrez-vous de douleurs articulaires,
de douleurs osseuses ou de douleurs musculaires ?
% 100
66,9
71,4
Non
Oui
80
60
40
20
0
10 mois (n=499)
24 mois (n=297)
après le diagnostic
après le diagnostic
Premiers résultats…
Le vécu de la douleur
chez les femmes atteintes d’un cancer du sein
L’expérience de la douleur n’est pas systématique : toutes les femmes
n’ont pas mal.
Elle est souvent induite par des soins périphériques aux traitements :
allergies aux pansements, pose de drains, repérage pour la
radiothérapie, cicatrisation…
Elle est souvent relativisée en prenant appui sur des cas plus graves
(autres patients) ou sur des expériences passées.
Premiers résultats…
Le sens donné à la douleur
par les femmes atteintes d’un cancer du sein
La douleur peut être vécue comme quelque chose de positif.
Elle devient pour certaines femmes un signe ou une
manifestation de la guérison, de l’efficacité des traitements : le
fait de souffrir est associé à une régénération du corps.
La douleur est parfois vécue comme une épreuve nécessaire
inhérente à la maladie.
Pour d’autres patientes, la douleur est une conséquence
irrémédiable avec laquelle il faut s’habituer à vivre.
Premiers résultats…
La prise en charge de la douleur
selon les femmes atteintes
Les femmes interrogées évoquent un défaut d’information sur la
douleur et les prises en charges spécifiques existantes, que ce
soit avant la phase de traitement du cancer ou après le
traitement.
Elles perçoivent le discours des soignants, et particulièrement
celui des médecins, comme normatif : l’expérience douloureuse
est liée à la maladie.
Dans la relation thérapeutique, elles se sentent plus à l’aise
avec une femme.
Premiers résultats…
L’adaptation des gestes quotidiens à la douleur
chez les femmes atteintes d’un cancer du sein
L’expérience de la douleur conduit dans bien des cas à
renoncer à certaines activités, notamment celles en lien avec les
périodes de loisir.
La plupart des femmes qui ressentent des douleurs évoquent la
nécessité de prendre des précautions spécifiques pour éviter de
déclencher un épisode douloureux.
Une adaptation des gestes du quotidien à la douleur s’impose
(apprentissage douloureux par essai/erreur).
Premiers résultats…
Une prise en considération insuffisante de la douleur
selon les soignants
La quasi-totalité des soignants rencontrés fait le constat d’une forte
prévalence des douleurs non traitées au sein de leur « patientèle ».
Un bon nombre d’entre eux évoquent même l’existence d’un
glissement : les soignants auraient recours à des prescriptions
d’anxiolytiques pour traiter certains types de douleur (ce qui trouve
un écho dans les propos de certaines patientes).
Néanmoins, la situation est en constante évolution et il existe un
changement générationnel : les soignants les plus jeunes seraient
plus sensibles au problème de la douleur.
Premiers résultats…
Impact du genre et de l’âge selon les soignants
Genre
– La plupart des soignants rencontrés pensent que les femmes supportent
mieux la douleur que les hommes mais qu’elles ont aussi tendance à plus
exprimer leurs souffrances.
– Pour eux, la plainte des hommes serait par conséquent plus valide et
mériterait une plus grande attention.
Age
– Toujours pour les soignants interrogés, évaluer la douleur chez les
personnes âgées serait très délicat dans la mesure où les souffrances
sont nombreuses, de même que les motifs de plainte.
– Par ailleurs, les équipes soignantes manifesteraient plus d’empathie à
l’égard des patients les plus jeunes.
Perspectives
Valorisation scientifique des premiers résultats en cours, notamment
ceux ayant trait au vécu de la douleur par les femmes atteintes d’un
cancer du sein et suivies dans le cadre des deux cohortes ELIPPSE.
Engager un analyse plus complète et plus fine des entretiens recueillis
auprès des soignants.
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