Distributions harmoniques
Bachir Bekka
April 26, 2012
Une distribution temp´er´ee T∈ S0(Rn) est dite harmonique si ∆T= 0,
o`u ∆ = Pn
i=1 2/∂x2
iest l’op´erateur de Laplace.
On rappelle qu’une fonction fmesurable sur Rnest dite `a croissante
mod´er´ee s’il existe kNet C > 0 telle que |f(x)| ≤ C(1 + |x|)kpour tout
x= (x1, . . . , xn)Rn, o`u |x|2=Pn
j=1 x2
j; une telle fonction d´efinit une
distribution temp´er´ee Tfpar hTf, ϕi=RRnf(x)ϕ(x)dx pour tout ϕ∈ S.Si
on a Tf=Tgpour deux telles fonctions fet g, alors f=gpresque partout;
par cons´equent, si, de plus, fet gsont continues, alors f=gsur Rn.
On se propose de d´emontrer le th´eor`eme suivant.
Th´eor`eme 1 Soit T∈ S0(Rn)une distribution harmonique. Alors Test la
distribution d´efinie par une fonction polynˆomiale sur Rn.
Soit uune fonction de classe C2et `a croissante moer´ee. Comme ∆(Tu) =
Tu,le corollaire suivant d´ecoule imm´editement du th´eor`eme pr´ec´edent.
Corollaire 2 Soit uune fonction sur Rnde classe C2et `a croissante mod´er´ee
telle que u= 0.Alors uest une fonction polynˆomiale.
Toute fonction polynˆomiale born´ee sur Rn´etant n´ecessairement con-
stante, on obtient comme cons´equence le Th´eor`eme de Liouville.
Corollaire 3 (Th´eor`eme de Liouville) Soit uune fonction sur Rnde
classe C2telle que u= 0. Si uest born´ee, alors uest constante.
Remarque 4 (i) Il existe des fonctions harmoniques de classe C2qui ne sont
pas polynˆomiales: par exemple, la fonction u(x, y) = excos yest harmonique
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sur R2(c’est le cas, plus g´en´eralement, de la partie r´eelle d’une fonction
enti`ere non polynˆomiale).
(ii) Toute fonction enti`ere f:CC´etant harmonique, le Th´eor`eme 5
est une g´en´eralisation substantielle de sa version bien connue en analyse
complexe: une fonction enti`ere born´ee est constante.
La preuve du Th´eor`eme 1 sera une cons´equence facile, d’une part, du
Th´eor`eme 5 plus bas, qui est un r´esultat important d’un int´erˆet ind´ependant,
et, d’autre part, des propri´et´es usuelles de la transformation de Fourier F
sur S0.
Rappelons que le support supp (T) d’une distribution T∈ S0est le
compl´ementaire du plus grand ouvert URntel que hT, ϕi= 0 pour tout
ϕ∈ S avec supp ϕU. Le r´esultat suivant caract´erise les distributions `a
support ponctuel. Sans perte de g´en´eralit´e, il suffit de caract´eriser celles
dont le support est {0}.Des exemples de telles distributions sont fournis par
les combinaisons lin´eaires (finies!) des distributions de la forme αδ0et le
r´esultat est qu’elles sont toutes de cette forme.
Th´eor`eme 5 Soit T∈ S0(Rn)avec supp (T) = {0}.Alors il existe un entier
Net des nombres complexes aαpour tout αNnavec |α| ≤ Ntels que
T=P|α|≤Naααδ0.
D´eduction du Th´eor`eme 1 `a partir du Th´eor`eme 5 La transform´ee de
Fourier F(ϕ) d’une fonction ϕ∈ S(Rn) est d´efinie par
F(ϕ)(ξ) = ZRn
ϕ(x)e2πix·ξdx, ξRn.
Nous rappelons que F:S → S est un isomorphisme bicontinu qui s’´etend en un
isomorphisme bicontinu F:S0→ S0par la formule hF(T), ϕi=hT, F(ϕ)ipour
tout T∈ S0et ϕ∈ S.De plus, on a F(αT) = (2π)αF(T) et F((2πix)α) =
αδ0pour tout αNn.
Soit T∈ S0(Rn) avec ∆T= 0.Comme 0 = F(∆T) = Pn
j=1(2πj)2F(T),
on a donc |ξ|2F(T) = 0. Il s’ensuit que S:= F(T) est une distribution avec
supp S⊂ {0}.En effet, soit ϕ∈ S avec supp ϕRn\ {0}.Alors ϕs’annule sur un
voisinage de 0; par cons´equent, ψd´efinie par ψ(ξ) = ϕ(ξ)/|ξ|2si ξ6= 0 et ψ(0) = 0
est dans S. Comme ϕ=|ξ|2ψ, on a
hS, ϕi=hS, |ξ|2ψi=h|ξ|2S, ψi= 0.
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Par le Th´eor`eme 5, il existe donc un entier Net des nombres complexes aα
tels que S=P|α|≤Naααδ0.Il s’ensuit que
T=F1(S) = X
|α|≤N
aαF1(αδ0) = X
|α|≤N
aα(2πix)α.
Ceci montre que Test un polynˆome.
Preuve du Th´eor`eme 5 Soit T∈ S0(Rn) avec supp (T) = {0}.Comme Test
une forme lin´eaire continue sur S,il existe C > 0 et des entiers met Ntels que,
pour ϕ∈ S, on a
|hT, ϕi| ≤ CX
|α|≤N,|β|≤m
ραβ(ϕ),
o`u ραβ (ϕ) = supxRn|xβ(αϕ)(x)|.Voici le point-cl´e de la preuve:
Assertion: T|α|≤NKer(αδ0)Ker(T).
Un lemme ´el´ementaire d’alg`ebre lin´eaire (voir Lemme 6 plus bas) impliquera
alors que T, qui est une forme lin´eaire sur l’espace vectoriel S,est une combinaison
lin´eaire des formes lin´eaires αδ0pour |α| ≤ N.
Pour montrer l’assertion, soit ϕ∈ S avec hαδ0, ϕi= 0, c-`a-d (αϕ)(0) = 0
pour tout |α| ≤ N. Nous devons montrer que hT, ϕi= 0.
Fixons une fonction ηde classe Csur Rnavec η(x) = 1 pour |x| ≤ 1 et
η(x) = 0 pour |x| ≥ 2.Posons ηε(x) = η(x/ε) pour tout ε > 0.
Alors (ηεϕ)(x) = ϕ(x) pour |x| ≤ εet (ηεϕ)(x) = 0 pour |x| ≥ 2ε. En partic-
ulier, supp (ηεϕϕ)Rn\ {0}et donc hT, ηεϕϕi= 0,c-`a-d hT, ηεϕi=hT, ϕi.
Il suffira donc de montrer que limε0hT, ηεϕi= 0.
Comme |hT, ηεϕi| ≤ CP|α|≤N,|β|≤mραβ (ηεϕ),il suffit de montrer que
lim
ε0ραβ(ηεϕ)=0,α, β Nn,|α| ≤ N.
On a (αϕ)(0) = 0 pour tout |α| ≤ N; la formule de Taylor pour αϕmontre
alors qu’il existe K > 0 et ε0>0 tel que
()|αϕ(x)| ≤ K|x|N+1−|α|,∀|x| ≤ 2ε0et |α| ≤ N.
D’autre part, par la formule de Leibniz, on a
α(ηεϕ)(x) = X
γαα
γ(αγη)(x/ε)(γϕ)(x)ε|γ|−|α|.
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Soient α, β Nnavec |α| N. Posons kηkN:= sup|γ|≤Nkγηk.Alors, pour tout
ε < min{1/2, ε0}, on a, en utilisant ():
ραβ(ηεϕ) = sup
xRn
|xβ(α(ηεϕ))(x)|= sup
|x|≤2ε
|xβ(α(ηεϕ))(x)|
sup
|x|≤2ε
|(α(ηεϕ))(x)|
sup
|x|≤2εX
γαα
γε|γ|−|α||(αγη)(x/ε)(γϕ)(x)|
≤ kηkNsup
|x|≤2εX
γαα
γε|γ|−|α||(γϕ)(x)|
KkηkNsup
|x|≤2εX
γαα
γε|γ|−|α||x|N+1−|γ|
KkηkNX
γαα
γε|γ|−|α|(2ε)N+1−|γ|
2εKkηkNX
γαα
γ2N−|γ|εN−|α|2εKkηkNX
γαα
γ(2ε)N−|γ|
2εKkηkNX
γαα
γεK0kηkN,
o`u K0est une constante d´ependant seulement de Net n. On a donc limε0ραβ (ηεϕ) =
0.
Lemme 6 Soient Vun espace vectoriel sur un corps Ket ϕ, ϕ1, . . . , ϕndes formes
lin´eaires sur Vtelles que Tn
i=1 Ker(ϕi)Ker(ϕ).Alors il existe a1, . . . , anK
tels que ϕ=Pn
i=1 aiϕi.
Preuve On consid`ere l’application lin´eaire Φ : VKnd´efinie par Φ(v) =
(ϕ1(v), . . . , ϕn(v)) pour tout vV. Alors Ker(Φ) = Tn
i=1 Ker(ϕi) On d´efinit une
forme lin´eaire L: Image(Φ) Kpar L(Φ(v)) = ϕ(v). Cette application est
bien d´efinie car Ker(Φ) Ker(ϕ),par l’hypoth`ese sur ϕ. On ´etend L(de mani`ere
arbitraire) en une forme lin´eaire sur Kn,not´ee ´egalement L. Il existe des scalaires
a1, . . . , anKtels que L(x1, . . . , xn) = a1x1+· · · +anxnpour tout (x1, . . . , xn)
Kn. On a alors, pour tout vV,
ϕ(v) = L(Φ(v)) = L(ϕ1(v), . . . , ϕn(v)) = a1ϕ1(v) + · · · +anϕn(v),
c-`a-d ϕ=a1ϕ1+· · · +anϕn.
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