Sous-groupes distingués, groupes quotients.

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Sous-groupes distingués, groupes quotients.
Par Nicolas Lanchier
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1. Propriétés classiques. Théorèmes d’isomorphismes.
Définition 1.1 Soient G un groupe et H un sous-groupe G. On dit que H est distingué dans G,
ce que l’on note H ⊳ G, si H est invariant par automorphismes intérieurs, i.e.
xHx−1 = H
∀ x ∈ G.
Proposition 1.2 H ⊳ G si et seulement si pour tout x ∈ G, xHx−1 ⊂ H.
Preuve. Utiliser le fait que l’application x 7→ x−1 est un automorphisme de G.
Théorème 1.3 H est distingué dans G si et seulement s’il existe un groupe K et un homomorphisme π : G −→ K tel que H = Ker π.
Preuve. Soit H un sous-groupe distingué dans G et K = {xH : x ∈ G} l’ensemble des classes à
gauche. La loi · définie par
(xH) · (yH) = (xy) · H
∀ x, y ∈ G
permet de munir K d’une structure de groupe dont H est l’élément neutre. Il est alors facile de
voir que la projection canonique
π : G −→ K
π(x) = xH
∀x∈G
est un homomorphisme et que Ker π = H. La condition suffisante est triviale.
Définition 1.4 Soit H ⊳ G. L’ensemble K des classes à gauche muni de la loi
(xH) · (yH) = (xy) · H
∀ x, y ∈ G
est appelé groupe quotient de G par H. On le note G/H.
Théorème 1.5 Soient G, K deux groupes, H un sous-groupe distingué de G, φ : G −→ K un
homomorphisme et π la projection canonique de G sur G/H. Supposons que H = Ker φ. Alors il
existe un unique monomorphisme ψ : G/H −→ K tel que ψ ◦ π = φ.
Preuve. Posons ψ(xH) = φ(x) pour tout x ∈ G. Notons tout d’abord que
xH = yH
⇒
xy −1 ∈ Ker φ
⇒
φ(x) = φ(y)
de sorte que ψ est bien défini. De plus,
ψ(xH · yH) = ψ(xy · H) = f (xy) = ψ(xH) · ψ(yH)
donc ψ est un homomorphisme. Enfin, l’égalité Ker ψ = H montre que ψ est injective. L’unicité
étant triviale, ceci achève la preuve. 1
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Théorème 1.6 (premier théorème d’isomorphisme) Soit φ : G −→ K un morphisme de
groupe. Alors Im φ ∼
= G/ Ker φ. [1], Sect. 4.4
Preuve. Soient π la projection canonique de G sur G/ Ker φ. Posons H = Ker φ et considérons
l’application ψ (injective) donnée par le théorème 1.5. Puisque Im ψ = Im φ, le résultat découle
du fait que ψ est un isomorphisme de G/ Ker φ sur son image. Théorème 1.7 (second théorème d’isomorphisme) Soient G un groupe et H ⊳ G. Alors
pour tout sous-groupe K de G
H ∩ K ⊳ K,
H ⊳ HK
et
K/(H ∩ K) ∼
= HK/H.
Preuve. Le fait que H ∩ K ⊳ K et que H ⊳ HK est trivial. Par ailleurs, l’application
φ : K −→ HK/H
φ(x) = xH
∀x∈K
est un homomorphisme surjectif de noyau Ker φ = H ∩ K. Le résultat est donc une conséquence
immédiate du théorème 1.6. Théorème 1.8 (troisième théorème d’isomorphisme) Soient G un groupe, H et K deux
sous-groupes distingués de G avec H ⊂ K. Alors
H ⊳ K,
K/H ⊳ G/H
et
G/K ∼
= (G/H)/(K/H).
Preuve. Le fait que H ⊳ K est trivial. Comme H ⊂ K, on a xH = yH ⇒ xK = yK, ce qui
nous permet de considérer l’application
φ : G/H −→ G/K
φ(xH) = xK
∀ x ∈ G.
Il est facile de vérifier que φ est un homorphisme surjectif de noyau Ker φ = K/H. Le résultat
découle alors des théorèmes 1.3 et 1.6. 2. Groupe de Galois et points constructibles.
Définition 2.1 Le groupe de Galois d’une extension de corps K ⊂ L, noté Gal(L | K), est le
groupe des K-automorphismes de L, i.e. des automorphismes σ : L −→ L tels que pour tout
x ∈ K, σ(x) = x. [2], Sect. 8.5
Définition 2.2 Le groupe de Galois d’un polynôme P ∈ K[X] est le groupe Gal(L | K) où L est
le corps de décomposition de P sur K. [2], Sect. 8.5
Théorème 2.3 (correspondance de Galois) Soient K ⊂ N et K ⊂ L deux extensions normales avec L ⊂ N . Alors
1. card Gal(N | K) = [N : K].
2. Il existe une bijection H 7→ inv(H) de l’ensemble des sous-groupes de G sur l’ensemble des
corps intermédiaires entre K et N .
3. Gal(N | L) est un sous-groupe distingué de Gal(N | K).
4. Le groupe quotient Gal(N | K)/ Gal(N | L) est isomorphe à Gal(L | K).
Lemme 2.4 Etant donné G un p-groupe d’ordre pn il existe une suite G0 ⊂ · · · ⊂ Gn de sousgroupes distingués de G tels que |Gi | = pi pour tout 0 ≤ i ≤ n. [3], Ex. 1.4
Théorème 2.5 Soient L un sous-corps de R et (x, y) un élément de L2 . Si l’extension Q ⊂ L est
normale de degré une puissance de 2 alors le point de coordonnées (x, y) est constructible à la
règle et au compas. [3], Ex 4.14
Preuve. Posons G = Gal(L | Q). L’extension Q ⊂ L étant normale, il résulte du théorème de
correspondance de Galois que card G = [L : Q ] = 2n . En particulier, d’après le lemme 2.4, il existe
une suite croissante G0 ⊂ · · · ⊂ Gn de sous-groupes distingués de G tels que |Gi | = 2i pour tout
0 ≤ i ≤ n. Notons Ki = inv(Gn−i ) le corps des invariants de Gn−i soit
Ki = {x ∈ L : σ(x) = x pour tout σ ∈ Gn−i }.
Il est clair que K0 = Q et Kn = L. Par ailleurs, comme (Gn−i : Gn−i−1 ) = 2, Gn−i−1 est également
distingué dans Gn−i . Une nouvelle application du théorème de correspondance nous permet alors
d’affirmer que
[Ki+1 : Ki ] = | Gal(Ki+1 | Ki )| = (Gn−i : Gn−i−1 ) = 2.
Pour conclure, montrons par récurrence que les éléments de Ki , 0 ≤ i ≤ n, sont constructibles à la
règle et au compas. Tout d’abord, la constructibilité des éléments de K0 = Q est une conséquence
directe du théorème de Thalès (voir Figure 1). Supposons maintenant que les éléments de Ki sont
constructibles pour un certain i ≤ n − 1. Comme l’extension Ki+1 ⊂ Ki est de degré 2, il suffit de
montrer que l’ensemble des réels constructibles est stable par racine carrée, ce qui est assuré par
le théorème de Pythagore (voir Figure 1). Puisque L = Kn , le résultat s’ensuit. (0, y)
(0, 1)
O
(0,
(x/y, 0)
(x, 0)
√
x)
O
(1, 0)
(x + 1, 0)
Fig. 1. Les théorèmes de Thalès (image de gauche) et Pythagore (image de droite) impliquent que l’ensemble des
réels constructibles est un corps stable par racine carrée.
3. Groupes résolubles et résolubilité des équations par radicaux.
Définition 3.1 Un groupe fini G est dit résoluble s’il existe une suite finie G0 , G1 , . . . , Gr de
sous-groupes de G, appelée suite de résolubilité, telle que
1. {e} = Gr ⊂ Gr−1 ⊂ · · · ⊂ G0 = G.
2. Gi+1 est distingué dans Gi pour tout 0 ≤ i ≤ r − 1.
3. Gi /Gi+1 est un groupe commutatif pour tout 0 ≤ i ≤ r − 1.
De façon équivalente, un groupe G est résoluble s’il existe un entier s tel que Ds (G) = {e}, où
l’ensemble D(G) désigne le groupe engendré par les commutateurs de G, i.e. les éléments
[x, y] = x−1 · y −1 · x · y
pour tous x et y dans G. [2], Ch. 11
Lemme 3.2 Le groupe symétrique Sn n’est pas résoluble pour n ≥ 5.
Preuve. Soient (a1 , a2 , a3 ) un 3-cycle de Sn , a4 et a5 deux éléments de {1, 2, . . . , n} distincts
de a1 , a2 et a3 . Comme
[(a1 , a3 , a4 ), (a2 , a3 , a5 )]
= (a1 , a3 , a4 )−1 · (a2 , a3 , a5 )−1 · (a1 , a3 , a4 ) · (a2 , a3 , a5 )
= (a1 , a2 , a3 ),
chacun des 3-cycles appartient à D(Sn ). Par ailleurs, l’ensemble des 3-cycles engendre An de sorte
que An ⊂ Ds (Sn ) pour tout entier s ≥ 0. En particulier, Sn n’est pas résoluble. Définition 3.3 Une extension K ⊂ L est radicale s’il existe une tour de corps K0 , K1 , . . . , Kr ,
appelée tour radicale, telle que
1. K = K0 ⊂ K1 ⊂ · · · ⊂ Kr = L ;
2. Pour tout 1 ≤ i ≤ r, il existe ai ∈ Ki et ni ≥ 1 tels que Ki = Ki−1 [ai ] et ani i ∈ Ki−1 .
Un polynôme P de K[X] est dit résoluble par radicaux s’il existe une extension radicale L ⊂ K
contenant le corps de décomposition de P sur K. [2], Ch. 12
Théorème 3.4 (Galois) Si un polynôme P est résoluble par radicaux alors son groupe de Galois
est résoluble. [2], Ch. 12
Preuve. Commençons par montrer que le quotient d’un groupe résoluble G par un sous-groupe
distingué H est résoluble. Soient
π : G −→ G/H
l’homomorphisme canonique et r ≥ 1 tel que Dr (G) = {e}. Comme
π(D(G)) = D(π(G)),
on obtient par récurrence
Dr (G/H) = π(Dr (G)) = π(e) = H
d’où la résolubilité du quotient de G par H. Soit P ∈ K[X] un polynôme résoluble par radicaux
dont on note N le corps de décomposition. Alors, il existe un corps L contenant N tel que l’extension K ⊂ L soit normale et radicale. De plus, la tour radicale K0 , K1 , . . . , Kr associée peut être
choisie de telle sorte que chacune des extensions Ki ⊂ Ki+1 soit abélienne, i.e. Gal(Ki+1 | Ki ) est
commutatif. Pour tout 0 ≤ i ≤ r, posons Gi = Gal(L | Ki ). Il est clair que
{id} = Gr ⊂ Gr−1 · · · ⊂ G0 = G.
De plus, les extensions K ⊂ Ki étant normales, le théorème 2.3 permet d’affirmer que Gi+1 est
distingué dans Gi et que
Gi /Gi+1 ∼
= Gal(Ki+1 | Ki ).
Les extensions Ki ⊂ Ki+1 étant par ailleurs abéliennes, Gal(Ki+1 | Ki ) est commutatif d’où la
résolubilité de Gal(L | K). Or, d’après le théorème 2.3,
Gal(N | K) ∼
= Gal(L | K)/ Gal(L | N ).
Il en résulte que le groupe Gal(N | K) lui-même est résoluble.
Théorème 3.5 Le polynôme P (X) = X 5 − 10X + 5 considéré comme polynôme à coefficients
dans Q n’est pas résoluble par radicaux. [2], Sect. 12.3
Preuve. D’après le théorème 3.4 et le lemme 3.2, il suffit de montrer que le groupe de Galois
du polynôme P est isomorphe à S5 . Notons G le groupe de Galois de P et N son corps de
décomposition. Une étude de fonction montre que P admet trois racines réelles distinctes x1 , x2 , x3
et deux racines complexes conjuguées z et z̄. Pour x racine de P et σ ∈ G, l’égalité
P (σ(x)) = σ(P (x)) = σ(0) = 0
prouve par ailleurs que σ permute les racines de P . Comme tout automorphisme du groupe de
Galois est déterminé de façon unique par la valeur qu’il prend en chacune des racines de P ,
le groupe G est isomorphe à un sous-groupe de S5 . Tout d’abord, la conjugaison sur C induit
un élément σ1 dans G échangeant z et z̄ et fixant les trois autres racines : σ1 s’identifie à une
transposition. De plus, le polynôme P étant irréductible d’après le critère d’Eisenstein, chacune
de ses racines est algébrique sur Q de degré 5. En particulier,
[N : Q ] = [N : Q (x1 )] · [ Q (x1 ) : Q ]
est un multiple de 5. Il en est de même, en vertu du théorème 2.3, de l’ordre de G puisque l’extension Q ⊂ N est normale. On obtient donc, par application du théorème de Cauchy, l’existence
d’un élément σ2 ∈ G d’ordre 5 qui s’identifie à un 5-cycle. Or, une transposition et un 5-cycle
suffisent à engendrer S5 . En conclusion, G est isomorphe à S5 . Références
[1] Josette Calais. Eléments de théorie des groupes. Puf, 1998.
[2] Jean-Pierre Escofier. Théorie de Galois, cours et exercices corrigés. Dunod, 1997.
[3] Hervé Francinou, Serge Gianella. Exercices de mathématiques pour l’agrégation, algèbre 1.
Masson, 1995.
[4] Serge Lang. Algebra. Addison-Wesley Publishing Company, Inc., 1984.
[5] Daniel Perrin. Cours d’algèbre. Ellipses, 1996.
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