Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
VARIABLES ALÉATOIRES
SUR UN ESPACE PROBABILISÉ FINI
Dans tout ce chapitre, (,P)est un espace probabilisé FINI et les lettres E,F,Gdésignent des ensembles quelconques.
1INTRODUCTION AUX VARIABLES ALÉATOIRES
Définition (Variable aléatoire)
On appelle variable aléatoire sur à valeurs dans E toute application Xde dans E. Dans la plupart des situations,
Eest l’ensemble Ret on dit que Xest une variable aléatoire réelle.
Pour toute partie Ade E, l’événement X1(A)est noté XAou (XA). Dans le cas où Aest un singleton x,
on emploie plutôt les notations X=xou (X=x). Enfin, dans le cas où E=Ret où A= ]−∞,x]pour un
certain xR, on emploie plutôt les notations Xxet (Xx)— même chose avec toutes les autres formes
d’intervalles.
Exemple
Pour modéliser le lancer d’un dé à 6 faces 2 fois, on peut choisir pour univers l’ensemble ¹1,6º2des 2-listes de
¹1,6ºet pour probabilité Psur la probabilité uniforme. La fonction X1(resp. X2) « valeur obtenue au premier
(resp. deuxième) lancer » est une variable aléatoire réelle sur d’image ¹1,6º. La fonction S=X1+X2« somme des
deux faces obtenues » en est une autre, d’image ¹2, 12º.
Pour modéliser le tirage simultané de kentiers entre 1 et n, on peut choisir pour univers l’ensemble Pk¹1, nºdes
k-combinaisons de ¹1, nºet pour probabili Psur la probabilité uniforme. La fonction « plus petit entier tiré » est
une variable aléatoire réelle sur d’image ¹1, nk+1º— comme on tire kentiers, il est impossible que le plus petit
tiré soit l’un des entiers nk+2, . . . , n.
1.1 LOI DUNE VARIABLE ALÉATOIRE
Définition-théorème (Système complet d’événements associé à une variable aléatoire) Soit Xune variable aléatoire
sur . Les événements X=x,xdécrivant X(), forment un système complet d’événements de appelé le système
complet d’événements associé à X .
Démonstration Tout élément ωde appartient à un et un seul événement de la forme X=x— en
l’occurrence pour x=X(ω). En d’autres termes : =G
xX()X=x.
Définition (Loi d’une variable aléatoire) Soit X:Eune variable aléatoire. On appelle loi de X l’application
xPX
7−P(X=x)de X()dans [0,1]. Bien remarquer que : X
xX()
P(X=x) = 1.
Explication
La loi de Xmesure la vraisemblance des valeurs de X. Les valeurs possibles de X, tout en étant possibles, n’ont en
effet pas forcément les mêmes chances de réalisation et c’est précisément cette information que PXmesure.
La loi de Xest définie sur X(), mais on peut calculer P(X=x)pour tout xE\X():P(X=x) = P() = 0.
1
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Exemple On reprend l’exemple du lancer d’un dé à 6 faces 2 fois où nous avons noté X1(resp. X2) la valeur obtenue au
premier (resp. deuxième) lancer et S=X1+X2la somme des deux faces obtenues. Que sont les lois de X1et S?
En effet Rappelons qu’ici : =¹1,6º2et que Pest la probabilité uniforme sur .
Loi de X1:X1a pour image ¹1, 6º.
Pour tout i¹1, 6º:X1=i=i×¹1,6º, donc : P(X1=i) = X1=i
||=6
36 =1
6.
Loi de S:Sa pour image ¹2,12º. Soit s¹2, 12º. Les éléments de S=ssont tous les couples de la
forme (i,si)pour lesquels 1 i6 et 1 si6, i.e. : 1 i6 et s6is1.
Du coup, pour tout s¹2,7º:S=s=(i,si)1is1, donc : P(S=s) = S=s
||=s1
36 ,
et pour tout s¹8, 12º:S=s=(i,si)s6i6, donc : P(S=s) = S=s
||=13 s
36 .
0 1 2 3 4 5 6
Loi de X1
0,25
1
6
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 101112
Loi de S
0,25
1
6
Définition (Lois conditionnelles d’une variable aléatoire) Soient Xune variable aléatoire sur et A∈ P ()tel que
P(A)>0. On appelle loi conditionnelle de X sachant A l’application x7−PA(X=x)de X()dans [0,1].
Exemple On reprend l’exemple du lancer d’un dé à 6 faces 2 fois où nous avons noté X1(resp. X2) la valeur obtenue
au premier (resp. deuxième) lancer et S=X1+X2la somme des deux faces obtenues. Quelle est la loi conditionnelle de X1
sachant S=4?
En effet Rappelons qu’ici : =¹1,6º2et que Pest la probabilité uniforme sur .
Pour tout k¹1, 6º:P(X1=ket S=4) = P(X1=ket X2=4k) =
(k,4 k)
||=1
36 si k¹1,3º
0 sinon,
et donc comme P(S=4) = 41
36 =1
12 d’après l’exemple précédent :
0123456
Loi de X1
sachant S=4
0,5
1
3
P{S=4}(X1=k) = P(X1=ket S=4)
P(S=4)=(1
3si k¹1,3º
0 sinon.
Définition-théorème (Image d’une variable aléatoire par une fonction) Soient Xune variable aléatoire sur et
f:X()Fune fonction. La variable aléatoire fX:Fest notée simplement f(X).
La loi Pf(X)de f(X)est entièrement déterminée par fet la loi de X. Précisément, pour tout yfX():
Pf(X) = y=X
xX()
y=f(x)
P(X=x).
Démonstration Pour tout yfX(), remarquer simplement que : f(X) = y=G
xX()
y=f(x)X=x.
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Exemple On choisit un entier Xau hasard entre 1 et 2n. On pose : Y=X
2. Quelle est la loi de Y?
En effet On choisit pour univers l’ensemble ¹1,2nºet pour probabilité Psur la probabilité uniforme. La
variable Xa pour image ¹1,2nºet pour tout i¹1, 2nº:X=i=i, donc : P(X=i) = 1
2n.
Quant à Y, son image est l’ensemble ¹0, nºet pour tout j¹0, nº:P(Y=j) = X
1i2n,j=i
2
P(X=i).
Conclusion : P(Y=0) = P(X=1) = 1
2n,P(Y=n) = P(X=2n) = 1
2net pour tout j¹1, n1º:
P(Y=j) = P(X=2j) + P(X=2j+1) = 1
2n+1
2n=1
n.
1.2 ESPÉRANCE DUNE VARIABLE ALÉATOIRE RÉELLE
Définition (Espérance d’une variable aléatoire réelle) Soit Xune variable aléatoire réelle sur .
On appelle espérance de X le réel : E(X) = X
xX()
P(X=x)x.
On dit que Xest centrée si : E(X) = 0.
Explication L’espérance de Xest une moyenne des valeurs de X, donc un indicateur de position. Précisément,
chaque valeur x,xdécrivant X(), s’y trouve comptabilisée en proportion de sa probabilité d’occurrence P(X=x). Ainsi,
plus P(X=x)est proche de 1, plus xa d’importance dans le calcul.
Exemple On reprend l’exemple du lancer d’un dé à 6 faces 2 fois où nous avons noté X1la valeur obtenue au premier
lancer. Que vaut l’espérance de X1?
En effet Pour tout i¹1, 6º:P(X1=i) = 1
6, donc : E(X1) =
6
X
i=1
P(X1=i)i=1
6
6
X
i=1
i=1
6×6×7
2=7
2.
Théorème (Propriétés de l’espérance) Soient Xet Ydeux variables aléatoires réelles sur .
(i) Une autre expression : E(X) = X
ω
PωX(ω).
(ii) Linéarité : Pour tous λ,µR: E(λX+µY) = λE(X) + µE(Y).
(iii) Positivité : Si X¾0, alors E(X)¾0. Croissance : Si XY, alors E(X)E(Y).
(iv) Inégalité triangulaire : E(X)E|X|.
Démonstration
(i) Les événements X=x,xdécrivant X(), forment un système complet d’événements, donc :
X
ω
PωX(ω) = X
xX()X
ω∈{X=x}
PωX(ω) = X
xX() X
ω∈{X=x}
Pω!x=X
xX()
P(X=x)x=E(X).
(ii) E(λX+µY) = X
ω
Pω(λX+µY)(ω) = λX
ω
PωX(ω) + µX
ω
PωY(ω) = λE(X) + µE(Y).
(iii) Positivité évidente par définition de l’espérance. Pour la croissance, si XY, alors : YX¾0,
donc par linéarité : E(Y)E(X) = E(YX)¾0.
(iv) Conséquence de la croissance, sachant que : −|X|X|X|.
Exemple Soit mR. Si on considère mcomme une variable aléatoire constante sur , alors : E(m) = m.
En effet Afin d’y voir clair, notons Xla variable aléatoire constante de valeur msur . Dans ces conditions :
X() = met P(X=m) = P() = 1, donc : E(X) = m×1=m.
3
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Exemple On reprend l’exemple du lancer d’un dé à 6 faces 2 fois où nous avons noté X1(resp. X2) la valeur obtenue au
premier (resp. deuxième) lancer et S=X1+X2la somme des deux faces obtenues. Que vaut l’espérance de S?
En effet Pour tout s¹2, 7º:P(S=s) = s1
36 et pour tout s¹8,12º:P(S=s) = 13 s
36 ,
donc : E(S) =
12
X
s=2
P(S=s)s=
7
X
s=2
s1
36 ×s+
12
X
s=8
13 s
36 ×s, mais c’est compliqué ! Or n’oublions pas que :
S=X1+X2. Nous avons calculé plus haut la loi puis l’espérance de X1et il n’est pas dur de se convaincre
qu’on aurait trouvé le même résultat pour X2. Conclusion : E(S) = E(X1) + E(X2) = 7
2+7
2=7.
Théorème (Formule de transfert) Soient Xune variable aléatoire sur et f:X()Rune fonction. L’espérance
de f(X)est entièrement déterminée par fet la loi de X:
Ef(X)=X
xX()
P(X=x)f(x).
Démonstration Les événements X=x,xdécrivant X(), forment un système complet d’événements,
donc : Ef(X)=X
ω
PωfX(ω)=X
xX()X
ω∈{X=x}
PωfX(ω)=X
xX()X
ω∈{X=x}
Pωf(x)
=X
xX()
P(X=x)f(x).
Exemple On reprend l’exemple du lancer d’un dé à 6 faces 2 fois où nous avons noté X1la valeur obtenue au premier
lancer. Que vaut l’espérance de X2
1?
En effet EX2
1=
6
X
i=1
P(X1=i)i2=1
6
6
X
i=1
i2=1
6×6×7×13
6=91
6.
2LOIS USUELLES
Pour toute variable aléatoire Xsur un espace probabili fini (,P):X
xX()
P(X=x) = 1. Réciproquement, si on
se donne un ensemble fini E=x1,...,xnet des réels p1,...,pn[0,1]pour lesquels :
n
X
i=1
pi=1, existe-t-il toujours
une variable aléatoire Xsur un certain espace probabilisé (,P)telle que pour tout i¹1, nº:P(X=xi) = pi? La
réponse est oui, on peut par exemple poser : =Eet X=IdEet définir une probabili Psur en posant pour tout
i¹1, nº:Pxi=pi— on obtient bien ainsi, comme voulu : P(X=xi) = P(IdE=xi) = Pxi=pi. Cette
remarque justifie la consistance de tous les énoncés de théorèmes et d’exercices qui, pour définir une variable aléatoire, nous
en donnent seulement l’image et les probabilités des événements élémentaires.
Définition-théorème (Loi uniforme) Soient Xune variable aléatoire et Eun ensemble FINI non vide. On dit que X
suit la loi uniforme sur E, ce qu’on note : X, U (E), si pour tout xE:P(X=x) = 1
|E|.
L’espérance de Xest alors la moyenne « naturelle » des valeurs x1,...,xnde X: E(X) = 1
n
n
X
k=1
xk.
Explication La loi uniforme est la loi pour laquelle les événements X=x,xdécrivant E, sont équiprobables.
Démonstration Pour tout k¹1, nº:P(X=xk) = 1
n, donc : E(X) =
n
X
k=1
xk
n=1
n
n
X
k=1
xk.
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Exemple
Lorsqu’on choisit au hasard un entier Xentre 1 et n,Xsuit la loi uniforme U¹1, nº.
Lorsqu’on lance simultanément un dé bleu et un dé rouge à 6 faces, le couple (B,R)des valeurs obtenues avec ces dés
— avec Bpour le dé bleu et Rpour le rouge — suit la loi uniforme U¹1, 6º2.
Exemple On choisit un entier Xau hasard entre 1 et 2n. Quelle est la loi de Xsachant Xn? Quelle est loi de (1)X?
En effet Clairement, Xsuit la loi uniforme U¹1, 2nº.
Loi conditionnelle de Xsachant Xn:P(Xn) =
n
X
k=1
P(X=k) =
n
X
k=1
1
2n=1
2, donc
pour tout k¹1, nº:P{Xn}(X=k) = P(X=k)
P(Xn)=
1
2n
1
2
=1
net pour tout k¹n+1, 2nº:
P{Xn}(X=k) = 0. La loi conditionnelle de Xsachant Xnest ainsi la loi uniforme U¹1, nº.
Loi de (1)X:La variable aléatoire (1)Xsuit la loi uniforme sur 1,1car :
P(1)X=1=
n
X
i=1
P(X=2i) =
n
X
i=1
1
2n=1
2et P(1)X=1=
n1
X
i=0
P(X=2i+1) =
n1
X
i=0
1
2n=1
2.
Définition-théorème (Loi de Bernoulli)
Soient Xune variable aléatoire et p[0, 1]. On dit que X suit la loi de Bernoulli de paramètre p, ce qu’on note
X,→ B(p), si : P(X=1) = pet P(X=0) = 1p.
L’espérance de Xvaut alors : E(X) = p.
Exemple fondamental : Pour tout événement A∈ P ()de probabilité p:A,→ B (p).
En particulier : E(A) = P(A).
Démonstration
Espérance : X() = 0,1, donc : E(X) = P(X=1)×1+P(X=0)×0=p.
Exemple fondamental : P(A=1) = P(A) = pet P(A=0) = PA=1p.
Exemple Pour tous A1,...,An∈ P ():Pn
[
i=1
Ai=
n
X
k=1
(1)k+1X
1i1<...<ikn
PAi1...Aik(formule du crible).
En effet Cette formule hors programme a été énoncée sans preuve au chapitre « Probabilités sur un espace
probabilisé fini ». On commence par un calcul d’indicatrices :
A1...An=1A1...An=1A1...An=1
n
Y
i=1
Ai=1
n
Y
i=11Ai=
n
X
k=1
(1)k+1X
1i1<...<ikn
Ai1...Aik,
puis par linéarité de l’espérance : Pn
[
i=1
Ai=EA1...An=
n
X
k=1
(1)k+1X
1i1<...<ikn
EAi1...Aik
=
n
X
k=1
(1)k+1X
1i1<...<ikn
PAi1...Aik.
Intéressons-nous à présent à la répétition nfois indépendamment d’une expérience aléatoire à deux issues, disons « favo-
rable » et « défavorable », de probabilité ppour l’issue favorable. Quelle est loi du nombre Xd’issues favorables ? La variable
aléatoire Xa pour image ¹0, nºet pour tout k¹0, nº, l’événement X=kest réalisé si et seulement si on a obtenu k
issues favorables et nkissues défavorables. Or il y a n
kmanières de distribuer ces kissues favorables et chacune de ces
possibilités a la même probabilité pk(1p)nkd’arriver, donc : P(X=k) = n
kpk(1p)nk.
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