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En moyenne, 20 % des patients souffrant de schizophré-
nie ne répondent pas au traitement après un premier épi-
sode [4, 12, 16].
Patients ambivalents par rapport aux soins
ou dans le déni
Les patients peu observants sont nombreux : le défaut
d’observance est estimé, suivant les études, entre 40 et
60 % des patients. On quantifi e en général l’observance par
l’écart par rapport au traitement : une bonne observance
correspond à des écarts, par rapport à la prescription, infé-
rieurs à 25 %, une observance partielle par des écarts, par
rapport à la prescription, de l’ordre de 40 à 50 %, et la non-
observance par des écarts, par rapport à la prescription,
supérieurs à 80 %. On retrouve souvent un profi l de patients
particulier : il s’agit d’hommes jeunes, isolés sur le plan
social et familial, présentant des antécédents familiaux de
pathologie psychiatrique, avec un vécu traumatique des
premières hospitalisations psychiatriques, un retentisse-
ment cognitif de la maladie et un faible insight, et souvent
des comorbidités somatiques ou addictives [15, 24].
Prises en charge thérapeutiques
Les traitements médicamenteux
Le choix du traitement
Le choix du traitement dépend des objectifs qu’on pour-
suit ; or ces objectifs du traitement ont évolué : depuis les
années 1950, il s’agissait essentiellement d’obtenir un
contrôle des symptômes ; puis, dans les années 1980, une
amélioration de la qualité de vie ; puis, à partir des années
2000, une amélioration durable du fonctionnement, avec le
concept d’effi cience du traitement, regroupant l’adhésion,
la maîtrise des symptômes et des effets secondaires, et la
diminution de l’impact de la maladie sur la qualité de vie,
ce qui a conduit au concept de « recovery » ou rétablisse-
ment [21, 22].
De nombreuses recommandations ont été proposées
quant au choix du traitement (ANDEM, 1994 ; PORT, 1998 et
2004 ; APA, 1999 et 2004 ; NICE 2002 et 2008 ; TMAP 2003)
[7]. Mais ces recommandations sont parfois diffi ciles à
appliquer en pratique : par exemple dans une enquête
récente en France sur les secteurs de psychiatrie, Delessert
et al. [7] retrouvent un respect partiel dans 10 % des cas,
et une absence de respect dans 25 % des cas.
De plus, les recommandations sont parfois contradictoi-
res pour une même pathologie, selon le type d’antipsycho-
tique recommandé en première intention, selon la défi nition
de la phase de maintenance, ou du fait de la mauvaise défi -
nition de certains domaines (troubles de personnalité, prise
en charge de la résistance à la clozapine, prise en charge
des effets secondaires des antipsychotiques atypiques).
Enfi n, la prise en compte de l’opinion des utilisateurs est
lacunaire. De ce fait, le choix du traitement antipsychoti-
que se fait le plus souvent selon les habitudes de prescrip-
tion, avec le choix en première intention d’un
antipsychotique atypique (mais il s’agit d’une classe hété-
rogène) ; toutefois, une récente méta-analyse de Leucht
et al. [14] conclut à une absence de réelle supériorité des
atypiques sur les neuroleptiques classiques, le choix du
traitement devant surtout reposer sur les effets secondai-
res et les symptômes cibles. La clozapine a une place
importante dans les schizophrénies résistantes, ou même
en début de maladie pour certains auteurs chez les jeunes
patients schizophrènes dont la symptomatologie ne s’est
pas améliorée avec les antipsychotiques atypiques dans les
premiers mois de traitement [1].
Le choix du traitement dépend de l’histoire thérapeuti-
que du patient, de sa tolérance, de l’observance et de la
qualité de vie. Il faut par la suite maintenir le traitement
ayant entraîné la rémission, avec un ajustement de la poso-
logie à une dose suffi sante, pendant au moins quatre semai-
nes, et des dosages plasmatiques éventuels, avant de
conclure à l’intérêt d’un changement de traitement.
Le changement se fait pour un antipsychotique de
famille différente en cas de mauvais contrôle des symptô-
mes ou d’effets secondaires [1, 14].
Les co-prescriptions
Au-delà des recommandations, les méthodes d’optimisa-
tion du traitement s’effectuent souvent par des coprescrip-
tions. En ce qui concerne les coprescriptions avec un autre
anti-psychotique, aucune étude contrôlée n’en prouve l’in-
térêt. Pourtant, ces coprescriptions paraissent utiles chez
les patients diffi ciles : en cas de symptômes résiduels inva-
lidants, on associe deux antipsychotiques atypiques ou un
atypique et un conventionnel ; en cas de résistance à la
clozapine, on associe un antipsychotique atypique à un
neuroleptique conventionnel ou à un autre atypique, bien
que cette association n’ait pas fait la preuve de sa supério-
rité à long terme [8] ; en cas d’effets secondaires invali-
dants, on peut par exemple citer l’association
clozapine-aripiprazole, qui permet de limiter la prise de
poids et la sédation. La coprescription est également fré-
quente en cas de comorbidités addictives.
Ces coprescriptions étant souvent mises en œuvre dans
des moments aigus, de crise, il faut souligner l’importance
de leur réévaluation régulière [13]. D’autres coprescrip-
tions sont classiques, avec les autres classes de psychotro-
pes (tableau 1).
La surveillance du traitement
La surveillance du traitement comprend des facteurs clini-
ques (antécédents personnels et familiaux, poids, pression
artérielle, périmètre abdominal, effets secondaires), des
facteurs paracliniques (ECG avant initiation et surtout à
chaque modifi cation de traitement ; bilan biologique avec
glycémie et bilan lipidique à un mois, trois mois et un an,
ionogramme sanguin, dosages plasmatiques des médica-
ments, recherche de toxiques).
Le problème de l’observance met en jeu des facteurs
explicatifs multiples, avec une implication respective du
praticien et du patient. L’information du patient, les grou-
pes de psycho-éducation sont un moyen important d’amé-
liorer l’observance. C’est également le cas des formes
galéniques d’action prolongée ; par rapport à la forme