Les outils de mesure de l’effi cacité dans les schizophrénies O. Guillin

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L’Encéphale (2008) Supplément 6, S188–S189
j o u r n a l h o m e p a g e : w w w. e m - c o n s u l t e . c o m / p r o d u i t / e n c e p
Les outils de mesure de l’efficacité
des antipsychotiques au long cours
dans les schizophrénies
O. Guillin
Hôpital du Rouvray, 4 rue Paul Eluard, BP 45, 76301 Sotteville les Rouen cedex
Introduction
L’efficience, notion composite, vise à évaluer le résultat
global d’une prise en charge sur le devenir d’un patient.
L’évaluation de l’efficacité (réduction symptomatique
mesurée à l’aide d’échelles) des traitements antipsychotiques au long cours doit prendre en compte la forme
évolutive de la pathologie schizophrénique. La mesure
des variations symptomatiques est aisée lors d’une
exacerbation ; en revanche, elle est plus délicate lorsque
l’on doit prendre en compte le cours évolutif naturel de la
maladie. La maladie évolue sur une forme plus progressive.
La mesure de l’amélioration de la symptomatologie
nécessite plusieurs temps :
• évaluation avant la mise en place du traitement, de préférence après une période de « wash-out »,
• évaluation sous traitement par le calcul de la différence
entre effet observé et effet maximal observable ;
• détermination du pourcentage de patients améliorés et
aggravés grâce à des échelles standardisées telles que la
PANSS et la BPRS. Ce pourcentage dépend fortement de la
sévérité symptomatique initiale [2].
Les problèmes les plus fréquemment rencontrés dans
les études au long cours sont les suivants :
• la population étudiée n’est pas représentative de la population des malades : il est donc important d’élargir les
* Auteur correspondant.
E-mail : [email protected]
L’auteur n’a pas signalé de conflits d’intérêts.
© L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés.
critères d’inclusion voire de corroborer les résultats à des
études naturalistiques ;
• il n’existe pas de définition universelle de l’exacerbation,
de la rémission, de la rechute et de la réponse : comparer
les différentes études devient alors difficile ;
• la définition de la réponse varie selon les études : actuellement, on se base sur une réduction du score PANSS ou
BPRS de 50 % dans le cadre d’une exacerbation.
Par contre, il n’existe pas de consensus concernant la
mesure de l’efficacité des antipsychotiques en fonction des
sous types diagnostiques ou dimensions. Pourtant des recommandations commencent à émerger dans ce domaine :
• l’échantillon doit être donc sélectionné sur des symptômes cibles comme les symptômes déficitaires ;
• les effectifs sont souvent petits : la réalisation d’études
multicentriques permet de résoudre ce problème ;
• les sorties d’essai sont généralement nombreuses : il est
primordial de développer des stratégies de suivi des sujets
inclus ;
• la cotation aux échelles est de qualité médiocre : faire
appel à des cotateurs indépendants par le biais de la télémédecine pourrait s’avérer utile ;
• les essais en double aveugle sont parfois difficiles à réaliser en raison des effets latéraux des traitements utilisés :
il peut être recommandé d’associer des traitements antiparkinsoniens lorsqu’on utilise comme traitement de
Les outils de mesure de l’efficacité des antipsychotiques au long cours dans les schizophrénies
référence un neuroleptique classique. De plus, il est pertinent d’évaluer l’aveugle en fin d’essai ;
• la mesure de l’effet et l’interprétation des échelles sont
complexes : les scores aux échelles peuvent ne pas avoir
de signification clinique claire. L’homogénéisation des
échelles utilisées (CGI) ou la création de nouvelles échelles semblent nécessaires.
• Si les antipsychotiques sont efficaces sur les symptômes
négatifs secondaires (liés à la dépression, au traitement),
ils le sont moins sur les symptômes négatifs primaires. Il
est donc important de les différencier. Les symptômes
primaires sont persistants et prédominants, stables sur
6 mois, non liés à un épisode thymique. Ils correspondent
généralement à la pauvreté du langage et des affects. Ils
sont mesurables par la PANSS ou la SANS [2].
Une étude naturalistique menée par l’équipe de
Tiihonen a permis de classer les thérapeutiques selon leur
efficacité : la moins efficace est ici l’absence de thérapeutique et la plus efficace la perphenazine dépôt [6], la
réponse étant mesurée par le risque de réhospitalisation.
Dans ce type d’étude, aucun contrôle concernant la sévérité de la maladie n’est réalisé. En outre, aucun renseignement sur les critères de choix du traitement n’est donné.
Néanmoins ce type d’essai informe sur la pratique médicale
quotidienne, et met en évidence des différences d’efficacité entre les molécules.
Comment mesurer la réponse
thérapeutique ?
La mesure de la rémission semble être un bon moyen
de mesurer la réponse thérapeutique. Consensuellement,
la rémission se définit par la présence de moins de
8 symptômes (positifs ou négatifs), d’intensité moyenne ou
faible pendant 6 mois, n’appartenant pas à des variations de
score. Cependant, il est difficile de transposer les résultats
des études long terme à la pratique quotidienne puisque
les mesures quantitatives y sont peu utilisées. Pourtant, il
existe une correspondance linéaire entre les scores PANSS
et CGI tant pour la définition de la sévérité de la pathologie
que pour le niveau d’amélioration [4].
Les directives européennes demandent à ce que la
preuve de l’efficacité soit fournie par des études à court
terme et que les résultats obtenus soient discutés en
termes de signification statistique et clinique. Elle rappelle
qu’il n’existe aucun consensus sur les critères de réponse ni
sur la pertinence clinique des études. Enfin, ces directives
insistent sur la nécessité d’études sur le long terme pour
évaluer l’efficacité d’un traitement.
Pour que ces études soient de qualité, plusieurs critères
doivent être remplis. Le critère de jugement principal
pourrait être le temps avant la rechute montrant ainsi
que l’effet thérapeutique se maintient. Le traitement
de comparaison doit avoir démontré son efficacité dans
le maintien de la réponse. La réalisation d’études contre
placebo sur 6 mois est une option envisageable. La durée
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de traitement doit être d’un an au moins. Dans les études
de prévention de la rechute, les sujets répondeurs sont
randomisés après une période supérieure à 6 semaines.
Dans l’étude CATIE, le critère principal d’efficacité
choisi était l’arrêt du traitement. Cela se justifie car l’arrêt
du traitement est la conséquence de nombreuses causes :
faible efficacité, mauvaise tolérance, choix du patient ou
du clinicien en faveur d’une autre alternative. Dans CATIE
75 % des patients avaient arrêté leur traitement au bout de
18 mois [5].
Dans cette étude, les critères de jugement secondaires
étaient nombreux : variations symptomatiques, sécurité,
coût, conséquences cognitives, observance, présence de
comorbidités, qualité de vie, abus de substances, troubles
du comportement.
Concernant l’amélioration symptomatique, l’olanzapine
est le traitement qui se montre le meilleur. La perphenazine
est le traitement responsable de la plus grande amélioration
sur la cognition mais la taille de l’effet est faible [3].
L’étude EUFEST présente le même design que CATIE et
compare plusieurs molécules antipsychotiques : halopéridol,
amisulpride, olanzapine, quétiapine et ziprazidone. Si on
se base sur le taux d’arrêts thérapeutiques, l’halopéridol
est le traitement le moins efficace alors que l’olanzapine
et la quétiapine sont supérieures. Si on se base sur le score
CGI, l’amisulpride est le plus efficace [1].
Est-il possible de choisir comme critère de jugement la
réduction du taux de mortalité par les antipsychotiques ?
Selon une étude finlandaise incluant 2 230 patients entre 1999
et 2001, les sujets non traités ont un risque 12 fois supérieur
de mourir par rapport aux sujets traités par antipsychotiques
(RR = 12,3 ; IC à 95 % = 6 à 24,1). Le risque attribuable est
estimé à 83 % (IC à 95 % = 68 – 91 %) [2].
L’évaluation de l’efficacité thérapeutique reste un
exercice difficile. Quel critère de jugement est le plus
pertinent : est-ce le délai d’arrêt du traitement, la
rémission, la mortalité ? Comment suivre l’évolution du
patient de manière consensuelle et simple ?
Références
[1] Kahn. 2008, étude EUFEST.
[2] Kane JM, Leucht S. Issues in psychopharmacology Schizophr
Bull. 2008 Mar ; 34 (2) : 258. Epub 2008 Jan 22.
[3] Keefe RS. Cognitive deficits in patients with schizophrenia :
effects and treatment. J Clin Psychiatry. 2007 ; 68 Suppl
14 : 8-13.
[4] Leucht S, Barnes TR, Kissling W et al. Relapse prevention in
schizophrenia with new-generation antipsychotics : a systematic review and exploratory meta-analysis of randomized,
controlled trials. Am J psychiatry. 2003 Jul ; 160 (7) : 120922.
[5] Stroup TS, McEvoy JP, Swartz MS et al. The National Institute
of Mental Health Clinical Antipsychotic Trials of Intervention
Effectiveness (CATIE) project : schizophrenia trial design and
protocol development. schizophr Bull. 2003 ; 29 (1) : 15-31.
[6] Tiihonen J, Walhbeck K, Lönnqvist J et al. Effectiveness of
antipsychotic treatments in a nationwide cohort of patients in
community care after first hospitalisation due to schizophrenia and schizoaffective disorder : observational follow-up
study. BMJ. 2006 Jul 29 ; 333 (7561) : 224. Epub 2006 Jul 6.
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