MICROCALCIFICATIONS TESTICULAIRES : SIGNIFICATION

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J Maroc Urol 2010 ; 17 : 13-15
MISE
AU POINT
MICROCALCIFICATIONS TESTICULAIRES :
SIGNIFICATION CLINIQUE ET RISQUE
D’ASSOCIATION AVEC LE CANCER
A. KHALLOUK, Y. AHALLAL, M.F. TAZI, M.J. EL FASSI, M.H. FARIH
Service d’Urologie, CHU Hassan II, Fès, Maroc
RESUME
ABSTRACT
Les microcalcifications testiculaires représentent une entité
pathologique rare. Le diagnostic est réalisé à l’aide de
l’échographie qui découvre de multiples images échogènes
sans cône d’ombre postérieur souvent réparties de façon
diffuse et bilatérale. Nous avons réalisé une mise au point
sur cette pathologie concernant sa prévalence, son
histopathogénie et son éventuelle association avec une
tumeur germinale testiculaire.
A la lumière des différentes publications consultées, nous
proposons une conduite à tenir concernant la prise en charge
et le suivi des patients porteurs des microcalcifications
testiculaires.
TESTICULAR MICROCALCIFICATIONS : CLINICAL
SIGNIFICANCE AND CANCER ASSOCIATION RISK
Mots clés : testicule ; microcalcifications ; tumeurs germinales
Key words : testis ; microcalcifications ; germ cell tumours
Testicular microcalcifications represent a rare disease entity.
The diagnosis is made on ultrasonography and it is seen as
uniform and nonshadawing echoic focis in the testis. We
review this condition concerning its prevalence,
histopathology and its possible association with testicular
germ cell tumours.
On the light of different publications, we propose a
management and follow-up of patients with testicular
microcalcifications.
Correspondance : Dr. A. KHALLOUK. Faculté de Médecine
et de Pharmacie de Fès. BP 1893, Km 2.200 Route de Sidi
Harazem. Fès, Maroc. E-mail : [email protected]
INTRODUCTION
échographique des calcifications testiculaires a été
décrit pour la première fois par Doherty [2]. Elles sont
définies par la présence intraparenchymateuse de
multiples images hyperéchogènes punctiformes de 1
à 3 mm de diamètre sans cône d’ombre postérieur
(fig. 1). Classiquement, le diagnostic de calcifications
testiculaires est posé lorsqu’on dénombre plus de cinq
foyers [3]. Cependant, une classification échographique
a été élaborée et distingue trois grades : grade 1 (1 à
10 microlithiases), grade 2 (10 à 20 microlithiases),
grade 3 (plus de 20).
Les microcalcifications testiculaires correspondent à
la présence de concrétions calciques dans la lumière
des tubes séminifères et/ou dans l’interstitium. Elles
sont définies échographiquement par la présence de
multiples images hyperéchogènes punctiformes de 1
à 3 mm de diamètre sans cône d’ombre postérieur.
Elles ont presque toujours une répartition homogène
et bilatérale. Les microcalcifications testiculaires sont
associées à certains états pathologiques : cryptorchidie,
infertilité et syndrome de Klinefelter… Cependant, la
question la plus épineuse est celle du risque
d’association avec un cancer testiculaire à cellules
germinales ou un carcinome in situ qui évolue à son
tour dans 50% des cas vers un cancer invasif en cinq
ans.
DEFINITION
Les microcalcifications testiculaires résulteraient
initialement de déposition de concrétions calciques
dans la lumière des tubes séminifères dont l’origine
serait une dégénérescence des cellules spermatiques
ou épithéliales des tubes séminifères [1]. L’aspect
Fig. 1. Aspect échographique des calcifications testiculaires
-13-
Microcalcifications testiculaires : signification clinique et risque d’association avec le cancer
EPIDEMIOLOGIE
A. KHALLOUK et coll.
littérature, peu de patients avaient été suivis de façon
prospective et chez lesquels le développement d’une
tumeur testiculaire avait été constaté [17, 18, 19, 20].
Le délai d’apparition d’une tumeur testiculaire après
la découverte des calcifications variait dans la littérature
de 10 à 132 mois. Dans la série de Furness, sur 26
patients, aucune néoplasie n’avait été constatée avec
un suivi moyen de 27,6 mois [8]. Skyrme avait suivi
cinq patients pour une durée moyenne de 29 mois et
Bennett sept patients pendant 45 mois et aucun cancer
testiculaire n’avait été constaté durant ces périodes [5,
21]. De même, l’association des calcifications
testiculaires avec le carcinome in situ (CIS) ou néoplasie
germinale intratubulaire est rapportée dans la littérature
[22, 23]. Le CIS peut évoluer à son tour dans 50% des
cas et dans un délai de 5 ans vers une tumeur germinale
invasive.
L’utilisation fréquente de l’échographie scrotale a
conduit à la découverte de plus en plus fréquente des
calcifications testiculaires. Leur prévalence exacte est
inconnue et variable en fonction de la population
étudiée. Elle serait de 0,6 à 5,6% dans une population
asymptomatique [4, 5].
Les calcifications testiculaires peuvent survenir à tout
âge. Des cas ont été même rapportés au cours de
l’enfance [6, 7]. Elles sont plus fréquentes chez la
population noire avec une prévalence de 14,1%, cette
prévalence n’est que de 5,6% chez les asiatiques et
4,2% chez les blancs [5]. Malgré leur aspect
classiquement diffus et bilatéral, les calcifications
testiculaires peuvent être asymétriques et unilatérales.
En effet, selon la littérature, l’incidence de l’atteinte
testiculaire unilatérale varie de 19 à 33% [5, 8].
Dans le cadre de cette association, certains auteurs
avaient proposé la réalisation de biopsies testiculaires
à la recherche d’une tumeur germinale testiculaire
et/ou d’un carcinome in situ. Des études ont montré
l’inefficacité et l’inutilité de ce geste invasif [18, 24].
L’échographie testiculaire a une sensibilité presque de
100% dans la détection des tumeurs testiculaires [25]
et une biopsie négative n’élimine pas un foyer de CIS
situé ailleurs [18]. Par conséquent, la biopsie testiculaire
ne parait pas justifiée systématiquement chez les patients
porteurs de microcalcifications testiculaires [8].
HISTOPATHOLOGIE
Sur le plan histologique, les calcifications testiculaires
correspondent à un dépôt intratubulaire d’un noyau
calcique entouré de multiples couches concentriques
constituées de débris cellulaires, de glycoprotéines et
du collagène à l’intérieur des tubes séminifères [9].
Certains auteurs pensent que les calcifications siègent
surtout en dehors des tubes séminifères dans
l’interstitium testiculaire [10]. Le processus serait initié
par une dégénérescence cellulaire intratubulaire, qui
serait due à une défaillance de la fonction phagocytaire
des cellules de Sertoli [10, 11]. Ce phénomène initial
est suivi d’une rupture de la membrane basale et le
déclenchement d’une réaction immunologique.
Nous croyons que les calcifications testiculaires
pourraient être l’une des manifestations d’une anomalie
testiculaire qui prédisposerait à des pathologies bénignes
ou malignes.
ASSOCIATION MICROCALCIFICATIONS ET
AUTRES PATHOLOGIES TESTICULAIRES
La découverte échographique des microcalcifications
testiculaires n’est pas toujours corrélée aux données
anatomopathologiques. En effet, dans la série de Backus
et al. sur 22 patients ayant des calcifications
échographiques, 10 seulement avaient une confirmation
histopathologique [12].
La découverte des microcalcifications testiculaires est
faite à l’occasion de la réalisation d’une échographie
testiculaire pour une symptomatologie variable. Leur
présence peut être associée à de nombreuses
pathologies : cryptorchidie, infertilité, syndrome de
Klinefelter, atrophie testiculaire, hypogonadisme,
pseudohermaphrodisme masculin, varicocèle, kyste
épididymaire. En effet, la fréquence des calcifications
testiculaires chez les patients soufrant d’une infertilité
ou d’une cryptorchidie varie de 7 à 39% [26, 27].
L’association microcalcifications testiculaires et infertilité
pourrait être due à une obstruction des tubes séminifères
par les concrétions calciques [27, 28].
ASSOCIATION MICROCALCIFICATIONS ET
CANCER TESTICULAIRES
La corrélation qui suscite beaucoup plus de discussion
est celle de l’association de tumeurs germinales
testiculaires et microcalcifications. Cette association
est très importante dans la littérature [13, 14, 15, 16].
Bach avait revu les échographies scrotales de 528
patients et avait trouvé une prévalence des calcifications
testiculaires de 9% (48 patients) et, parmi ces 48
patients, 13 (27%) avaient des tumeurs testiculaires
[13]. Marc Derogee avait étudié 1535 échographies
testiculaires et avait découvert une prévalence des
calcifications testiculaires de 4,1%. Parmi ces patients
porteurs de cette anomalie testiculaire, 46% avaient
un cancer testiculaire [14]. Néanmoins, dans la
CONDUITE A TENIR
Il n’existe pas de consensus sur la nécessité, l’intervalle,
la durée et les modalités de surveillance des patients
avec des calcifications testiculaires. Cependant, il
semble prudent de proposer à ces patients une
surveillance par un examen clinique et une échographie
-14-
J Maroc Urol 2010 ; 17 : 13-15
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testiculaire annuels [21]. Cependant, récemment,
certains auteurs conseillent aux patients une
autopalpation régulière et une consultation annuelle
pour examen clinique et la réalisation de l’échographie
n’est pas systématique [29]. Nous pensons que cette
surveillance doit être plus rapprochée et surtout
prolongée en cas de plusieurs facteurs de risque parmi
lesquels nous citons : l’infertilité (De Gouveia Brazao
et al, dans une série de 163 patients hypofertiles, 53
(soit 20%) avaient des microcalcifications testiculaires
et parmi ces 53 patients, 20% avaient un CIS [30]), la
cryptorchidie, la dysgénésie gonadique, le syndrome
de Klinefelter et la présence d’une tumeur germinale
extragonadique.
CONCLUSION
Quel que soit le degré de la discordance des données
de la littérature, les microcalcifications testiculaires
doivent être considérées comme un facteur potentiel
de prédisposition au cancer et une surveillance au
moins annuelle clinique et échographique doit être
proposée.
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