Introduction
La plupart des tumeurs germinales du testicule, à l’exception notable des
tumeurs vitellines et des tératomes de l’enfant ainsi que du séminome sper-
matocytaire du sujet âgé, dérivent d’un précurseur commun. Ce précurseur
initialement décrit sous le terme de carcinome in situ (CIS) est maintenant
désigné sous le terme de néoplasie germinale intratubulaire (IGCNU pour
Intratubular Germ Cell Neoplasia Unclassified Type) et plus récemment sous
celui de néoplasie intraépithéliale testiculaire (TIN pour Testicular
Intraepithelial Neoplasia) (1, 2). La connaissance de l’histoire naturelle de cette
entité apparaît comme le prérequis indispensable au dépistage et au traite-
ment précoce des tumeurs du testicule.
L’IGCNU : définition et anatomopathologie
Les lésions d’IGCNU correspondent à un état tumoral pré-invasif. Elles se
définissent comme une prolifération de cellules dysplasiques à l’intérieur des
tubes séminifères sans franchissement de la membrane basale (3). Ces cellules,
qui sont situées entre les cellules germinales, ont un aspect caractéristique. Il
s’agit de cellules nucléolées à gros noyau irrégulier et cytoplasme abondant
riche en glycogène (4). En règle générale, la prolifération cellulaire s’organise
en une seule couche. Dans certains cas, la lumière du tube séminifère peut
être comblée par des amas de cellules atypiques. L’aspect des cellules de Sertoli
et de Leydig reste normal. L’étude immunohistochimique montre que les cel-
lules dysplasiques expriment toujours la phosphatase alcaline placentaire
(PLAP) et c-kit (CD 117) (4). Les lésions d’IGCNU sont généralement retrou-
vées dans tout le testicule, mais leur répartition est parfois hétérogène sous
forme d’îlots cellulaires situés à proximité d’authentiques foyers de tumeurs
germinales (5, 6).
La néoplasie germinale intratubulaire
C. AVANCÈS
Histoire naturelle de L’IGCNU
Origine
Les connaissances sur l’origine des IGCNU sont parcellaires. Il est admis que
les cellules apparaissent précocement, probablement au cours de la période
anténatale (7, 8). L’IGCNU pourrait être favorisée par un excès d’imprégna-
tion œstrogénique in utero (9). Différents phénotypes cellulaires sont possibles
en fonction des variations d’expression génique au cours de la méiose (10).
Filiation entre IGCNU et tumeur germinale
Les données épidémiologiques
Dans une étude autopsique de Giwercman (11) ayant porté sur une popula-
tion de 399 hommes âgés de 18 à 50 ans et décédés de mort brutale, la fré-
quence de l’IGCNU était estimée à moins de 1 %. Cette fréquence est super-
posable à celle du cancer du testicule dans les pays scandinaves. En revanche,
la fréquence de l’IGCNU dans les groupes à risque de cancer du testicule était
plus élevée (tableau I). L’hypothèse d’une filiation entre les deux entités était
alors émise. La présomption d’origine était renforcée par l’étude de Von der
Maase qui montrait l’évolution de l’IGCNU vers une tumeur infiltrante dans
plus de 50 % des cas après 5 ans de suivi en l’absence de traitement (12).
86 Cancer du testicule
Groupe à risque % d’ IGCNU
Population générale < 1
Tumeur germinale controlatérale 5
Cryptorchidie 3
Infertilité 1,1
Tumeur germinale extragonadique 40
Ambiguité sexuelle (caryotype Y) 25-100
Tableau I – Fréquence de l’IGCNU dans différents groupes à risque.
Les données histologiques et génétiques
L’hypothèse d’une filiation entre IGCNU et tumeur germinale testiculaire est
soutenue par différentes études histologiques et génétiques.
Des lésions d’IGCNU ont été retrouvées au contact de tumeurs germinales
dans 60 à 90 % des cas (8, 13). Ces cellules partagent par ailleurs avec celles
des tumeurs germinales certaines caractéristiques histologiques comme la perte
de jonction intercellulaire, la présence d’inclusions cytoplasmiques (14) ou
l’expression de PLAP, de M2A, 43-9F, TRA-1-60 et de c-kit (15, 16, 17).
Des similitudes génétiques ont été identifiées par Meng (présence d’un iso-
chromosome 12p) (18).
Au total, les caractéristiques morphologiques, immuno-histo-chimique et géné-
tiques de l’IGCNU tendent à démontrer qu’il s’agit d’une lésion précurseur
des tumeurs germinales du testicule.
Étude des groupes à risque élevé d’IGCNU
Cancer du testicule controlatéral
Des lésions d’IGCNU sont observées dans 5 % des cas sur le testicule opposé
en l’absence d’anomalies cliniques (12). Cette proportion correspond à l’in-
cidence du cancer du testicule controlatéral à une tumeur germinale (19).
Une sous-population à risque de IGCNU a été récemment décrite par
Hardland à partir d’une série multicentrique de 199 patients opérés d’un
cancer testiculaire (20). Une corrélation a été retrouvée entre IGCNU, âge et
volume du testicule. Une IGCNU était présente dans 34 % des cas si l’âge
était inférieur à 30 ans et le volume testiculaire inférieur à 12 mL. Ce risque
n’était que de 7 % si la tumeur survenait après l’âge de 30 ans, et ce même
en cas d’atrophie testiculaire. Aucune IGCNU n’a été retrouvée lorsque le
volume testiculaire dépassait 16 mL, et ce quelque soit l’âge (tableau II).
La néoplasie germinale intrabulaire 87
Âge Volume testiculaire % IGCNU 95 % CI
< 30 ans < 12 ml 34 20,46
> 30 ans < 12 ml 7 2,16
< 30 ans > 12 ml 5 1,18
> 30 ans > 12 ml 3 0,15
Tableau II – Relation entre IGCNU, âge et volume testiculaire.
Ambiguïtés sexuelles
Les patients atteints d’un syndrome de résistance aux androgènes ou de dys-
génésie gonadique présentent des lésions d’IGCNU dans 25 à 100 % des cas.
Ce risque est corrélé à la présence d’un chromosome Y dans le caryotype (21).
Tumeurs germinales extragonadiques
Des lésions IGCNU testiculaires peuvent être retrouvées chez 40 % des sujets
atteints de tumeurs germinales extragonadiques, sauf pour les tumeurs médias-
tinales où l’association n’a jamais été démontrée (22).
Cryptorchidie et infertilité
Le risque d’IGCNU a été évalué à 3 % en cas d’antécédent de cryptorchidie (23),
ce qui correspond à une risque relatif de cancer du testicule de 3 à 5 par
rapport à une population de référence (24).
Le risque d’IGCNU chez les patients infertiles est plus difficile à estimer en
raison de l’hétérogénéité des populations étudiées. Seuls les patients qui pré-
sentent un déficit de la spermatogenèse peuvent être considérés comme des
sujets à risque (25). La fréquence des IGCNU pourrait être majorée en cas
d’atrophie testiculaire, mais aucune étude prospective n’a été publiée à ce jour.
Les sujets atteints d’IGCNU présentent des altérations de la spermatogenèse
et de la fonction endocrinienne d’origine leydigienne qui témoignent soit
d’une pathogenèse commune, soit d’un retentissement négatif des cellules dys-
plasiques sur la fonction endocrine testiculaire (26).
Le diagnostic d’IGCNU
Les méthodes non invasives
L’échographie
L’échographie représente la technique de détection de choix des tumeurs tes-
ticulaires qui apparaissent comme des plages hypo-échogènes (27). Des micro-
lithiases testiculaires peuvent y être associées (28). La découverte de micro-
calcifications testiculaires en amas en l’absence de tumeur avérée pourrait être
un indicateur d’IGCNU chez des sujets à risque, et ce d’autant plus que le
volume testiculaire est faible (29, 30, 31). Cependant, ce signe échographique
ne peut être considéré comme pathognomonique d’IGCNU. Il n’est donc ni
nécessaire ni suffisant pour en porter le diagnostic.
L’étude du fluide séminal
Comme les cellules germinales, les cellules d’IGCNU peuvent être éliminées
dans le liquide séminale. L’analyse cytologique du sperme pourrait donc consti-
tuer une intéressante méthode diagnostique non invasive. Cependant, et
malgré l’utilisation de plusieurs techniques visant à faciliter l’identification des
cellules pathologiques (cytométrie de flux, immuno-histochimie, FISH sur
l’isochromosome 12), l’analyse du sperme ne peut être considérée à ce jour
comme une méthode diagnostique fiable (18).
Les méthodes invasives
La sensibilité diagnostique de la biopsie percutanée (32) ou de la cyto-aspi-
ration à l’aiguille (33) reste inconnue. Par conséquent, ces méthodes ne
peuvent être recommandées.
88 Cancer du testicule
La technique diagnostique de référence reste la biopsie chirurgicale. L’abord
inguinal paraît logique mais aucune évolution péjorative consécutive à un
abord scrotal n’a été décrite à ce jour. La morbidité de la technique reste mar-
ginale (moins de 1 % d’infection, sans perte testiculaire) (34).
Pour Berthelsen et Skakkebaek, les lésions d’IGCNU ont parfois une répar-
tition hétérogène (35). De ce fait, la réalisation de deux prélèvements de pulpe
testiculaire en deux sites distincts est recommandée (5). Une biopsie de
3×3 mm permet une confirmation diagnostique dans plus de 90 % des
cas (36).
Le prélèvement doit être dédoublé pour permettre une analyse morpholo-
gique et immuno-histo-chimique et fixé directement sans apposition préalable
sur une compresse. La manipulation doit être prudente pour limiter le risque
de traumatisme tissulaire qui peut gêner l’interprétation. La fixation dans du
liquide de Bouin permet une excellente analyse cytologique mais peut gêner
la réalisation d’immunomarquages (5). On pourra lui préfèrer une fixation à
l’alcool acétique (AFA). Le respect de ces conditions de prélèvement permet
d’abaisser le taux de faux négatif à moins de 0,5 % (5, 36).
Prise en charge dE L’IGCNU
L’orchidectomie
L’orchidectomie est une intervention curatrice mais mutilante puisqu’elle
concerne le plus souvent le testicule restant après chirurgie controlatérale. Un
traitement substitutif androgénique est nécessaire. Les conséquences à long
terme d’une telle prise en charge sont inconnues (37).
La radiothérapie
Les cellules d’IGCNU sont radiosensibles et pour Von der Maase et
Giwercman, la radiothérapie constitue le standard thérapeutique (38). Le pro-
tocole de référence repose sur une irradiation de 20 Gy fractionnée en dix
séances (39). Le risque en est l’altération des fonctions exocrine et endocrine.
Pour Fordham, le taux d’infertilité radio-induite est marginal (40). En effet,
les patients atteints d’IGCNU qui développent une seconde tumeur après le
traitement d’un premier cancer ne retrouvent pas un sperme d’une fécondance
suffisante pour procréer durant l’intervalle. La fonction endocrine du testi-
cule est altérée par l’irradiation comme en témoigne l’élévation du taux de
LH et la chute de testostéronémie dans les suites du traitement (41).
L’importance des effets collatéraux a conduit à une diminution progressive
des doses administrées à 18, 16 puis 14 Gy (37). Bien que les effets endo-
crines soient amoindris à court terme, les conséquences à long terme restent
incertaines. Par ailleurs, l’efficacité d’une irradiation de 14 Gy est sujette à
La néoplasie germinale intrabulaire 89
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