3
Les juifs jouirent longtemps dans l´Afrique romaine d´un statut favorable qui leur
reconnaissait des droits égaux à ceux des païens et leur permettait de se conformer en
tous points aux prescriptions de leur religion. Il n´en fut plus de même lorsque le
christianisme fut érigé en religion d´État.
Ils firent alors l´objet de diverses mesures discriminatoires, furent exclus de toutes les
fonctions publiques, leur prosélytisme puni de lourdes peines et la construction de
nouvelles synagogues interdite.
Sous la domination vandale au Ve siècle, toutes ces mesures furent abrogées. Mais la
reconquête byzantine fut suivie d´une politique d´intolérance : les anciennes mesures
discriminatoires furent remises en vigueur, les synagogues transformées en églises, le
culte juif proscrit et les juifs contraints de se convertir au christianisme. Persécutés
dans les territoires sous hégémonie byzantine, ils quittèrent alors les grandes villes pour
aller s´établir dans les régions montagneuses et aux confins du désert, au milieu des
populations berbères, et firent parmi elles de nouvelles conversions au judaïsme.
Après la conquête arabe
La conquête arabe du VIIe siècle se heurta longtemps à la résistance farouche des
Berbères. À la lutte contre les envahisseurs prirent une part active des tribus berbères
judaïsées avec, à leur tête, la reine de l´Aurès, la Kahina, dont l´historien Ibn Khaldoun
affirme qu´elle était juive. Les conquérants arabes finirent par se rendre maîtres du
pays. Ils contraignirent par la force des armes les populations païennes locales à se
convertir à l´islam, mais reconnurent aux « Hommes du Livre », adeptes du monothéisme -
juifs et chrétiens - le droit de pratiquer leur religion à condition de verser une capitation,
la jezya, en retour de la protection ou dhimma, et d´un statut inférieur à celui des
musulmans.
Les juifs de l´ancienne province romaine d´Afrique - l´Ifriqiya - bénéficièrent de
conditions de vie clémentes sous les dynasties aghlabite, fatimide et ziride. Ils vivaient
dans la capitale, Kairouan - où des textes font mention d´une hara al-yehoud - mais aussi à
Sousse, Mahdia et Gabès. Les innombrables documents de la Genizah du Caire, qui ont
renouvelé nos connaissances du monde musulman au Moyen Age, témoignent du rôle que
jouaient les juifs dans l´économie de l´Ifriqiya et plus particulièrement dans ses
échanges par terre et par mer avec Éreç-Israël, l´Espagne et la Sicile, l´Égypte et
l´Inde. Les études talmudiques s´épanouirent sous l´impulsion de Houshiel b. El’hanan ; le
médecin et philosophe Yiç’hak b. Sulayman Israeli, né au Caire mais établi à Kairouan,
attacha son nom à des traités médicaux qui firent longtemps autorité et à des œuvres
philosophiques d´inspiration néo-platonicienne. Son disciple, Dounash b. Tamim,
grammairien et philosophe, composa un important commentaire du Séfer Hayeçira, l´un