Introduction aux finances publiques 2008-2009 Version du 6-08-2008 1
Chapitre 3
LES EXTERNALITÉS
3.1
3.2
3.3
3.4
Définition et incidences économiques
Le théorème de Coase
L intervention de lÉtat
Les effets redistributifs
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Pour le secteur public, les externalités peuvent être considérées comme des
prolongements des biens collectifs. Par définition, une externalité est « hors marché » ;
elle se produit dans un espace défini, national ou local, et touche des agents
économiques qui nen sont pas la cause : il y donc non-rivalité et non-exclusion. Avoir une
activité privée qui pollue lair, par exemple, revient en fait à émettre un produit joint (la
pollution qui sajoute au produit marchand voulu par lactivité privée) sans rivalité (tout le
monde subit les conséquences dun air vicié) et sans exclusion (sauf à prendre des
mesures coûteuses comme la mise en place de filtres personnels ou de lair conditionné).
Faut-il dans ces conditions que lÉtat intervienne ? Tel est le thème de ce chapitre, divi
en quatre sections. La première soccupe à définir le concept et à en cerner les incidences
économiques. La deuxième section présente le théorème de Coase. Cet auteur montre
que, sous certaines conditions, une solution peut être négociée entre partenaires
pollueurs et pollués sans intervention étatique. Mais une solution gociée souffre de la
limite du petit nombre. Si léconomie est en situation de grand nombre, elle ne sapplique
pas, des comportements stratégiques surviennent. La section 3, dans ce cas, justifie
lintervention de lEtat régulateur afin daboutir à un optimum social. Tandis que la
démarche des trois premières sections est entrevue sous langle de lallocation des
ressources  éviter le gaspillage que représentent des externalités, la quatrième et
dernière section envisage laspect redistributif des solutions préconisées.
Buts de ce chapitre:
1. Être à même d'identifier une externalité négative à partir des caractéristiques
économiques de non-rivalité et de non-exclusion et d'en apprécier les conséquences en
terme d'utilisation gratuite des ressources.
2. Comprendre comment résoudre les problèmes allocatifs que posent les externalités
négatives.
3. Discerner les conséquences des diverses formes possibles d'intervention de l'État
régulateur selon les points de vue allocatif et redistributif.
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3.1 Définition et incidences économiques
Selon la définition retenue au chapitre 1 une externalité technique existe lorsque la
fonction de production ou de consommation d'un agent économique (A) entre en tout ou
en partie dans la fonction d'un autre agent (B) qui ne participe pas à la décision. On a
alors (Pillet, 2006 : 11):
U
a = Ua(x1, x2, ..., xn)
U
b = Ub(y1, y2, ...,yn, xj) où xj = externalité de a vers b
Selon Weber (1997), « le terme dexternalité désigne des bénéfices ou des coûts qui, bien
quils sajoutent aux bénéfices et aux coûts propres à une activité donnée, ne sont pas
reflétés dans les prix du marché et touchent des agents économiques tiers, sans que ces
derniers soient légalement tenus de payer ou en droit de recevoir un dédommagement ».
Pour Meade (1952), les effets externes sont les variations dutilité dun agent engendrées
par les actions dun autre agent sans donner lieu à des mouvements de compensation sur
le marché. Le même auteur (1973) précise quune externalité signe toute influence
directe des actions dun agent économique (consommateur ou producteur) sur les
fonctions objectives des autres agents (fonction dutilité du consommateur, fonction de
production du producteur). Une externalité est linfluence sur la satisfaction dun agent
économique dune ou plusieurs variables non choisies par cet agent, sans que cette
influence donne lieu à échange ou à compensation monétaire.
Les externalités peuvent provenir tout autant dactivités de consommation que de
production. En ce qui concerne la production, les exemples les plus connus dexternalités
négatives sont les nuisances causées par certaines activités industrielles. On pense ici aux
atteintes à lenvironnement (pollution de leau ou de lair, détérioration du paysage, etc.)
que peut engendrer une usine (électrique ou autre). Le bénéfice induit par léducation
scolaire ou les programmes de santé (vaccination obligatoire) sont des exemples
fréquemment utilisés en ce qui concerne les externalités positives.
Quant aux externalités négatives liées à la consommation, on peut avant tout citer les
nuisances provoquées par les comportements individuels (tabagisme, alcoolisme, trafic
automobile). Inversement lacte volontaire et individuel de se faire vacciner contre la
grippe renforce le bien être de la société dans sa globalité puisque le risque dépidémie
diminue à chaque fois quune personne fait ce choix. Ce comportement a pour
conséquence un effet externe positif.
En présence dexternalités (positives ou négatives) léquilibre concurrentiel nest plus un
optimum de Pareto, mais un optimum social. Pour définir, selon Weber (1997), les
conditions économiques à satisfaire pour que lallocation des ressources soit optimale, les
économistes font le plus souvent appel aux enseignements de la nouvelle économie du
bien-être, qui propose le critère dallocation optimale de Pareto (1927).1
1 Le critère de Pareto part de lhypothèse que chaque individu est personnellement en mesure de
classer ordinalement les différents états du monde qui soffrent à lui. Il peut être énoncé de deux
façons :
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Prenons lexemple dune externalinégative. Loptimum social implique que le niveau de
pollution soit inférieur à ce quil est à loptimum privé. Loptimum social se calcule au
point où le coût externe marginal est égal au profit marginal privé de lentreprise
polluante. À ce point, qui maximise le bien-être social, la pollution nest pas nulle mais
optimale. Pour Meade (1973), il faut remarquer quil nest pas nécessaire en terme de
bien-être collectif de prohiber toute pollution. Un niveau modéré de quantité de pollution
ne provoque quun faible dommage à la société, alors que latteinte dun objectif visant à
éliminer totalement la pollution représenterait un sacrifice excessivement élevé.2
Pour Weber (1997 : 60), lexistence deffets externes a pour conséquence économique de
créer une divergence entre les coûts ou bénéfices comptables (internes) et ceux qui
concerne lensemble de la société. Il en résulte que les conditions doptimalité selon
Pareto ne peuvent plus être satisfaites ; « en effet, les décisions prises par les
producteurs et les consommateurs qui cherchent à maximiser respectivement leur profit
ou leur utilité, ne prennent en compte que les coûts et les bénéfices qui ont une réalité
financière pour eux et omettent par négligence ou parce quils ne peuvent pas faire
autrement de considérer les effets externes quentraînent leurs choix ». Cest pourquoi,
léquilibre atteint issu du comportement individuel des agents économiques diffère de la
situation optimale du point de vue social. Dans les deux cas, lallocation efficace des
ressources du point de vue social justifie une correction des choix opérés spontanément
sur les marchés.
En résumé, lexistence dune externalinégative suppose deux conditions :
1) Lactivité dun agent économique impose une perte de bien-être à un autre agent ;
2) Cette perte de bien-être nest pas compensée (absence de transaction).
Ainsi pourrait-on définir une externalité comme un coût social non compensé, cest-à-dire
imposé à des tiers, en dehors de toute transaction volontaire.
À linstar des services collectifs, les externalités sont donc le fruit dune double
caractéristique de non rivalité et de non exclusion :
- Non rivalité : lactivité de production ou de consommation nengendre pas seulement
le bien ou le service désiré (ou la satisfaction escomptée), mais induit également un
bénéfice ou un coût additionnel.
1) Un état du monde doit être préféré à un autre si une personne au moins gagne au changement,
sans que personne ne souffre (critère relatif) ;
2) Lallocation des ressources est optimale (ou efficace), et par conséquent le bien-être de la
collectivité est à un maximum, sil nest plus possible, par une modification de lallocation,
daméliorer le bien-être dune personne au moins sans que personne ne souffre (critère absolu).
2 Ce point de vue économique est combattu par les mouvements écologistes qui, eux, se réfèrent à
la notion de dommage réversible ou irréversible. Or, léquilibre social « économique » pourrait
encore être trop élevé en terme dexternalité « irréversible ».
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- Non exclusion : lauteur et la victime ou le bénéficiaire de lexternalité, nont rien à
payer ni ne reçoivent une compensation, comme le montre lencadré ci-dessous.
Tableau 3-1 Externalités et non-exclusion
Bénéfice externe Coût externe
Auteur Nest pas compensé Na pas à payer
Victime ou
bénéficiaire
Na pas à payer Nest pas compensé
En labsence de droits de propriété bien définis, lauteur dune externalité na pas la
possibilité dexclure les tierces personnes qui bénéficient de son activité (cas des
économies externes), et réciproquement, il na pas à supporter les coûts externes quil
impose aux agents économiques tiers. Quant aux personnes concernées par lexternalité,
en cas déconomies externes, elles nont pas à payer de prix en contrepartie des bénéfices
dont elles jouissent alors que si elles sont au contraire affectées par lactivité de lauteur
de lexternalité, elles nont pas le pouvoir de se faire dédommager.
On peut interpréter le phénomène de lexternalité environnementale en termes
dutilisation gratuite de ressources, comme dans le graphique 3-2 en situation de petit
nombre. Ainsi, la situation initiale implique deux individus. Le producteur A, propriétaire
dune usine, utilise gratuitement les services de la rivière qui lui fournit une matière
première (eau « propre » de rinçage) et un service dévacuation des déchets. Dans
lexemple, la ressource eau est « consommée » parce que polluée et rendue impropre à
dautres usages. Les revenus de lindividu B proviennent de son activité de pêcheur sur
cette même rivière. Lactivité de B est directement affectée par le comportement de A,
car la qualité (ou la quantité) de poisson dépend principalement de la qualité de leau. Il
faut ici préciser que cet effet nest pas le résultat du marché (prix), mais uniquement
imputable à lactivité de production de A. Dans cet exemple, leau « propre » (non
polluée) de la rivière est un facteur de production, parmi dautres (travail, capital,
infrastructures, terrains), dans le processus de production de lusine de A. La situation
initiale est ainsi brossée à grand trait : on a une solution « privée », immédiate, A
produit et utilise un bien libre, quil pollue. B subit le dommage. Mais quelle serait la
solution « optimale » ?
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