La publication en 2002 de la traduction française de l'ouvrage "No Logo"[1] a sensiblement
élargi l'audience des critiques adressées par certains cercles intellectuels au marketing,
considéré comme un facteur majeur de déstabilisation des systèmes économiques et
sociaux. Cette critique a trouvé un terrain de développement favorable lorsque d'autres
critiques des effets pervers du système d'offre des produits ont été dénoncés, notamment
lorsque le grand public a pris conscience de l'ampleur de troubles tels que l'obésité chez les
enfants.
Or les limites de l'efficacité du marketing peuvent être perçues chaque jour, lorsque des
entreprises perdent leur indépendance, ou même disparaissent purement et simplement,
faute d'avoir su adapter leur offre aux transformations, souvent brutales, de leur marché.
Traditionnellement défini comme "l'ensemble des processus mis en œuvre par une
organisation (…) pour comprendre, influencer (…) et contrôler les conditions de l'échange
entre elle-même et d'autres entités ou individus" [2,p.11], le marketing se voit ainsi perçu
alternativement comme une source puissante de pouvoir de l'entreprise sur le marché, ou
comme un ensemble de techniques dont l'efficacité incertaine n'est plus en mesure de
garantir la pérennité de la relation de la firme avec son marché.
Quel bilan peut-on tenter de dresser de l'influence exercée par le marketing sur les choix
alimentaires ?
Le marketing : une fonction issue de la filière agro-alimentaire
C'est entre 1900 et 1920 qu'apparaissent dans les programmes de plusieurs universités
américaines les premiers enseignements de marketing. L'Université du Wisconsin introduit
même un cours de "Methods of Marketing Farm Products" [3], qui atteste de la forte
influence de la filière agro-alimentaire sur l'émergence du marketing. Les acteurs de la filière
agro-alimentaire perçoivent en effet dès cette époque l'importance des bouleversements qui
apparaissent dans leur environnement, et la nécessité de formaliser une stratégie en
réponse : ampleur des fluctuations des cours, donc des prix, et de la demande résultante
des consommateurs ; extension géographique des marchés à travers la modernisation des
infrastructures de transport ; concentration de la demande dans des centres urbains de plus
en plus peuplés, desservis par de nouveaux circuits de vente au détail…
L'émergence du marketing traduit la recherche par les entreprises de méthodes leur
permettant de s'adapter aux ruptures qui apparaissent dans leur environnement. Cette
observation est cruciale : la vocation du marketing n'est pas de renforcer l'influence que