Université Claude Bernard LYON 1 Master MA Mathématiques générales Algèbre et calcul formel Corps nis 1 Corps nis Lemme 1 Soit K un corps ni ; tout sous-anneau A de K est un corps. Notons que A est intègre ; pour tout x ∈ A \ {0}, l'application : mx : A −→ A y −→ xy est injective donc bijective puisque A est ni. En particulier x et inversible. Considérons un corps ni K ; l'image de l'homomorphisme caractéristique cK : Z −→ K k −→ k 1K est le plus petit sous-anneau de K (le sous-corps premier de K ) qui est donc isomorphe au corps Fp = Z/pZ ; l'entier premier p est la caractéristique de K . Le sous-corps premier de K est encore l'ensemble K F des points xes de l'automorphisme de Frobenius (petit théorème de Fermat ) 1 : K/Fp FK/Fp : K −→ K x −→ xp De plus K est canoniquement muni d'une structure de Fp -espace vectoriel de dimension nie n. On a donc : K (Z/Zp)n et en particulier Card(K) = pn La dimension n est le degré n = [K : Fp ] de la Fp -extension K . Soit K un corps ni ayant q éléments ; pour tout entier n ≥ 1, on désigne par IrrK (n) l'ensemble des polynômes unitaires , irréductibles de degré n dans K[X] et on pose : IK (n) = Card(IrrK (n)) Lemme 2 Pour tout entier n ≥ 1, on a : qn = d IK (d) d|n 1. tout élément x du sous-corps premier vérie xp = x donc est racine du polynôme X p − X et comme ce dernier possède p racines on a l'égalité Pour tout entier n ≥ 0, le nombre de polynômes unitaires de K[X] de degré n est égal en qn ; on regroupe ces nombres en une série génératrice : ∞ qn T n = n=0 1 ∈ Z[[T ]] 1−qT Par ailleurs, tout polynôme unitaire F ∈ K[X] de degré n ≥ 1 s'écrit de manière unique F = P1k1 · · · Prkr avec Pi unitaire, irréductible de degré di ≤ n pour 1 ≤ i ≤ r, et l'on a r n= k i di . i=1 Pour n ≥ 1, on considère la suite 2 , ordonnée selon les degrés croissants, P1 , · · · , Pr(n) des polynômes unitaires, irréductibles de degré ≤ n ; le nombre de polynômes unitaires de degré n ≥ 0 r(n) est ainsi le nombre de r(n)-uples (k1 , · · · , kr(n) ) tels que 3 n = ki di . C'est donc le coecient i=1 de T n dans le développement en série formelle du produit : IK (d) n 1 1 1 ··· = 1 − T d1 1 − Td 1 − T dr(n) d=1 ou encore le coecient de T n dans le produit inni : ∞ d=1 1 1 − Td IK (d) de sorte que l'on a nalement : ∞ d=1 1 1 − Td IK (d) = 1 1−qT En prenant la dérivée logarithmique 4 des deux membres et en multipliant par T on obtient : ∞ d IK (d) d=1 Td qT = 1−qT 1 − Td Par identication des coecients, on obtient le résultat. Proposition 1 Pour tout entier n ≥ 1, l'ensemble On a qn = d|n IrrK (n) est non vide. d IK (d). On a alors, pour tout d : qd = rIK (r) ≥ dIK (d) r|d 2. on a r(n) = n d=1 IK (d). 3. di = deg(Pi ) pour 1 ≤ i ≤ r(n) 4. homomorphisme de groupes DL : Z[[T ]]× −→ Z[[T ]] tel que DL(1 − X n ) = −nX n−1 + · · · pour tout n ≥ 1 par conséquent : qn = dIK (d) = nIK (n) + d|n ≤ nIK (n) + dIK (d) d|n d=n q ≤ nIK (n) + d n−1 q d ≤ nIK (n) + d=0 d|n d=n d'où 5 nIK (n) ≥ q n − qn − 1 q−1 qn − 1 ≥1 q−1 et nalement IK (n) ≥ 1. Corollaire 1 Pour tout entier premier p et tout n ∈ N∗ , il existe un corps ni K ayant pn éléments 6 . Pour tout entier premier p et tout n ∈ N∗ , il existe un polynôme unitaire irréductible P ∈ Fp [X] de degré n ; alors K = Fp [X]/(P ) est un corps et un Fp espace vectoriel de dimension n donc K est ni et possède pn éléments. On a K = Fp [x] où x = X et px,Fp = P . . Lemme 3 Soit K un corps ni ayant q = pn éléments ; alors le groupe multiplicatif K est cyclique d'ordre q−1 : K Z/Z(q − 1) Le groupe abélien ni K est d'ordre q − 1 et d'exposant 7 e. L'ordre de chaque élément de K divise e et il existe un élément x ∈ K qui est d'ordre e. On a donc z e = 1 pour tout z ∈ K , donc z e+1 − z = 0 pour tout z ∈ K . Mais e divise q − 1, donc e ≤ q − 1. Si l'on avait e + 1 < q , le polynôme Z e+1 − Z ∈ Fp possèderait q racines dans K ce qui n'est pas possible. On a donc e = q − 1 et x est un générateur de K . 5. on a q ≥ 2 6. Plus généralement, pour tout corps ni K avec Card(K) = q , il existe une K -extension L avec Card(L) = q n . On peut étendre à ce cadre les résultats de ce chapitre. 7. l'exposant d'un groupe abélien ni est le plus grand de ses facteurs invariants. On peut aussi l'introduire de manière plus élémentaire de la manière suivante : Soient x, y des éléments d'ordre nis m = o(x) et n = o(y) d'un groupe G tels que xy = yx ; si m et n sont premiers entre eux, alors xy est d'ordre o(xy) = mn. On a évidemment (xy)mn = (xm )n (y n )m = 1 de sorte que o(xy) divise mn. Supposons que (xy)h = 1 de sorte que xh = y −h ∈< x > ∩ < y >. Puisque m et n sont premiers entre eux, on a < x > ∩ < y >= {1}, m et n divisent h ; alors mn divise h et xy est d'ordre mn. Soient x, y des éléments d'ordre nis m = o(x) et n = o(y) d'un groupe G tels que xy = yx ; alors il existe un élément z dans le sous-groupe < x, y > de G engendré par x et y dont l'ordre est o(z) = ppcm(m, n). ar+1 ar+s br+1 br+s On a m = pa1 1 · · · par r pr+1 · · · pr+s et n = pb11 · · · pbrr pr+1 · · · pr+s avec ai ≥ bi pour 1 ≤ i ≤ r et ar+j < br+j pour 1 ≤ j ≤ s. br+1 br+s Posons m = pa1 1 · · · par r et n = pr+1 · · · pr+s . Alors xm/m est d'ordre m et y n/n est d'ordre n de sorte que z = xm/m y n/n est d'ordre m n = ppcm(m, n). Soit G un groupe abélien ni et e le maximum des ordres des éléments de G. Alors e divise l'ordre de G et est égal au ppcm des ordres des éléments de G. Soit x ∈ G un élément d'ordre maximal o(x) = e ; pour tout y ∈ G d'ordre o(y), il existe un élément z ∈< x, y > tel que o(z) = ppcm(e, o(y)). Puisque e est maximal on a o(z) = e de sorte que o(y) divise e. Corollaire 2 (théorème de l'élément primitif) Soit K un corps ni ayant q = pn éléments ; il existe x ∈ K tel que K = Fp [x]. En particulier on a K Fp [X]/P avec P = px,Fp unitaire, irréductible de degré n il sut de prendre pour x un générateur 8 du groupe K . Corollaire 3 Soit K un corps ni ayant q = pn éléments ; l'automorphisme de Frobenius FK/Fp est d'ordre n. x On a pk n = FK/F p −1=0 donc id. Soit x un générateur de q − 1 = pn − 1|pk − 1 K si k FK/F = p et nalement 9 id on a k FK/F (x) = x p de sorte que n|k . Lemme 4 Tout polynôme irréductible P ∈ Fp [X] est sans facteurs multiples. (P, P ). Supposons que P ait un facteur multiple de sorte que deg(Δ) ≥ 1. Δ et P sont associées ; P divise alors P de sorte que P = 0. Dans rp + · · · + a X p + a avec a ∈ F [X], donc a = ap , pour 0 ≤ i ≤ n. On a ce cas on a P = ar X 1 0 i p i i r p ainsi P = (ar X + · · · + a1 X + a0 ) et P ne serait pas irréductible. Posons Mais P Δ= pgcd étant irréductible , Lemme 5 Soit K un corps ni ayant q = pn éléments ; tout polynôme irréductible P ∈ Fp [X] qui possède une racine x dans K possède toutes ses racines dans K (ie. la Fp -extension K est galoisienne). ∈ K/P (y) = 0} l'ensemble de ses racines P ∈ Fp [X] unitaire et irréductible, soit R = {y (X − y) ∈ K[X]. On a FK/Fp (R) = R K ; on a x ∈ R. On considère le polynôme Q = Pour dans y∈R FK/Fp (Q) = Q de sorte que, d'après le petit théorème de Fermat, Q ∈ Fp [X] Q = P puisque Q|P . Ainsi toutes les racines de P sont dans K . d'où et par suite 8. Attention ! un élément primitif de la Fp -extension K ie. tel que K = Fp [x] n'est pas nécessairement un générateur du groupe K 9. Soient m et n deux entiers naturels ; les conditions suivantes sont équivalentes : i. m divise n ii. pm − 1 divise pn − 1 m n iii. X p − X divise X p − X Ecrivons n = mq + r avec 0 ≤ r ≤ m − 1 ; on a pn − 1 = pmq+r − 1 = (pmq − 1)pr + (pr − 1) = (pm − 1)pr ((pm )q−1 + · · · + pm + 1) + (pr − 1) =h de sorte que m divise n si et seulement si p − 1 divise p − 1. De même on a m Xp n −1 −1 X (p = (X (p = = m = (X X p −1)h m m n Xp −1)h −1 p −1 r n −1 −1 − 1)X p − 1)((X − 1 = (X p p r m m −1 + Xp −1 h−1 ) −1 r −1 −1 + · · · + Xp − 1) Q + (X r m p −1 −1 + 1)X p − 1) r −1 + Xp r −1 −1 Lemme 6 Soit K un corps ni ayant q = pn éléments ; on considère un polynôme irréductible unitaire P ∈ Fp [X] de degré m possédant une racine x dans K ; on a m|n et l'ensemble des racines de P m−1 m dans K est Z(P ) = {x, xp , · · · , xp }. De plus P |X p − X . Fp [x] est une sous-extension de K canoniquement isomorphe à Fp [X]/P donc de degré m et multiplicativité des degrés on a m|n. Par ailleurs : par FFp [x]/Fp : Fp [x] −→ Fp [x] y −→ yp est d'ordre 10 m de sorte que les xi = xp ∈ Fp [x], 0 ≤ i ≤ m − 1 de P sont deux à deux distincts et racines de P . pm −1 = 1 pour De plus, si x = 0 (ie. P = X ), puisque le groupe Fp [x] est d'ordre pm − 1, on a xi m −1 p − 1. 0 ≤ i ≤ m − 1 et P |X i Lemme 7 Soit K un corps ni ayant pn éléments, pour L corps ni, il existe un morphisme ϕ : K −→ L n FL/F p si et seulement si L est de caractéristique p et n|[L : Fp ]. Dans ces conditions, ϕ(K) = L n est l'unique sous-corps de L ayant p éléments S'il existe un morphisme ϕ : K −→ L, ϕ est injectif donc K et L sont de même caractéristique p et ϕ(K) est un sous-corps de L isomorphe à K . Alors 11 K est isomorphe à un sous-groupe de L d'où pn − 1|pN − 1 où Card(L) = pN et n|N . Réciproquement supposons que n|N ; on a, par le théorème de l'élément primitif K = Fp [x]. Or N n L est l'ensemble des racines du polynôme X p − X ; comme P = px,Fp divise X p − X donc N divise X p − X , P possède une racine y ∈ L de sorte qu'il existe un unique homomorphisme ϕ : K −→ L tel que ϕ(x) = y . n Enn si K étant un sous-corps de L ayant pn éléments, K est l'ensemble des racines de X p − X n F donc est égal à L L/Fp . . Corollaire 4 Deux corps nis K et L sont isomorphes si et seulement s'ils ont même caractéristique et même degré (ie. si et seulement si Card(K) = Card(L)). Supposons que Card(K) = Card(L), il existe un morphisme ϕ : K −→ L qui est nécessairement injectif, et par cardinalité, qui est surjectif. . 2 Polynômes cyclotomiques Soit p premier ; on considère un entier n tel que p ne divise pas n et on désigne par m l'ordre de p dans le groupe (Z/nZ)× des éléments inversibles de l'anneau Z/nZ. On a m|ϕ(n) et le polynôme X n − 1 ∈ Fp [X] est sans facteur multiple. On désigne par K un corps ni ayant pm éléments. L'ensemble des racines de X n − 1 dans K forme l'unique sous-groupe 12 μn (K) d'ordre n de K ; ce groupe μn (K) est cyclique d'ordre n. On notera Πn (K) l'ensemble des générateurs de μn (K) ; on a : Card(Πn (K)) = ϕ(n) et FK/Fp (Πn (K)) = Πn (K) 10. comme FFnp [x]/Fp = id|Fp [x] on retrouve que m|n 11. on peut aussi utiliser la multiplicativité des degrés [L : Fp ] = [L : ϕ(K)] [ϕ(K) : Fp ] 12. puisque le groupe K est cyclique d'ordre pm − 1 et que n|pm − 1 Par ailleurs, soit : μn (C) = {ek 2π i n / 0 ≤ k ≤ n − 1} le groupe cyclique d'ordre n des racines nèmes de l'unité dans C ; l'ensemble de ses générateurs : Πn (C) = {ek 2π i n / 0 ≤ k ≤ n − 1, k premier avec n} permet de dénir le polynôme cyclotomique Φn = (X − z) ∈ Z[X] z∈Πn (C) On a Φn ∈ Z[X] unitaire, irréductible et de degré ϕ(n). On a alors la décomposition en facteurs irréductibles : Xn − 1 = Φd d|n Considérons Φn ∈ Fp [X] la réduction modulo p du polynôme cyclotomique Φn évidemment unitaire et de degré ϕ(n) ; ∈ Z[X] qui est Lemme 8 On a Φn = (X − x) ∈ K[X] x∈Πn (K) On a dans Fp [X] (p premier ne divisant pas n) : X n − 1 = Φd d|n Ainsi tout x ∈ Πn (K) est racine de l'un des polynômes Φd , mais comme Φd divise X d − 1 et que x est d'ordre n, il en résulte que x est racine de Φn . Ainsi, comme Φn est degré ϕ(n) et sans facteurs multiples, dans K[X], on obtient le résultat. Lemme 9 Pour tout x ∈ Πn (K), le polynôme minimal px,F ∈ Fp [X] de x ∈ Πn (K) est un facteur irréductible de degré m de Φn de sorte que 13 K = Fp [x] et l'ensemble : p Z(px,Fp ) = {x, xp , · · · , xp m−1 } de ses racines dans K est un cycle de la permutation FK/F de Πn (K). p Considérons la sous-Fp -extension Fp [x] ⊂ K et posons : m = deg(px,Fp ) = [Fp [x] : Fp ] On a x ∈ Fp [x] et comme x est d'ordre n on a n|pm − 1 de sorte que m|m . Mais on a Fp [x] ⊂ K donc pm − 1|pm − 1 d'où m |m, m = m et Fp [x] = K . Ainsi x est racine dans K du polynôme irréductible px,Fp qui est de degré m−1 m−1 p m Z(px,Fp ) = {x, xp , · · · , xp } avec (xp ) = xp = x. 13. K est ainsi l'analogue en caractéristique p du corps cyclotomique Q[e 2π i n ] m de sorte que Corollaire 5 Φn se décompose dans Fp [X] en un produit de m correspondant à la décomposition 14 en cycles à support disjoints de la permutation de Πn (K). de degré FK/Fp ϕ(n) polynômes unitaires irréductibles distincts m Pour tout x ∈ Πn (K), les racines de px,Fp sont les xp Πn (K) pour 0 ≤ i ≤ m − 1 de sorte que px,Fp est l'un des facteurs irréductibles de Φn dans Fp [X]. Réciproquement soit P ∈ Fp [X] un facteur irréductible (unitaire) de Φn ; il existe x ∈ Πn (K) tel que P (x) = 0 donc px,Fp |P et comme P est irréductible on a P = px,Fp . Enn px,Fp = px ,Fp si et seulement s'ils ont les mêmes racines ce qui revient à dire que x et x sont dans le même cycle de la permutation FK/Fp de Πn (K). i Corollaire 6 P ∈ Fp [X] unitaires, irréductibles tels que x = X soit d'ordre n dans K où K = Fp [X]/P = Fp [x] sont les facteurs irréductibles de Φn . En particulier deg(P ) = [Fp [x] : Fp ] est l'ordre m de p dans (Z/Zn)× . Les polynômes On a P = px,Fp et x d'ordre n de sorte P |Φn . Il en résulte que deg(P ) = m. Etant donné P ∈ Irrp (m) et K = Fp [X]/P Fp [X] = Fp [x] où x = X . Tout élément de a ∈ K m−1 ai xi avec ai ∈ Fp pour 0 ≤ i ≤ m − 1. (représentation s'écrit alors de manière unique a = i=0 additive des éléments de K ). m−1 m−1 m−1 m−1 Pour a = ai xi , b = bi xi on a a + b = (ai + bi )xi . Par contre on a ab = c i xi où R = m−1 i=0 m−1 i=0 Xi ci i=0 m−1 X i )( b i=0 i=0 est le reste de la division euclidienne par le polynôme minimal P du produit . Les polynômes P ∈ Irrp (m) pour lesquels la racine symbolique x est un générateur du groupe cyclique K sont appelés les polynômes primitifs. Ce sont ceux pour lesquels n = pm − 1 ie. les facteur irréductibles P de Φpm −1 . Dans ces conditions tout élément a ∈ K s'écrit de manière unique a = xk avec k ∈ Z/(pm − 1)Z (représentation multiplicative ). On obtient ainsi un isomorphisme de groupes : ( i=0 ai j=0 jX j) LDx : K −→ Z/(pm − 1)Z a = xk −→ appelé logarithme discret de base x. 14. qui est formée de ϕ(n) m-cycles m k = logx (a)