Maladie d’alzheimer Biblio encyclopaeia universalis ALZHEIMER (MALADIE D') Article écrit par Nathalie CARTIER-LACAVE Prise de vue C'est le psychiatre allemand Emil Kraepelin, en 1912, dans son Traité de psychiatrie, qui a donné le nom de maladie d'Alzheimer à cette démence dégénérative affectant le sujet « jeune ». Cet état pathologique a été décrit en effet pour la première fois en 1907 par son confrère et compatriote Aloïs Alzheimer chez une femme de cinquante et un ans, atteinte d'une détérioration intellectuelle progressive s'accompagnant à l'autopsie de lésions à type de « plaques séniles » et de « dégénérescences neurofibrillaires » dans le cortex cérébral. La perte des capacités intellectuelles est ici d'une intensité suffisante pour retentir sur la vie professionnelle et l'autonomie sociale, et elle s'accompagne d'anomalies des fonctions cognitives. Il s'agit non seulement de troubles de la mémoire (souvent le premier motif de consultation) mais aussi d'une désorientation temporospatiale, de troubles de la pensée abstraite, du jugement et du langage (aphasie), de l'impossibilité de réaliser certaines activités motrices complexes (apraxie), ou d'identifier des objets ou des visages (agnosie) sans qu'il y ait déficit sensoriel. Le caractère change : l'irritabilité, l'agitation voire l'agressivité peuvent se développer chez les patients qui sont conscients de la perte progressive de leurs capacités. D'autres sont au contraire apathiques. La dépression est fréquente, aggravant le déficit intellectuel. C'est une maladie dévastatrice car l'évolution aboutit à la perte totale d'autonomie chez le patient qui devient grabataire et ne reconnaît plus les siens Diagnostic Il n'existe pas de signes objectifs de la maladie. Les critères de diagnostic reposent sur l'installation progressive de troubles intellectuels du syndrome aphaso- apraxo-agnosique, troubles qui n'ont pas d'autre origine ni organique ni psychique. Les troubles peuvent être évalués par un test psychométrique le MMSE (Mini Mental State Evaluation) établi sur une échelle de 30 points. Un score inférieur à 24 fait soupçonner la démence. Les résultats des tests sont interprétés en fonction du niveau socio-économique des patients et de leur degré de confusion. À ce test sont associés des tests explorant la praxie (tests de l'horloge) et la mémoire (test de rappel). L'examen neuropsychologique psychométrique peut aider au diagnostic à un stade précoce détectant des anomalies qui échappent à l'examen clinique ou au test. Des examens complémentaires, en cours d'évaluation, vont étayer ce diagnostic. Le scanner permet d'éliminer les autres causes de démence (vasculaire ou tumorale) mais il n'y a pas de changement spécifique de la maladie. L'atrophie cortico-souscorticale est un élément d'orientation : la modification de taille de l'hippocampe cérébral serait un indice de diagnostic précoce. La tomographie avec émission de positons (P.E.T.) est une technique d'imagerie fonctionnelle quantitative qui permet d'analyser le métabolisme cérébral et d'étudier en particulier le métabolisme de l'hippocampe. Pour autant, il n'existe encore aucun marqueur biologique spécifique de la maladie. Le diagnostic de certitude ne peut être fait que par l'examen anatomopathologique du cerveau après le décès de la personne atteinte. Il est pratiqué lorsqu'elle présentait des signes de démence d'apparition progressive et après élimination des autres causes possibles (démence dégénérative d'autres origines, démence secondaire, dépression). Altérations anatomopathologiques La maladie se caractérise par une atrophie cérébrale diffuse prédominant dans les régions pariéto-occipitales du cerveau et respectant les zones de projection. Cette atrophie s'accompagne de lésions histopathologiques caractéristiques : extracellulaires, les plaques séniles, et intracellulaires, la dégénérescence neurofibrillaire. Les plaques séniles sont des dépôts extracellulaires de substance amyloïde, constitués de filaments de protéine amyloïde Aβ (longue de 39 à 43 acides aminés), qui provient du clivage d'une protéine appelée Amyloïd Precursor Protein (APP). Cette protéine APP en participant à l'interaction entre les cellules joue un rôle essentiel, concernant la croissance cellulaire et la plasticité neuronale. L'accumulation de peptides Aβ dans le milieu extracellulaire entraînerait des altérations des membranes cellulaires avec entrée massive de calcium dans la cellule et réaction inflammatoire par activation microgliale. Ces lésions entraîneraient la mort neuronale. La dégénérescence neurofibrillaire est constituée de paires de filaments hélicoïdaux intraneuronaux de protéine Tau hyperphosphorylée. Cette protéine est associée aux microtubules du cytosquelette, son hyperphosphorylation réduit son rôle stabilisant des microtubules dans les axones et le transport axonal, conduisant à la mort neuronale. Traitement Il n'existe actuellement aucun moyen de guérir la maladie d'Alzheimer ou même d'en arrêter l'évolution. Certains traitements sont susceptibles d'atténuer les pertes de mémoire, les troubles du langage et du raisonnement. Le traitement reste à l'heure actuelle essentiellement symptomatique et vise à améliorer la qualité de vie des patients. La lutte contre les facteurs de risques vasculaires (hypertension artérielle, diabète, hypercholestérolémie) est importante. La rééducation cognitive de la mémoire et le traitement symptomatique des troubles comportementaux (dépression, agitation) sont cruciaux pour aider les patients. Des approches pharmacologiques visant à prévenir la formation et l'agrégation des dépôts protéiques de peptides Aβ ou à induire une neuroprotection (antioxydants, antiapoptotiques, anti-inflammatoires) sont actuellement en cours d'évaluation. Les traitements visant à augmenter la quantité d'acétylcholine (neurotransmetteur jouant un rôle important dans le fonctionnement de la mémoire) peuvent améliorer les fonctions intellectuelles des patients au début de l'évolution de la maladie. Plusieurs inhibiteurs de l'acétylcholine estérase ont été testés et ont montré une certaine efficacité, au moins dans les stades précoces de la maladie. Les récepteurs neuronaux au N-méthylD-aspartate (NMDA) jouent un rôle clé dans les processus de mémorisation ; leur hyperstimulation au cours de la maladie d'Alzheimer serait un phénomène important. Un inhibiteur de NMDA (mémantine) est également en cours d'évaluation. La mise au point d'un vaccin est à l'étude depuis de nombreuses années ; en effet des chercheurs ont montré que l'immunisation contre le peptide Aβ de souris transgéniques qui le surexpriment peut permettre de prévenir l'apparition des dépôts chez les animaux jeunes et de limiter leur extension. Des essais thérapeutiques sur des patients atteints de maladie d'Alzheimer ont été réalisés dès 1999. Si ces essais ont dû être stoppés en raison d'effets secondaires importants, l'immunothérapie reste une approche thérapeutique prometteuse dans cette maladie. Conséquences sociales : vivre avec la maladie d'Alzheimer Pour un pays comme la France, la prévalence de la maladie après 80 ans (près de 30 %) et l'augmentation très significative de la durée de vie amènent à poser des questions auxquelles la société n'était pas préparée il y a encore vingt-cinq ans. Les perspectives démographiques montrent que le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans (20,6 % en 2000) sera de 35,1 % en 2050. es chiffres actuels sont complètement revus à la hausse par rapport aux prédictions faites il y a quelques années ; la maladie étant très fréquente, elle devient connue et on a moins peur de la déclarer, d'autant que des médicaments deviennent disponibles, qu'elle peut être détectée plus précocement et mieux soignée. Retarder d'un an l'apparition des signes permettrait de diminuer la prévalence de 25%. En France le nombre de cas en 2006 était estimé entre 750 000 et 1 million, soit une incidence de 165 000 nouveaux cas par an. Il fat rappeler qu’il existe actuellement en France environ 700 000 places dans ls maisons de retraites et très peu de places d’accueil dans les structures de jour, alors qu 30 000 seraient nécessaires. Il y a 65 à 90 % des patients déments qui vivent à domicile, à la charge complète des familles dans 50 % des cas, et seulement 25 % des patients sont suivis à la consultation de la mémoire. La maladie d’Alzheimer est devenue un problème majeur de sociéé. Pour quelque 800 000 patients actuellement atteints, en France, c’est plus de 2 milliond de personnes qui sont concernés si l’on prend e compte la cellule familiale. Dans près de 70 % des cas, c'est en effet la famille qui prend en charge elle-même la personne malade et lui permet ainsi de rester vivre à domicile. Cela pose des problèmes considérables en termes de prise en charge et un énorme défi de santé publique. L'évolution de la maladie se traduisant par des pertes inexorables et majeures dans tous les domaines (mémoire, apprentissage, locomotion, propreté, praxie, langage), l'entourage du malade et le personnel soignant sont sollicités souvent au-delà de leur capacité de compréhension, de patience et de moyens, et ce sont ces limites dans les possibilités actuelles d'accompagnement sur lesquelles la société doit réfléchir, afin d'améliorer les moyens de prise en charge des patients atteints de la maladie d'Alzheimer et de leur famille L'objectif est évidemment une prise en charge quotidienne la plus chaleureuse possible, permettant au patient de continuer à vivre dans son environnement tout en compensant ses différentes incapacités, en traitant les symptômes pénibles pour lui-même et pour son entourage (dépression, agitation, agressivité, insomnie, dépendance) et en maintenant au mieux sa socialisation (stimulation cognitive). C'est cette prise en charge dans le contexte familial qui permet de retarder au maximum le placement des patients dans des institutions adaptées lorsque leur état le rend indispensable, véritable catastrophe affective et morale mais souvent aussi financière pour les familles. Dans ce contexte, il est indispensable que les pouvoirs publics aient une volonté affichée d'améliorer l'aide aux patients atteints de cette maladie et à leurs familles. Le rôle joué par les associations de malades, en particulier l'association France Alzheimer, est évidemment très important. Bibliographie « Alzheimer. Cerveau sans mémoire », in La Recherche, n0 10 hors série, Soc. d'éd. scient., Paris, mars 2003 T. E. Golde, D. Dickson & M. Hutton, « Filling the gaps in the abeta cascade hypothesis of Alzheimer's disease », in Curr. Alzheimer Res., vol. 3,5, déc. 2006 G. Waldemar, B. Dubois, B. Emre et al., « Recommendations for the diagnosis and management of Alzheimer's disease and other disorders associated with dementia : EFNS guidelin », in Eur. Journ. Neurol., vol. 14,1, janv. 2007. NEURODÉGÉNÉRATIVES (MALADIES) Article écrit par Nathalie CARTIER-LACAVE, Caroline SEVIN L'exemple type est ici celui de la maladie d'Alzheimer (MA), responsable de plus de la moitié des cas de démence de la personne âgée. La prévalence de la MA est de 6,1 % chez les hommes et 8,9 % chez les femmes de plus de 65 ans. Ces chiffres augmentent respectivement à 13,2 % et 20,5 %, après 75 ans, et à près de 30 % après 80 ans. La maladie débute par une altération progressive de la mémoire, d'apparition insidieuse, volontiers méconnue ou banalisée, rapportée au vieillissement du sujet. Les troubles de mémoire portent d'abord sur les faits récents, la mémoire des faits anciens étant initialement bien conservée. Il s'y associe progressivement d'autres anomalies : un manque du mot, des difficultés d'orientation temporo-spatiale, des troubles du langage, une apraxie (trouble de l'exécution des gestes. malgré une compréhension et des fonctions motrices intactes), une agnosie (impossibilité d'identifier un stimulus sonore ou visuel) et enfin des troubles comportementaux, aboutissant à une perte progressive de l'autonomie. Histologiquement, outre une atrophie diffuse du cerveau, deux types de lésions coexistent des dépôts extra-cellulaires, les plaques séniles (plaques amyloïdes), constitués de fragments protéiques (peptide Aβ), provenant du clivage anormal d'une glycoprotéine des membranes cellulaires appelée APP (amyloid precursor protein) des dépôts fibrillaires intra-neuronaux constitués, entre autres, d'une forme hyperphosphorylée de la protéine tau, protéine impliquée dans le transport axonal ; il en résulte une dégénérescence neurofibrillaire La maladie est le plus souvent sporadique, mais de rares formes familiales ont été décrites, liées à des mutations du gène de l'APP ou d'autres gènes impliqués dans son métabolisme (préséniline 1 et 2) VIEILLISSEMENT Article écrit par Marc PASCAU D Les maladies neuro-dégénératives évoluent plus ou moins vite avec l'âge ; elles affectent soit les neurones euxmêmes et leurs interconnexions synaptiques (neuromédiateurs), soit les cellules de la névroglée, astrocytes, cellules gliales. En fait, il est difficile de distinguer les altérations normales, associées au vieillissement, des phases précoces des altérations pathologiques. L'expression « dysmence sénile » pourrait désigner les formes d'altération normales ou pathologiques relativement bénignes, réservant le terme « démence » aux formes pathologiques graves. Les maladies neurodégénératives les plus fréquentes sont les maladies d'Alzheimer et de Parkinson La maladie d’alzheimer affecte près de 10 % des Français entre quatre-vingt et quatre-vingt-quatre ans, 30 % entre quatre-vingt-cinq et quatre-vingt-neuf ans, plus de 40% au delà de 90 ans, soit 400 000 personnes. Son évolution, très variable, se manifeste par des symptômes d'amnésie, d'aphasie, d'agnosie et enfin d'apraxie. En raison de l'allongement de notre durée de vie, cette maladie, qui serait à l'origine de plus de la moitié des démences séniles, se développe de façon inquiétante. Selon les projections, deux millions de Français seraient atteints en 2020. Les deux tiers des dépendances relèvent de la démence provoquée dans un cas sur deux par la maladie d'Alzheimer. La forme familiale de la maladie concerne seulement trois cas sur mille, les formes sporadiques comptant pour la généralité des cas. Alors que la forme familiale relève de mutations des chromosomes 1 et 14, les formes sporadiques relèvent de la mutation d'un gène du chromosome 19 (gène de l’apoprotéine E). Maladie complexe dans ses causes cytologiques et dans ses symptômes, la maladie d'Alzheimer révèle deux lésions cérébrales caractéristiques : les amas neurofibrillaires à l'intérieur des neurones et les plaques amyloïdes à l'extérieur. Les enchevêtrements ou amas neurofibrillaires résultent de l'association anormale avec les microtubules, structures subcellulaires participant aux transports de différents composés, d'une protéine particulière, la protéine tau, anormalement phosphorylée (deux fois plus), ce qui perturbe leur fonctionnement. Plus les amas anormaux sont nombreux, plus grave est la maladie. Alors que les lésions associées aux protéines tau sont localisées dans l'hippocampe et le cortex temporal antérieur, inférieur et moyen, celles qui sont associées aux protéines amyloïdes sont situées dans l'ensemble des régions corticales Les plaques amyloïdes localisées à l'extérieur des neurones sont une manifestation précoce de la maladie d'Alzheimer, mais ne sont pas directement liées à l'intensité de la démence. La plaque amyloïde résulte de l'accumulation de fragments peptidiques comportant une quarantaine d'acides aminés dérivés (par action enzymatique) d'une protéine précurseur β-amyloïde ancrée dans la membrane du neurone. Le peptide comportant 42 acides aminés est particulièrement toxique ; ce peptide toxique prend la place, dans l'espace intercellulaire, d'une protéine normale, l'apoprotéine E, variante à quatre composants d'une lipoprotéine transportant dans le sang différents lipides dont le cholestérol. Outre les protéines tau et les peptides amyloïdes, on a identifié une forme familiale fulgurante de la maladie due à des protéines (sénilines) toxiques. Les plaques amyloïdes favorisent la production de radicaux libres dont on connaît les effets nocifs et causent des perturbations des mouvements du calcium dans les neurones à médiateur glutamate. Les neurotransmetteurs affectés dans la maladie d'Alzheimer, produits des neurones disparus, sont l'acétylcholine (d'où, en thérapeutique, l'emploi de l'anti-cholinestérase tacrine), la sérotonine et la noradrénaline. Selon une récente enquête épidémiologique, certains médicaments anti-cholestérol (statines) préviendraient le risque de maladie d'Alzheimer . Les symptômes du vieillissement normal sont similaires à ceux d'un stade précoce de la maladie d'Alzheimer. La maladie d'Alzheimer, associée (toujours ?) à des anormalités génétiques longtemps silencieuses, est-elle une pathologie vraie originale, ou seulement une extension, opportuniste, précoce et/ou accélérée de notre neuro-vieillissement, aux différentes régions cérébrales ?