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pour empêcher l’évolution de la maladie. À demi-mot, certains s’agacent d’une sorte de « course
au diagnostic précoce » encouragée par des neurologues désireux d’augmenter la file de leurs
patients pour monter des protocoles de recherche. « La recherche est légitime, mais il faut aussi
se poser la question du bénéfice individuel du patient », objecte le docteur Letrilliart.
De leur côté, les neurologues affirment voir arriver encore trop de patients à un stade
tardif. « L’annonce de la maladie peut certes être anxiogène. Mais il faut aussi tenir compte de
l’anxiété encore plus forte des patients et des familles qui, sans diagnostic, vivent dans
l’incertitude la plus complète face à des troubles cognitifs réels et qu’il n’est pas bon, selon moi,
de banaliser » , estime le professeur Didier Hannequin, du CHU de Rouen. « L’annonce est
toujours un coup de massue. Mais dans bien des cas, il y a aussi une sorte de soulagement de
pouvoir enfin mettre un nom sur ce qui se passe. Très souvent, les familles disent que le
diagnostic a été trop lent à venir alors que, pour eux, la maladie était devenue évidente »,
souligne Catherine Ollivet, membre de l’Erema.
Pour certains, ce diagnostic précoce permet aussi de se préparer à l’évolution de la
maladie. « Tout diagnostic doit entraîner un accompagnement et une prise en charge médico-
sociale. Intervenir tôt permet d’assurer une meilleure qualité de vie aux patients » , estime le
professeur Jean-Luc Harrousseau, président de la HAS. « On ne peut pas retarder un diagnostic
sous prétexte qu’il n’existe pas de médicament efficace. La prise en charge d’un Alzheimer ne se
résume pas aux médicaments. Et c’est bien le diagnostic qui permet à la personne d’entrer dans
un système de prise en charge globale, avec de la stimulation cognitive, un accueil de jour, des
mesures d’aide ou de formation pour les aidants familiaux… », ajoute le docteur Jean-Marie
Vetel, gériatre à l’hôpital du Mans.
Mais ce débat concerne aussi la médecine de demain, celle qui, peut-être, sera capable de
soigner la maladie d’Alzheimer. « Aujourd’hui, les nouveaux médicaments sont testés au stade
de la démence, à un moment où les capacités de récupération du cerveau sont sans doute déjà
épuisées » , explique le professeur Philippe Amouyel (CHRU de Lille, Inserm), directeur général
de la Fondation plan Alzheimer.
L’hypothèse des chercheurs est que les traitements pourraient être plus efficaces s’ils étaient
utilisés bien plus tôt. « On sait désormais qu’une maladie d’Alzheimer débute probablement dix à
quinze ans avant l’apparition des premiers symptômes », précise le professeur Amouyel.
L’attention des scientifiques se focalise donc sur cette période« asymptomatique » durant
laquelle de petites plaques séniles (plaques amyloïdes) se forment dans le cerveau de la
personne sans que celle-ci ne ressente le moindre trouble. Et tout l’enjeu est d’essayer de mieux
comprendre comment la maladie va ensuite évoluer dans le temps.
Pour y parvenir, les chercheurs essayent de mettre au point des « biomarqueurs », des examens
biologiques ou de neuro-imagerie assez sophistiqués. Certains « biomarqueurs » existent déjà.
Avec une prise de sang ou une analyse du liquide céphalorachidien (après une ponction
lombaire), les médecins peuvent repérer des protéines caractéristiques de l’Alzheimer.