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Thierry Libaert, 2006 – www.tlibaert.info
Des dérives incontestables
Il est nécessaire de souligner, à la décharge de l’entreprise, que la
communication sur le développement durable est un secteur relativement
nouveau, qu’aucune référence incontestée n’existe, en termes
d’expériences modèles, ni en matière de guides pour l’action : au
contraire, une profusion de recommandations a germé, non sans entraîner
parfois certaines confusions dans l’élaboration d’une stratégie de
positionnement. Il existe certes un certain nombre de normes qui
définissent un cadre pour l’action et la communication
; malgré tout,
celles-ci n’évitent pas que l’entreprise puisse être quelque peu désorientée
lorsqu’il s’agit de réfléchir à une communication sur le sujet.
Dans ce contexte, les politiques d’entreprises font l’objet d’un réel
mouvement de dénonciation, qu’on peut nommer « l’attaque
communicationnelle ». Elle s’est focalisée sur deux approches
complémentaires.
D’abord une contestation liée aux modalités de mise en œuvre.
Productions a priori les mieux balisées, les rapports annuels font l’objet de
nombreuses critiques. On leur reproche l’absence d’indicateurs chiffrés
(deux fois inférieurs en nombre comparativement aux autres rapports
européens), l’absence de mise en perspective des résultats et plus
globalement l’extrême faiblesse de la qualité de l’information. Seul un
tiers des 150 premières entreprises françaises ferait l’effort d’apporter une
information de qualité, mais souvent très en deçà des exigences – non
sanctionnables – légales. Il faut ajouter qu’aux yeux des observateurs
critiques, l’information fournie est rarement mise en perspective avec des
éléments de comparaison historique, géographique ou concurrentielle.
Comme le note Frédéric Tiberghien, l’ancien président de l’ORSE
(Observatoire de la responsabilité sociale des entreprises), ce travail
d’évaluation comparée (« reporting ») est rarement utilisé dans le cadre
du dialogue avec les parties prenantes
. Entre les entreprises qui
informent peu et celles qui noient le lecteur sous une avalanche de
données (procédure nommée métaphoriquement, en référence aux
opérations militaires massives, « carpet bombing »), la marge pour une
information précise et compréhensible est souvent étroite. Plus de cinq
années après sa promulgation, force est de constater que la loi sur la
: Il s’agit par exemple des normes ISO14001 ou SA-8000, du projet de norme étudié au sein de la Commission
des Droits de l’homme de l’ONU ou de celle élaborée par l’ISO sur la responsabilité sociale de l’entreprise
ISO26000 qui devrait être opérationnelle en 2008, des principes du WBCSD, des recommandations édictées par
l’ONU (le Global Compact). Plusieurs guides ont été publiés, celui de l’AFNOR, celui de l’Ademe, ceux qu’ont
élaborés certains acteurs associatifs comme OREE. En outre, certaines balises sont posées par le droit de la
communication et des recommandations du Bureau de Vérification de la Publicité en date du 17 décembre 2003,
sans oublier les textes spécifiques, comme celui, incontournable de la loi NRE du 15 mai 2001.
: Béatrice Delamotte, « Le développement durable progresse lentement », La Tribune, 8 juin 2005