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La communication, quatrième pilier du développement durable
La communication occupe une place à part dans le développement
durable, accusée de récupération à but publicitaire, elle en constitue
pourtant un des moteurs essentiels et souvent sous-estimé.
- Un domaine contesté
La communication a toujours été un domaine contesté. Dès l’émergence
de la publiciau milieu du 19ème siècle, les premières accusations sur ses
effets apparaissaient. La communication sur le développement durable ne
peut échapper à ce mouvement puisqu’elle conjugue une critique générale
sur la communication à une attaque sur la thématique environnementale
considérée domaine réservé des associations. L’entreprise s’expose
particulièrement à ces critiques de par l’ampleur de ses discours sur ce
thème et surtout des failles de sa communication.
. Les dérives de la communication sur le développement durable
Il est nécessaire de souligner, à la décharge de l’entreprise, que la
communication sur le développement durable est un secteur relativement
nouveau, qu’aucune férence incontestée n’existe ni du côté des
expériences modèles, ni de celui des guides pour l’action, mais qu’au
contraire, une profusion de recommandations a germé empêchant parfois
une certaine clarté dans l’élaboration d’une stratégie de positionnement.
En dehors des communications sur les normes ISO14001 ou SA-8000, du
projet de norme étudié au sein de la Commission des Droits de l’homme
de l’ONU ou de celle élaborée par l’ISO sur la responsabilité sociale de
l’entreprise ISO26000 qui devrait être opérationnelle en 2008, des
principes du WBCSD, des recommandations édictées par l’ONU (le Global
Compact), du guide de l’AFNOR, de celui de l’Ademe, de ceux élaborés par
des acteurs associatifs comme OREE, des balises posées par le droit de la
communication et des recommandations du Bureau de Vérification de la
Publicité en date du 17 décembre 2003, sans oublier les textes
spécifiques, comme celui, incontournable de la loi NRE du 15 mai 2001, on
peut comprendre que l’entreprise puisse être quelque peu désorientée
lorsqu’il s’agit de réfléchir à une communication sur le sujet.
L’attaque communicationnelle s’est focalisée sur deux approches
complémentaires.
D’abord une contestation liée aux modalités de mise en œuvre.
Domaine a priori le mieux balisé, les rapports annuels font l’objet de
nombreuses critiques tenant à l’absence d’indicateurs chiffrés (deux
fois inférieurs aux rapports européens), à l’absence de mise en
perspective des résultats et plus globalement à l’extrême faiblesse
de la qualité de l’information. Seul un tiers des 150 premières
entreprises françaises ferait l’effort d’apporter une information de
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qualité, mais souvent très en deçà des exigences non
sanctionnables légales. L’information fournie est rarement mise en
perspective avec des éléments de comparaison historique,
géographique ou concurrentielle et comme le note
Frédéric Tiberghien, l’ancien président de l’ORSE (Observatoire de la
responsabilité sociale des entreprises), ce reporting est rarement
utilisé dans le cadre du dialogue avec les parties prenantes
1
. Entre
les entreprises qui informent peu et celles qui noient le lecteur sous
une avalanche de données (procédure dite du carpet bombing), la
marge pour une information précise et compréhensible est souvent
étroite. Plus de quatre années après sa promulgation, force est de
constater que la loi NRE n’a pas eu l’effet escompté dans
l’amélioration du dialogue. En outre, le constat de discours
institutionnels non relayés au niveau de la communication produit, à
l’exemple des constructeurs automobiles, la vision de messages
contradictoires selon les supports utilisés, à l’exemple des rubriques
« finance » ou « environnement » sur les sites d’entreprise, tout ceci
participe d’une décrédibilisation progressive.
Et cette tendance s’accentue lors de communications contestables, à
l’exemple de celle utilisée par la firme Aquaplastics qui consistait à
verser une somme d’argent définie à l’ONG Wateraid, lorsqu’un
internaute cliquait sur un serveur dédié. Le message tacite « Cliquez
sur ce bouton ou sinon des milliers d’éthiopiens vont mourir de
soif »
2
a pu apparaître particulièrement choquant.
Il en est de même lors de la révélation de données soigneusement
dissimulées et contraires aux arguments développés. L’exemple type
est fourni par Shell, encensée par l’ensemble des ouvrages sur le
développement durable comme parangon de toutes les vertus
environnementales de transparence et de dialogue avec les ONG.
Cela, jusqu’à ce qu’on découvre en avril 2004 que le groupe avait
surévalué des réserves pétrolières dans ses comptes et que le
président Philip Watts doive quitter le groupe
3
. Si même l’entreprise
modèle sur le développement durable dissimule sciemment la réalité
de ses activités, on peut concevoir que la défiance progresse.
Ensuite, une critique sur l’objet même de cette communication.
Le public observe souvent une surenchère autour de la notion de
développement durable sans percevoir la réalité des distinctions
dans la relation directe avec la marque. Entre les campagnes de
Monoprix, de Leclerc, d’Auchan ou de Carrefour, il n’est pas certain
que le consommateur puisse distinguer autre chose que des
arguments publicitaires qui se neutralisent entre distributeurs. Pire,
1
: Béatrice Delamotte, « Le développement durable progresse lentement », La Tribune, 8 juin 2005
2
: source : http://www.hoaxbuster.com, Article 32724
3
: Ian Cummins et John Beasent, Shell Shock, Mainstream pub Co, 2005
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la communication s'apparente fréquemment à une volonté de
« green washing », c’est-à-dire de verdissement de la marque sans
autre fin que de soigner l’image globale. Le résultat final est que le
grand public n’y croit pas et que les ONG se sentent flouées. Si nous
étions totalement optimistes, nous dirions que cela laisse une marge
de progrès importante.
. L’illusion de la communication sur le développement durable
La communication sur le développement durable semble obéir à une
contrainte et repose souvent sur une croyance erronée.
La contrainte vient du constat que le développement durable est devenu le
plus petit dénominateur commun des interlocuteurs de l’entreprise. En
raison de l’explosion des nouveaux médias et de l’évolution sociologique,
les cibles ne sont plus étanches comme elles pouvaient l’être par le passé.
Aujourd’hui, chacun peut avoir accès à tout type d’information et de
messages, que ce soit sur les chaînes télévisées thématiques ou sur
Internet. L’entreprise ne peut plus avoir de messages spécifiquement
adaptés à un type d’interlocuteur, elle se doit d’avoir un message unique,
valable, pour l’ensemble de ses parties prenantes.
Or, le développement durable présente la caractéristique attractive pour la
communication, d’être une des rares valeurs qui puisse s’adapter aussi
bien au public des clients qu’à celui de l’opinion publique, des actionnaires,
des ONG, des pouvoirs publics. Il représente un terme consensuel
chacun puise une part de signification et il est possible que ce soit sa
nébulosité qui ait constitué la condition majeure de son succès. Les
syndicats y voient un moyen de rapprocher l’économique et le social, les
écologistes de faire prévaloir les impératifs de protection de
l’environnement et l’entreprise la légitimation de son propre
développement.
La croyance erronée est l’idée que le développement durable est un
déterminant de l’image de l’entreprise alors qu’elle n’en est qu’une
conséquence. Lorsqu’en 1995, EDF inaugura la garantie de services,
ensemble de neuf engagements pour rapprocher l’entreprise de ses
clients, elle accrut sa valeur d’image environnementale d’une dizaine de
points alors même que ce dispositif ne contenait que des améliorations de
services pour la clientèle.
Il en fut de même en 1998 lorsque La Lyonnaise des Eaux dut faire face à
une crise causée par le dépassement des normes de nitrates en Bretagne.
Sa communication de crise habilement gérée lui permit de contre-attaquer
et d’entrer dans le Top 5 des entreprises les plus soucieuses de
l’environnement.
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Il est rare de trouver une entreprise ayant une bonne image
environnementale sans avoir une bonne image globale et ceci est valable
également au niveau politique. C’est parce que nous avons confiance dans
une entreprise que nous considérons que celle-ci a effectué un bon travail
pour l’environnement. L’image environnementale découle de l’image
globale et toute communication massive sur le développement durable
risque de générer un effet boomerang et d’accroître l’attention de l’opinion
publique sur un thème considéré comme indispensable et donc non
susceptible de communication par l’entreprise. La mise en parallèle de la
perte de confiance envers les entreprises avec l’accroissement des
publicités sur le développement durable n’est donc peut-être pas une
simple coïncidence.
- Pour une communication agissante
Accusée exemplaire, bouc émissaire idéal, la communication, souvent
réduite à quelques dérives, n’en reste pas moins profondément méconnue
dans ses objectifs et ses capacités agissantes.
. Une communication prédictive
Le reproche essentiel adressé à la communication sur le développement
durable serait d’induire le public en erreur sur la réalité des actions
opérées par l’entreprise. Le Bureau de Vérification de la Publicité, lui-
même, retient cette critique en recommandant que toute communication
respecte les trois principes de légitimité, d’objectivité et de véracité. Les
ONG relayent avec force cette attaque en observant que « la
communication a une longue tradition de surexploiter les éléments
favorables et de masquer ceux qui le sont moins »
4
. A minima, cela nous
semble une naïveté, voire une méconnaissance de la distinction entre
communication publicitaire et information. L’entreprise n’a pas vocation à
informer et si l’exigence d’information s’exerce autant envers elle, c’est
peut-être bien souvent en raison d’une démission des pouvoirs publics.
L’entreprise n’a pas de vocation pédagogique. Comme le remarquait avec
aplomb le publicitaire Philippe Michel, la publicité est « le seul discours qui
soit clairement manipulateur et qui se présente comme tel »
5
, « le seul
discours qui ne mente pas parce qu’il dit d’emblée qu’il n’essaie pas de
vous dire ce qui est»
6
.
Si, bien évidemment les grandes forces de la publicité mensongère sont
aujourd’hui plus qu’hier toujours plus nécessaires, il ne faut pas se
méprendre sur le rôle d’une communication d’entreprise ne pouvant
communiquer sur ses réalisations effectives. Il y a longtemps que les
spécialistes en sciences de l’information se sont aperçus que la
4
: Jacques-Noël Leclerq, « Le développement durable ou le risque d’une grande illusion, in Maud Tixier, op.
cit., p. 232
5
: Philippe Michel, C’est quoi l’idée ?, Michalon, 2005, p. 69
6
: id. p. 166
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communication ne pouvait se réduire au rôle de « faire savoir », mais
qu’elle comportait un pouvoir prédictif. La communication n’a pas
seulement à refléter la réalité, mais aussi et surtout à l’appeler.
Elisabeth Laville le dit très justement : « En prenant la parole sur sa
responsabilité sociale ou environnementale, l’entreprise s’engage à poser
des actes à la hauteur de ses mots »
7
. La communication possède une
faculté motrice : en affichant publiquement ses engagements et son
ambition, elle fixe le cap à atteindre et vise à institutionnaliser ce qui n’est
qu’une promesse, elle ne vise pas à refléter la réalité mais à la faire
advenir.
. Sans communication, pas de développement durable
Ceci implique, bien entendu, de rompre avec le préalable erroné, maintes
fois dénoncé par Dominique Wolton, à savoir : « La communication se
réduit à la transmission »
8
. La communication signifie d’abord échange,
dialogue, concertation voire confrontation, elle se situe au cœur du
développement durable parce qu’elle organise la relation avec l’ensemble
des parties prenantes de l’entreprise. Par le développement durable, la
communication accroît son rôle d’écoute et de dialogue ; par la
communication, le développement durable se crédibilise parce qu’il se
renforce de flux d’informations permanentes.
C’est pourquoi la communication doit être analysée comme le quatrième
pilier du développement durable. Aux côtés des trois principes
traditionnels de responsabilité, de précaution et de pollueur payeur, il faut
adjoindre le principe de transparence qui en est un fondement essentiel.
La convention d’Aarhus conclue par les Etats Européens le 25 juin 1998
s’y référait déjà directement. La transparence bannit le secret dès lors
qu’un risque existe, elle interdit les processus manipulatoires fondés sur
des informations parcellaires ou tronquées, elle traduit la nécessité d’un
ancrage déontologique dans les processus de communication et de
concertation. Aux côtés de la sphère économique se devant d’être viable,
de l’environnement devant être vivable et du social équitable, il y a lieu
d’intégrer la sphère de la communication fiable.
7
: Elisabeth Laville, L’entreprise verte, Village Mondial, 2002, p. 228
8
: Dominique Wolton, Il faut sauver la communication, Flammarion, 2005, p. 66
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