ECS3 Carnot Chapitre 9 2013/2014
Chapitre 9 : Espaces probabilisés finis
1 Généralités
Avant de donner le cadre rigoureux des probabilités, commençons par expliquer un peu
d’où viennent les notions.
1.1 Introduction
La théorie des probabilités s’intéresse aux expériences aléatoires : ce sont les ex-
périences renouvelables (du moins en principe) et qui, renouvelées dans des conditions
identiques ne donnent pas à chaque fois le même résultat.
Exemple. 1. Le jeu de Pile ou Face.
2. Les jeux de dés ou de carte.
3. Le temps d’attente du RER B à la station Luxembourg à 19 heures.
1.2 Problème de modélisation
Pour étudier les phénomènes aléatoires, il faut isoler l’expérience aléatoire et construire
un modèle probabiliste qui permette de faire des prévisions. Ces prévisions n’ont de sens
que relativement au modèle choisi.
Dans la théorie moderne des probabilités, le modèle est donné par un ensemble , qui
est l’ensemble des réalisations possibles (on dit encore « issues »). est appelé univers
(ou ensemble des issues). Le choix de est le choix de la manière de décrire un évènement.
Les éléments de sont aussi appelés évènements élémentaires.
Dans ces premiers chapitres de probabilités, sera fini
Lors de l’étude d’une expérience aléatoire, on s’intéresse à certain résultats qui ne sont
pas que des évènements élémentaires.
Exemple. On lance un dé. Dans ce cas on prend souvent (mais ce n’est pas obligatoire !)
Ω = {1,2,3,4,5,6}. On s’intéresse à la caractéristique : « le résultat est pair ». Dans ce cas
il faut prendre en compte toutes les évènements élémentaires {2},{4},{6}. Autrement dit,
seule la réunion de ces évènements élémentaires nous intéresse. On parle alors de la partie
{2,4,6}comme d’un évènement.
Lors de la modélisation d’un phénomène aléatoire, il est nécessaire de préciser quels
sont les évènements auxquels on va s’intéresser. Ces évènements sont des parties de . On
précise donc une sous-ensemble A ⊂ P(Ω) qui sera l’ensemble des évènements.
En général, et nous y reviendrons ultérieurement (à l’occasion des espaces probabilisés
infinis), l’ensemble Adoit vérifier certaines propriétés, qui en font une tribu. Lorsque
est fini, il est toujours possible de prendre A=P(Ω).
Nous dirons que (Ω,A)est un espace probabilisable. Une dernière prémisse est
la donnée de la manière dont on code numériquement le possibilité qu’un événement se
réalise. Cette donnée est celle de la probabilité, on obtient alors un espace probabilisé
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(Ω,A, P ). Pour satisfaire l’idée « fréquentiste » que l’on a des probabilités, on choisit P
suivant une idée préconçue. On fait parfois le choix de l’équiprobabilité (lorsque est fini) :
tous les évènements élémentaires ont le même poids, et la probabilité d’un évènement est
donné par le nombre d’évènements élémentaires qui composent l’évènement, divisé par le
nombre total d’évènements élémentaires.
Dans la pratique, le choix du modèle est difficile et sera imposé par les hypothèses des
énoncés dans la plupart des cas.
2 Exemples
Exemple. – Expérience aléatoire : On lance une pièce de monnaie homogène. On
observe le côté de la pièce à l’arrêt.
Evèvements élémentaires : Il y a deux évènements possibles ; le côté P(Pile) ou le
côté F(Face).
Univers : c’est l’ensemble des évènements élémentaires : Ω = {P, F }.
Evènements (ici, nous allons prendre A=P(Ω)). Les évènements sont constiuté
des évènements élémentaires {P}et {F}, de l’évènement impossible (qui cor-
respondrait à ne tomber ni sur Pile, ni sur Face) et l’évènement certain , qui
correspond à tomber sur Pile ou sur Face.
Si on réalise cette expérience en pratique, les fréquences d’apparition sont de l’ordre
de 1
2pour les deux évènements élémentaires, 0 pour l’évènement impossible et 1 pour
l’évènement certain.
Probabilité : on choisit une hypothèse d’équiprobabilité ; on suppose que les fréquence
d’apparition en simulation représentent la probabilité d’apparition. Ainsi P() = 0,
P(Ω) = 1 et P({P}) = P({F}) = 1
2. On parle alors de probabilité uniforme sur .
Un exemple qui permet de prendre conscience du lien entre évènements et opération
ensemblistes :
Exemple. Expérience : On lance nfois une pièce équilibrée. On considère la suite
des résultats obtenus.
Univers : Ω = {P, F }n.
Exemple d’évènements : pour tout k[[ 1 ; n]], on considère Ek: le premier Pile
est obtenu au kième lancé. Si n= 4, les évènements élémentaires (F, P, P, F )et
(F, P, F, F )font parti de E2. On pose aussi E0={(F, F, F, . . . )}l’évènement (élé-
mentaire) « il n’y a que des Faces ». La famille (E0,...,En)est une partition de .
On parle alors de système complet d’évènements.
Exemple. On jette deux dés à 6 faces, équilibrés.
– Si les deux dés sont discernables (par leur couleur par exemple), on prend Ω =
{1,...,6}2, et on peut faire l’hypothèse de l’équiprobabilité : P((i, j)) = 1
36.
Si les deux dés sont indiscernables, on s’intéresse par exemple à la valeur de leur
somme. On prend = {2,3,...,12},A=P(Ω). Si on veut être proche des fréquences
obtenues par simulation, on ne choisit pas Puniforme, on posera par exemple P(6) =
5
36 et P(2) = 1
36.
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3 Espaces probabilisés
3.1 Résumé de la section précédente
Regroupons ici les définitions annoncées ci-dessus.
Définition 3.1.1
1. Une expériences aléatoires est une expérience renouvelable et qui, renouvelées
dans des conditions identiques ne donnent pas à chaque fois le même résultat.
2. Un évènement élémentaire (ω) est un résultat possible de l’expérience.
3. L’Univers () est l’ensemble des évènements élémentaires.
4. et qui sont les évènements impossible et certain.
3.2 Espaces probabilisables
Dans tout ce qui suit, et tant que l’on n’aura pas parlé de
séries, est fini et A=P(Ω).
Définition 3.2.1
Soit un ensemble fini et Aune algèbre de parties de . Le couple (Ω,A)est appelé
espace probabilisable. Les éléments de Asont appelé les évènements.
L’algèbre Areprésente l’ensemble des résultats que l’on peut observer. Pour l’étude des
univers finis, on supposera toujours pour simplifier que A=P(Ω).Mais attention, ceci ne
sera plus vrai ultérieurement !.
Remarque. Insistons : en général un espace probabilisable est un ensemble muni d’une
tribu (ou σ-algèbre) d’événements A. Lorsque est fini, toute algèbre est une tribu : notre
définition est bien correcte. Nous définirons les tribus dans un chapitre ultérieur.
Définition 3.2.2 (Opérations)
Si Aet Bsont des évènements, « Aou B» est l’évènement ABet « Aet B»
l’évènement AB. L’évènement contraire de Aest ¯
A(complémentaire pris dans ).
Remarque. Si (Ω,A)est un espace probabilisable fini, A1,...,An∈ A, alors Sn
i=1 Aiest
l’évènement « l’un au moins des Aiest réalisé » et Tn
i=1 Aiest l’évènements « tous les Ai
sont réalisés ».
Définition 3.2.3
Si Aet Bsont deux évènements d’un univers tels que AB, on dit que l’évène-
ment Aimplique l’évènement B(Si Aest réalisé, alors Baussi).
Définition 3.2.4
Deux évènements Aet Bsont dits incompatibles si et seulement si AB=(ils n’ont
aucun évènement élémentaire en commun ; ils ne se produisent jamais simultanément).
Un système complet d’évènements (En)est une partition de l’univers à l’aide
d’évènements. Tout évènement élémentaire ωest dans un des évènements Enet
dans un seul.
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Exemple. Si Aest un évènement, {A, ¯
A}est un système complet d’évènements.
Si Ω = {1,2,3,4},{{1},{2,3},{4}} est un système complet d’évènements.
Remarque. Il est parfois utile de ne pas numéroter un système complet d’événement.
On peut se donner Iune partie finie de Net (Ei)iIune famille finie d’événements de
(Ω,P(Ω)), et préciser c’est un système complet d’événements lorsque
1. i, j I, i 6=jEiEj=
2. SiIEi= Ω.
3.3 Espaces probabilisés
Définition 3.3.1
Soit (Ω,A)un espace probabilisable. On appelle probabilité sur (Ω,A)toute applica-
tion P:A → R+telle que
1. P(Ω) = 1
2. Pour tout couple (A, B)d’évènements incompatibles, P(AB) = P(A) + P(B).
C’est-à-dire
A, B ∈ P(Ω), A B=P(AB)P(A) + P(B)
Si Pest une probabilité sur , le triplet (Ω,A, P )est appelé espace probabilisé.
Remarque. Il y a souvent plusieurs choix possibles de probabilité...
Remarque. Si ω, on note pour simplifier (mais c’est un abus de langage) P(ω) =
P({ω}).
Définition 3.3.2
Une propriété est vraie presque sûrement (on note p.s.) si elle est vraie en dehors d’un
ensemble de probabilité nulle. Cette notion dépend de la probabilité choisie.
Proposition 3.3.1
Soit (Ω,A, P )un espace probabilisé. Alors P() = 0.
Démonstration : En effet P() = 2P() = P().
Il en résulte par récurrence :
Proposition 3.3.2 (Additivité finie)
Si A1,...Ansont des évènements deux à deux incompatibles,
P n
[
i=1
Ai!=
n
X
i=1
P(Ai)
Remarque. En particulier, si A={ω1,...ωn}est un évènement, union d’évènements
élémentaires de A, alors P(A) =
n
P
k=1
P(ωk).
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Proposition 3.3.3
Soit (Ω,A, P )un espace probabilisé. Soit A, B ∈ A des évènements. Alors
P(BrA) = P(B)P(BA)
Démonstration : En effet B= (BA)(BrA)et ces deux évènements sont incompatibles.
Proposition 3.3.4
Soit (Ω,A, P )un espace probabilisé et Aun évènement.
P(¯
A) = 1 P(A)
Démonstration : An effet, ¯
A= rA.
Proposition 3.3.5
Soit (Ω,A, P )un espace probabilisé. Alors
A∈ A,06P(A)61
et
A, B ∈ A, B AP(B)6P(A)
Démonstration : En effet P(¯
A)>0et P(A) = 1 P(¯
A)donc P(A)61.
Pour le deuxième point, on remarque que P(A) = P(B) + P(ArB)>P(B).
Proposition 3.3.6
Soit (Ω,A, P )un espace probabilisé. Soit A, B ∈ A. Alors
P(AB) = P(A) + P(B)P(AB)
Démonstration : ABest union des évènements AB,ArBet BrAqui sont deux à
deux incompatibles. On a donc P(AB) = P(AB)+P(A)P(AB)+P(B)P(AB).
D’où le résultat.
Exemple. On jette un dé pipé tel que la face 6 apparaisse avec probabilité 1
3, les faces
1,2,3 avec la probabilité 1
6et les faces 4,5 avec probabilité 1
12.
L’univers est Ω = {1,2,3,4,5,6}, l’algèbre est A=P(Ω). La probabilité est choisie
pour correspondre aux fréquences observées dans l’expérience : P(1) = P(2) = P(3) = 1
6,
P(4) = P(5) = 1
12 et P(6) = 1
3. Elle est définie sur les évènements élémentaires, donc sur
Apar additivité finie. C’est bien une probabilité car i[[ 1 ; 6 ]] , P (i)>0et
n
P
i=1
P(i) = 1.
Soit Al’évènement « le chiffre obtenu est pair » et Bl’évènement « le chiffre obtenu est
supérieur à 4 ».
Pour calculer P(A), on explicite Aà l’aide d’évènements élémentaires : A={2,4,6}
donc P(A) = P(2) + P(4) + P(6) = 7
12. De même pour P(B) = 1
2.
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