Chapitre 9 : Espaces probabilisés finis

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Chapitre 9
2013/2014
Chapitre 9 : Espaces probabilisés finis
1
Généralités
Avant de donner le cadre rigoureux des probabilités, commençons par expliquer un peu
d’où viennent les notions.
1.1
Introduction
La théorie des probabilités s’intéresse aux expériences aléatoires : ce sont les expériences renouvelables (du moins en principe) et qui, renouvelées dans des conditions
identiques ne donnent pas à chaque fois le même résultat.
Exemple.
1. Le jeu de Pile ou Face.
2. Les jeux de dés ou de carte.
3. Le temps d’attente du RER B à la station Luxembourg à 19 heures.
1.2
Problème de modélisation
Pour étudier les phénomènes aléatoires, il faut isoler l’expérience aléatoire et construire
un modèle probabiliste qui permette de faire des prévisions. Ces prévisions n’ont de sens
que relativement au modèle choisi.
Dans la théorie moderne des probabilités, le modèle est donné par un ensemble Ω, qui
est l’ensemble des réalisations possibles (on dit encore « issues »). Ω est appelé univers
(ou ensemble des issues). Le choix de Ω est le choix de la manière de décrire un évènement.
Les éléments de Ω sont aussi appelés évènements élémentaires.
Dans ces premiers chapitres de probabilités, Ω sera fini
Lors de l’étude d’une expérience aléatoire, on s’intéresse à certain résultats qui ne sont
pas que des évènements élémentaires.
Exemple. On lance un dé. Dans ce cas on prend souvent (mais ce n’est pas obligatoire !)
Ω = {1, 2, 3, 4, 5, 6}. On s’intéresse à la caractéristique : « le résultat est pair ». Dans ce cas
il faut prendre en compte toutes les évènements élémentaires {2}, {4}, {6}. Autrement dit,
seule la réunion de ces évènements élémentaires nous intéresse. On parle alors de la partie
{2, 4, 6} comme d’un évènement.
Lors de la modélisation d’un phénomène aléatoire, il est nécessaire de préciser quels
sont les évènements auxquels on va s’intéresser. Ces évènements sont des parties de Ω. On
précise donc une sous-ensemble A ⊂ P(Ω) qui sera l’ensemble des évènements.
En général, et nous y reviendrons ultérieurement (à l’occasion des espaces probabilisés
infinis), l’ensemble A doit vérifier certaines propriétés, qui en font une tribu. Lorsque Ω
est fini, il est toujours possible de prendre A = P(Ω).
Nous dirons que (Ω, A) est un espace probabilisable. Une dernière prémisse est
la donnée de la manière dont on code numériquement le possibilité qu’un événement se
réalise. Cette donnée est celle de la probabilité, on obtient alors un espace probabilisé
J. Gärtner.
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(Ω, A, P ). Pour satisfaire l’idée « fréquentiste » que l’on a des probabilités, on choisit P
suivant une idée préconçue. On fait parfois le choix de l’équiprobabilité (lorsque Ω est fini) :
tous les évènements élémentaires ont le même poids, et la probabilité d’un évènement est
donné par le nombre d’évènements élémentaires qui composent l’évènement, divisé par le
nombre total d’évènements élémentaires.
Dans la pratique, le choix du modèle est difficile et sera imposé par les hypothèses des
énoncés dans la plupart des cas.
2
Exemples
Exemple.
– Expérience aléatoire : On lance une pièce de monnaie homogène. On
observe le côté de la pièce à l’arrêt.
– Evèvements élémentaires : Il y a deux évènements possibles ; le côté P (Pile) ou le
côté F (Face).
– Univers : c’est l’ensemble des évènements élémentaires : Ω = {P, F }.
– Evènements (ici, nous allons prendre A = P(Ω)). Les évènements sont constiuté
des évènements élémentaires {P } et {F }, de l’évènement impossible ∅ (qui correspondrait à ne tomber ni sur Pile, ni sur Face) et l’évènement certain Ω, qui
correspond à tomber sur Pile ou sur Face.
– Si on réalise cette expérience en pratique, les fréquences d’apparition sont de l’ordre
1
de pour les deux évènements élémentaires, 0 pour l’évènement impossible et 1 pour
2
l’évènement certain.
– Probabilité : on choisit une hypothèse d’équiprobabilité ; on suppose que les fréquence
d’apparition en simulation représentent la probabilité d’apparition. Ainsi P (∅) = 0,
1
P (Ω) = 1 et P ({P }) = P ({F }) = . On parle alors de probabilité uniforme sur Ω.
2
Un exemple qui permet de prendre conscience du lien entre évènements et opération
ensemblistes :
Exemple.
– Expérience : On lance n fois une pièce équilibrée. On considère la suite
des résultats obtenus.
– Univers : Ω = {P, F }n .
– Exemple d’évènements : pour tout k ∈ [[ 1 ; n ] , on considère Ek : le premier Pile
est obtenu au kième lancé. Si n = 4, les évènements élémentaires (F, P, P, F ) et
(F, P, F, F ) font parti de E2 . On pose aussi E0 = {(F, F, F, . . . )} l’évènement (élémentaire) « il n’y a que des Faces ». La famille (E0 , . . . , En ) est une partition de Ω.
On parle alors de système complet d’évènements.
Exemple. On jette deux dés à 6 faces, équilibrés.
– Si les deux dés sont discernables (par leur couleur par exemple), on prend Ω =
1
{1, . . . , 6}2 , et on peut faire l’hypothèse de l’équiprobabilité : P ((i, j)) = .
36
– Si les deux dés sont indiscernables, on s’intéresse par exemple à la valeur de leur
somme. On prend Ω = {2, 3, . . . , 12}, A = P(Ω). Si on veut être proche des fréquences
obtenues par simulation, on ne choisit pas P uniforme, on posera par exemple P (6) =
1
5
et P (2) = .
36
36
J. Gärtner.
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Espaces probabilisés
3.1
Résumé de la section précédente
Regroupons ici les définitions annoncées ci-dessus.
Définition 3.1.1
1. Une expériences aléatoires est une expérience renouvelable et qui, renouvelées
dans des conditions identiques ne donnent pas à chaque fois le même résultat.
2. Un évènement élémentaire (ω) est un résultat possible de l’expérience.
3. L’Univers (Ω) est l’ensemble des évènements élémentaires.
4. ∅ et Ω qui sont les évènements impossible et certain.
3.2
Espaces probabilisables
Dans tout ce qui suit, et tant que l’on n’aura pas parlé de
séries, Ω est fini et A = P(Ω).
Définition 3.2.1
Soit Ω un ensemble fini et A une algèbre de parties de Ω. Le couple (Ω, A) est appelé
espace probabilisable. Les éléments de A sont appelé les évènements.
L’algèbre A représente l’ensemble des résultats que l’on peut observer. Pour l’étude des
univers finis, on supposera toujours pour simplifier que A = P(Ω). Mais attention, ceci ne
sera plus vrai ultérieurement !.
Remarque. Insistons : en général un espace probabilisable est un ensemble muni d’une
tribu (ou σ-algèbre) d’événements A. Lorsque Ω est fini, toute algèbre est une tribu : notre
définition est bien correcte. Nous définirons les tribus dans un chapitre ultérieur.
Définition 3.2.2 (Opérations)
Si A et B sont des évènements, « A ou B » est l’évènement A ∪ B et « A et B »
l’évènement A ∩ B. L’évènement contraire de A est Ā (complémentaire pris dans Ω).
S
Remarque. Si (Ω, A) est un espace probabilisable T
fini, A1 , . . . , An ∈ A, alors ni=1 Ai est
l’évènement « l’un au moins des Ai est réalisé » et ni=1 Ai est l’évènements « tous les Ai
sont réalisés ».
Définition 3.2.3
Si A et B sont deux évènements d’un univers Ω tels que A ⊂ B, on dit que l’évènement A implique l’évènement B (Si A est réalisé, alors B aussi).
Définition 3.2.4
Deux évènements A et B sont dits incompatibles si et seulement si A∩B = ∅ (ils n’ont
aucun évènement élémentaire en commun ; ils ne se produisent jamais simultanément).
Un système complet d’évènements (En ) est une partition de l’univers Ω à l’aide
d’évènements. Tout évènement élémentaire ω ∈ Ω est dans un des évènements En et
dans un seul.
J. Gärtner.
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Exemple. Si A est un évènement, {A, Ā} est un système complet d’évènements.
Si Ω = {1, 2, 3, 4}, {{1}, {2, 3}, {4}} est un système complet d’évènements.
Remarque. Il est parfois utile de ne pas numéroter un système complet d’événement.
On peut se donner I une partie finie de N et (Ei )i∈I une famille finie d’événements de
(Ω, P(Ω)), et préciser c’est un système complet d’événements lorsque
1. ∀i, j ∈ I, i 6= j ⇒ Ei ∩ Ej = ∅
S
2. i∈I Ei = Ω.
3.3
Espaces probabilisés
Définition 3.3.1
Soit (Ω, A) un espace probabilisable. On appelle probabilité sur (Ω, A) toute application P : A → R+ telle que
1. P (Ω) = 1
2. Pour tout couple (A, B) d’évènements incompatibles, P (A ∪ B) = P (A) + P (B).
C’est-à-dire
∀A, B ∈ P(Ω), A ∩ B = ∅ ⇒ P (A ∪ B)P (A) + P (B)
Si P est une probabilité sur Ω, le triplet (Ω, A, P ) est appelé espace probabilisé.
Remarque. Il y a souvent plusieurs choix possibles de probabilité...
Remarque. Si ω ∈ Ω, on note pour simplifier (mais c’est un abus de langage) P (ω) =
P ({ω}).
Définition 3.3.2
Une propriété est vraie presque sûrement (on note p.s.) si elle est vraie en dehors d’un
ensemble de probabilité nulle. Cette notion dépend de la probabilité choisie.
Proposition 3.3.1
Soit (Ω, A, P ) un espace probabilisé. Alors P (∅) = 0.
Démonstration : En effet P (∅ ∪ ∅) = 2P (∅) = P (∅).
Il en résulte par récurrence :
Proposition 3.3.2 (Additivité finie)
Si A1 , . . . An sont des évènements deux à deux incompatibles,
!
n
n
X
[
P (Ai )
Ai =
P
i=1
i=1
Remarque. En particulier, si A = {ω1 , . . . ωn } est un évènement, union d’évènements
n
P
P (ωk ).
élémentaires de A, alors P (A) =
k=1
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Proposition 3.3.3
Soit (Ω, A, P ) un espace probabilisé. Soit A, B ∈ A des évènements. Alors
P (B r A) = P (B) − P (B ∩ A)
Démonstration : En effet B = (B ∩ A) ∪ (B r A) et ces deux évènements sont incompatibles.
Proposition 3.3.4
Soit (Ω, A, P ) un espace probabilisé et A un évènement.
P (Ā) = 1 − P (A)
Démonstration : An effet, Ā = Ω r A.
Proposition 3.3.5
Soit (Ω, A, P ) un espace probabilisé. Alors
∀A ∈ A, 0 6 P (A) 6 1
et
∀A, B ∈ A, B ⊂ A ⇒ P (B) 6 P (A)
Démonstration : En effet P (Ā) > 0 et P (A) = 1 − P (Ā) donc P (A) 6 1.
Pour le deuxième point, on remarque que P (A) = P (B) + P (A r B) > P (B).
Proposition 3.3.6
Soit (Ω, A, P ) un espace probabilisé. Soit A, B ∈ A. Alors
P (A ∪ B) = P (A) + P (B) − P (A ∩ B)
Démonstration : A ∪ B est réunion des évènements A ∩ B, A r B et B r A qui sont deux à
deux incompatibles. On a donc P (A∪B) = P (A∩B)+P (A)−P (A∩B)+P (B)−P (A∩B).
D’où le résultat.
1
Exemple. On jette un dé pipé tel que la face 6 apparaisse avec probabilité , les faces
3
1
1
1,2,3 avec la probabilité et les faces 4,5 avec probabilité
.
6
12
L’univers est Ω = {1, 2, 3, 4, 5, 6}, l’algèbre est A = P(Ω). La probabilité est choisie
1
pour correspondre aux fréquences observées dans l’expérience : P (1) = P (2) = P (3) = ,
6
1
1
P (4) = P (5) =
et P (6) = . Elle est définie sur les évènements élémentaires, donc sur
12
3
n
P
A par additivité finie. C’est bien une probabilité car ∀i ∈ [[ 1 ; 6 ]] , P (i) > 0 et
P (i) = 1.
i=1
Soit A l’évènement « le chiffre obtenu est pair » et B l’évènement « le chiffre obtenu est
supérieur à 4 ».
Pour calculer P (A), on explicite A à l’aide d’évènements élémentaires : A = {2, 4, 6}
1
7
donc P (A) = P (2) + P (4) + P (6) = . De même pour P (B) = .
12
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Exercice. Dans le cadre de l’expérience de l’exemple ci-dessus, traduire à l’aide des évènement A et B, puis calculer les probabilités des évènements :
1. « Le chiffre est impair ».
2. « Le chiffre est pair et supérieur à 4 »
3. « Le chiffre est pair ou supérieur à 4 »
4. « Le chiffre est impair et inférieur à 3 »
4
Propriétés générales
4.1
Systèmes complets d’évènements
Proposition 4.1.1
Soit (E1 , . . . , En ) un système complet d’évènements de (Ω, A, P ). Alors
n
X
P (Ek ) = 1
k=1
Démonstration : Ceci résulte de la définition d’un système complet d’évènements et de l’additivité finie.
Proposition 4.1.2
Soit (E1 , . . . , En ) un système complet d’évènements de (Ω, A, P ). Alors
∀A ∈ A, P (A) =
n
X
P (A ∩ Ek )
k=1
Démonstration : Puisque les évènements (Ek ) sont deux à deux incompatibles, il en est de
même pour les (A ∩ Ek ). Par additivité finie, on a
!
n
n
[
X
P
(A ∩ Ek ) =
P (A ∩ Ek )
k=1
Mais puisque
Sn
k=1
k=1
Ek = Ω, on a
n
[
k=1
(A ∩ Ek ) = A ∩
n
[
Ek = A ∩ Ω = A
k=1
D’où le résultat.
Remarque. En particulier, on peut définir une probabilité par sa restriction à un système
complet d’évènements.
Exemple. Reprenons l’exemple ci-dessus, et calculons la probabilité de l’évènement C : « le
chiffre obtenu est un multiple de 3 ». Puisque (A, Ā) est un système complet d’évènements,
on a
P (C) = P (C ∩ A) + P (C ∩ Ā)
1
1 1
Mais C ∩ A = {6} et C ∩ Ā = {3}. Ainsi P (C) = + = .
3 6
2
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4.2
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Equiprobabilité
Proposition 4.2.1
Sur tout espace probabilisable (Ω, P(Ω)) fini, il existe une unique probabilité P prenant
la même valeur sur les évènements élémentaires.
1
Si Card Ω = n, on a ∀ω ∈ Ω, P (ω) = et
n
∀A ∈ P(Ω), P (A) =
Card A
Card Ω
On appelle cette probabilité la probabilité uniforme sur Ω. L’espace probabilisé obtenu
modélise les situations d’équiprobabilité.
Démonstration : Puisque Ω = {ω1 , . . . , ωn }, la famille ({ωk })k est un système complet d’évèn
P
P (ωk ) = 1. Comme P (ωk ) est choisie indépendamment de k, on a
nements. On a
k=1
nécessairement nP (ω1 ) = 1, puis P (ωk ) =
Soit A ∈ P(Ω), alors P (A) =
n
P
1
.
n
P (A ∩ {ωk }) ce qui donne bien la deuxième formule.
k=1
Exemple. Un joueur lance deux fois un dé parfaitement équilibré. On choisi Ω = [[ 1 ; 6 ]]2
et A = P(Ω). Puisque le dé est équilibré, nous prenons pour P la probabilité uniforme.
Notons A l’évènement « la somme des deux chiffres obtenus est 8 », et Ek l’évènement « le
premier jet fournit le chiffre i ». (Ek ) est un système complet d’évènements et
P (A) =
6
X
P (A ∩ Ek )
k=1
Mais A ∩ E1 est l’évènement impossible, et A ∩ E2 = {(2, 6)}, A ∩ E3 = {(3, 5)}, A ∩ E4 =
{(4, 4)}, A ∩ E5 = {(5, 3)}, A ∩ E6 = {(6, 2)}. Chaque évènement élémentaire a probabilité
5
1
, ainsi P (A) = .
36
36
Exercice. On distribue 5 cartes d’un jeu de 52 cartes à un joueur. Quelle est la probabilité
d’obtenir une paire ? D’avoir une main avec exactement 2 cœurs ? Au moins deux têtes de
couleurs distinctes ? Exactement 3 trèfles ?
Exercice. On lance six fois un dé équilibré. Quelle est la probabilité d’obtenir les six
chiffres dans un ordre quelconque ?
4.3
Formule du crible
On s’intéresse maintenant aux unions quelconques d’évènements.
4.3.1
Formule de Poincaré « facile »
La formule P (A ∪ B) = P (A) + P (B) − P (A ∩ B) peut se généraliser, de proche en
proche, à l’aide des opérations classiques sur les ensembles.
Par exemple : si A, B, C sont des parties de Ω, on a, en posant D = B ∪ C, B ′ = A ∩ B
et C ′ = A ∩ C (il faut comprendre toutes les étapes !) :
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P (A ∪ B ∪ C) = P (A ∪ (B ∪ C))
= P (A ∪ D)
= P (A) + P (D) − P (A ∩ D)
= P (A) + P (B ∪ C) − P (A ∩ (B ∪ C))
= P (A) + P (B) + P (C) − P (B ∩ C) − P ((A ∩ B) ∪ (A ∩ C))
= P (A) + P (B) + P (C) − P (B ∩ C) − P (B ′ ∪ C ′ )
= P (A) + P (B) + P (C) − P (B ∩ C) − P (B ′ ) + P (C ′ ) − P (B ′ ∩ C ′ )
= P (A) + P (B) + P (C) − P (B ∩ C) − (P (A ∩ B) + P (A ∩ C) − P ((A ∩ B) ∩ (A ∩ C)))
= P (A) + P (B) + P (C) − P (B ∩ C) − P (A ∩ B) − P (A ∩ C) + P (A ∩ B ∩ C)
Exemple. Utiliser la formule de Poincaré pour résoudre le problème suivant :
Dans une classe de 36 élèves, 22 étudient l’anglais, 22 l’allemand et 18 de l’espagnol.
On sait que 10 font anglais et allemand, 9 allemand et espagnol et 11 anglais et espagnol.
Combien d’élèves étudient les trois langues ?
De proche en proche, on peut toujours trouver une formule analogue, en alternant les
signes.
Exemple. On considère l’expérience aléatoire suivante : on dispose de 5 boules numérotées
de 1 à 5, et de 5 sacs numérotés de 1 à 5. On range, sans les regarder, exactement une boule
par sac. Quelle est la probabilité qu’au moins une boule soit rangée dans le sac portant le
même numéro ?
On prend pour univers Ω l’ensemble des bijections de [[ 1 ; 5 ]] dans [[ 1 ; 5 ]]. Nous supposons que l’on est dans une situation d’équiprobabilité : A = P(Ω) et P est la probabilité
uniforme. NotonsSenfin Ei l’évènement « la boule numéro i est dans le sac i ». Nous cherchons à calculer 5i=1 Ei . Nous allons utiliser la formule du Crible.
5
P
– Calcul de
P (Ei ) : si la boule numéro 1 est bien placée, les 4 autres peuvent être
i=1
dans n’importe quel sac : il y a autant de possibilités que de bijections de [[ 1 ; 4 ]]. Ainsi
1
4!
= . Le résultat ne dépend pas intrinsèquement du numéro particulier
P (E1 ) =
5!
5
1
de la boule bien placée... Le même raisonnement donne ∀i ∈ [[ 1 ; 5 ]] , P (Ei ) = .
5
5
P
Comme il y a 5 termes à prendre en compte,
P (Ei ) = 1.
i=1
P
– Calcul de
P (Ei1 ∩ Ei2 ) : Le calcul va être indépendant du choix de i1 et i2 .
16i1 <i2 65
Calculons P (E1 ∩ E2 ). Une fois les deux premières boules placées, il y a autant de
3!
1
possibilités que de permutations de [[ 1 ; 3 ]] : P (E1 ∩ E2 ) =
=
. Puisqu’il y a
5!
20
P
1
5
P (Ei1 ∩ Ei2 ) = .
2 = 10 termes à considérer,
2
16i1 <i2 65
P
– Calcul de
P (Ei1 ∩ Ei2 ∩ Ei3 ) : On commence par le calcul de P (E1 ∩
16i1 <i2 <i3 65
E2 ∩ E3 ). Une fois les trois premières boules placées, il ne reste que le choix d’une
P
2
permutation de {1, 2}. Ainsi P (E1 ∩E2 ∩E3 ) =
et
P (Ei1 ∩Ei2 ∩Ei3 ) =
5! 16i1 <i2 <i3 65
1
5 1
3 60 = 6 .
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Chapitre 9
P
– Calcul de
2013/2014
P (Ei1 ∩ Ei2 ∩ Ei3 ∩ i4 ) : si les quatre premières boules sont
16i1 <i2 <i3 <i4 65
1
. La somme considérée
bien placées, la dernière l’est aussi : P (E1 ∩ · · · ∩ E4 ) =
120
P
1
comporte 5 termes :
P (Ei1 ∩ Ei2 ∩ Ei3 ∩ i4 ) = .
24
16i1 <i2 <i3 <i4 65
1
– Comme annoncé au point précédent, P (E1 ∩ · · · ∩ E5 ) = P (E1 ∩ · · · ∩ E4 ) =
.
120
1 1
1
1
19
Finalement, P (E) = 1 − + −
+
= .
2 6 24 120
30
Exercice. En arrivant à Point Gamma, 7 personnes laissent leur manteau au vestiaire, qui
est obligatoire. A la fin de la soirée, tous les tickets sont mélangés et les manteaux rendus
au hasard. Quelle est la probabilité qu’aucune personne ne récupère son manteau ?
4.4
Cas général H.P.
La section suivante n’est plus au programme.
Proposition 4.4.1
Soit (Ω, A, P ) un espace probabilisé fini et (Ek )k∈[[ 1 ; N ]] une famille d’évènements de
Ω. Alors
!
N
N
[
X
P
Ek 6
P (Ek )
k=1
k=1
Démonstration : Le principe est de construire une famille (FS
k )k∈[[ 1 ; N
S]] d’évènements deux à
deux incompatibles de Ω tels que pour tout k Fk ⊂ Ek et Fk = Ek .
Sm
SN
SN
Posons Um = k=1 Ek . On a m=1 Um = k=1 Ek sauf que maintenant la réunion
porte sur une famille croissante (pour l’inclusion) d’évènements de E.
Posons F1 = U1 = E1 et pour k ∈ [[ 1 ; N − 1 ]], Fk+1 = Uk+1 rUk = Ek+1 rEk ⊂ Ek+1 .
Par propriété des algèbres (stabilité par union finie et passage au complémentaire), les Fk
sont bien des évènements.
Puisque Fk ⊂ Uk , les évènements
F
Sn
Skn sont deux à deux incompatibles, et on peut
montrer par récurrence que k=1 Fk = m=1 Um pour tout n ∈ [[ 1 ; N ]]. En particulier,
SN
SN
k=1 Fk =
k=1 Ek .
On a construit des évènements Fk tels que
1. ∀k ∈ [[ 1 ; N ]] , Fk ⊂ Ek
SN
SN
2. k=1 Fk = k=1 Ek
On en déduit que
P
N
[
k=1
Ek
!
=P
N
[
k=1
Fk
!
=
n
X
k=1
P (Fk ) 6
N
X
P (Ek )
k=1
Remarque. On obtient en passant aux évènements contraires P
TN
k=1 Ek )
> 1−
n
P
P (Ēk ).
k=1
Exemple. Notons A la probabilité que l’épreuve de maths 1 de HEC fasse intervenir des
probabilités et B la probabilité que cette même épreuve soit consacrée à l’algèbre linaire.
On donne P (A) > 0, 6 et P (B) > 0, 55. Donnons une minoration de P (A ∩ B).
P (A ∩ B) = 1 − P (Ā ∪ B̄) et P (Ā ∪ B̄) 6 P (Ā) + P (B̄) 6 0, 85. Donc P (A ∩ B) > 0, 15.
J. Gärtner.
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Chapitre 9
2013/2014
Théorème 4.4.1 (Formule du crible, de Poincaré)
Soit (Ω, A, P ) un espace probabilisé. Pour toute famille (E1 , . . . , En ) d’évènements de
Ω, on a
!
n
n
[
X
X
P
P (Ei1 ∩ · · · ∩ Eik )
Ek =
(−1)k−1
k=1
16i1 <···<ik 6n
k=1
=
n
X
X
(−1)k−1
k=1
P
\
Ei
i∈I
I⊂[[ 1 ; n ]]
Card I=k
!
Remarque. Pour écrire cette formule dans la pratique, on commence par
Pécrire P (E1 ) +
· · ·+P (En ), puis on alterne les signes. Le nombre de termes dans la somme 16i1 <···<ik 6n P (Ei1 ∩
n
· · · ∩ Eik ) est nk et dans la somme
P totale 2 − 1. Si l’intersection Ei1n∩ · · · ∩ Eik ne dépend
que de k (et non des ij ), on a 16i1 <···<ik 6n P (Ei1 ∩ · · · ∩ Eik ) = k P (E1 ∩ · · · ∩ Ek ).
Notons enfin que si la probabilité est uniforme, la formule du Crible est déjà démontrée
dans le cours de dénombrement.
Démonstration : Procédons par récurrence sur n. Nous avons déjà montré la formule dans
le cas où n = 2 (i.e. P (A ∪ B) = P (A) + P (B) − P (A ∩ B)).
Sn
Pn
P
Soit n > 2. Supposons que P ( k=1 Ek ) = k=1 (−1)k−1 16i1 <···<ik 6n P (Ei1 ∩ · · · ∩
Eik ). Soit (E1 , . . . , En+1 ) une famille d’évènements de Ω.
Alors d’après le cas n = 2 :
!
!
!
!
n
n
n+1
[
[
[
P
Ek ∩ En+1
Ek + P (En+1 ) − P
Ek = P
k=1
k=1
k=1
=P
n
[
Ek
k=1
!
+ P (En+1 ) − P
n
[
!
(Ek ∩ En+1 )
k=1
L’hypothèse de récurrence appliquée aux Ek ∩ En+1 donne
!
n
n
[
X
X
P
(Ek ∩ En+1 ) =
(−1)k−1
P (Ei1 ∩ · · · ∩ Eik ∩ En+1 )
k=1
donc
−P
k=1
n
[
!
(Ek ∩ En+1 )
k=1
16i1 <···<ik 6n
=
n+1
X
k
(−1)
k=2
k=1
I⊂[[ 1 ; n+1 ]]
Card I=k et n+1∈I
/
Mis bout à bout, on obtient la formule annoncée.
J. Gärtner.
P
10
P
\
i∈I
I⊂[[ 1 ; n+1 ]]
Card I=k et n+1∈I
De plus, toujours d’après l’hypothèse de récurrence,
!
n
n
X
X
[
(−1)k−1
P
Ek =
k=1
X
\
i∈I
Ei
!
Ei
!
ECS3 Carnot
5
Chapitre 9
2013/2014
Schéma de Bernoulli, schéma binomial
Imaginons que l’on joue n fois à Pile ou Face avec une pièce équilibrée : elle tombe avec
1
probabilité sur Pile (que l’on note 1). L’univers naturel est alors Ω = {0, 1}n , A = P(Ω).
2
A priori, on peut choisir pour P la probabilité uniforme. Notons que Card Ω = 2n .
Lorsque la pièce n’est pas équilibrée, on note p la probabilité de tomber sur Pile. A
1
priori p 6= , c’est-à-dire qu’en moyenne on estime que l’on tombe plus souvent sur Pile
2
1
1
que sur Face (si p > ) ou l’inverse (si p < ).
2
2
Définition 5.0.1
Plus généralement on appelle expérience ou schéma de Bernoulli toute expérience
n’ayant que deux issues possibles, que l’on appelle généralement succès et échec. On
note très souvent p la probabilité de succès et q = 1 − p la probabilité de l’échec.
Lorsqu’on répète n fois de manière « indépendante » une épreuve de Bernoulli, on peut
parler dans ce cas de schéma binomial. La probabilité d’obtenir exactement k ∈ [[ 0 ; n ]]
succès dans un ordre précis est pk (1 − p)n−k .
Par exemple, avec n = 4 et k = 2, avoir deux Pile puis deux Face dans cet ordre est
l’événement P1 ∩ P2 ∩ F3 ∩ F4 . (On note de manière classique Pi l’événement « tirer Pile
au i ieme lancer »).
Rappelons qu’un schéma binomial peut être représenté par un arbre :
DESSIN
La probabilité d’obtenir exactement k succès et n − k échecs dans un ordre précis est
la probabilité de tomber sur un chemin précis.
Quelle est la probabilité d’obtenir exactement k succès ? (On ne tient plus compte de
l’ordre). Notons Ak cet évènement. Alorsil faut compter (dénombrer) le nombre de chemins
de l’arbre donnant k succès. Il y en a nk .
Définition 5.0.2
Soit n ∈ N et k ∈ N. On note nk le nombre de possibilités d’obtenir exactement k
succès en répétant n fois une expérience de Bernoulli, sans tenir compte de l’ordre.
C’est le nombre de chemins (branches) de l’arbre représentant l’expérience passant
exactement par k succès.
Comme chaque branche donnant k succès exactement
a même probabilité pk (1 − p)k ,
et que les branches sont incompatibles, on a P (Ak ) = nk pk (1 − p)k .
Ces résultats nous prouvent qu’il manque (au moins) deux points pour être rigoureux
sur un problème de probabilités.
1. Savoir calculer précisément et rigoureusement le nombre d’éléments d’un ensemble
(son cardinal). C’est essentiel dans tous les problème où la probabilité est la probabilité uniforme ! Ici on voit que l’on a eu besoin du nombre de branches de l’arbre
passant exactement par k succès. C’est l’objet du chapitre 11.
2. Savoir donner un sens à l’indépendance, et aux probabilités conditionnelles, autrement dit, savoir étiqueter toutes les branches de l’arbre avec une « bonne » probabilité.
C’est l’objet du chapitre 10.
J. Gärtner.
11
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