ÉLÉMENTS DE TOPOLOGIE
VLADIMIR GEORGESCU
6 décembre 2013
Young man, in mathematics you don’t
understand things. You just get used to
them.
John Von Neumann
FIG. 1. http ://www.slideshare.net/tdaughtry/the-role-of-proof-in-mathematics
The first thing to understand is that mathematics is an art .. . The saddest part
of all this “reform” are the attempts to “make math interesting” and “relevant
to kids’ lives” . . . You don’t need to make math interesting – it’s already more
interesting than we can handle ! And the glory of it is its complete irrelevance
to our lives. That’s why it’s so fun !
P. Lockhart, A Mathematician’s Lament
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TABLE DES MATIÈRES
1. Avant-propos 3
2. Rappels sur les nombres 3
3. Espaces métriques 4
4. Métriques uniformément équivalentes 5
5. Fonctions lipschitziennes 6
6. Topologies sur un ensemble 7
7. Comparer des topologies 8
8. Construction d’espaces topologiques 8
9. Intérieur, adhérence 9
10. Ensembles denses 10
11. Voisinages 10
12. Fonctions continues 11
13. Fonctions continues sur un espace métrique 12
14. Espaces métriques complets 13
15. Espaces de Baire 15
16. Groupes topologiques 17
17. Espaces vectoriels topologiques 20
18. Espaces vectoriels sur les rationnels 20
19. Espaces de Banach 21
20. Filtres sur un ensemble 23
21. Espaces compacts 25
22. Espaces métriques compacts 26
23. Espaces vectoriels topologiques de dimension finie 28
24. Topologie de Vietoris, métrique de Hausdorff 29
25. Théorème de Stone-Weierstrass 29
26. Théorème d’Arzelà-Ascoli 32
27. Produits d’espaces topologiques 33
28. De l’inutilité des suites 35
29. Métrisabilité des produits topologiques 35
30. Dual d’un espace de Banach 36
31. Espaces connexes 38
32. Annexe 1 : ensembles et fonctions 41
33. Annexe 2 : ensembles ordonnés 41
34. Annexe 3 : Lemme de Zorn 42
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1. Avant-propos. Ces notes contiennent l’essentiel du cours de M1 que j’ai enseigné au
département de mathématiques de l’université de Cergy-Pontoise en automne 2012 et 2013.
Il m’est difficile de donner des références bibliographiques précises car le sujet est déjà
très standardisé et tous les livres se ressemblent. J’ai une préférence pour Bourbaki, mais
je ne peux sérieusement le recommander à ce niveau. D’autre part, on trouve sur le web
d’excellentes présentation, par exemple le livre Topology without tears de Sidney A. Morris
(en accès libre), avec plein d’exercices et résultats intéressants.
Les notes des cours de Françoise Piquard et de Quanhua Xu sur le même sujet m’ont été
très utiles pour la rédaction. Je voudrais remercier Françoise de me les avoir transmises.
Je vais parfois utiliser les abréviations ssi pour “si et seulement si” et tq pour “tel que”.
Aussi, je vous rappelle que se lit “pour tout”, “il existe”, et !“il existe un unique”.
2. Rappels sur les nombres. Les ensembles N={0,1,2, . . .},Z,Qsont supposés
connus. Ces ensembles sont dénombrables. On pose ω=N={1,2,3, . . .}.
Nous admettons l’existence et l’unicité de l’ensemble des nombres réels Rdéfini par les
propriétés suivantes. La construction n’est pas difficile mais pas vraiment enrichissante.
Proposition. Il existe un corps commutatif ordonné Rtel que toute partie majorée A
Radmet une borne supérieure sup A. Deux tels corps sont canoniquement isomorphes,
c’est-à-dire il existe un unique isomorphisme de corps de l’un sur l’autre. Nous avons un
plongement de corps QR. On note R+= [0,[l’ensemble des nombres réels positifs.
Nombres complexes. C=R+iRest un corps normé avec |z|=|x+iy|=px2+y2.
Un ensemble réel égal à une réunion d’intervalles ouverts est appelé ouvert. Le complé-
mentaire d’un ouvert est appelé fermé. Un ensemble qui contient un intervalle ouvert de
centre xRest appelé voisinage de x. Un sous-ensemble ARest dense dans Rsi pour
tout intervalle ouvert non vide Inous avons AI6=. Notez que Qest dense dans R.
Notation. Dans la suite Kest l’un des corps Rou C.
Exercice. Montrer que ARest ouvert si et seulement si Aest un voisinage de chacun
de ses points. Dans ce cas, montrer qu’il existe un unique ensemble I(A)d’intervalles
ouverts non vides tq (1) si I, J ∈ I(A)alors I=Jou IJ=, (2) A=SI∈I(A)I.
Ces intervalles Isont appelés composantes connexes de A.
Solution. La première assertion est évidente. Pour la deuxième, pour tout xAsoit Ax
la réunion de tous les intervalles ouverts Itq xIA. Alors Axest un intervalle ouvert
car la réunion de deux intervalles ouverts ayant un point commun est un intervalle ouvert.
Si yA\Axet JAest un intervalle ouvert qui contient yalors AxJ=, sinon
AxJserait un intervalle ouvert inclus dans Acontenant xdonc AxJAxce qui
contredit le fait que y /Ax. Donc AxAy=. On prend I(A) = {Ax|xA}.
Exercice. Avec les notations de l’exercice précédent, on définit la longueur, ou la mesure,
de Apar |A|=PI∈I(A)|I||I|=basi I=]a, b[. Montrer que si {An}est une suite
d’ouverts alors nAnest un ouvert et | ∪nAn| ≤ Pn|An|.
Exercice. On dit qu’une partie Nde Rest de mesure nulle si pour tout ε > 0il existe un
ouvert Atq NAet |A|< ε. Montrer que toute partie dénombrable est de mesure nulle.
En déduire que pour tout réel ε > 0il existe un ouvert Adense dans Rde mesure < ε.
Solution. Si Nest dénombrable alors on peut le numéroter, donc il existe une surjection
θ:ωN. Pour chaque nsoit Inl’intervalle ouvert de centre θnet longueur ε
2n. Alors
Nest couvert par la réunion de ces intervalles et la somme de leurs longueurs est ε
2.
Construction. Soient 1= [0,1] et 0< ε 1/3réel. Si on enlève l’intervalle ouvert
de longueur εdu milieu on obtient le fermé 2réunion de deux intervalles fermés. On
4
répète cette opération en enlevant de chacun de ces deux intervalles l’intervalle ouvert du
milieu de longueur ε2, on obtient un fermé 3réunion de 4intervalles fermés, la longueur
totale de l’ouvert enlevé sera alors ε+ 2ε2. On continue indéfiniment cette procédure, à la
k-ième étape en enlevant des intervalles ouverts de longueurs εk. A la fin, on aura enlevé
un ouvert, réunion disjointe d’intervalles ouverts, de longueur totale ε+ 2ε2+ 4ε3+··· =
εPk0(2ε)k=ε(12ε)1. Ce qui reste de [0,1] est un sous-ensemble fermé de longueur
1ε(1 2ε)1= (1 3ε)(1 2ε)1.
Ensemble de Cantor. L’ensemble ainsi obtenu dans le cas ε= 1/3est un fermé de
mesure nulle appelé ensemble de Cantor. Montrer que coïncide avec l’ensemble des
nombres réels de la forme P
n=1
an
3navec an∈ {0,2}. En particulier, est un fermé non
dénombrable qui ne contient aucun intervalle ouvert non vide.
3. Espaces métriques. Une métrique sur un ensemble Xest une fonction d:X2R+
telle que
(1) d(x, x)=0et d(x, y)>0si x6=y,
(2) d(x, y) = d(y, x),
(3) d(x, y)d(x, z) + d(z, y)(inégalité du triangle).
Si la deuxième partie de (1) n’est pas satisfaite, alors dest une semi-métrique. Un espace
métrique est un couple (X, d)formé d’un ensemble et d’une métrique sur cet ensemble.
Le diamètre relativement à dde AXest défini par diam(A) = supa,bAd(a, b). Si X
est de diamètre fini, ce qui revient à dire que la métrique dde Xest une fonction bornée,
on dit que Xest un espace métrique borné.
Si YXalors (Y, d|Y2)est un espace métrique ; d|Y2est dite métrique induite.
Les boules ouverte et fermée de centre xet rayon r > 0associées à dsont définies par :
Bx(r) = {yX:d(x, y)< r}et Bx(r) = {yX:d(x, y)r}.
On utilise les notations Bd
x(r)et Bd
x(r)s’il est nécessaire de spécifier la métrique.
Exercice. Le but de l’exercice est de montrer que l’intersection Bx(r)By(s)de deux
boules ouvertes est réunion de boules ouvertes.
(1) Si zBx(r)alors Bz(rd(z, x)) Bx(r). (En effet, si d(a, z)< r d(z, x)alors
d(a, x)< r par l’inégalité du triangle.)
(2) Si de plus nous avons zBy(s)alors Bz(sd(z, y)) By(s)donc si on choisit
t > 0tel que t<rd(z, x)et t<sd(z, y)alors Bz(t)Bx(r)By(s).
Remarque. La définition des boules ouvertes et fermées est inchangée si dest une semi-
métrique et le résultat précédent reste évidemment vrai.
Exercice. La métrique discrète est définie par d(x, y)=1si x6=y. Montrer que c’est
bien une métrique.
Exercice. Définir et étudier la métrique naturelle sur un arbre binaire.
Exercice. Une boule de rayon petit peut contenir une boule de rayon grand : donner
des exemples de boules Bx(r), By(s)dans un espaces métrique tel que r < s mais
Bx(r)By(s)strictement. (En fait, cela n’est pas une pathologie et peut arriver dans des si-
tuations parfaitement naturelles : soit Xla boule fermée de centre zéro et de rayon 1dans Rnavec
la métrique induite par Rn, alors si yest un point sur le bord de Xet 1< r < s < 2alors
X=B0(r)By(s)strictement. )
Définition. Soit Xun groupe additif. J’appelle jauge sur Xune fonction δ:XR+tq
(1) δ(0) = 0 et δ(x)>0si x6= 0, δ(x) = δ(x), δ(x+y)δ(x) + δ(y).
Alors d(x, y) = δ(xy)est une métrique invariante aux translations (réciproquement .. .).
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Exercice. Si n < et 0<p<1alors |x|p=Pn
i=1 |xi|pest une jauge sur Kn, où Kest
Rou C. Donc d(x, y) = |xy|pest une métrique sur Kn.
(Preuve : montrer que (1 + t)p1 + tpsi test un réel positif, en déduire d’abord que (a+b)p
ap+bpsi a, b sont des réels positifs, et ensuite que |x+y|p≤ |x|p+|y|psi x, y Cn.)
Définition. Une norme sur l’espace vectoriel Xest une fonction k·k:XR+tq :
(2) kxk= 0 x= 0,kλxk=|λ|kxk ∀λK,kx+yk≤kxk+kyk.
Un espace vectoriel muni d’une norme est appelé espace vectoriel normé.
Exercice. Soit |x|p=Pn
i=1 |xi|p1/p si 1p < et |x|p= supi|xi|si p=. Alors
|·|pest une norme sur Kn. L’inégalité |x+y|p≤ |x|p+|y|pest dite de Minkowski
Solution. Nous allons démontrer l’inégalité de Minkowski dans le cas 1< p < et
x, y 6= 0. Montrons d’abord que la fonction u7→ upest convexe sur R+, c’est-à-dire
(αs +βt)pαsp+βtpsi s, t 0et α, β 0, α +β= 1 . On peut supposer st > 0.
Alors on divise par tpet on se ramène à montrer que (αs +β)pαsp+βsi s1.
Soit fla fonction f(s) = αsp+β(αs +β)pdéfinie sur [1,[. Alors f(1) = 0 et
f0(s) = αpsp1αp(αs+β)p10car sαs+β1si s1et p1>0. Maintenant
démontrons l’inégalité de Minkowski. Il est clair que nous pouvons supposer xi, yi0i.
Si on pose a=x/|x|p, b =y/|y|p, α =|x|p(|x|p+|y|p)1, β =|y|p(|x|p+|y|p)1
alors l’inégalité s’écrit |αa +βb|p1. Comme α, β > 0et α+β= 1 il suit que
(αai+βbi)pαap
i+βbp
ipar ce qu’on vient de montrer. En sommant d’après ion obtient
|αa +βb|pα|a|p+β|b|pd’où le résultat, car α|a|p+β|b|p=α+β= 1.
Profitons de l’occasion pour démontrer une autre relation importante, l’inégalité de Hölder.
Exercice. Si 1p, q ≤ ∞ et 1
p+1
q= 1 alors |Pixiyi|≤|x|p|y|qx, y Kn.
(Il suffit de supposer 1<p<les autres cas sont faciles. On pose α= 1/p, β = 1/q et on
note qu’il suffit de considérer le cas xi>0et yi>0pour tout i. Alors on peut écrire xi=aα
iet
yi=bβ
iet on est donc ramené à démontrer Paα
ibβ
iAαBβavec A=Pai, B =Pbi. On peut
remplacer aipar ai/A et bipar bi/B, donc on peut supposer A=B= 1. Mais il est facile de voir
que aα
ibβ
iαai+βbisi ai, bisont des nombres positifs ; ensuite, on somme sur i.)
Exercice. Démontrer l’inégalité de Minkowski en utilisant l’inégalité de Hölder.
(On note zi=|xi+yi|p1. Alors |x+y|p
pP`|xi|zi+|yi|zi´et l’inégalité de Hölder implique
≤ |x|p|z|q+|y|p|z|q. Enfin, comme q=p/(p1) un calcul immédiat donne |z|q=|x+y|p1
p.)
Exercice. Soit ξun nombre irrationnel. Pour x= (x1, x2)Q×Qon pose |x|ξ=
|x1ξx2|(valeur absolue dans R). Montrer que |·|ξest une jauge sur le groupe additif
Q×Q. Deux telles jauges ne sont pas équivalentes (voir la Section 18).
Métriques hyperboliques. La métrique du disque de Poincaré D={xC| |x|<1}
d(x, y) = log |1x¯y|+|xy|
|1x¯y|−|xy|
et la métrique du demi-plan de Poincaré H={xC| =x > 0}
d(x, y) = log |x¯y|+|xy|
|x¯y|−|xy|
définissent deux espaces métriques isométriquement isomorphes, des réalisations de la
géométrie non-euclidiene de Lobatchevski.
4. Métriques uniformément équivalentes. Soient d0, d00 deux métriques sur un ensemble
X. On dit que d0est uniformément plus fine que d00 si
r > 0s > 0tel que d0(x, y)< s d00(x, y)< r.
La conclusion peut aussi s’écrire Bd0
x(s)Bd00
x(r)pour tout x. On dit que d0et d00 sont
uniformément équivalentes si chacune est plus fine que l’autre.
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