Crédit Investment Grade « financières

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18 mars 2011 - N° 02
Crédit Investment Grade « financières » versus
« industrielles » du point de vue des assureurs
européens
Introduction
Pour assurer des taux de rendement compétitifs sur leurs actifs, les assureurs ont, ces
dernières années, investi des montants très importants en obligations crédit Investment
grade. Ces investisseurs ne sont pas sensibles uniquement aux fluctuations mark to market
du fait de deux particularités : d’une part Solvency II va influencer leur appréciation de
l’attractivité des actifs, et d’autre part ils raisonnent encore largement dans une optique buy
and hold.
1
Solvency II et la mesure de l’attractivité des
obligations crédit
Dans l’approche traditionnelle des marchés financiers, la rentabilité espérée des actifs est
considérée comme égale au taux sans risque augmenté d’une prime de risque croissante
avec le risque pris. L’approche Solvency II, qui règlemente pour les assureurs les besoins en
capital à partir de janvier 2013, permet de calculer des niveaux de référence sur la prime de
risque en-dessous desquels les investissements ne sont plus attractifs.
En effet, dans le système précédent, les fonds propres réglementaires des assureurs étaient
calculés sur une base forfaitaire indépendamment de l’allocation des actifs. Une nouveauté
de Solvency II est de baser le capital nécessaire (Solvency Capital Requiremement, SCR)
sur une cartographie détaillée des risques effectivement pris (au sens d’une var 99,5% à 1
an).
La corrélation imparfaite des risques est prise en compte de sorte que le capital agrégé
requis est inférieur à la somme de ses composantes. Parmi les risques, figure le risque de
marché pour lequel le régulateur spécifie que le SCR doit être calculé comme le résultat
d’un scénario de stress de marché spécifique pour chaque classe d’actifs. Le SCR est ainsi
étroitement lié à l’allocation d’actifs. De plus, l’assureur peut calculer, sur chaque actif du
portefeuille et pour chaque investissement envisagé, une contribution au capital exigé sous
Solvency II et un coût en capital. Celui-ci représente le point-mort auquel il convient de
comparer la prime de risque attendue sur l’actif. Dans le cas des obligations crédit, il est
tentant de comparer le coût annuel du capital sous Solvency II avec le spread qui est, dans
une optique buy and hold souvent adoptée par les assureurs, un élément important de la
rentabilité attendue des obligations crédit. Cependant, le lien n’est pas immédiat car le
spread contient aussi une composante qui compense les pertes probables liées aux défauts.
En conséquence, nous définissons le spread point-mort pour une obligation donnée comme
la somme de deux termes :
Spread point-mort = pertes probables liées aux défauts + coût du capital Solvency II
z Dans l’approche traditionnelle des marchés
financiers, la rentabilité espérée des actifs est
considérée comme égale au taux sans risque
augmenté d’une prime de risque croissante avec
le risque pris.
z L’approche Solvency II, qui règlemente pour les
assureurs les besoins en capital à partir de
janvier 2013, permet de calculer des niveaux de
référence sur la prime de risque en-dessous
desquels les investissements ne sont plus
attractifs.
z Ce raisonnement appliqué aux obligations crédit
permet de calculer un spread point-mort auquel
on peut comparer les spreads réels à condition
de prendre aussi en compte l'impact des
possibles défauts.
z Selon cette approche, les obligations crédit
industrielles ont un attrait limité alors que les
spreads des obligations financières sont
sensiblement au-dessus des spreads point-mort,
particulièrement dans le secteur bancaire et quel
que soit le degré de subordination.
z Sur ces titres, d’un point de vue risque et dans
une optique buy and hold, l'assureur est surtout
affecté par les détériorations de rating qui
augmentent le besoin en capital sous Solvency II
et bien sûr par les défauts ou passage en high
yield.
z La capacité et la volonté politique de soutien des
Etats envers les banques se sont réduites après
la crise et Bale 3 conduit à un réaménagement
de la structure du passif des banques (émission
de covered bonds, renforcement du capital). Ces
deux facteurs sont défavorables à la dette senior
mais pèsent moins sur la dette subordonnée.
z Enfin, si le deleveraging est arrivé à son terme
sur les industrielles, tel n'est pas le cas pour les
banques pour lesquelles l'investissement à
moyen terme sur le crédit reste encore plus
favorable que sur les actions, à condition
d'opérer une sélection soigneuse des émetteurs
sur la qualité de leur business model et de leurs
actifs.
Document à usage professionnel exclusif
18 mars 2011 - N° 02
Le premier terme dépend de la probabilité de défaut au travers du rating de l’obligation et
du taux de perte en cas de défaut.
Nous effectuons un calcul avec des hypothèses de probabilités de défaut compatibles avec
un scénario économique de reprise modérée et indiquées dans le tableau ci-dessous. Nous
indiquons en outre les scénarios de stress spreads spécifiés par le régulateur dans la
formule standard.
400
350
Rémunération du capital
300
Pertes liées aux défauts
spread (bp)
Le second terme est le produit du ROE souhaité par le SCR crédit attaché à l’obligation qui
dépend de la duration de l’obligation et du stress scénario sur le spread spécifié par le
régulateur (il est fonction du rating). Il doit en principe être ajusté par un coefficient
spécifique à l’assureur pour prendre en compte la décorrélation avec les autres risques et
son ratio de solvabilité objectif.
Décomposition du spread point-mort
solvency II suivant les ratings
(obligations 5 ans)
250
200
15 0
10 0
0,9%
0,00%
AA
1,1%
0,05%
A
1,4%
0,40%
BBB
2,5%
1,00%
BBB
4,5%
1,30%
B
7,5%
2,20%
0
AAA
Ces spreads point-mort peuvent alors être comparés aux spreads de marché, d’une part
dans le but d’apprécier la cherté du marché du crédit, et d’autre part pour aider à la
sélection d’obligations crédit dont le spread est supérieur au spread point-mort. Pour les
spreads cotés, nous retenons comme courbe de référence la courbe swap.
BBB
BB
B
Comparaison des spreads point-mort et des
spreads cotés sur un univers
d'obligations 4-6 ans
spreads en bp
La part qui compense les pertes liées aux défauts n’est négligeable que pour les ratings
AAA et AA. Elle augmente quand le rating se détériore, mais la part de rémunération des
capitaux propres reste prépondérante.
A
So urce : A mundi Recherche et M etho de
Le taux de perte en cas de défaut est pris à 60% et le ROE exigé est pris à 10%. Le
coefficient d’ajustement de l’assureur est ici pris égal à 1.
Avec ces hypothèses, le 1er graphique montre dans le spread point-mort d’une obligation à
5 ans, la répartition des effets pertes liées aux défauts et rémunération du capital.
AA
600
spread median
industrielles
500
spread median
financières
400
spread point
mort 5 ans
300
200
100
0
AAA
AA
A
BBB
Les obligations credit corporate (principaux indices) ont été divisées par ratings et plages de
maturité. La comparaison avec les spreads point-mort est illustrée par le 2ème graphique.
Nous nous sommes restreints à la plage de maturité 4-6 ans et nous avons séparé les
financières et les industrielles.
So urce : A mundi Recherche et M etho de
On constate que pour le high yield et pour les financières, quel que soit leur rating, le
spread coté médian est au-dessus du spread point-mort. Pour les industrielles, le spread
médian se situe en-dessous du point-mort pour les A et les BBB qui regroupent le plus
grand nombre de titres. Pour les financières, les spreads cotés sont même supérieurs aux
spreads point-mort pour un rating inférieur d’un cran. En fait, un examen plus attentif des
financières montre une très grande hétérogénéité selon les secteurs et les degrés de
subordination, ainsi que le montre le 3ème graphique pour la sous-population des obligations
financières notées A. On notera en particulier le niveau élevé des spreads des obligations
subordonnées.
500
BB
B
Comparaison spreads point-mort et spreads
cotés, rating A, 3-7 ans par sous-secteurs
financiers
400
300
200
Assur senior
Fin spéc
Bques senior
FIN
0
IND
100
mediane - quantile 75%
mediane - quantile 25%
Assur sub
AAA
50
Bques T1 et UT2
Probabilité de défaut
Bques T2
Stress Spread QIS5
spread point mort A, 5 ans
spread point mort BBB, 5 ans
So urce : A mundi Recherche et M étho de
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Impact de la crise des souverains sur le
spread des financières
80
70
60
50
40
30
20
10
250
200
Solvency II prévoit que les actifs doivent être évalués en valeur de marché : les fluctuations
influent donc sur la situation de l’assureur vis-à-vis de l’exigence en capital (ratio de
solvabilité). Mais, par ailleurs, certains calculs faits par les assureurs reposent encore sur
une approche buy and hold.
150
C’est par exemple le cas du calcul du bénéfice distribuable aux assurés dans les contrats
d’assurance-vie en euros. Dans ce cas, l’assureur est moins sensible aux seules
fluctuations de prix. Le rendement actuariel et le spread actuariel sont pour lui très
importants et des obligations à spread attractif par rapport au point-mort sont intéressantes
pour lui, même en l’absence d’une compression du spread. S’il doit réinvestir de nouveaux
flux, il verra même plutôt un inconvénient à une compression de spread qui ferait disparaître
des opportunités d’investissement (une remontée limitée des spreads peut même dans ce
cas être vécue comme une opportunité). En termes d’événements adverses, l’assureur subit
bien sûr un impact négatif en cas de défaut. Il souffre également en cas de dégradation du
rating car, sous Solvency II, le chargement en capital est alors augmenté. De plus, en cas
de passage en high yield, l’assureur peut, en vertu de règles internes, être obligé de vendre
le titre. Enfin, pour les obligations subordonnées callable, si elles ne sont pas remboursées
à la date anticipée, un allongement de la duration fait à la fois baisser la rentabilité et
augmenter la consommation de capital. A l’inverse, un rappel est plutôt favorable. C’est
avec ce prisme particulier de vision du risque que nous examinons la situation actuelle des
obligations investment grade par rapport à leurs spreads point-mort.
0
100
12-10
12-09
12-06
50
12-08
Un raisonnement encore largement buy and hold
et une vision du risque plus large que le mark to
market
12-07
2
Spreads Itraxx financ. senior (pb, Ech. G.)
Spread iTraxx Souverain
Vol. implicite 3-m DJ financ. (%, Ech. D.)
Source : Stratégie Amundi
Pour les industrielles Investment Grade, beaucoup des spreads sont devenus inférieurs au
point-mort et sauf à anticiper une amélioration du rating, leur attrait est devenu plus limité.
Pour les financières, les spreads sont attractifs mais (et en particulier les banques) deux
facteurs sont susceptibles d’influer sur les ratings : l’augmentation du risque souverain et les
changements de réglementation bancaire.
La crise de 2008 puis celle des souverains de la zone euro a réduit la capacité de ces
derniers à soutenir une banque qui présenterait des difficultés. Les agences intègrent ce
point dans leur analyse des banques et considèrent que les ratings pourraient de ce fait être
légèrement dégradés indépendamment du niveau de subordination, ceci d’autant plus pour
les banques des pays qui ont connu des difficultés (les pays périphériques de la zone euro).
Ce point est intégré par les marchés et alors que les spreads des financières s’étaient en
grande partie normalisés avant la crise des souverains, celle-ci a conduit à une nouvelle
remontée des spreads des financières, engendrant un découplage par rapport à la volatilité
implicite des actions comme indiqué dans le graphique ci-dessus.
La corrélation apparue entre les spreads des banques et les souverains doit être prise en
compte attentivement par les assureurs dont l’exposition aux souverains de la périphérie de
la zone euro est importante. En effet, même si cette exposition est sans impact sur le
chargement en capital elle peut, en se cumulant avec une exposition credit sur les banques
des mêmes pays, engendrer une volatilité de l’actif et du ratio de solvabilité.
Même pour des pays très bien notés, la volonté politique de soutien des établissements
bancaires peut baisser. Ainsi l’Allemagne a voté une loi destinée à faire davantage
supporter les pertes aux détenteurs d’obligations (haircut applicable aux LT2 si la banque
présente des pertes significatives) plutôt qu’aux contribuables, des mesures qui ont conduit
Moody’s à dégrader la dette subordonnée LT2 de 24 banques en citant une diminution du
soutien gouvernemental implicite à ces établissements.
Document à usage professionnel exclusif
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18 mars 2011 - N° 02
On observe depuis 2009 que le comportement des financières par rapport aux industrielles
est très différent sur le crédit et sur les actions (cf. graphique).
0,95
-100
0,85
-200
0,75
-300
-500
0,55
-600
0,45
-700
0,35
01-11
0,65
01-10
-400
01-09
Conséquences sur le pari « financières » versus
« industrielles » et « actions » versus « crédit »
0
01-08
3
Performance des financières vs non
financières, comparaison crédit vs actions
01-07
La prise en compte progressive de Bale 3 conduit à des modifications dans la structure
du passif des banques. Plusieurs dettes subordonnées n’ont pas la capacité suffisante
d’absorption des pertes selon la nouvelle réglementation ; elles devront donc être rachetées
avant remplacement par l’émetteur car leur taux est trop élevé, avec un effet à la fois positif
sur le cours (pour celles qui cotent en-dessous du pair) et sur la duration. Le renforcement
du capital, en diminuant le levier, aura un effet protecteur pour la dette obligataire senior et
les anciennes dettes subordonnées non éligibles au capital. Il pourrait en résulter des
améliorations de ratings à moyen terme. Mais d’un autre côté, on note une recrudescence
des émissions de covered bonds que les banques privilégient comme instrument de
financement au détriment des émissions de dette senior. Cette substitution, en reculant la
protection des obligataires senior derrière les détenteurs de covered bonds, est défavorable
aux obligations senior, mais n’a cependant pas d’impact sur la dette subordonnée.
spread A IND-FIN (Ech. G.)
MSCI Eur Bques/MSCI Eur ex Bques (Ech. D.)
So urce : A mundi Recherche et M étho de
Une légère amélioration s’est dessinée en début d’année mais dans des tendances
opposées. Globalement, les actions financières sous-performent les industrielles alors que
sur le différentiel de spread, c’est plutôt l’inverse que l’on constate. La phase de
deleveraging favorable au crédit est en grande partie accomplie sur les industrielles mais
pas sur les financières où les changements réglementaires conduisent à prolonger cette
phase traditionnellement plus favorable au crédit qu’aux actions.
Ce processus n’est de loin pas achevé en Europe, spécialement dans des pays où se sont
créées des bulles (sur l’immobilier en Espagne et Irlande). Et même lorsqu’il sera achevé, il
n’est pas sûr que la divergence se réduise. En effet le ROE sur les banques ne reviendra
pas à son niveau d’avant crise ; ni la taille du bilan, car les banques se « deleveragent »
aussi en réduisant la taille de leurs actifs. Par rapport aux niveaux d’avant-crise, les spreads
peuvent se normaliser mais pas les prix des actions. La situation est similaire au secteur
des Telecoms qui a lui aussi connu un deleveraging prolongé après 2000 suite à l’explosion
de la bulle internet.
Sur les industrielles, la valorisation moins attractive des spreads et le degré avancé dans le
deleveraging devraient normalement être plus favorables aux actions qu’au crédit
(investment grade). En revanche pour les financières, avec des spreads cotés qui restent
au-dessus des spreads point-mort même en cas de dégradation du rating d’une note, le
potentiel de gain est attractif et bien protégé sur le crédit dans une optique buy and hold à
moyen terme. Le delevaraging appelé à se prolonger sur les financières nous fait préférer
jouer aujourd’hui les financières via le crédit plutôt que via les actions. Une sélection
soigneuse des émetteurs au vu de leur risque systémique et de la nature plus ou moins
risquée de leurs activités est un facteur important de succès. Nous préfèrerons, à rating
équivalent, les obligations subordonnées sur des noms qui nous inspirent confiance plutôt
que de la dette senior sur des émetteurs globalement moins bien notés.
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Rédacteur en chef
Philippe Ithurbide - Directeur Recherche, Stratégie
et Analyse - Paris
+33 1 76 33 46 57
Contributeurs
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Méthodes - Paris
Sergio Bertoncini - Stratégie Crédit - Milan
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