Commission de Régulation de l’Electricité et du Gaz Rue de l’Industrie 26-38 1040 Bruxelles Tél.: 02/289.76.11 Fax: 02/289.76.09 COMMISSION DE RÉGULATION DE L’ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ ETUDE (F)110203-CDC-1036 relative à « l’analyse du concept des spreads» réalisée en application des articles 23, §2, deuxième alinéa, 2° de la loi du 29 avril 1999 relative à l’organisation du marché de l’électricité 3 février 2011 TABLE DES MATIERES I INTRODUCTION ......................................................................................................... 3 II COUT MARGINAL ....................................................................................................... 4 III PRIX SUR LES BOURSES ET COÛT MARGINAL ...................................................... 6 IV CONSTRUCTION DES SPREADS .............................................................................. 7 IV.1. Considérations générales ................................................................................... 7 IV.2. Dark Spread (charbon) ....................................................................................... 8 IV.3. Spark Spread (gaz) ........................................................................................... 11 V ANALYSE DES SPREADS ........................................................................................ 13 V.1. Commentaires sur les formules......................................................................... 13 V.2. Day ahead versus Year Ahead ......................................................................... 16 V.3. Clean Spark Spread versus Clean Dark Spread ............................................... 17 V.4. Clean Spark Spread versus Spark Spread........................................................ 20 V.5. Comparaison internationale de day ahead clean spark spreads ....................... 21 V.6. Valeur des spreads ........................................................................................... 23 VI APPLICATIONS DES SPREADS ............................................................................... 25 VI.1. Spreads et politiques environnementales.......................................................... 25 VI.2. Spreads et balancing ........................................................................................ 27 VI.3. Spreads et produits dérivés .............................................................................. 27 VI.4. Spreads et valeur d’une centrale....................................................................... 28 VII CONCLUSION ........................................................................................................... 30 VIII BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................... 32 2/32 I 1. INTRODUCTION Par cette étude, la CREG a pour objectif de présenter une brève synthèse sur les écarts (spreads) entre le prix de l’électricité et son coût estimé de production. Avant de se lancer dans le vif du sujet, la première section discutera du coût marginal de production de l’électricité et de ses composantes. Ensuite, la deuxième section exposera le lien entre le prix de l’électricité sur les marchés et ce coût marginal. La troisième section reprendra les formules utilisées pour calculer ces spreads dans différentes publications. La quatrième section consistera en l’analyse de ces spreads, et finalement, une cinquième section reprendra quelques applications des spreads. 3/32 II COÛT MARGINAL Le coût marginal (Cm) de production1 de l’électricité est défini comme l’évolution du 2. coût total (CT) suite à un changement de la quantité produite (Q)2. Les coûts totaux comprennent les coûts fixes (CF) et les coûts variables (CV), soit CT = CV+CF. Le coût marginal s’écrit donc : Vu que seuls les coûts variables dépendent de la quantité, l’équation peut se reformuler : 3. Le coût marginal dépend de la période considérée afin d’évaluer le changement de la quantité produite. Dans le très court terme, le coût marginal correspond aux coûts variables de court terme3, c’est-à-dire aux coûts: - du combustible pour produire une unité d’électricité4; - d’achat de quotas de CO2, si applicable; - d’acheminement du combustible du lieu de stockage jusqu’au brûleur; - de certains frais pour l’opérationnel et l’entretien (lubrifiants,…). 1 L’étude se concentre sur la production, et ne tiendra pas compte du coût marginal de la distribution, du transport ou de la fourniture d’électricité. 2 st CER and NERA, Marginal Cost of Electricity Service Study, 1 of July 2004, p. 1. 3 Par exemple, pour l’Australie, nous pouvons lire que les “Variable costs include : - Plant operations and maintenance; - Fuel; and - Fuel transport.”. Voyez IES (Intelligent Energy Systems), The long run marginal cost of electricity generation in New South Wales, a report to the independent pricing and regulatory tribunal, February 2004, p. 3-17. Nous avons rajouté le prix du CO2 à cette liste, car celui-ci n’est pas considéré comme un coût en Australie, mais bien en Europe. 4 Par exemple, pour du gaz naturel, le prix du combustible pour produire de l’électricité dépend du rendement de l’installation électrique, du contenu énergétique du gaz par unité de volume et du prix du gaz par unité de volume. Voyez Dr. Péter KADERJÁK (Director REKK), Economics of electricity generation, NARUC Training on Tariff Development and Utility Regulation, 2007. 4/32 4. A court terme, l’augmentation du coût de production suite à la production d’une unité supplémentaire s’évalue en considérant le niveau de production de tous les autres services comme constant5. 5. Au fur et à mesure que la durée considérée pour cette augmentation de la production s’allonge, des coûts considérés comme fixes dans le très court terme seront dorénavant perçus comme variables. L’on obtient dès lors le coût marginal de long terme qui comprend davantage de postes tels que les frais de personnel. Dans le très long terme, tous les coûts sont considérés comme variables6. A cette échelle temporelle, la capacité de production n’est donc plus considérée comme fixe. 6. Il est généralement accepté que le coût marginal de long terme correspond au coût qu’il faut encourir pour rencontrer une augmentation de la demande d’électricité sur une période étendue7. En ce qui concerne le calcul de ce coût, celui-ci peut s’effectuer en comparant les valeurs actualisées nettes (VAN) de deux programmes de développement de la capacité de production sur une période étendue. 7. Pour le calcul de ces VAN, l’on estime que chacun des deux programmes utilise des technologies similaires. La différence se situe au niveau de la demande d’électricité. Le premier plan de développement est calculé en utilisant les prévisions actuelles de consommation, tandis que le second plan de développement prend en compte une augmentation déterminée de la demande en électricité. Le coût marginal de long terme est donc la différence des VAN des deux programmes divisée par la différence de la demande en électricité entre les deux programmes. 5 Marsden Jacob Associates, Estimation of long run marginal cost (LRMC), November 2004, p. 3. Comme l’explique TURVEY, dans les livres académiques d’économie, nous retrouvons: “[…] longrun signifies that all inputs can be varied. A textbook long-run cost function relates to a brand-new, built from scratch system”. R. TURVEY, What are marginal costs and how to estimate them?, University of Bath, 2000, p. 6. Ou encore “from a theoretical perspective the long run should be understood as the time horizon where all costs are variable”. Marsden Jacob Associates, Estimation of long run marginal cost (LRMC), November 2004, p. 9. 7 IES (Intelligent Energy Systems), The long run marginal cost of electricity generation in New South Wales, a report to the independent pricing and regulatory tribunal, February 2004, p. 2-5. 6 5/32 III PRIX SUR LES BOURSES ET COÛT MARGINAL 8. L’étude se concentre principalement sur les indices boursiers donnant le prix de l’électricité à court terme (day ahead). Les indices de prix spot donnent lieu à une livraison immédiate8. Nous émettons l’hypothèse que le prix sur les bourses est déterminé par la loi de l’offre et de la demande9, c’est-à-dire que la quantité d’équilibre sur les marchés correspond au point où les revenus marginaux sont égaux aux coûts marginaux. En concurrence parfaite, le revenu marginal est égal au prix du bien. A des fins d’illustration, les indices à un an (year ahead) seront également présentés. 9. Il est important de souligner que la courbe du coût marginal à court terme correspond à la courbe d’offre de court terme10. En effet, l’offre de court terme correspond à la quantité que le producteur est disposé à produire pour un prix donné. Si pour une quantité donnée, le prix de marché est supérieur au coût marginal, le producteur aura tendance à produire davantage car il engendrera un bénéfice sur l’unité supplémentaire. Inversement, si pour une quantité donnée, le prix est inférieur au coût marginal, le producteur souhaitera baisser sa production car il fait une perte sur la dernière unité produite. Pour un prix donné, la quantité optimale correspond donc à la quantité pour laquelle le coût marginal est égal au prix de marché. 10. Dès lors, puisque les prix boursiers représentent le prix où l’offre de court terme rencontre la demande de court terme, l’on peut en déduire que le coût marginal de court terme correspond au prix de l’indice boursier sur le marché concerné lorsque l’appareil productif est non-contraint11. 8 J.P. HANSEN et J. PERCEBOIS, Énergie, Bruxelles, 2010, p. 119. HANSEN et PERCEBOIS expliquent que : « les prix spot dans un système électrique […] ne sont pas issus d’un équilibre offre-demande, mais ils en sont le meilleur proxy. […] si le parc de production est équilibré en quantités, le prix spot se formera au niveau du coût marginal de l’unité marginale. ». Idem, pp. 128-129. 10 Cela vaut dès que la production de la centrale électrique permet de couvrir les coûts variables. 11 « Si [le parc de production n’est pas équilibré en quantités, le prix spot] pourra atteindre des niveaux élevés (les spikes) qui traduiront, par exemple, l’indisponibilité technique des centrales de production ou des accroissements de demande forts et soudains ». HANSEN et PERCEBOIS, o.c., p.129. 9 6/32 IV CONSTRUCTION DES SPREADS IV.1. Considérations générales 11. Le spread explique l’écart entre deux mesures. La première mesure est le prix de marché de l’électricité, et la seconde mesure, son coût variable de court terme estimé sur base des prix de marché du combustible et du CO2. 12. Il est déjà utile de mentionner que les prix de marché du combustible et du CO2 ne correspondent pas nécessairement au coût d’approvisionnement en matières premières pour le producteur d’électricité. De la même façon, le prix de marché de l’électricité n’est pas nécessairement équivalent à son prix de vente. 13. En ce qui concerne les prix de l’électricité, cette étude se concentre principalement sur les prix boursiers à court terme, et donc sur les coûts marginaux, dès lors que l’on admet que les prix sont déterminés par la loi de l’offre et de la demande et que l’appareil productif est non contraint. Pour ce qui est des coûts, il convient d’ajouter que seuls ceux liés au combustible et au CO2 seront pris en considération. Les coûts dus au transport du combustible et aux O&M seront négligés. Il est important de noter que l’on peut calculer des spreads pour différentes périodes, par exemple les spreads estimés pour l’année qui vient, ou dans deux années,… Les year ahead spreads seront d’ailleurs présentés. 14. Le spread, tel que défini ci-dessus, à savoir la différence entre le prix de marché de l’électricité et le coût variable de court terme estimé de la centrale, donne une approximation grossière de la marge brute du producteur d’électricité. En d’autres termes : combien cela lui rapporte de produire dans le très court terme, en considérant uniquement le prix de marché du combustible et aussi, dans le cas du clean spread, le prix de marché du CO2. 15. Si la centrale est une centrale au charbon, le dark spread donne une idée de cette marge brute. De la même façon, si la centrale est une centrale au gaz, le spark spread est alors l’indicateur de cette marge brute. 16. Différentes formules sont utilisées pour calculer les spreads. Celles-ci sont présentées dans les sections suivantes. 7/32 IV.2. Dark Spread (charbon) 17. La formule générique du clean dark spread est la suivante : 18. La formule pour le dark spread est similaire, si ce n’est que le coût du CO2 n’est pas pris en compte. De nombreux indices boursiers expriment le coût du charbon en fonction de son poids (tonne) et non de sa quantité énergétique (MWh thermique). Il faut dès lors ajouter un coefficient de conversion pour passer de la tonne au MWh thermique. 19. Le Tableau 1 reprend des formules utilisées dans plusieurs publications pour calculer le clean dark spread. 20. L’exemple suivant illustre la méthode de calcul : au 4 janvier 2010, le prix de l’électricité day ahead sur Belpex est de 49,56 € par MWh électrique; le rendement de la centrale au charbon est estimé à 35%; le coût du quota CO2 EUA (European Union Allowance) au 4 janvier 2010 est de 12,84 € par tonne de CO2; brûler un MWh thermique de charbon émet 0,301 tonne de CO2, ou, exprimé autrement, une centrale au charbon avec un rendement de 35% émet 0,86 tonne de CO2 par MWh électrique produit; une tonne de charbon sur l’API#2 coûte 62,02 €; la tonne de charbon sur l’API#2 a une valeur calorifique de 6 Gcal (valeur de Argus McCloskey), ou encore 25,11 GJ, étant donné que 1 kcal = 4185 J, et exprimé en MWh, cela donne 6,98 MWh thermique, puisque 1 MWh = 3,6 GJ. 8/32 21. Le calcul du day ahead clean dark spread au 4 janvier 2010 devient donc : 9/32 Tableau 1. Paramètres pour le calcul du Clean Dark Spread. Clean Dark Indice Electricité Spread Rendement Indice Conversion Emissions de moyen charbon tonne charbon CO2 (tonne) vers MWh th. par MWh th. centrale Tableau de Indice CO2 EndexBE M+1 35% API#2 M+1 6,98 0,301 EUA Spot (EEX) UK Baseload 35% CIF ARA 7,1 0,336 EUA (EEX) 7,1 0,336 EUA (EEX) 6,98 0,342 Nombreuses bord Heren (API#2) Platts Platts German (Germany) Assessments 35% CIF ARA (API#2) (baseload / midpoint) Bloomberg Nombreuses 36% possibilités Citigroup UK baseload CIF ARA (API#2) 36% CIF ARA possibilités 7,1 0,336 EUA (EEX) (API#2) 10/32 IV.3. Spark Spread (gaz) 22. La formule générique pour le clean spark spread est similaire à celle du clean dark spread. 23. La formule pour le spark spread est similaire, si ce n’est que le coût du CO2 n ’est pas pris en compte. Le Tableau 2 reprend les formules de certaines publications. 24. De la même façon que pour le calcul du clean dark spread, l’on peut donner l’exemple du calcul du day ahead clean spark spread au 4 janvier 2010 : au 4 janvier 2010, le prix de l’électricité day ahead sur Belpex est de 49,56 € par MWh électrique; le rendement de la centrale au gaz est estimé à 50%; le coût du quota EUA au 4 janvier 2010 est de 12,84 € par tonne de CO2; brûler un MWh thermique de gaz émet 0,19 tonne de CO2, ou exprimé autrement, une centrale au gaz avec un rendement de 50% émet 0,38 tonne de CO2 par MWh d’électricité produit; 25. le MWh thermique du gaz naturel a une valeur de 13,76 € sur le TTF. Le calcul du day ahead clean dark spread au 4 janvier 2010 devient donc : 11/32 Tableau 2. Paramètres pour le calcul du Clean Spark Spread. Clean Spark Indice Rendement Indice gaz Emissions Spread Electricité moyen de CO2 centrale (tonne) par Indice CO2 MWh th. Tableau de EndexBE M+1 50% TTF M+1 0,19 bord Heren (UK) Platts EUA Spot (EEX) UK Baseload Platts Belgian 49,13% NBP 0,2019 EUA (EEX) 50% et 60% Zeebrugge 0,1877 EUA (EEX) 49,131% Nombreuses 0,2063 Nombreuses Assessments Baseload Bloomberg Citigroup 26. Nombreuses possibilités possibilités possibilités (Bloomberg (TTF, (EEX, Broker, Zeebrugge, Bluenext,…) Endex,…) NBP,…) UK Baseload 49,13% UK NBP 0,202 EUA (EEX) Au 4 janvier, le clean dark spread était de 13,13 € / MWh, tandis que le clean spark spread s’élevait à 17,17 € / MWh. À cette date, il était donc plus rentable de produire de l’électricité avec une unité de production au gaz dès lors que le producteur s’approvisionne au prix de marché pour les combustibles et le CO2 et vend l’électricité au prix de marché. 12/32 V ANALYSE DES SPREADS V.1. Commentaires sur les formules 27. Il est intéressant d’analyser quelque peu ces formules. Le premier commentaire porte sur les rendements. Nous pouvons constater que ceux-ci sont relativement similaires pour toutes les publications : 35%-36% pour les unités au charbon, et 49% - 50% pour les unités au gaz naturel. 28. Ces rendements sont considérés comme constants, alors que nous pouvons apercevoir sur la Figure 1 que le rendement d’une centrale turbine-gaz-vapeur (TGV) dépend notamment de son niveau de charge. Figure 1. Rendement moyen d'une centrale turbine – gaz – vapeur en fonction du niveau de charge. h (%) 70 Rendement (%) 60 50 40 30 20 10 0 0% 20% 40% 60% 80% 100% Puissance (%) Source : Siemens AG, 2008. 29. Par ailleurs, en n’utilisant qu’un seul rendement, aucune distinction ne peut être faite entre des centrales de technologie ou de fabrication différentes, et donc affichant un rendement différent, mais utilisant le même combustible. 13/32 30. En outre, ces rendements élevés ne correspondent pas nécessairement aux rendements annuels réels. Ainsi, les rendements annuels réels que la CREG a calculés se situent pour des centrales TGV actuellement en service entre 35%12 et 48%. 31. Finalement, il est important de noter que ces rendements correspondent à une approximation de rendements moyens et non des rendements marginaux. En effet, Platts écrit dans l’une de ses notes sur la méthodologie du calcul des spreads que l’efficacité énergétique médiane de chaque type de centrale, basée sur des données historiques à trois ans, est utilisée afin d’évaluer les spreads13. 32. Un exemple chiffré permettra de mieux comprendre la différence entre le rendement marginal et le rendement moyen. Le rendement moyen d’une nouvelle centrale TGV de 420 MW est représenté à la Figure 1. C’est-à-dire qu’à un taux de charge de 80%, le rendement sera de 56,2% dès lors que l’on tient compte de toute l’énergie primaire consommée par la centrale et de toute l’électricité produite. En revanche, si l’on augmente le taux de charge à 90%, le rendement moyen s’élève à 57%. 33. Si l’on augmente la production pendant une heure de 42 MWh électriques à partir d’un taux de charge de 80%, nous obtenons le rendement marginal de ces 42 MWh électriques de la façon suivante : En d’autres termes, pour produire 42 MWh électriques supplémentaires, il est nécessaire de brûler 60 MWh thermiques en plus, ce qui donne un rendement marginal avoisinant les 70%. 34. L’on peut constater sur la Figure 2, qui illustre les rendements marginal et moyen d’une centrale TGV fictive, que le rendement marginal est supérieur au rendement moyen, car le rendement moyen est une fonction croissante du taux de charge. 12 13 Pour une ancienne centrale TGV. http://www.platts.com/IM.Platts.Content/methodologyreferences/methodologyspecs/spark_methodology.pdf, visité le 2 février 2011. 14/32 Figure 2. Représentation stylisée des rendements moyen et marginal d'une centrale au gaz. 35. Le deuxième commentaire porte sur les coefficients de conversion. Ceux-ci varient d’une publication à l’autre, mais restent globalement fort proches, que ce soit pour le charbon (tonnes de charbon requises par MWh thermique), ou pour le CO2 (tonnes de CO2 émises par MWh thermique de combustible brûlé). 36. Enfin, il est important de souligner le nombre important de spreads pouvant être représentés. En effet, il existe de multiples combinaisons du fait du choix de l’indice boursier, de la localisation, ou de la période temporelle. Dès lors, il est essentiel de garder à l’esprit que la valeur du spread nécessite toujours d’être remise dans son contexte afin de pouvoir l’interpréter correctement. 15/32 V.2. Day ahead versus Year Ahead 37. La Figure 3 représente le clean spark spread pour la Belgique en 2010. Le year ahead spread (YAS) est représenté en bleu, tandis que le day ahead spread (DAS) est reproduit en rouge. Ce graphique permet d’observer différents points : le DAS est beaucoup plus volatil que le YAS ; le DAS est parfois négatif, c’est-à-dire qu’un producteur aurait avantage à acheter de l’électricité sur les marchés plutôt que d’acheter du gaz sur les marchés et de le transformer en électricité. 38. Comme le montre le Tableau 3, la différence fondamentale se situe au niveau de la volatilité du spread et non au niveau de son signe. En effet, sur toute année, les moyennes des spreads, qu’ils soient year ahead ou day ahead, sont positives. La plus grande volatilité à court terme est notamment due aux aléas afférant à la production (panne dans une centrale, poussant les prix de l’électricité vers le haut), au climat (intempéries, chutes de température), aux fondamentaux influençant le prix des matières premières (fuite dans un pipeline de gaz,…), etc. Tableau 3. Statistiques descriptives des year ahead et day ahead clean spark spreads en Belgique. ECART-TYPE MOYENNE Day Ahead Year Ahead 6,6 9,47 2,9 5,66 16/32 Figure 3. Clean Spark Spreads, en Belgique : Year Ahead versus Day Ahead. 60 50 40 € par MWh 30 CSS BE YA 20 CSS BE DA 10 -10 04-01-2010 14-01-2010 26-01-2010 05-02-2010 17-02-2010 01-03-2010 11-03-2010 23-03-2010 06-04-2010 16-04-2010 28-04-2010 10-05-2010 20-05-2010 01-06-2010 11-06-2010 23-06-2010 05-07-2010 15-07-2010 27-07-2010 06-08-2010 18-08-2010 30-08-2010 09-09-2010 21-09-2010 01-10-2010 13-10-2010 25-10-2010 04-11-2010 16-11-2010 26-11-2010 08-12-2010 20-12-2010 0 -20 V.3. Clean Spark Spread versus Clean Dark Spread 39. La Figure 4 compare le day ahead clean spark spread avec le day ahead clean dark spread. Celle-ci permet de constater que les clean dark spreads (CDS) et clean spark spreads (CSS) sont fortement corrélés. La courbe en noir, dont l’échelle est reprise sur l’axe vertical de droite, représente la différence entre le CDS et le CSS. 40. Nous pouvons interpréter ce phénomène comme une confirmation de l’efficience des marchés des fondamentaux et de la loi du prix unique (et donc de l’absence d’arbitrage), c’est-à-dire que les marchés assurent que la rentabilité de deux unités de production substituables soit équivalente. En effet, pourquoi deux actifs ayant la même utilité présenteraient-ils deux rentabilités différentes ? Le mécanisme derrière ce phénomène lie le prix à court terme du charbon compensé pour le CO2 destiné à la production d’électricité à celui à court terme du gaz naturel compensé pour le CO2. 17/32 41. Cependant, il est important de souligner que la différence entre le CDS et le CSS n’est pas toujours négligeable. Dès lors, l’équivalence du prix de court terme du gaz et du charbon compensés pour le CO2 n’est pas toujours garantie. En d’autres termes, les marchés ne sont pas efficients en permanence. Ceci explique notamment des spreads négatifs à certaines périodes. 42. Ces divergences entre les CDS et CSS trouvent leur origine dans le fait que les quatre composantes de ces spreads, à savoir le prix de l’électricité, le prix du gaz naturel, le prix du charbon et le prix du quota de CO2, ne répondent pas nécessairement de façon similaire à des évolutions de certains fondamentaux. 43. Ainsi, une augmentation de la production d’électricité d’origine éolienne aura un impact plus prononcé sur le prix de l’électricité que sur les autres composantes des spreads. Cette augmentation de production déprime les cours de l’électricité, et peut engendrer des spreads négatifs, étant donné que, dans ce cas de figure, la baisse des cours du charbon et du gaz ne suit pas automatiquement celle des cours de l’électricité. 44. En ce qui concerne le prix des quotas de CO2 EUA, celui-ci est par moments corrélé aux prix de l’électricité en Allemagne. En effet, le secteur de l’électricité est le plus gros émetteur participant à l’ETS. Cependant, cette corrélation peut se révéler inexistante si le marché des EUA est excédentaire. Un excédent de certificats influencera la valeur du quota de CO2, mais n’aura pas le même effet sur les prix de l’électricité, du gaz et du charbon. 18/32 70 40 60 30 50 20 40 10 30 0 20 -10 10 -20 0 -30 45. € par MWh 50 04-01-2010 18-01-2010 01-02-2010 15-02-2010 01-03-2010 15-03-2010 29-03-2010 14-04-2010 28-04-2010 12-05-2010 26-05-2010 09-06-2010 23-06-2010 07-07-2010 21-07-2010 04-08-2010 18-08-2010 01-09-2010 15-09-2010 29-09-2010 13-10-2010 27-10-2010 10-11-2010 24-11-2010 08-12-2010 22-12-2010 € par MWh Figure 4. Clean Spark versus Clean Dark Spreads (Day Ahead en Belgique). CSS BE DA CDS BE DA Diff CDS CSS BE DA -10 Le Tableau 4 et la Figure 5 ci-dessous permettent de constater que la corrélation entre le CDS et le CSS est moins importante dès que l’on utilise les prix year ahead. Ceci est dû au coût de l’électricité qui est beaucoup plus volatil dans le court terme. 46. En outre, l’on observe que l’ordre de grandeur des différences entre year ahead CDS et CSS d’une part et des différences entre day ahead CDS et CSS d’autre part est fort similaire. Cela confirme qu’il n’y a a priori pas de raison pour que les prix du charbon et du gaz compensés pour le CO2 convergent davantage à court terme qu’à long terme. Tableau 4. Corrélation entre les courbes des clean dark spread et clean spark spreads. Corrélation Day Ahead Year Ahead 94% 67% 19/32 50 70 40 60 30 50 20 40 10 30 0 20 -10 10 -20 0 € par MWh € par MWh Figure 5. Clean Spark versus Clean Dark Spreads (Year Ahead en Belgique). CSS BE YA CDS BE YA -30 04-01-2010 18-01-2010 01-02-2010 15-02-2010 01-03-2010 15-03-2010 29-03-2010 14-04-2010 28-04-2010 12-05-2010 26-05-2010 09-06-2010 23-06-2010 07-07-2010 21-07-2010 04-08-2010 18-08-2010 01-09-2010 15-09-2010 29-09-2010 13-10-2010 27-10-2010 10-11-2010 24-11-2010 08-12-2010 22-12-2010 Diff CDS CSS BE YA -10 V.4. Clean Spark Spread versus Spark Spread 47. La Figure 6 permet de distinguer les clean spark spreads des spark spreads. L’on constate que l’ajout du coût du CO2 constitue une charge pour le producteur pouvant conduire une unité de production à ne plus devenir rentable. 20/32 Figure 6. Clean Spark Spread versus Spark Spread en Belgique. 60 50 40 € par MWh 30 CSS BE DA 20 SS BE DA 10 -10 04-01-2010 13-01-2010 22-01-2010 02-02-2010 11-02-2010 22-02-2010 03-03-2010 12-03-2010 23-03-2010 01-04-2010 14-04-2010 23-04-2010 04-05-2010 13-05-2011 24-05-2010 02-06-2010 11-06-2010 22-06-2010 01-07-2010 12-07-2010 21-07-2010 30-07-2010 10-08-2010 19-08-2010 30-08-2010 08-09-2010 17-09-2010 28-09-2010 07-10-2010 18-10-2010 27-10-2010 05-11-2010 16-11-2010 25-11-2010 06-12-2010 15-12-2010 27-12-2010 0 -20 V.5. Comparaison internationale de day ahead clean spark spreads 48. La Figure 7 représente les day ahead clean spark spreads en Allemagne, en France, aux Pays-Bas et en Belgique. A l’aide du Tableau 5, nous pouvons constater que les clean spark spreads en Belgique sont plus proches de ceux en France que de n’importe quel autre pays considéré. 49. Pour chacun des pays, le TTF pour le gaz et les EUA pour le prix du CO2 ont été utilisés. Seuls les prix de l’électricité varient. Ainsi, Belpex est l’indice pour la Belgique, Epex spot Phelix est celui pour l’Allemagne, Epex spot France est celui pour la France et APX DAM est celui pour les Pays-Bas. Dès lors, la Figure 7 consiste en une comparaison des prix de l’électricité dans ces différents pays. En d’autres termes, si le spread en France est plus important que celui en Allemagne, c’est que le prix de l’électricité est plus élevé en France, et la différence entre les prix de l’électricité dans ces deux pays est égale à la différence entre les spreads. 21/32 50. En ce qui concerne les indices de gaz, Platts et Heren utilisent également le TTF pour l’Allemagne. Comme expliqué au Tableau 2, certaines publications utilisent le ZIG pour la Belgique. En ce qui concerne la France, la publication « Tendances Carbone » utilise aussi le ZIG afin de calculer les spark spreads. Figure 7. Day ahead clean spark spreads en Allemagne, en France, aux Pays-Bas et en Belgique. 70 60 50 € par MWh 40 CSS DE DA 30 CSS FR DA CSS NL DA 20 CSS BE DA 10 0 -10 -20 Tableau 5. Statistiques descriptives des différents clean spark spreads. ECART- TYPE MOYENNE CORRELATION AVEC LA BELGIQUE BE DE FR NL 6,6 9,5 100% 4,5 7,6 77% 7,7 10,6 94% 4,7 6,7 63% 22/32 V.6. Valeur des spreads 51. Dans l’hypothèse où l’on accepte que le rendement de la centrale électrique utilisé pour calculer les spreads correspond au rendement marginal, et non moyen, de cette centrale, l’on peut en conclure que les spreads correspondent à la différence entre le prix de marché de l’électricité et son coût marginal estimé sur base des prix de marché du combustible et du CO2. 52. Pour l’analyse qui suit, cette hypothèse ne dérange aucunement, puisque comme l’on peut l’apercevoir sur la Figure 2, le rendement marginal est supérieur en toute circonstance au rendement moyen. En conclusion, le spread serait encore plus élevé si l’on utilisait des rendements marginaux plutôt que des rendements moyens. 53. En concurrence parfaite, le coût marginal est égal au prix de marché. Dès lors, le spread de la centrale marginale devrait être nul. L’on constate cependant que les clean spark spreads et clean dark spreads sont souvent positifs, et donc a priori, celui de la centrale marginale également. Comment expliquer ce phénomène ? À cela, il y a plusieurs raisons. 54. Tout d’abord, les coûts marginaux repris dans les spreads détaillés ci-dessus ne comprennent pas l’ensemble des coûts marginaux de court terme, tels que le coût du transport des combustibles, des coûts opérationnels et d’entretien (lubrifiants,…). 55. Ensuite, le rendement des centrales électriques pourrait être surévalué, ce qui résulte en des spreads supérieurs à la réalité. Ce cas de figure est envisageable lorsque la centrale marginale présente un rendement fort faible dû à l’utilisation d’un équipement technologiquement dépassé. Ainsi, il se pourrait qu’une centrale au gaz ait un rendement moyen tournant aux alentours de 35% et un rendement marginal légèrement supérieur, mais inférieur à 50%. 56. Par ailleurs, pour ce qui est des spreads de long terme, le coût marginal de long terme à considérer pourrait ne pas être équivalent au coût marginal de court terme utilisé dans la formule de calcul des spreads, mais bien supérieur à celui-ci. 57. Finalement, les prix de l’électricité sur les bourses, utilisés pour calculer les spreads, ne correspondent pas nécessairement au prix de vente. Celui-ci pourrait être plus faible – ce 23/32 qui explique des spreads souvent positifs, ou plus élevé – ce qui explique des spreads négatifs, du fait de contrats à long terme avec des clients industriels par exemple. De même, les prix d’approvisionnement en matières premières pourraient être supérieurs – ce qui justifie des speads souvent postifis – ou inférieurs aux prix sur les marchés boursiers – ce qui justifie des spreads négatifs. Ce dernier point est également valable pour les quotas de CO2, que de nombreux producteurs ont reçu gratuitement mais ont pu valoriser au prix de marché. Dès lors, les prix boursiers des matières premières et des quotas de CO2 utilisés dans la formule des spreads représentent davantage un coût d’opportunité plutôt qu’un coût réel d’achat. Par conséquent, il est tout à fait envisageable d’avoir un spread négatif alors que le producteur se fait une marge positive sur la production d’électricité. 58. En ce qui concerne les valeurs négatives des spreads que l’on peut observer occasionnellement, celles-ci peuvent s’expliquer par un prix trop faible de l’électricité ou par un prix trop important du charbon, du gaz et du CO2 par rapport au prix de l’électricité sur les marchés. 59. En ce qui concerne le faible prix de l’électricité, celui-ci peut être dû à une faible demande, ou une offre trop importante. Les contrats de gaz take-or-pay sont l’une des causes favorisant un surplus de l’offre d’électricité. Ainsi, l’exploitant d’une centrale au gaz lié par un tel contrat a le choix entre d’une part brûler le gaz et vendre l’électricité à bas prix et d’autre part vendre le gaz naturel, acheter de l’électricité sur les bourses pour approvisionner ses clients et payer l’amende suite à la non utilisation du gaz naturel. Il se peut que la première alternative soit plus rentable malgré des spreads négatifs. 60. Une autre raison pouvant expliquer le surplus de l’offre est liée aux unités de production intermittente. Il se pourrait en effet que lors de certaines journées la production d’électricité par des panneaux solaires ou éoliennes soit tellement importante qu’elle conduit à des prix faibles de l’électricité afin d’assurer l’écoulement de cette production. En outre, afin d’assurer l’équilibrage du réseau, il n’est pas possible pour le producteur d’électricité de vendre ses matières premières car il doit disposer des capacités de réserve suffisantes. 61. Pour ce qui est des prix importants du charbon ou du gaz naturel, ceux-ci répondent à des fondamentaux qui ne sont pas nécessairement en équilibre avec ceux de l’électricité, par exemple lorsque les anticipations utilisées pour déterminer les prix se révèlent être eronnées. Dès lors, un faible prix de l’électricité peut être couplé à un prix important des matières premières, ce qui génère des spreads négatifs. 24/32 VI APPLICATIONS DES SPREADS VI.1. Spreads et politiques environnementales 62. Les spreads peuvent être utilisés à plusieurs fins. L’une d’entre elle porte sur la détermination de la valeur que doit atteindre la tonne de carbone sur les marchés afin de s’assurer qu’une technologie plus propre, à savoir le gaz, soit utilisée à la place du charbon. 63. En effet, l’on peut calculer le coût de la tonne du CO2 pour lequel le spark spread est égal au dark spread. Dès que le prix de la tonne de carbone dépasse ce seuil, le producteur est encouragé à utiliser du gaz en lieu et place du charbon. 64. La Figure 8 donne une idée du prix de la tonne de carbone nécessaire pour basculer la production depuis une unité au charbon vers une unité au gaz. Ce prix représente la valeur de la tonne de carbone pour laquelle le producteur est indifférent entre ces deux types de centrales pour produire de l’électricité. Cette Figure 8 reproduit également le prix de l’EUA à titre de comparaison. 65. Le prix de cette tonne de CO2 est donné par la formule suivante : avec : : le prix en euros de la tonne de CO2 ; : le prix en euros du MWh thermique de charbon, par exemple 8,89 € / MWh th au 4 janvier 2010 pour l’API#2 day ahead; : le rendement considéré de la centrale au charbon, par exemple 35%; : le nombre de tonnes de CO2 émises suite à la combustion d’un MWh thermique de charbon, par exemple 0,301 tonne de CO2 par MWh thermique brûlé (voir §20); : le prix en euros du MWh thermique de gaz naturel, par exemple 13,76 € / MWh thermique au 4 janvier 2010 pour le TTF day ahead; : le rendement considéré de la centrale au gaz naturel, par exemple 50%; : le nombre de tonnes de CO2 émises suite à la combustion d’un MWh thermique de gaz naturel, par exemple 0,19 de CO2 par MWh thermique brûlé. 25/32 66. Avec les chiffres donnés en exemple ci-dessus, nous obtenons comme prix du CO2 à partir duquel il est plus rentable de produire avec du gaz : 67. La valeur de l’EUA au 4 janvier 2010 est de 12,84 € par tonne de CO2. Dès lors, il était plus rentable au 4 janvier 2010 de produire de l’électricité avec une unité au gaz qu’avec une unité au charbon. 68. À l’aide de cette Figure 8, il est possible de conclure qu’un prix de 30 euros pour la tonne de dioxyde de carbone aurait rendu la production au charbon moins rentable que celle au gaz en toute circonstance durant l’année 2010. En outre, l’on peut constater que le clean spark spread est souvent plus élevé que le clean dark spread, à savoir 55% du temps. Figure 8. Valeur du CO2 pour passer du charbon au gaz. 35 30 25 EUA 15 CO2 SWITCH DA 10 5 0 -5 04-01-2010 15-01-2010 28-01-2010 10-02-2010 23-02-2010 08-03-2010 19-03-2010 01-04-2010 16-04-2010 29-04-2010 12-05-2010 25-05-2010 07-06-2010 18-06-2010 01-07-2010 14-07-2010 27-07-2010 09-08-2010 20-08-2010 02-09-2010 15-09-2010 28-09-2010 11-10-2010 22-10-2010 04-11-2010 17-11-2010 30-11-2010 13-12-2010 27-12-2010 € par tonne 20 26/32 VI.2. Spreads et balancing 69. Les spreads donnent également une approximation du coût d’opportunité de la capacité de réserve. Cette approximation peut se révéler utile lors de l’installation d’une unité de production intermittente exigeant une certaine capacité de réserve. 70. Par exemple, supposons que l’installation d’un parc éolien nécessite l’ajout comme capacité de réserve d’une partie de la capacité de production d’une unité au gaz naturel. Si cette partie de l’unité de production n’avait pas été utilisée comme capacité de réserve, le producteur aurait pu gagner le clean spark spread de cette capacité de réserve pour chaque MWh produit. Ainsi, le producteur pourra demander à l’opérateur chargé d’assurer l’équilibre du réseau de rémunérer la capacité de réserve en fonction de la valeur des spreads pour sa centrale. VI.3. Spreads et produits dérivés 71. De nombreux produits dérivés sont basés sur les spreads. Citons par exemple les spark spread call options, dont le mécanisme est le suivant. Tout détenteur d’une European spark spread call option sur le carburant G (pour gaz) ayant un « heat rate »14 KH a la possibilité (le droit), et non l’obligation, d’acheter à la maturité T de ce produit dérivé, une unité d’électricité d’une valeur ST pour le prix de KH unités de gaz valorisées à GT15. 72. Le gain (ou pay-off) peut donc s’écrire : 73. Nous reconnaissons dans cette formule celle du spark spread. En effet, représente le tandis que le de la formule au paragraphe 22, correspond à l’ de la formule au paragraphe 22. En d’autres termes, le détenteur de ce produit dérivé aura le choix à la maturité de celui-ci d’empocher le spark spread, ou de ne rien avoir. 14 C’est-à-dire l’inverse du rendement de l’installation. S.J. DENG et S.S. OREN, “Electricity derivatives and risk management”, in Energy, 2006, p.945. D. TSITAKIS, S. XANTHOPOULOS et A.N. YANNACOPOULOUS, “A closed-form solution for the price of cross-commodity electricity derivatives”, in Physica, 2006, pp. 544-545 ont également développé les produits dérivés basés sur les spark spreads. 15 27/32 74. CARMONA et DURRLEMAN donnent une idée d’autres contrats que les European calls basés sur les spark spreads. Ils citent par exemple des contrats qui consistent en la vente de plusieurs unités d’électricité, et à l’achat d’autres unités de gaz. Comme l’explique NIJMAN16, ces contrats calquent le fonctionnement d’une centrale au gaz, qui produit de l’électricité qui sera vendue, et qui nécessite l’achat de combustibles (le gaz en l’occurrence), qui seront convertis en électricité. 75. Ainsi, CARMONA et DURRLEMAN présentent des contrats 4 : 3 spark spread qui impliquent la vente de quatre contrats forward d’électricité contrats forward de gaz naturel suivante : au temps t et l’achat de trois au temps t17. Ces contrats peuvent s’écrire de la façon . Il est important de souligner que les prix de ces différents contrats forward d’électricité et de gaz naturel doivent être exprimés dans les unités adéquates. VI.4. Spreads et valeur d’une centrale 76. Dans le cadre d’investissements dans des capacités de production, il est crucial de pouvoir évaluer la rentabilité et la valeur d’une centrale électrique. À cet effet, les méthodes classiques se concentrent sur la valeur actualisée nette (VAN) de revenus futurs. Ces revenus sont actualisés à l’aide d’un facteur d’actualisation. 77. Il existe des méthodes alternatives basées sur des options réelles. Dans ce cas, la valeur d’une centrale est construite à partir d’options réelles, c’est-à-dire fonction d’un actif tangible. L’on considère qu’une centrale offre alors la possibilité, mais non l’obligation, de brûler du combustible et de produire de l’électricité, qui peut alors être vendue sur le marché de gros18. Cette dernière valeur, à savoir la différence entre le prix de vente de l’électricité et le coût d’achat du combustible pour produire cette électricité, correspond au spread. L’on peut donc pour différentes maturités construire une option à base du spread de la centrale, 16 C. NIJMEN, “The energy market : from energy products to energy derivatives and in between”, VU Universiteit Amsterdam, Avril 2008, p. 15. 17 R. CARMONA et V. DURRLEMAN, “Pricing and hedging spread options”, in Society for Industrial and Applied Mathematics Review, 2003, pp. 635-636. 18 J. FAYER et N. ULUDERE, « What is it worth? Application of real options theory to the valuation of generation assets”, in The Electricity Journal, Octobre 2001, p.42. 28/32 et en additionnant la valeur de toutes ces options pour les différentes maturités, l’on obtient alors une estimation de la valeur de la centrale électrique. 78. Exprimé autrement, les spreads servent dans ce cas-ci à construire des options qui elles-mêmes serviront de « briques » de base pour évaluer la rentabilité future d’une centrale. 29/32 VII CONCLUSION 79. Cette étude offre un aperçu général des spark spreads et dark spreads, qu’ils prennent en compte ou non le coût du dioxyde de carbone. 80. Dans une première section, l’on rappelle tout d’abord la définition du coût marginal de court terme (voir le paragraphe 3). Pour l’électricité, et dans le cadre de cette analyse, seuls les coûts liés au combustible et au CO2 ont été retenus comme représentant le coût marginal de court terme. 81. La deuxième section fait le lien entre ce coût marginal de court terme et le prix de l’électricité sur les marchés. L’on en conclut que le coût marginal de court terme correspond au prix de l’indice boursier sur le marché concerné lorsque l’appareil productif est noncontraint (voir le paragraphe 10). 82. La troisième section explique que les spreads, à savoir la différence entre le prix de l’électricité, et son coût variable de production de court terme estimé, ne constituent qu’une approximation grossière de la rentabilité des centrales au gaz et au charbon (voir paragraphe 14). 83. Les paragraphes 17 et 22 reprennent respectivement les définitions du clean dark spread et du clean spark spread. L’on a pu constater que chaque publication utilise ses propres paramètres de calcul, et que ceux-ci se situent dans une fourchette fort étroite (Tableau 1 et Tableau 2). Il est important de garder ceci à l’esprit lorsque l’on compare des spreads issus de différentes sources. 84. La quatrième section a porté sur l’analyse de ces spreads. Il a surtout été intéressant de noter la plus grande volatilité des day ahead spreads par rapport aux year ahead spreads (paragraphe 38), la forte corrélation entre les day ahead clean spark spreads et les day ahead clean dark spreads (paragraphe 40), et le fait que les spreads en Belgique suivent davantage ceux de la France que de n’importe quel autre pays voisin (paragraphe 48). 85. La sous-section V.6 fut l’occasion d’aborder la question de la valeur des spreads. Nous avons constaté que le spread est souvent positif. Or, sous l’hypothèse présentée au paragraphe 51, le spread de la centrale marginale devrait être nul, puisque le prix de 30/32 l’électricité correspond alors à son coût marginal. Cette valeur élevée du spread est notamment à imputer aux imperfections de cette mesure. 86. Par exemple, l’utilisation de rendements constants ne permet pas d’évaluer précisément la rentabilité de chaque centrale (paragraphes 27 à 32), et ceux-ci pourraient donc se trouver surévalués, voire sous-évalués. En outre, les coûts marginaux considérés dans l’évaluation de ces spreads ne contiennent pas l’ensemble des coûts marginaux, par exemple ceux liés au transport des combustibles, ou aux O&M (paragraphe 54). Ce problème est exacerbé dès lors que l’on considère des spreads dans le plus long terme (paragraphe 56). Ajoutons que les prix sur les bourses ne correspondent pas nécessairement au prix de vente de l’électricité, qui peut être plus faible ou plus élevé à cause de contrats d’approvisionnement à long terme. Par analogie, les prix d’achat des combustibles et des quotas de CO2 ne doivent pas être équivalents aux prix sur les marchés boursiers (paragraphe 57). 87. La dernière section reprend quelques applications des spreads. Ceux-ci peuvent par exemple servir à déterminer le prix de la tonne du dioxyde de carbone afin de favoriser la production d’électricité par des unités au gaz naturel plutôt que par celles au charbon (soussection VI.1). Les spreads sont également utiles afin de déterminer la valeur de la capacité de réserve (sous-section 0). Ils sont à la base de différents produits dérivés (sous-section VI.3) qui peuvent eux-mêmes rentrer dans le calcul de la valeur d’une centrale (sous-section VI.4). 88. Au terme de cette étude, l’on peut affirmer que malgré leurs quelques inconvénients, les spreads forment un puissant outil d’analyse et ont débouché sur de nombreuses applications. Pour la Commission de Régulation de l'Electricité et du Gaz Guido Camps François Possemiers Directeur Président du Comité de direction 31/32 VIII BIBLIOGRAPHIE CARMONA, R. et DURRLEMAN, V., “Pricing and hedging spread options”, in Society for Industrial and Applied Mathematics Review, 2003, pp. 627-685. CER and NERA, Marginal Cost of Electricity Service Study, Juillet 2004. DENG, S.J. et OREN, S.S., “Electricity derivatives and risk management”, in Energy, 2006, pp. 940-953. FAYER, J. et ULUDERE, N., « What is it worth? Application of real options theory to the valuation of generation assets”, in The Electricity Journal, Octobre 2001, pp. 40-51. HANSEN, J.P. et PERCEBOIS, J., Énergie, Bruxelles, 2010. 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