electromagnétisme et formes différentielles

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ELECTROMAGNÉTISME ET
FORMES DIFFÉRENTIELLES
S. Fumeron
Groupe de travail sur les espaces courbes
11/06/14
2
Ces notes sont consacrées aux formes différentielles et à leurs applications dans
le domaine de l’électromagnétisme. Elles n’ont pas l’ambition de détailler de façon exhaustive tous les aspects mathématiques et physiques (on consultera pour
cela les références bibliographiques), mais de donner les outils permettant de
calculer les équations de Maxwell dans des espaces courbes. Je tiens à remercier tout particulièrement Thomas Chambrion de l’Institut Elie Cartan pour sa
disponibilité et toutes ses explications éclairantes. Tout retour constructif (notification d’erreurs typographiques, suggestions diverses...) sera le bienvenu.
Table des matières
1 Rappels introductifs
1.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.2 Décomposition d’Helmholtz-Hodge . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.3 Invariance de jauge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5
5
7
10
2 Formes différentielles dans l’espace euclidien
2.1 Réinterprétation des grandeurs physiques . . . . . . .
2.1.1 Forme différentielle de degré p . . . . . . . . .
2.1.2 Produit extérieur . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.2 L’opérateur ⋆ de Hodge . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.2.1 Définitions et propriétés . . . . . . . . . . . . .
2.2.2 Action de ⋆ sur les 0-,1-, 2- et 3-formes . . . . .
2.2.3 Utilisation pour les relations constitutives . . .
2.3 Dérivation extérieure . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.3.1 Définition et propriétés . . . . . . . . . . . . .
2.3.2 Cohomologie de De Rham . . . . . . . . . . . .
2.3.3 Unification des formules de l’analyse vectorielle
2.3.4 Réécriture de la théorie de Maxwell . . . . . .
13
14
14
18
21
21
22
24
25
25
28
31
33
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.
3 Formes différentielles en dimension 4
37
3.1 Electromagnétisme en espace-temps de Minkowski . . . . . . . . 37
3.1.1 Opérateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
3.1.2 Equations du champ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
3.1.3 Formulation variationnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
3.2 Analyse des symétries . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
3.2.1 Dualité de Heaviside . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
3.2.2 Inversion de couplage de jauge . . . . . . . . . . . . . . . 46
3.3 Etude d’un exemple : les dislocations cosmiques . . . . . . . . . . 47
3.3.1 Les dislocations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
3.3.2 Action du Hodge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
3.3.3 Correspondance entre formes et champ électromagnétique
usuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
3.3.4 Relation de Bianchi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
3.3.5 Relation de Maxwell . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
3
4
4 Conclusion
TABLE DES MATIÈRES
55
Chapitre 1
Rappels introductifs
"Une longue revue de l’histoire de l’humanité montrera sans le moindre doute
que la découverte par Maxwell des lois de l’électrodynamique est l’évènement le
plus important du 19ème siècle."
R.P. Feynman [1]
1.1
Généralités
L’électromagnétisme occupe un statut tout à fait à part dans l’histoire des
sciences, car elle est à la fois le point de départ des théories relativistes (problème
de l’Ether... auquel on doit la mise au point de l’interféromètre de Michelson)
et la première théorie des champs à avoir été quantifiée avec succès. En effet,
l’électrodynamique classique formulée par James Clerk Maxwell 1 dès 1873 est
l’archétype des théories de champ : elle considère que les interactions entre des
particules chargées se font par l’intermédiaire d’un système physique, le champ
électromagnétique, qui emplit tout l’espace et qui possède un nombre infini de
degrés de liberté (i.e. les valeurs du champ en tout point et à tout instant). L’objectif d’une théorie de champ est d’obtenir des équations qui décrivent comment
des sources chargées (distributions statiques, courants) pilotent la dynamique
du champ et comment en retour le champ modifie la dynamique de ces mêmes
charges.
Dans la matière, l’électrodynamique classique se résume à 7 équations. Dans
le système d’unités SI, les 4 premières équations, dites équations de Maxwell,
1. L’histoire de la physique retient de Maxwell une immense contribution théorique en électromagnétisme et physique statistique, alors qu’à l’université de Cambridge (où il a découvert
ses fameuses équations), il occupait le poste de professeur de physique expérimentale.
5
6
CHAPITRE 1. RAPPELS INTRODUCTIFS
s’écrivent 2 :
div B
=
∂B
∂t
∂D
+ Jl
∂t
0
div D
=
ρl
rot E
=
rot H
=
−
(Maxwell-Faraday)
(1.1)
(Maxwell-Ampère)
(1.2)
(Maxwell-Thompson)
(1.3)
(Maxwell-Gauss)
(1.4)
E est le champ électrique, D est l’induction (ou le déplacement) électrique, H
est le champ magnétique, B est l’induction magnétique 3 , Jl est la densité de
courants libres et ρl la densité de charges libres. Formulons trois remarques :
– La linéarité des équations de Maxwell vis-à-vis des champs et des
sources implique une propriété de superposition : par exemple, à partir
de Maxwell-Gauss, si un champ D1 est créé par ρ1 et D2 par ρ2 , alors le
champ D = αD1 +βD2 est également solution de (1.4) pour la source ρl =
αρ1 + βρ2 . Les effets de chaque charge s’ajoutent donc indépendamment
les uns des autres.
– Ces équations sont compatibles avec la relativité car elles sont naturellement covariantes (elles gardent la même forme sous l’action d’une transformation de Lorentz).
– On peut séparer les équations de Maxwell en deux groupes, d’après un
critère lié au type d’informations qu’elles donnent sur le champ : le couple
d’équations (1.1)-(1.2) contient des dérivées temporelles et régit donc la
dynamique du champ électromagnétique, tandis que le couple (1.3)-(1.4)
impose des contraintes sur la structure du champ.
On adjoint à ces 4 équations des relations de constitution, qui traduisent la
réponse du milieu à une excitation électromagnétique :
D
B
=
=
ǫ0 E + P = ǫE
µ0 H + µ0 M = µH
(1.5)
(1.6)
où P est le vecteur polarisation et M le vecteur aimantation. Afin de simplifier
l’exposé, on ne travaillera qu’avec des grandeurs ǫ et µ scalaires, mais de façon
générale, elles peuvent être matricielles (cas des cristaux anisotropes) ou encore
dépendre des champs E et H (milieux non-linéaires). Enfin, la dynamique d’une
particule ponctuelle de charge q 4 et de masse m est donnée par l’équation de
Newton-Lorentz :
d2 r
(1.7)
m 2 = qE + qV × B
dt
2. Dans le Treatise on electricity and magnetism publié en 1873, la théorie de Maxwell
était écrite en utilisant les quaternions et comportait 20 équations à 20 inconnues (voir par
exemple [2]). La forme moderne utilisant les opérateurs vectoriels résulte essentiellement des
contributions de Gibbs et Heaviside.
3. On suit ici les conventions des ouvrages principaux de l’électrodynamique [3, 5], également préconisées par le Bureau International des Poids et Mesures [6]. Il existe une convention
moins usitée pour laquelle H est l’induction magnétique et B est le champ magnétique. Nous
allons voir que la compréhension des structures fondamentales du champ électromagnétique
conduit à préférer la première convention.
4. D’après l’expression de la force de Coulomb-Lorentz, q peut aussi s’interpréter comme
1.2. DÉCOMPOSITION D’HELMHOLTZ-HODGE
7
Cette relation traduit l’existence d’un couplage mécanique entre matière (charge
q) et rayonnement (E, B). La théorie de Maxwell est valide au-dessus de la
longueur d’onde de Compton :
λc =
h
me c
(1.8)
Avec me masse de l’électron, on a typiquement λc ≈ 2, 43.10−2 Å : en-dessous de
cette valeur, il n’est plus possible de se restreindre à une description purement
ondulatoire de la lumière et l’on doit recourir à l’électrodynamique quantique.
Notons que l’électrodynamique classique ne permet pas non plus d’expliquer un
certain nombre de phénomènes macroscopiques, comme l’effet Aharonov-Bohm
ou encore l’existence des phases de Berry : ces phénomènes ont en commun
le rôle prépondérant joué par le potentiel vecteur A (censé n’avoir aucun effet
physique dans le cadre proposé par Maxwell) et ceci en raison d’une symétrie
interne des équations du champ, l’invariance de jauge locale U (1) (cf. section
1.3).
1.2
Décomposition d’Helmholtz-Hodge
Pour simplifier, on se restreint dans ce paragraphe à l’étude du champ électromagnétique dans le vide. Dans le système d’unités SI, les équations de Maxwell en présence de sources sont exprimées en terme de rotationnel et de divergence des champs E et B :
rot E
=
rot B =
div B =
div E
=
∂B
∂t
1 ∂E
+ µ0 J
c2 ∂t
0
ρ
ǫ0
−
(1.9)
(1.10)
(1.11)
(1.12)
On peut légitimement se demander pourquoi les relations (1.9)-(1.12) ont une
telle forme, ou en d’autres termes, si la donnée de la divergence et du rotationnel
d’un champ vectoriel suffit à caractériser complètement ce champ. La réponse à
ces questions est donnée par le théorème d’Helmholtz-Hodge, qui va permettre
de décomposer tout champ vectoriel en partie transverse et partie longitudinale.
Pour l’établir, précisons que l’on considère un champ vectoriel C(r) réel,
dérivable, à support borné et de carré intégrable. Alors ce champ peut
toujours s’écrire de la façon suivante :
la constante de couplage (mécanique) de la particule au champ électromagnétique. De plus, la
notion de charge ponctuelle s’effondre sous la longueur d’onde de Compton : il est alors plus
juste de repenser la notion de charge ponctuelle immobile comme 1) un champ électrique pur
(équivalence entre E et q dans le repère comobile) et 2) de l’énergie de masse associée à ce
champ.
8
CHAPITRE 1. RAPPELS INTRODUCTIFS
(1.13)
C(r) = −grad φ + rot A
où les deux champs φ et A sont donnés par :
φ(r)
=
1
4π
A(r)
=
1
4π
Z
Z
′
div C(r )
d r
|r − r′ |
3
′
d3 r
′
(1.14)
′
rot C(r )
|r − r′ |
(1.15)
Ce théorème montre que la donnée du rotationnel et de la divergence d’un
champ vectoriel suffit à caractériser complètement ce champ. Ce résultat possède
de nombreuses implications en physique (électrodynamique bien évidemment,
mais aussi mécanique des fluides, du solide,...).
Démonstration : on pose U (r) = div C et V(r) = rot C. Le Laplacien vectoriel
de C s’écrit alors :
rot (rot C) = grad (div C) − ∆C
c’est-à-dire :
∆C
=
=
−rot (rot C) + grad (div C)
−rot V(r) + grad U (r)
Si on se donne les deux fonctions U (r) et V(r), alors d’après l’équation précédente chacune des composantes de C vérifie une équation de Poisson, c’est-àdire :
ρ
∆g = −
ǫ0
Pour une fonction ρ à support borné, on rappelle que cette équation admet pour
solution :
Z
′
′ ρ(r )
1
d3 r
g(r) =
4πǫ0 V
|r − r′ |
où le volume d’intégration peut-être restreint à une boule de rayon R suffisamment grand (i.e. ρ(r) → 0 pour |r| > R) et centrée sur r. Par conséquent, C
peut se mettre sous la forme :
1
C(r) =
4π
Or
gradr′
"
Z
′
1
rotr′ V(r )
−
d r
|r − r′ |
4π
3
′
Z
′
gradr′ U (r )
d r
|r − r′ |
3
′
#
′
′
′
U (r )
gradr′ U (r )
1
′
=
+ U (r ) gradr
|r − r′ |
|r − r′ |
|r − r′ |
1.2. DÉCOMPOSITION D’HELMHOLTZ-HODGE
9
D’où en intégrant sur le volume, il vient :
Z
′
gradr′ U (r )
=−
d r
|r − r′ |
3
V
′
Z
3
V
′
′
d r U (r ) gradr′
#
"
Z
′
U (r )
1
3 ′
+ d r gradr′
|r − r′ |
|r − r′ |
V
et d’après le théorème de dérivations des fonctions composées,
1
1
gradr′
=
−grad
r
|r − r′ |
|r − r′ |
D’après la formule du gradient 5 , on a alors :
# Z
"Z
Z
′
′
′
′
U (r )
3 ′ gradr′ U (r )
3 ′ U (r )
+
d r
dS
=
grad
d
r
r
|r − r′ |
|r − r′ |
|r − r′ |
V
∂V
V
Comme la seconde intégrale tend vers 0 (surface délimitant la boule de rayon
R), on retrouve bien le premier terme en −grad φ de (1.13). Pour le terme en
rotationnel, on utilise la relation rot(f A) = f rot A + grad f × A :
#
"
′
′
′
rotr′ V(r )
1
V(r )
− gradr′
× V(r )
= rotr′
′
′
′
|r − r |
|r − r |
|r − r |
L’intégration sur le volume conduit alors à :
# Z
"
Z
Z
′
′
′
1
V(r )
3 ′
3 ′
3 ′ rotr′ V(r )
′
′
−
× V(r )
d r gradr
=
d r rotr
d r
′
′
′
|r
−
r
|
|r
−
r
|
|r
−
r
|
V
V
V
"
# Z
Z
′
′
′
V(r )
1
3 ′
3
=
d r rotr′
+
× V(r )
d r gradr
′
′
|r − r |
|r − r |
V
V
"Z
#
#
"
Z
′
′
′
V(r )
V(r )
3
3 ′
+ rotr
d r
=
d r rotr′
|r − r′ |
|r − r′ |
V
V
D’après la formule du rotationnel 6 , on obtient donc :
"Z
#
#
Z
Z "
′
′
′
′
V(r )
3 ′ rotr′ V(r )
3 ′ V(r )
d r
d r
× dS + rotr
=
|r − r′ |
|r − r′ |
|r − r′ |
V
V
∂V
La première intégrale tend vers 0 (surface délimitant la boule de rayon R), ce
qui achève la démonstration.
Une interprétation géométrique plus simple de la décomposition d’Helmholtz
est obtenue est passant dans l’espace de Fourier. Développons le champ sur une
base d’ondes planes :
5. On rappelle que
v la formule
t du gradient pour une surface fermée S délimitant un volume
V est donnée par S f dS = V gradf d3 V.
6.vLa formule du
trotationnel pour une surface fermée S délimitant un volume V est donnée
par S A × dS = V rotAd3 V .
10
CHAPITRE 1. RAPPELS INTRODUCTIFS
C(r) =
Z
C(k) exp(ik.r)
d3 k
(2π)3
(1.16)
Avec l’aide des formules d’analyse vectorielle (2.33) et (2.34), on obtient alors
pour le rotationnel et la divergence du champ :
Z
Z
d3 k
d3 k
divC(r) =
div (C(k) exp(ik.r))
=
C(k).grad
(exp(ik.r))
(2π)3
(2π)3
Z
3
d k
=
ik.C(k) exp(ik.r)
(2π)3
Z
Z
d3 k
d3 k
rotC(r) =
rot (C(k) exp(ik.r))
=
grad
(exp(ik.r))
×
C(k)
(2π)3
(2π)3
Z
3
d k
=
ik × C(k) exp(ik.r)
(2π)3
Donc, lorsque C(k) est orthogonal au vecteur d’onde k (champ transverse),
divC = 0 (champ rotationnel) et alors φ(r) = 0. De la même façon, lorsque
C(k) est parallèle au vecteur d’onde k (champ longitudinal), rotC = 0 (champ
irrotationnel) et alors A = 0. On retiendra donc l’interprétation suivante pour
chacun des termes de la décomposition canonique d’un champ :
C(r) =
−grad φ(r) + rot A(r)
{z
}
| {z }
|
partie longitudinale
ou irrotationnelle
(1.17)
partie transverse
ou rotationnelle
⇒ En résumé, le théorème d’Helmholtz-Hodge montre qu’à partir
du moment où l’on se donne une description de l’électromagnétisme
en terme de champs de vecteurs, alors nécessairement les équations
gouvernant la dynamique de ces champs doivent au moins définir
précisément le rotationnel et la divergence de chacun des champs en
tout point et à tout instant.
1.3
Invariance de jauge
Les équations de Maxwell présentent une forme particulière de symétrie,
l’invariance de jauge locale U (1) 7 . En effet, les équations (1.11) et (1.9) montrent
en effet que les champs B et E peuvent s’écrire sous la forme :
B(r, t)
=
E(r, t)
=
rot A(r, t)
∂
− A(r, t) − grad V (r, t)
∂t
(1.18)
(1.19)
7. Il en existe d’autres, comme par exemple l’invariance sous le groupe de Lorentz homogène SO(3,1) = groupe des rotations à 3 dimensions incluant les rotations hyperboliques ou
transformations de Lorentz. Cette propriété est à l’origine des travaux d’Einstein menant à la
relativité restreinte.
1.3. INVARIANCE DE JAUGE
11
A est un champ vectoriel appelé potentiel vecteur et V est un champ scalaire
appelé potentiel scalaire. E et B sont obtenus à partir des dérivées des potentiels.
Aussi, on voit qu’en ajoutant par exemple des termes constants à A et φ, on
obtient les mêmes E et B vérifiant les équations de Maxwell : c’est l’invariance
de jauge globale.
Plus généralement, la forme des équations (1.18)-(1.19) suggère que les champs
physiques E et B restent inchangées sous des transformations de la forme :
A(r, t)
→
V (r, t)
→
′
A (r, t) = A(r, t) + gradf (r, t)
′
∂
V (r, t) = V (r, t) − f (r, t)
∂t
(1.20)
(1.21)
où f (r, t) est une fonction arbitraire (mais suffisamment régulière). Ce type de
transformation interne (i.e. n’impliquant aucun déplacement spatiotemporel)
est appelé transformation de jauge locale de seconde espèce du groupe U (1) 8 .
Au niveau terminologique, A et φ sont des champs de jauge, tandis que E
et B sont des invariants de jauge. Ce résultat suggère qu’a priori, seules les
dérivées premières des potentiels ont des effets physiques directs (mesurables).
L’électrodynamique présente donc une invariance de jauge locale car il existe un
degré de liberté (interne) dans le choix des potentiels.
Tout cela est lié au fait que d’après le théorème d’Helmholtz-Hodge, la condition (1.18) ne suffit pas pour définir complètement le potentiel vecteur A : pour
fermer le système d’équations, il faut donc rajouter une relation supplémentaire
appelée condition de jauge qui porte sur div A. L’invariance de jauge de l’électrodynamique permet donc a priori de choisir une condition de jauge quelconque
qui, en pratique, est toujours celle permettant de simplifier le plus possible les
calculs à effectuer. Par exemple, pour traiter des problèmes d’électrostatique, la
condition de jauge la plus adaptée est la jauge de Coulomb :
div A(r, t) = 0
(1.22)
Si l’on a plutôt à traiter un problème de relativité, on cherche à obtenir des
8. Le concept de transformation de jauge a été développé au début du XXème siècle par
Hermann Weyl. C’est une propriété importante pour la physique des particules, puisqu’à
toute théorie de jauge correspond des bosons de jauge : dans le cas de l’électromagnétisme,
la symétrie U (1) conduit aux photons. Pour une revue complète sur le sujet, on consultera
[7]. La terminologie "de seconde espèce" est due à Pauli (voir [4]), afin de distinguer les
transformations de jauge locale de l’électromagnétisme de celle de la mécanique quantique,
qui sont "de première espèce".
12
CHAPITRE 1. RAPPELS INTRODUCTIFS
équations covariantes et on choisira alors la jauge de Lorenz 9 définie par :
div A(r, t) = −
1 ∂
V (r, t)
c2 ∂t
(1.23)
Il existe de nombreuses autres façons de choisir une condition de jauge, mais
d’après le théorème d’Helmholtz-Hodge, celle-ci devra toujours déterminer la
divergence de A.
◮ Pour terminer ces rappels introductifs, signalons que dans l’ensemble des ouvrages et travaux relatifs à l’électromagnétisme (on ne regarde que la dynamique
du champ et pas celle des charges), on distingue principalement trois types de
formulations de cette théorie :
– la première historiquement et la plus répandue est celle utilisant l’analyse
vectorielle et se résume aux 6 équations (1.1)-(1.6) présentées précédemment. Résultant des contributions de Heaviside, Gibbs et Hertz, cette formulation est la plus accessible mathématiquement et elle est liée à l’idée intuitive de force, ce qui conduit à des représentations géométriques simples
(la notion de lignes de champ par exemple). Toutefois, elle manque de
justesse quant à la description de la nature exacte des champs et n’est
valable que pour des géométries euclidiennes.
– la formulation tensorielle est contemporaine des débuts de la théorie
de la relativité et elle a notamment été développée par Lorentz, Einstein,
Minkowski et Poincaré. Bien que l’on perde la visualisation géométrique
donnée par les vecteurs, cette approche est plus générale et illustre plus
clairement que la précédente les liens intimes existant entre champ électrique et champ magnétique : E et H ne sont que les différentes composantes d’un objet plus fondamental, le tenseur de Faraday.
– la formulation reposant sur les formes différentielles est contemporaine
de la précédente. Développée par Weyl et Poincaré à partir des travaux
pionniers de Grassmann (1844) puis de Cartan (début du XXème) sur les
algèbres extérieures, c’est la plus concise et la plus éclairante pour comprendre la structure fondamentale du champ (en particulier les relations
de constitution), car elle en donne une interprétation géométrique très
claire. C’est donc à cette dernière approche que sont consacrés les chapitres suivants.
9. Ce choix de jauge fut proposé en 1867 par le physicien danois Ludvig Valentin Lorenz.
Toutefois, on le trouve le plus souvent orthographié à tort "jauge de Lorentz" (une des rares
exceptions est LA référence [3]), du nom du physicien néerlandais Hendrik Antoon Lorentz,
découvreur des transformations qui portent son nom en relativité. Outre l’homophonie, cette
confusion est également entretenue par le fait que les deux hommes ont publié la même année
(1880), dans le même journal (Annalen Physik und Chemie), un article sur le même sujet :
la relation entre indice de réfraction et polarisabilité, appelée... équation de Lorentz-Lorenz.
On pourra sur cette erreur terminologique récurrente consulter [7] et [8]. Afin d’éviter toute
confusion, notons également l’existence d’un autre Lorenz célèbre dans l’histoire des sciences,
Edward Lorenz, l’un des pères fondateurs de la théorie du chaos.
Chapitre 2
Formes différentielles dans
l’espace euclidien
Références : sur les aspects mathématiques, l’ouvrage ancien mais exhaustif d’Elie
Cartan [9] et plus récemment [10]. Sur l’application à l’électrodynamique, l’incontournable et très pédagogique article de Warnick, Selfridge et Arnold [11] qui présente la
vision géométrique des p-formes. On consultera également avec intérêt [12]-[15] et on
trouvera également des applications intéressantes dans [22],[24].
Comme on vient de le voir, l’analyse vectorielle est un outil très pratique
pour décrire l’électromagnétisme. La partie électrique (E, D) et la partie magnétique (H, B) sont des champs de vecteur réguliers, à trois composantes, et qui
sont couplés par les équations de Maxwell. En vertu du théorème d’HelmholtzHodge, ces équations font intervenir deux opérateurs vectoriels, le rotationnel
et la divergence, afin de permettre la connaissance complète du champ électromagnétique.
Toutefois, la théorie de Maxwell ne dit a priori rien concernant les différences
de comportement de ces champs sous l’effet de transformations géométriques.
Par exemple sous l’effet d’une symétrie miroir (isométrie indirecte), le champ
E est inchangé (le signe des charges n’est pas modifié par l’isométrie) tandis le
champ B est inversé (l’isométrie inverse le sens du courant). Cette particularité
conduit à introduire une distinction mathématique a posteriori entre vecteur
polaire (ou vecteur vrai - cas de E = contenu dans tout plan de symétrie des
sources) et vecteur axial (ou pseudovecteur - cas de B = perpendiculaire à
tout plan de symétrie des sources) : bien que la notation soit la même 1 , les
pseudovecteurs possédent trois composantes dont les lois de transformation ne
sont pas les mêmes que celles des vrais vecteurs. En anticipant sur ce qui va
être présenté, lorsque le champ électromagnétique est décrit en terme de formes
֒→
1. On trouve encore dans certains ouvrages anciens la notation B .
13
14CHAPITRE 2. FORMES DIFFÉRENTIELLES DANS L’ESPACE EUCLIDIEN
différentielles, la distinction mathématique entre E (1-forme) et B (2-forme) est
immédiate, de sorte que leurs propriétés de transformation sous l’action d’une
isométrie ne présentent plus d’ambiguités.
Afin de clarifier les structures fondamentales de l’électromagnétisme, l’objectif de ce chapitre est de présenter la formulation différentielle de la théorie
de Maxwell dans le cas simple de l’espace euclidien à 3 dimensions. Ce choix a
également l’avantage de permettre une comparaison directe avec la formulation
habituelle, i.e. les 4 équations (1.1)-(1.4) et les deux relations de constitution
(1.5)-(1.6).
2.1
2.1.1
Réinterprétation des grandeurs physiques
Forme différentielle de degré p
Généralités L’objet mathématique principal de chapitre est la notion de
forme différentielle de degré p ou p-forme. Rigoureusement parlant, une p-forme
sur une variété différentielle réelle M est un tenseur (0,p) totalement antisymétrique vivant sur la variété. Une 1-forme correspond donc simplement à un
vecteur covariant 2 . En dimension n, on ne peut avoir que des formes de degrés
p 6 n et le nombre de p-formes linéairement indépendantes sur une variété de
dimension n est donné par le coefficient binômial :
Cnp =
n!
p !(n − p)!
(2.1)
Intuitivement, on peut comprendre les p-formes comme des expressions que
l’on doit intégrer p fois pour obtenir des quantités ne comportant plus le symbole
différentiel d de l’analyse : par exemple,
– ex est une 0-forme, car c’est un scalaire.
– x2 dx est une 1-forme car on l’intègre avec une intégrale simple sur un
contour.
– tan x dy dz est une 2-forme car on l’intègre avec une intégrale double sur
une surface.
– 3 dr dθ dφ est une 3-forme car on l’intègre avec une intégrale triple sur un
volume.
A tout scalaire et tout vecteur de l’analyse vectorielle correspond une p-forme
duale :
– Un scalaire f a pour dual la 0-forme f : c’est le cas trivial.
2. On trouve également les terminologies de covecteur, de vecteur dual ou encore de forme
de Pfaff.
2.1. RÉINTERPRÉTATION DES GRANDEURS PHYSIQUES
15
– Pour obtenir la 1-forme a duale d’un vecteur a, on utilise le vecteur élément
de longueur donné par 3

dx1
dl =  dx2 
dx3

et on écrit que
a = a.dl
(2.2)
– Le lien entre un pseudo-vecteur b et la 2-forme b est obtenu en introduisant
le pseudo-vecteur élément de surface :

dx2 dx3
d2 S =  dx3 dx1 
dx1 dx2

(2.3)
On obtient alors
b = b.d2 S
(2.4)
– Enfin, un pseudo-scalaire g est associé à une 3-forme g → g = gdx1 dx2 dx3 .
Les deux opérations élémentaires que l’on peut effectuer avec des formes différentielles sont la combinaison linéaire de formes de même degré et le produit
extérieur (voir paragraphe suivant). L’ensemble des p-formes muni de l’addition
p
forme un espace vectoriel noté Λp (M)
1et 2dont
la dimension est Cn . Dans le
3
système de coordonnées quelconque x , x , x , les expressions générales des
formes de degré 0, 1, 2 et 3 et leurs correspondances duales sont données par :
3. La notation xi est issue du calcul tensoriel et l’exposant i est en quelque sorte l’étiquette
de la coordonnée que l’on considère. Par exemple, en sphérique, on a x1 = r, x2 = θ et x3 = φ.
16CHAPITRE 2. FORMES DIFFÉRENTIELLES DANS L’ESPACE EUCLIDIEN
Analyse vectorielle
Forme différentielle
f (x1 , x2 , x3 )
scalaire
base={1}
f (x1 , x2 , x3 )
0-forme
base duale={1}
a = a1 e1 + a2 e2 + a3 e3
vecteur
base={e1 , e2 , e3 }
a = a1 dx1 + a2 dx2 + a3 dx3
1-forme
base duale= dx1 , dx2 , dx3
b = b1 e1 + b2 e2 + b3 e3
pseudo-vecteur
base={e1 , e2 , e3 }
b = b1 dx2 dx3 + b2 dx3 dx1 + b3 dx1 dx2
2-forme
base duale= dx2 dx3 , dx3 dx1 , dx1 dx2
g(x1 , x2 , x3 )
pseudo-scalaire
base={1}
g= g(x1 , x2 , x3 )dx1 dx2 dx3
3-forme
base duale= dx1 dx2 dx3
Application au champ électromagnétique Pour trouver à quel type de
p-forme on doit associer chacune des grandeurs de l’électromagnétisme, il faut
examiner les équations de Maxwell sous leurs formes intégrales. On commence
par l’équation de Maxwell-Gauss, dont la forme intégrale est le théorème de
Gauss : le flux de l’induction électrique au travers d’une surface fermée Σ est
égale à la charge libre enfermée dans Σ. On l’obtient en prenant l’intégrale triple
de (1.4) et en utilisant le théorème de Green-Ostrogradski :
div D = ρl ⇒
⇒
{
Σ
2
D.d S =
y
V
y
div D d3 V =
y
ρl d3 V = Ql
V
3
ρl d V = Ql
V
L’induction électrique correspond à une 2-forme et la densité volumique de
charges libres à une 3-forme. Plus précisément, la 2-forme induction électrique
D = D1 dy dz + D2 dz dx + D3 dx dy est duale du vecteur induction électrique
D = D1 ex + D2 ey + D3 ez et la 3-forme densité de charges ρl = ρl dx dy dz est
duale de la densité volumique scalaire ρl .
Regardons maintenant l’équation de Maxwell-Faraday, dont la forme intégrale est la loi de Faraday : toute variation temporelle du flux de l’induction
magnétique au travers d’une surface σ induit un champ électromoteur. On l’ob-
2.1. RÉINTERPRÉTATION DES GRANDEURS PHYSIQUES
17
tient en prenant l’intégrale double de (1.1) et en utilisant le théorème de Stokes :
x
x
∂t
B.d2 S = −
rot E.d2 S
σ
∂
⇒
∂t
σ
x
2
B.d S
σ
!
=−
I
E.dl
soit
Γ
∂Φ
= −em
∂t
Donc le champ électrique correspond à une 1-forme et l’induction magnétique à
une 2-forme 4 . La 1-forme champ électrique E = E1 dx + E2 dy + E3 dz est duale
du vecteur champ électrique E = E1 ex + E2 ey + E3 ez , et la 2-forme induction
magnétique B = B1 dy dz + B2 dz dx + B3 dx dy est duale du vecteur induction
électrique B = B1 ex + B2 ey + B3 ez .
Reste l’équation de Maxwell-Ampère dont la forme intégrale est donnée par
le théorème d’Ampère. Comme elle comporte le déplacement électrique, on lui
applique donc une intégrale double :
!
I
x
x
∂ x
2
D.d S +
Jl .d2 S =
rot H.d2 S =
H.dl
∂t
Γ
Σ
Σ
Σ
Le champ magnétique correspond à une 1-forme et comme on pouvait s’y attendre, la densité de courants libres à une 2-forme. A nouveau, précisons que
la 1-forme champ magnétique H = H1 dx + H2 dy + H3 dz est duale du vecteur
champ magnétique H = H1 ex + H2 ey + H3 ez , et la 2-forme densité de courants
libres Jl = J1 dy dz + J2 dz dx + J3 dx dy est duale du vecteur densité de courants Jl = J1 ex + J2 ey + J3 ez . En pratique, pour l’électromagnétisme, on ne
travaillera qu’avec des formes de degrés 0, 1, 2 et 3.
En résumé, on a la table de correspondance suivante pour les grandeurs de
base de l’électromagnétisme :
Grandeur
Champ électrique
Champ magnétique
Induction électrique
Induction magnétique
Densité de courant (libre)
Densité de charge (libre)
Analyse vectorielle
vecteur polaire E
H
D
vecteur axial B
Jl
ρl
Forme différentielle
1-forme E
1-forme H
2-forme D
2-forme B
2-forme Jl
3-forme ρl
Ce tableau appelle quelques commentaires :
1. Dans un certain nombre de problèmes (voir section 3.3), il peut être intéressant d’obtenir une forme développée des équations de Maxwell en terme
de champs de vecteur. Aussi, il est important de noter les correspondances
4. L’équation de Maxwell-Thompson, qui traduit l’absence de monopôle magnétique, n’apporte pas de nouvelle information : en prenant l’intégrale triple de (1.3) et en utilisant le
théorème de Green-Ostrogradsky, on retrouve bien que B est une 2-forme.
18CHAPITRE 2. FORMES DIFFÉRENTIELLES DANS L’ESPACE EUCLIDIEN
suivantes : 1) si une 1-forme s’écrit E1 dx + E2 dy + E3 dz, alors le champ
de vecteur qui lui est dual a pour composantes E1 x + E2 y + E3 z. 2) si une
2-forme s’écrit B1 dydz + B2 dzdx + B3 dxdy, alors le champ de vecteur qui
lui est dual a pour composantes B1 x + B2 y + B3 z.
2. dans une description du champ en terme de formes différentielles, la différence de comportement entre E et B sous une isométrie indirecte (transformation miroir) est naturelle : elle provient du fait que ce sont des formes
de degrés différents et il n’y a plus besoin d’introduire une distinction
mathématique a posteriori entre ces deux grandeurs. Cette formulation
renforce l’idée que le pendant magnétique de E est H, et non B (d’où la
terminologie identique de "champs"), tandis que celui de D est B 5 (d’où la
terminologie identique d"inductions", qui désigne la réponse à un champ
excitateur).
3. ce tableau ne dit rien concernant le statut des grandeurs usuelles calculées
à partir de ces 6 quantités de base, comme par exemple le vecteur de
Poynting ou les potentiels électromagnétiques A et V.
4. il subsiste une ambiguité pour la transcription en termes de formes différentielles des relations de constitution (1.5)-(1.6) : en effet, il ne peut s’agir
d’une simple relation de proportionnalité, puisque champs et inductions
sont des formes de degrés différents.
Dans la suite, nous allons introduire les opérateurs nécessaires à la résolution
de ces difficultés.
2.1.2
Produit extérieur
Définition Le paragraphe précédent cache une convention de notation : entre
chacun des éléments différentiels des 2-formes et des 3-formes, il y a systématiquement un produit extérieur ∧ que l’on omet afin d’alléger les écritures. On
définit cette opération de la façon suivante :
Soient deux formes a (de degré m) et b (de degré p), le produit extérieur
a ∧ b est une opération qui produit une forme différentielle de degré m + p.
Cette opération est linéaire par rapport à chacun de ses arguments, associative
et supercommutative :
(λa + γb) ∧ c = λa ∧ c + γb ∧ c (λ, γ) ∈ R2
(a ∧ b) ∧ c = a ∧ (b ∧ c)
(2.5)
(2.6)
a ∧ b = (−1)mp b ∧ a
(2.7)
5. Cette idée se retrouve quand on étudie les conditions de passage aux interfaces : on a
conservation des composantes tangentielles de E et H d’une part, et des composantes normales
de D et B d’autre part.
19
2.1. RÉINTERPRÉTATION DES GRANDEURS PHYSIQUES
Le produit extérieur correspond au produit tensoriel totalement antisymétrisé.
Par exemple, pour deux tenseurs u et v, on a u ∧ v = u ⊗ v − v ⊗ u et pour trois
tenseurs u, v et w
u∧v∧w = u⊗v⊗w+w⊗u⊗v+v⊗w⊗u−u⊗w⊗v−w⊗v⊗u−v⊗u⊗w
L’ensemble de toutes les formes différentielles sur M (de degré compris entre
0 et n) muni de l’addition et du produit extérieur forme une algèbre appelée
algèbre extérieure ou algèbre de Grassmann.
Donc quand on lit dx dy, il faut comprendre dx ∧ dy, mais pas dy ∧ dx puisqu’en
vertu de la supercommutativité dy ∧ dx = −dx ∧ dy. Un premier exercice simple
pour manipuler ∧ est de montrer que le produit extérieur de trois formes de
même degré est invariant par permutation circulaire :
(2.8)
a∧b∧c=c∧a∧b=b∧c∧a
En effet, soit p le degré d’une forme, alors
a ∧ (b ∧ c)
2
2
2
=
(−1)p a ∧ (c ∧ b) = (−1)p (a ∧ c) ∧ b = (−1)2p (c ∧ a) ∧ b
=
=
c∧a∧b
2
2
(a ∧ b) ∧ c = (−1)p (b ∧ a) ∧ c = (−1)p b ∧ (a ∧ c)
=
(−1)2p b ∧ (c ∧ a) = b ∧ c ∧ a
2
Lien avec les opérations algébriques usuelles Tout d’abord, remarquons
que le produit extérieur d’une 1-forme avec elle-même est nul en vertu de la
supercommutativité :
a ∧ a = (−1)1 a ∧ a = −a ∧ a ⇒ a ∧ a = 0
(2.9)
En particulier, dxi ∧ dxi = 0. Comme le triplet dx1 , dx2 , dx3 constitue une
base de l’espace des 1-formes, alors il ne peut pas exister de formes de degré
supérieur à la dimension de l’espace : en effet, pour une hypothétique 4-forme,
on aura nécessairement répétition d’un des vecteurs de base, ce qui conduit à
un produit extérieur nul.
Regardons maintenant le produit extérieur de deux 1-formes, que l’on va
pour fixer les idées, considérer dans un système de coordonnées cartésiennes
(x1 = x, x2 = y, x3 = z) :
– a = a1 dx + a2 dy + a3 dz, duale du vecteur a = a1 ex + a2 ey + a3 ez ,
– et b = b1 dx + b2 dy + b3 dz, duale du vecteur b = b1 ex + b2 ey + b3 ez .
En utilisant la linéarité et la supercommutativité, on obtient la 2-forme suivante :
a∧b
=
=
(a1 dx + a2 dy + a3 dz) ∧ (b1 dx + b2 dy + b3 dz)
a1 b2 dx ∧ dy + a1 b3 dx ∧ dz + a2 b1 dy ∧ dx + a2 b3 dy ∧ dz + ..
=
=
.. + a3 b1 dz ∧ dx + a3 b2 dz ∧ dy
(a1 b2 − a2 b1 )dx ∧ dy + (a3 b1 − a1 b3 )dz ∧ dx + (a2 b3 − a3 b2 )dy ∧ dz
(a × b)3 dx ∧ dy + (a × b)2 dz ∧ dx + (a × b)1 dy ∧ dz
20CHAPITRE 2. FORMES DIFFÉRENTIELLES DANS L’ESPACE EUCLIDIEN
ou plus simplement
a ∧ b = (a × b)3 dx ∧ dy + (a × b)2 dz ∧ dx + (a × b)1 dy ∧ dz
On reconnaît la 2-forme duale du produit vectoriel usuel des vecteurs
a et b.
Regardons maintenant le produit extérieur d’une 1-forme a et d’une 2-forme
C = C3 dx∧dy+C2 dz∧dx+C1 dy∧dz, duale du vecteur C = C1 ex +C2 ey +C3 ez .
En utilisant l’associativité et les permutations circulaires, on obtient la 3-forme
donnée par :
a∧C
= (a1 dx + a2 dy + a3 dz) ∧ (C3 dx ∧ dy + C2 dz ∧ dx + C1 dy ∧ dz)
= a1 C3 dx ∧ (dx ∧ dy) + a1 C2 dx ∧ (dz ∧ dx) + a1 C1 dx ∧ (dy ∧ dz) + ..
+ a2 C3 dy ∧ (dx ∧ dy) + a2 C2 dy ∧ (dz ∧ dx) + a2 C1 dy ∧ (dy ∧ dz) + ..
..
..
a∧C
+ a3 C3 dz ∧ (dx ∧ dy) + a3 C2 dz ∧ (dz ∧ dx) + a3 C1 dz ∧ (dy ∧ dz)
= a1 C3 (dx
∧ dx}) ∧ dy − a1 C2 (dx
∧ dx}) ∧ dz + a1 C1 dx ∧ dy ∧ dz + ..
| {z
| {z
=0
..
=0
− a2 C3 (dy ∧ dy ) ∧ dx + a2 C2 dx ∧ dy ∧ dz + a2 C1 (dy ∧ dy ∧dz) + ..
| {z }
| {z }
=0
=0
∧ dz}) ∧ dz
+ a3 C3 dx ∧ dy ∧ dz + a3 C2 (dz
∧ dz}) ∧ dx) − a3 C1 (dz
| {z
| {z
..
=0
=0
= (a1 C1 + a2 C2 + a3 C3 ) dx ∧ dy ∧ dz
ou plus simplement
a ∧ C = (a.C) dx ∧ dy ∧ dz
On reconnaît la 3-forme duale du produit scalaire usuel des vecteurs
a et C. Remarquons que comme pour le produit scalaire usuel, la supercommutativité assure que a ∧ C = (−1)2 C ∧ a = C ∧ a.
Application : le vecteur de Poynting A partir de ce qui vient d’être vu,
essayons de contruire la forme différentielle associée au vecteur de Poynting. Ce
dernier est habituellement défini à partir du produit vectoriel de E par H. Dans
le langage des formes, cela revient donc à prendre le produit extérieur de E par
la 1-forme champ magnétique H 6 :
S
=
=
E ∧ H = (E1 dx + E2 dy + E3 dz) ∧ (H1 dx + H2 dy + H3 dz)
(E1 H2 − E2 H1 )dx ∧ dy + (E3 H1 − E1 H3 )dz ∧ dx + ..
=
.. + (E2 H3 − E3 H2 )dy ∧ dz
(E × H)3 dx ∧ dy + (E × H)2 dz ∧ dx + (E × H)1 dy ∧ dz
(2.10)
Le vecteur de Poynting est donc associé à une 2-forme (dans la terminologie de
l’analyse vectorielle, on devrait donc parler de pseudo-vecteur de Poynting).
6. Pour des champs complexes, on prendra plutôt S = E ∧ H ∗ .
21
2.2. L’OPÉRATEUR ⋆ DE HODGE
⇒ En résumé, le produit extérieur de deux formes différentielles généralise les opérations algébriques de l’analyse vectorielle, selon les
degrés de chacune des formes :
– s’il s’agit du produit extérieur de deux 1-formes, il correspond
au produit vectoriel usuel.
– s’il s’agit du produit extérieur d’une 1-forme et d’une 2-forme,
il correspond au produit scalaire usuel.
2.2
2.2.1
L’opérateur ⋆ de Hodge
Définitions et propriétés
Rappels Dans le cadre de l’analyse vectorielle, on considère un système de
coordonnées orthogonales notées x1 , x2 , x3 (par exemple pour les coordonnées
cylindriques, x1 = r, x2 = θ et x3 = z). L’intervalle de longueur élémentaire
(c’est-à-dire la norme du vecteur dl = dx1 e1 + dx2 e2 + dx3 e3 ) est alors donné
par 7 :
dl2 = g11 (dx1 )2 + g22 (dx2 )2 + g33 (dx3 )2 =
3
X
gij dxi dxj
(2.11)
i,j=1
avec la contrainte gii > 0 8 . Par exemple, pour les coordonnées cylindriques, on
a dl2 = dr2 + r2 dθ2 + dz 2 et donc g11 = 1, g22 = r2 et g33 = 1.
La matrice diagonale gij est appelée métrique et elle admet un inverse noté
g ij donnée par :


1/g11
0
0
1/g22
0 
(2.12)
g ij =  0
0
0
1/g33
Dualité au sens de Hodge On appelle produit interne de deux p-formes
a et b l’opérateur bilinéaire noté h a, b i et défini par son action sur les vecteurs
de base :
p=1 : h dxi , dxj i = g ij
p>1 : h dx1 ∧ .. ∧ dxp , dy 1 ∧ .. ∧ dy p i

h dx1 , dy 1 i h dx1 , dy 2 i .. h dx1 , dy p
h dx2 , dy 1 i h dx2 , dy 2 i .. h dx2 , dy p
= det 

..
..
..
..
h dxp , dy 1 i h dxp , dy 2 i .. h dxp , dy p

i
i


i
(2.13)
7. On utilise les notations standards qui sont ici très ambiguës : les termes en (dxi )2 veulent
dire dxi ⊗ dxi et non pas dxi ∧ dxi qui est nul. Bien que l’on écrive dl2 et qu’il soit traité
comme un scalaire, il s’agit en fait d’un tenseur.
8. A 3 dimensions, on travaille essentiellement avec des variétés de Riemann. Dans ce cas,
la signature (p, q), où p est le nombre de +1 et q le nombre de -1, est toujours (3,0).
22CHAPITRE 2. FORMES DIFFÉRENTIELLES DANS L’ESPACE EUCLIDIEN
Remarquons que le produit interne est l’analogue pour les 1-formes du produit
scalaire de deux vecteurs, puisque la bilinéarité donne :
h a, b i = h
3
X
ai dxi ,
3
X
bj dxj i =
ai bi g ii = h b, a i
i=1
i=1
i=1
3
X
Pour fixer les idées, revenons sur les coordonnées cylindriques : on a


1
0
0
g ij = 0 1/r2 0
0
0
1
et pour les 1-formes on obtient donc facilement
h dr, dr i = 1
1
h dθ, dθ i = 2
r
h dr, dθ i = 0
h dr, dz i = 0
h dθ, dz i = 0 h dz, dz i = 1
A titre illustratif, calculons par exemple h dr ∧ dθ, dθ ∧ dz i :
h dr ∧ dθ i h dr ∧ dz i
h dr ∧ dθ, dθ ∧ dz i = dét
h dθ ∧ dθ i h dθ ∧ dz i
0
0
=0
= dét
1/r2 0
En dimension 3, on appelle opérateur de Hodge (ainsi que opérateur étoilé,
star opérateur ou dual de Hodge) l’isomorphisme noté ⋆ qui relie l’espace des
p-formes différentielles (dimension C3p ) à celui des (3 − p)-formes (dimension
C33−p = C3p ) selon :
a ∧ (⋆ b) = h a, b i
p
|gij |dx1 ∧ .. ∧ dx3
(2.14)
où a est une forme quelconque mais de même degré que b. Indiquons (sans
démonstration) deux propriétés importantes qui se découlent de cette définition :
⋆(⋆a)
a ∧ (⋆ b)
2.2.2
= a
= b ∧ (⋆ a)
(2.15)
(2.16)
Action de ⋆ sur les 0-,1-, 2- et 3-formes
Action sur les 1-formes Prenons le cas des coordonnées cartésiennes pour
lequel x1 = x, x2 = y et x3 = z. C’est le cas le plus simple car comme dl2 =
dx2 + dy 2 + dz 2 , la métrique se réduit à la matrice identité. On a donc :
h dxi , dxj i = δ ij
q
|gij | = 1
23
2.2. L’OPÉRATEUR ⋆ DE HODGE
Commençons par chercher ⋆ dx : on sait que comme dx est une 1-forme, ⋆ dx est
une 2-forme et elle s’écrit donc dans la base correspondante (cf. section 2.1) :
⋆ dx = β1 dy ∧ dz + β2 dz ∧ dx + β3 dx ∧ dy
Comme les composantes de dx sont a1 = 1 et a2 = 0 = a3 , alors grâce à (2.14)
et en prenant le produit extérieur avec dx, on obtient rapidement :
dx ∧ (⋆ dx) = (1.1 + 0 + 0)dx ∧ dy ∧ dz = β1 dx ∧ (dy ∧ dz) ⇒ β1 = 1
On détermine β2 en prenant le produit extérieur avec dy (a1 = 0 = a3 et
a2 = 1) :
dy ∧ (⋆ dx) = β2 dy ∧ (dz ∧ dx) = (0.1 + 1.0 + 0)dx ∧ dy ∧ dz = 0 ⇒ β2 = 0
et en utilisant dz, on est conduit à β3 = 0. Donc ⋆ dx = dy ∧ dz et on montre
de la même façon que ⋆ dy = dz ∧ dx et ⋆ dz = dx ∧ dy. Comme ⋆ est une
application linéaire, l’action du Hodge sur une 1-forme a s’écrit de façon générale
en cartésien 9 :
a
⇔ ⋆a
=
=
a1 dx + a2 dy + a3 dz,
a1 dy ∧ dz + a2 dz ∧ dx + a3 dx ∧ dy
(2.17)
Action sur les 2-formes Il existe deux façons de traiter l’action du Hodge
sur les 2-formes : une méthode laborieuse qui utilise (2.14) et une méthode
rapide qui utilise (2.15). Commençons par illustrer la première méthode pour
le cas cartésien. On commence par ⋆(dy ∧ dz) : on sait que c’est une 1-forme et
qu’elle s’écrit donc :
⋆(dy ∧ dz) = α1 dx + α2 dy + α3 dz
Prenons le produit extérieur avec dy ∧ dz (a1 = 1, a2 = 0 = a3 ) :
dy ∧ dz ∧ (⋆(dy ∧ dz))
=
α1 dy ∧ dz ∧ dx
=
dx ∧ dy ∧ dz
⇒ α1 = 1
On trouve également que α2 = 0 (produit extérieur avec dz ∧ dx) et α3 = 0
(produit extérieur avec dx ∧ dy), de sorte que ⋆(dy ∧ dz) = dx. Pour les autres
vecteurs de base, on trouve de la même façon ⋆(dz ∧dx) = dy et ⋆(dx∧dy) = dz.
Ainsi, l’action du Hodge sur une 2-forme s’écrit de façon générale :
b
=
b1 dy ∧ dz + b2 dz ∧ dx + b3 dx ∧ dy
⇔ ⋆b
=
b1 dx + b2 dy + b3 dz
9. L’équivalence résulte de (2.15).
24CHAPITRE 2. FORMES DIFFÉRENTIELLES DANS L’ESPACE EUCLIDIEN
La méthode rapide consiste à se servir des résultats obtenus au paragraphe
précédent. On a vu que :
⋆ dx = dy ∧ dz
⋆ dy = dz ∧ dx
⋆ dz = dx ∧ dy
En appliquant à nouveau l’opérateur ⋆ et en utilisant (2.15), on obtient :
⋆ (dy ∧ dz) = dx
⋆ (dz ∧ dx) = dy
⋆ (dx ∧ dy) = dz
(2.18)
Action sur les 0-formes et 3-formes Le cas des 0-formes et des 3-formes
est plus simple encore, en raison de la dimensionnalité de leurs espaces vectoriels
respectifs. Le Hodge d’une 0-forme f est une 3-forme αdx∧dy ∧dz et celui d’une
3-forme g est une 0-forme β :
f ∧ (⋆f )
=
f 2 dx ∧ dy ∧ dz = f α dx ∧ dy ∧ dz ⇒ α = f
g ∧ (⋆g)
=
g 2 dx ∧ dy ∧ dz = βg dx ∧ dy ∧ dz ⇒ β = g
Résumons dans le tableau ci-dessous les correspondances établies par le dual
de Hodge entre les différentes éléments différentiels de base et dans les trois
principaux systèmes de coordonnées :
cartésien
cylindrique
sphérique
2.2.3
1-forme↔2-forme
⋆dx = dy ∧ dz
⋆dy = dz ∧ dx
⋆dz = dx ∧ dy
⋆dr = rdθ ∧ dz
⋆(rdθ) = dz ∧ dr
⋆dz = rdr ∧ dθ
⋆dr = r2 sin θdθ ∧ dφ
⋆(rdθ) = r sin θdθ ∧ dr
⋆(r sin θdφ) = rdr ∧ dθ
0-forme↔3-forme
⋆1 = dx ∧ dy ∧ dz
⋆1 = rdr ∧ dθ ∧ dz
⋆1 = r2 sin θdr ∧ dθ ∧ dφ
Utilisation pour les relations constitutives
On a déjà évoqué une difficulté liée aux relations de constitution. En analyse vectorielle, pour des milieux linéaires, elles relient les inductions (réponses
électrique et magnétique du milieu) aux champs excitateurs E et H selon :
D
=
B =
ǫE
µH
Or, du point de vue de l’algèbre extérieure, on a vu que D et B sont des 2-formes
tandis que E et H sont des 1-formes : ces grandeurs ne peuvent donc pas être
reliées par une simple relation de proportionnalité, mais par une relation qui
1. doit préserver la structure linéaire des relations constitutives, c’est-à-dire
REPONSE = PROPRIETE DU MATERIAU × EXCITATION
2.3. DÉRIVATION EXTÉRIEURE
25
2. doit établir des correspondances entre des formes de degrés distincts, c’està-dire faire intervenir l’opérateur de Hodge.
La seule manière de vérifier ces deux contraintes est de prendre pour la partie
électrique [11]
D =ǫ ⋆E
(2.19)
B =µ ⋆H
(2.20)
et pour la partie magnétique
⇒ On retiendra donc que les relations de constitution n’établissent
pas de proportionnalité entre inductions et champs, mais une relation
de dualité au sens de Hodge.
• Remarque : le même type de considération s’applique également à la loi d’Ohm
qui relie, dans un conducteur, la densité de courant au champ électrique par la
relation :
Jl = σE
(2.21)
Or E est une 1-forme et Jl est une 2-forme. Par conséquent, la loi d’Ohm
indique que dans un métal, il existe nécessairement une relation de dualité entre
ces deux grandeurs :
Jl = σ ⋆ E
2.3
2.3.1
(2.22)
Dérivation extérieure
Définition et propriétés
Définition Les équations de Maxwell sont des équations aux dérivées partielles en temps et en espace : aussi, avant de pouvoir les reformuler dans le
langage de l’algèbre extérieure, il reste encore à déterminer les analogues des
opérations de dérivation sur les formes différentielles. C’est précisément là où
l’intérêt (et même la beauté) du formalisme va se manifester. Commencons par
une définition :
26CHAPITRE 2. FORMES DIFFÉRENTIELLES DANS L’ESPACE EUCLIDIEN
La dérivée extérieure (parfois appelée opérateur de cobord) est l’opérateur
linéaire noté d : Λp (M) → Λp+1 (M). A partir d’une p-forme A, il produit une
p+1-forme dA et s’écrit formellement :
∂
∂
∂
1
2
3
d≡
(2.23)
dx +
dx +
dx ∧
∂x1
∂x2
∂x3
A partir de cette définition, on peut montrer que l’opérateur d vérifie les deux
propriétés fondamentales :
d(A ∧ B) = (dA) ∧ b + (−1)p A ∧ (dB) (formule de Leibniz)(2.24)
d(dA) = 0
(2.25)
(nilpotence)
Démonstration :
• Pour la formule de Leibniz, on considère pour simplifier deux formes A et B
ne présentant chacune qu’une seule composante (la généralisation est immédiate
par linéarité de la dérivée extérieure) :
a dxα1 ∧ .. ∧ dxαp
b dxβ1 ∧ .. ∧ dxβq
A =
B =
A∧B
ab dxα1 ∧ .. ∧ dxαp ∧ dxβ1 ∧ .. ∧ dxβq
=
Par définition (2.23), alors
X
X
d(A ∧ B) =
b(∂γ a) dxγ ∧ dxα1 ∧ .. ∧ dxβq +
a(∂γ b) dxγ ∧ dxα1 ∧ .. ∧ dxβq
γ
γ
soit
d(A ∧ B) =
X
=
γ
(∂γ a) dx ∧ dx
α1
∧ .. ∧ dx
γ
.. + adx
α1
∧ .. ∧ dx
αp
∧
X
αp
!
∧ b dxβ1 ∧ .. ∧ dxβq + ..
p
γ
β1
∂γ b (−1) dx ∧ dx .. ∧ dx
γ
=
dA ∧ B + (−1)p A ∧ dB
• Pour la nilpotence, c’est là encore une conséquence directe de (2.23) :
X
dA =
∂γ a dxγ ∧ dxα1 ∧ .. ∧ dxαp
γ
2
d A =
d
X
γ
=
XX
β
γ
!
∂γ a dxγ ∧ dxα1 ∧ .. ∧ dxαp
2
∂βγ
a dxβ ∧ dxγ ∧ dxα1 ∧ .. ∧ dxαp = 0
βq
!
27
2.3. DÉRIVATION EXTÉRIEURE
par symétrie de la dérivée seconde et antisymétrie du terme dxβ ∧ dxγ .
Remarquons dès maintenant qu’en dimension 3, la dérivée d’une 3-forme
est nécessairement toujours 0, car toute hypothétique 4-forme impliquerait un
doublement du même dxi , ce qui est nul d’après (2.9).
Action sur les 0-formes Pour comprendre comment fonctionne la dérivée
extérieure, appliquons cet opérateur sur une 0-forme f (x, y, z). D’après (2.23),
df =
∂
∂
∂
dx +
dy +
dz
∂x
∂y
∂z
∧f =
∂f
∂f
∂f
dx +
dy +
dz
∂x
∂y
∂z
(2.26)
Remarquons la cohérence des notations utilisées : si on choisit pour f l’une des
coordonnées x, y ou z, on obtient respectivement dx, dy et dz. La dérivée
extérieure d’une 0-forme est la 1-forme duale du gradient du scalaire
f . Dans les ouvrages d’analyse vectorielle, on trouve souvent ce résultat exprimé
sous la forme d’un produit scalaire pour renforcer la relation de dualité entre df
et grad f :
df = grad f. dl
(2.27)
Action sur les 1-formes Examinons maintenant l’action de la dérivée extérieure sur une 1-forme a = a1 dx + a2 dy + a3 dz. L’utilisation est moins immédiate que dans le cas précédent. Chacun des éléments du type ai dxi peut être vu
comme le produit extérieur d’une 0-forme ai avec une 1-forme dxi . L’application
de (2.24) puis de (2.26) donne alors :
d(ai dxi )
=
=
dai ∧ dxi + ai ∧ d(dxi ) = dai ∧ dxi
(∂x ai dx + ∂y ai dy + ∂z ai dz) ∧ dxi
Comme d est un opérateur linéaire, alors
da
=
3
X
dai ∧ dxi = (∂x a1 dx + ∂y a1 dy + ∂z a1 dz) ∧ dx + ..
i=1
.. + (∂x a2 dx + ∂y a2 dy + ∂z a2 dz) ∧ dy + ..
.. + (∂x a3 dx + ∂y a3 dy + ∂z a3 dz) ∧ dz
=
∂y a1 dy ∧ dx + ∂z a1 dz ∧ dx + ∂x a2 dx ∧ dy + ∂z a2 dz ∧ dy + ..
.. + ∂x a3 dx ∧ dz + ∂y a3 dy ∧ dz
En utilisant la supercommutativité du produit extérieur, on obtient
da
=
=
(∂y a3 − ∂z a2 )dy ∧ dz + (∂z a1 − ∂x a3 )dz ∧ dx + (∂x a2 − ∂y a1 )dx ∧ dy
(rot a)1 dy ∧ dz + (rot a)2 dz ∧ dx + (rot a)3 dx ∧ dy
28CHAPITRE 2. FORMES DIFFÉRENTIELLES DANS L’ESPACE EUCLIDIEN
La dérivée extérieure d’une 1-forme est la 2-forme duale du rotationnel du vecteur a. Là encore, on peut exprimer sous la forme d’un produit scalaire pour renforcer la dualité entre da et rot a à condition d’utiliser le
pseudo-vecteur élément de surface d2 S (cf.2.3) tel que :
da
=
(rot a)1 dy ∧ dz + (rot a)2 |dz {z
∧ dx} + (rot a)3 dx ∧ dy
| {z }
| {z }
d2 S1
=
d2 S2
d2 S3
2
(rot a).d S
(2.28)
Action sur les 2-formes Examinons pour terminer l’action de la dérivée
extérieure sur une 2-forme b = b1 dy ∧ dz + b2 dz ∧ dx + b3 dx ∧ dy. Elle comporte
des termes en (bi dxj ) ∧ dxk , produit extérieur d’une 1-forme par une autre 1forme. A l’aide de ce qui précède et en utilisant (2.24) donne :
d (bi dxj ) ∧ dxk = d(bi dxj ) ∧ dxk − (bi dxj ) ∧ (ddxk )
= (∂x bi dx + ∂y bi dy + ∂z bi dz) ∧ dxj ∧ dxk
La linéarité de d conduit à :
db
=
=
d [b1 dy ∧ dz + b2 dz ∧ dx + b3 dx ∧ dy]
(∂x b1 dx + ∂y b1 dy + ∂z b1 dz) ∧ dy ∧ dz + ..
.. + (∂x b2 dx + ∂y b2 dy + ∂z b2 dz) ∧ dz ∧ dx
.. + (∂x b3 dx + ∂y b3 dy + ∂z b3 dz) ∧ dx ∧ dy
=
=
∂x b1 dx ∧ dy ∧ dz + ∂y b2 dy ∧ dz ∧ dx + ∂z b3 dz ∧ dx ∧ dy
(∂x b1 + ∂y b2 + ∂z b3 )dx ∧ dy ∧ dz = (div b) dx ∧ dy ∧ dz
La dérivée extérieure d’une 2-forme est donc la 3-forme duale de la
divergence du vecteur b. On écrit généralement ce résultat sous une forme
plus condensée (on omet alors les produits extérieurs pour alléger l’écriture) :
db = (div b) d3 V avec d3 V = dxdydz
(2.29)
⇒ Les opérateurs gradient, rotationnel et divergence sont des cas
particuliers de la dérivée extérieure appliquée respectivement à des
formes de degré 0, 1 et 2.
2.3.2
Cohomologie de De Rham
Références : l’essentiel de ce qu’il faut savoir est résumé au chapitre 2 de [16]. On trouvera également une introduction claire et assortie d’une discussion sur l’effet AharonovBohm dans l’excellent livre de John Baez [17].
Cobord et cocycle La définition (2.23) permet de distinguer deux sous ensembles de Λp (M) importants quant à la structure du champ électromagnétique.
Ainsi,
2.3. DÉRIVATION EXTÉRIEURE
29
– une p-forme a est fermée (on dit également que a est un pcocycle) lorsqu’elle vérifie da = 0 . L’ensemble des p-formes fermées
est noté Z p (M).
– une p-forme a est exacte (on dit également que a est un p-cobord)
lorsqu’il existe une p-1 forme b, appelée primitive de a, telle que
a = db . L’ensemble des p-formes exactes est noté B p (M).
En raison de (2.25), tout cobord est donc nécessairement un cocycle, i.e.
B p (M) ⊂ Z p (M). Mais est-ce-que la réciproque est vraie ? L’enjeu de cette
question est de pouvoir retrouver avec le formalisme du calcul extérieur une
propriété fondamentale de la théorie de Maxwell : l’invariance de jauge. En
effet, comme on va le voir plus loin, l’équation de Maxwell-Thompson devient
dB = 0. B est donc une 2-forme fermée, mais on ne peut définir un potentiel
vecteur A qu’à la condition que B soit aussi une 2-forme exacte.
En général Z p (M) 6⊂ B p (M). Le contre-exemple le plus connu est la 1-forme
angulaire définie sur R2 \ {0} :
xdy − ydx
y
x
a=
dy − d
dx
⇒ da = d
x2 + y 2
x2 + y 2
x2 + y 2
(x2 − y 2 )dy − 2xydx
(−x2 + y 2 )dx − 2xydy
∧
dy
−
∧ dx
⇒ da =
(x2 + y 2 )2
(x2 + y 2 )2
−x2 + y 2
x2 − y 2
⇒ da = 2
dx
∧
dy
−
dy ∧ dx
(x + y 2 )2
(x2 + y 2 )2
−x2 + y 2
x2 − y 2
⇒ da = 2
dx
∧
dy
+
dx ∧ dy = 0
(x + y 2 )2
(x2 + y 2 )2
Lien avec l’homotopie Tout cocycle n’est donc pas nécessairement un cobord. A quelle condition cela est-il le cas ? Un élément de réponse est donné par
le lemme du Poincaré : lorsque M est simplement connexe (="pas de trous"),
alors toute 1-forme fermée est exacte. Plus généralement, pour une forme de degré p quelconque, on définit un nouvel espace vectoriel, le p-ième groupe de
cohomologie de De Rham défini par :
H p (M) = Z p (M)/B p (M)
(2.30)
Deux p-formes fermées (= éléments de Z p ) appartiennent à la même classe
de cohomologie (= éléments de H p ) si elles diffèrent par une forme exacte (=
élément de B p ). La dimension de H p est appelée p-ième nombre de Betti de
la variété et on le note bp (M). bo donne le nombre de composantes connexes
de M et pour p > 1, bp correspond au nombre de "p-trous" que présente la
variété. Intuitivement, on a affaire à un p-trou lorsqu’un trou empêche deux
contours de dimension p d’être déformés l’un en l’autre [17]. Par exemple, pour
R3 \ {0}, deux lacets (dont l’un entourant l’origine) sont toujours déformables
continûment l’un en l’autre, en revanche il existe des surfaces pour lesquelles ce
n’est pas le cas (par exemple, les surfaces correspondant aux deux hémisphères
30CHAPITRE 2. FORMES DIFFÉRENTIELLES DANS L’ESPACE EUCLIDIEN
entourant l’origine) : on a donc affaire à un 2-trou et les nombres de Betti sont
b0 = 1, b1 = 0, b2 = 1.
En topologie algébrique, l’analyse par groupes d’homotopie permet de déterminer les types de défauts topologiques supportés par la variété. Rappelons
brièvement que [25] :
– le groupe d’homotopie π0 (M) teste l’existence de paires de points non
connectables par des arcs. Lorsqu’il est trivial, la variété est connexe.
– π1 (M) (également appelé groupe fondamental) teste l’existence de lacets
non homotopiques (= non déformables) à un point sur M. Lorsqu’il est
trivial, la variété est simplement connexe.
– π2 (M) teste l’existence de surfaces fermées non homotopiques à un point.
Lorsqu’un groupe d’homotopie πk est non-trivial, alors la variété supporte des
défauts de dimension n − k − 1. Les groupes d’homotopie et les nombres de
Betti sont des invariants topologiques de M. Dans le contre-exemple évoqué
plus haut, on a
π1 M = R2 \ {0} = Z
Figure 2.1 – Trois exemples de lacets non-homotopiques dans R2 \ {0}.
Il existe en effet plusieurs classes d’homotopie de lacets (voir figure 2.1) qui
diffèrent en raison du nombre de tours que fait un lacet autour du défaut. Par
conséquent, le premier nombre de Betti est donc nécessairement non-nul et on
voit ici qu’il vaut 1.
Comme on peut s’y attendre, il existe des liens étroits entre les nombres de
Betti et certaines propriétés topologiques bien connues. Par exemple, la caractéristique d’Euler-Poincaré d’une variété différentiable est donnée par la série
alternée :
X
χ(M) =
(−1)p bp (M)
(2.31)
p
Terminons par une propriété importante : toute p-forme fermée est exacte
lorsque la variété M est contractile, c’est-à-dire si elle est homotopiquement
31
2.3. DÉRIVATION EXTÉRIEURE
équivalente à un point. Dans ce cas, elle a un nombre fini de bp non-nuls 10 et
tous ses groupes d’homotopie πk (M) sont triviaux. C’est par exemple le cas
pour Rn .
2.3.3
Unification des formules de l’analyse vectorielle
Relations locales Dans les paragraphes précédents, on a montré que le produit extérieur unifiait produit scalaire et produit vectoriel, tandis que la dérivée
extérieure unifiait les opérateurs différentiels. On rappelle donc que
(0-forme) ∧ (p-forme)
(1-forme) ∧ (1-forme)
(1-forme) ∧ (2-forme)
↔
↔
↔
multiplication
produit vectoriel
produit scalaire
d(0-forme)
d(1-forme)
↔
↔
gradient
rotationnel
d(2-forme)
↔
divergence
Remarquons que l’opérateur d est défini à 3 dimensions à partir de dérivées
partielles relatives aux variables spatiales (cas cartésien) et angulaires (cas cylindrique, sphérique) : il commute donc avec ∂t , mais a priori pas avec l’opérateur
de Hodge (qui commute lui aussi avec ∂t ), puisque par exemple
1-forme
3-forme
}|
{ z
}|
{
z
⋆ d(1-forme) 6= d (⋆(1-forme))
| {z }
| {z }
2-forme
(2.32)
2-forme
A l’aide de ces correspondances, il suffit juste de mémoriser (2.24)-(2.25)
pour retrouver très facilement certaines identités bien connues de l’Analyse Vectorielle :
1. En appliquant (2.24) à deux 0-formes a et b, on trouve que :
d(a ∧ b) = (da) ∧ b + (−1)p a ∧ (db)
⇒ grad (ab) = (grad a) b + a grad b
2. En appliquant (2.24) à une 0-forme a et une 1-forme b, on trouve que :
d(a ∧ b) = (da) ∧ b + (−1)p a ∧ (db)
⇒ rot (ab) = (grad a) × b + a rot b
(2.33)
10. Plus précisément, si la variété considérée est compacte et connexe (ex : le cercle, la
sphère de dimension n, le tore de dimension n, l’espace projectif de dimension n...), alors une
p-forme est exacte si et seulement si le p-ième nombre de Betti est nul.
32CHAPITRE 2. FORMES DIFFÉRENTIELLES DANS L’ESPACE EUCLIDIEN
3. En appliquant (2.24) à deux 1-formes a et b, on trouve que :
d(a ∧ b) = (da) ∧ b + (−1)p a ∧ (db)
⇒ div (a × b) = (rot a) .b − a. (rot b)
4. En appliquant (2.24) à une 0-forme a et une 2-forme b, on trouve que :
d(a ∧ b) = (da) ∧ b + (−1)p a ∧ (db)
⇒ div (ab) = (grad a) .b + a (div b)
(2.34)
5. En appliquant (2.25) à une 0-forme, on trouve que :
d(df ) = 0 ⇒ rot grad f = 0
6. En appliquant (2.25) à une 1-forme, on trouve que :
d(da) = 0 ⇒ div rot a = 0
7. En appliquant la règle de permutation circulaire du produit extérieur de
trois 1-formes, on trouve que :
(a ∧ b) ∧ c = (c ∧ a) ∧ b = (b ∧ c) ∧ a
⇒ (a × b).c = (c × a).b = (b × c).a
Relations intégrales Il existe en analyse vectorielle deux théorèmes très importants portant sur les intégrales d’un champ de vecteur : le théorème de Stokes
et le théorème de Green-Ostrogradski (ou théorème de flux-divergence) donnés
respectivement par
I
x
a.dl =
rot a.d2 S
(2.35)
{
Γ
σ
2
a.d S
=
Σ
y
div a d3 V
(2.36)
V
Le fait remarquable est la très grande similitude de ces deux théorèmes : l’un
comme l’autre relie des intégrales de frontière de champs vectoriels à des intégrales portant sur les dérivées de ces champs vectoriels sur les domaines délimités
par ces frontières. Cela provient du fait que (2.35) et (2.36) ne sont que deux
cas particulier d’un plus théorème plus général en algèbre de Grassmann, le
théorème de Stokes généralisé :
H
∂M
a=
R
M
da
(2.37)
où a est une p-forme, RM un domaine de dimension p + 1 dont la frontière ∂M
est de dimension p, et désigne une intégrale de multiplicité p (simple pour une
1-forme, double pour une 2-forme...). En appliquant cette formule à une 1-forme
33
2.3. DÉRIVATION EXTÉRIEURE
a, alors ∂M est de dimension 1 (chemin) et M de dimension 2 (surface). da est
un rotationnel et on retrouve alors :
I
I
a =
a.dl
d’après (2.2)
∂M
ZΓ
x
da =
=
rot a.d2 S d’après (2.28)
M
σ
On retrouve bien (2.35). De même, pour 2-forme b, alors ∂M est de dimension
2 (surface) et M de dimension 3 (volume). da est une divergence et on retrouve
alors :
I
{
a =
a.d2 S
d’après (2.4)
∂M
=
ZΣ
da =
M
y
div a d3 V
d’après (2.29)
V
On retrouve bien (2.36).
2.3.4
Réécriture de la théorie de Maxwell
Equations d’évolution Nous avons maintenant tous les ingrédients pour obtenir une reformulation complète des équations de l’électromagnétisme. Commençons par l’équation de Maxwell-Faraday que l’on multiplie par d2 S. Comme
E est une 1-forme, d’après (2.28)
rot E = −
∂B
⇒ ∂t B.d2 S = −rot E.d2 S = −dE
∂t
Or comme B est une 2-forme, alors d’après (2.4),
∂t (B.d2 S) = ∂t B = −dE ⇒ ∂t B = −dE
(2.38)
Pour Maxwell-Ampère, comme H est une 1-forme, D et Jl des 2-formes, la même
démarche conduit à :
∂D
+ Jl ⇒ rot H.d2 S = dH = ∂t (D.d2 S) + Jl .d2 S
∂t
⇒ dH = ∂t D + Jl
(2.39)
rot H =
Equations de structure Pour Maxwell-Thompson, B étant une 2-forme, on
a très facilement avec (2.29) :
div B = 0 ⇒ dB = 0
(2.40)
tandis que pour Maxwell-Gauss, comme ρl est une 3-forme, alors en multipliant
par d3 V et en utilisant (2.29) :
div D = ρl ⇒ dD = ρl
(2.41)
34CHAPITRE 2. FORMES DIFFÉRENTIELLES DANS L’ESPACE EUCLIDIEN
⇒ En dimension 3, les équations de l’électromagnétisme formulées
dans la langage des formes différentielles s’écrivent :
dE = −∂t B (Maxwell-Faraday)
(Maxwell-Thompson)
dB = 0
dH = ∂t D+Jl
(Maxwell-Ampère)
dD = ρl
(Maxwell-Gauss)
assorties des 2 relations constitutives :
D =ǫ⋆E
B =µ⋆H
Equations de conservation Prenons la dérivée extérieure de la 2-forme de
Poynting. D’après la formule de Leibniz,
dS
⇔ dS
=
=
d(E ∧ H) = dE ∧ H − E ∧ dH = −(∂t B) ∧ H − E ∧ (∂t D + Jl )
−∂t (B ∧ H + E ∧ D) − E ∧ Jl
{z
}
|
w
avec w la 3-forme densité d’énergie électromagnétique. On retrouve alors le
théorème de Poynting de conservation de l’énergie :
∂t w + dS = E ∧ Jl
(2.42)
De la même façon, si on prend la dérivée extérieure de Maxwell-Ampère combinée avec Maxwell-Gauss, il vient que :
ddH = 0 = ∂t (dD) + dJl ⇒ ∂t ρl + dJl = 0
(2.43)
C’est l’équation de conservation de la charge.
Equation d’onde Prenons le Hodge de Maxwell-Faraday et utilisons la relation de constitution magnétique :
⋆dE = −∂t ⋆ B = −µ∂t (⋆ ⋆ H) = −µ∂t H
Prenons maintenant la dérivée extérieure de cette expression et utilisons MaxwellAmpère en l’absence de courant 11 :
d(⋆dE)
=
−µ∂t dH = −µ∂t2 D = −µǫ∂t2 (⋆E)
− ⋆ d(⋆ dE)
| {z }
=
µǫ∂t2 (⋆ ⋆ E) = µǫ∂t2 E
(2.44)
d˜
11. Si l’on garde les courants libres et que l’on utilise la loi d’Ohm (2.22), on obtiendra la
version "algèbre extérieure" de l’équation des télégraphistes.
2.3. DÉRIVATION EXTÉRIEURE
35
avec d˜ ≡ (−1)p+1 ⋆ d⋆ l’opérateur codérivée d’une p-forme en dimension 3. En
˜ = 0 (cf. Maxwell-Gauss), on obtient la transcription en
remarquant que ddE
algèbre extérieure de l’équation de d’Alembert :
n2 2
˜ + dd)
˜ E=0
∂ E − (dd
c2 t
(2.45)
On obtient une équation analogue pour H. On voit ici qu’en terme de calcul
extérieur, le Laplacien s’écrit :
˜ + dd˜
∆ ≡ dd
(2.46)
Remarquons bien que la forme explicite du Laplacien dépend du degré de la
forme sur laquelle il est appliqué. Ainsi,
– pour une 0-forme, ∆ f = ⋆d (⋆ df ).
– pour une 1-forme, ∆ a = [d (⋆d⋆) − ⋆d (⋆ d)] a.
– pour une 2-forme, ∆ b = [⋆d (⋆ d) − d (⋆d⋆)] b.
– pour une 3-forme, ∆ c = d [⋆d (⋆c)].
Potentiels et jauge Examinons Maxwell-Thompson : B est une 2-forme fermée. D’après le lemme de Poincaré, alors il existe une 1-forme A telle que
B = dA
(2.47)
On reconnait avec A la 1-forme duale du potentiel vecteur A. Utilisons cette
relation dans Maxwell-Faraday :
dE = −∂t B = −d(∂t A) ⇒ d(E + ∂t A) = 0
On rappelle que E est une 1-forme. D’après le lemme de Poincaré, pour R3 ,
toute forme fermée est exacte donc il existe une 0-forme V telle que :
E + ∂t A = −dV ⇔ E = −dV − ∂t A
(2.48)
On reconnait avec V la 0-forme duale du potentiel scalaire V.
A partir de là, il est très facile de retrouver les symétries de jauge des équations de Maxwell. En effet, à partir de la nilpotence de d, il est évident que
(2.47) est inchangée si l’on ajoute à A une forme exacte, i.e.
A → A + df
(2.49)
avec f la 0-forme fonction de jauge. Pour qu’il en soit de même pour (2.48), une
condition suffisante est alors que simultanément
V → V − ∂t f
(2.50)
Que deviennent les conditions de jauge dans ce nouveau formalisme ? Considérons par exemple la jauge de Lorenz. Comme A et V ne sont pas de même
36CHAPITRE 2. FORMES DIFFÉRENTIELLES DANS L’ESPACE EUCLIDIEN
degré, on voit que comme pour les relations de constitution, il va falloir utiliser
le star opérateur. Pour simplifier, on va raisonner dans le vide. D’après ce qui
vient d’être vu,
B = dA = ⋆H ⇒ H = ⋆(dA)
dH = ∂t D ⇒ dH = ∂t (⋆E)
d’où en utilisant (2.48)
⇒
d [⋆(dA)] + ∂t [⋆ (dV + ∂t A)] = 0
⋆d [⋆(dA)] + ∂t2 A + d (∂t V) = 0
L’objectif de la jauge de Lorenz est d’écrire des équations d’onde pour les potentiels. On va donc chercher à faire disparaître V de l’équation précédente et
à faire apparaître le Laplacien. D’après le paragraphe précédent, comme A est
une 1-forme, il faut donc que :
d (∂t V) = −d (⋆d ⋆ A)
Une condition suffisante est donc :
⋆ d ⋆ A + ∂t V = 0
(2.51)
ce qui correspond à la condition de jauge de Lorenz. Cette condition permet
également de montrer que le potentiel scalaire obéit à une équation de la même
forme.
Pour terminer, rappelons qu’en analyse vectorielle, il est d’usage de faire
dériver potentiels vecteur et scalaire d’une même quantité, le vecteur de Hertz
noté Πe [3]. En terme de formes différentielles et dans le cas d’une jauge de
Lorenz, la 1-forme différentielle de Hertz existe également et elle est définie
par :
A = ∂t Πe
˜ e
V = −dΠ
(2.52)
Chapitre 3
Formes différentielles en
dimension 4
Trois références incontournables : la partie I du livre de John Baez [17], le chapitre
5 de Nakahara[18] et le chapitre 4 de Misner, Thorne et Wheeler [19]. On consultera
également l’article de Warnick et Russer [20] et celui de Colin [15].
3.1
3.1.1
Electromagnétisme en espace-temps de Minkowski
Opérateurs
Dans cette section, nous indiquons (sans démonstration) comment généraliser le formalisme précédent en donnant au temps un rôle symétrique aux variables spatiales cartésiennes x, y, z 1 : on est dans le cadre de la relativité d’Einstein, dans lequel l’utilisation des formes différentielles prend tout son intérêt
tant elle permet de résumer la théorie de Maxwell en un ensemble très compact
de seulement deux équations. Du point de vue mathématique, on travaillera
donc avec des variétés réelles 2 lorentziennes, pour lesquelles la signature est
1. Les coordonnées cylindriques et sphériques ne posent pas de problèmes particuliers,
mais dans le cadre d’une exposition synthétique, le cas cartésien est plus adapté car le moins
calculatoire.
2. On peut généraliser tout ce qui a été vu précédemment au cas de variétés différentielles
complexes. L’objet de base est alors la (p,s)-forme différentielle (on parle de bidegré p,s) dont
l’expression générale est a = aµ1 ..µp ν1 ..νs dz µ1 ∧ ..dz µp ∧ dz̄ ν1 ∧ ..dz̄ νs . L’espace correspondant
est noté Λp,s (M). Les propriétés usuelles du produit externe restent inchangées, mais on
préfère différencier avec les opérateurs de Dolbeault ∂ et ∂¯ plutôt qu’avec la dérivée extérieure
dont le domaine d’arrivée est ambigü. Pour un exposé complet sur le sujet (incluant une
discussion sur les variétés kähleriennes), on consultera [18].
37
38
CHAPITRE 3. FORMES DIFFÉRENTIELLES EN DIMENSION 4
(3,1). De plus, on se placera dans le vide (ǫ = ǫ0 , µ = µ0 ) pour simplifier les
calculs et on utilisera deux conventions importantes en relativité :
1. On pose c = 1 (et par suite ǫ0 = µ0 = 1), afin d’une part d’alléger
les écritures, et d’autre part de donner la même dimension aux variables
spatiales et temporelle.
2. Les indices/exposants qui repèrent les composantes des objets mathématiques (vecteurs, formes, matrices, qui sont tous des tenseurs) ne sont plus
désignés par des lettres latines allant de 1 à 3, mais par des lettres grecques
allant de 0 (temps) à 3.
En dimension 4, les différentes bases de l’espace des formes différentielles sont
données par :
0-formes = {1}
1-formes = {dt, dx, dy, dz}
2-formes = {dx ∧ dt, dy ∧ dt, dz ∧ dt, dy ∧ dz, dz ∧ dx, dx ∧ dy}
3-formes = {dy ∧ dz ∧ dt, dz ∧ dx ∧ dt, dx ∧ dy ∧ dt, dx ∧ dy ∧ dz}
4-formes = {dx ∧ dy ∧ dz ∧ dt}
La théorie de la relativité restreinte définit l’intervalle
temps (voir par exemple [21]) selon 3 :

−1

0
dl2 = −dt2 + dx2 + dy 2 + dz 2 ⇒ gαβ = 
0
0
élémentaire d’espace0
1
0
0
0
0
1
0

0
0

0
1
(3.1)
Le déterminant de la métrique vaut −1. La généralisation du produit interne
est alors immédiate
p=1 : h dxα , dxβ i = g αβ
p>1 : h dxα1 ∧ .. ∧ dxαp , dxβ1 ∧ .. ∧ dxβp i

h dxα1 , dxβ1 i h dxα1 , dxβ2 i .. h dxα1 , dxβp
h dxα2 , dxβ1 i h dxα2 , dxβ2 i .. h dxα2 , dxβp
= det 

..
..
..
..
h dxαp , dxβ1 i h dxαp , dxβ2 i .. h dxαp , dxβp

i
i


i
(3.2)
Par exemple, on a :
h dx, dx i = 1
h dt, dt i = −1 h dx∧dy, dx∧dz i = 0 h dz∧dt, dz∧dt i = −1
h dx ∧ dy ∧ dz, dx ∧ dy ∧ dz i = 1 h dz ∧ dx ∧ dt, dz ∧ dx ∧ dt i = −1
h dx ∧ dy ∧ dz ∧ dt, dx ∧ dy ∧ dz ∧ dt i = −1.
Dans ce cas, l’opérateur de Hodge est un morphisme qui relie l’espace des
p-formes différentielles à celui des (4 − p)-formes selon [17] :
q
a ∧ (⋆ b) = h a, b i |gαβ | dx ∧ dy ∧ dz ∧ dt = h a, b i dx ∧ dy ∧ dz ∧ dt (3.3)
3. Sans la convention c = 1, on partirait plutôt de dl2 = −c2 dt2 + dx2 + dy 2 + dz 2 pour
développer les calculs qui suivent. En pratique, on retrouve les relations "dimensionnées" en
faisant la substitution dt → cdt.
3.1. ELECTROMAGNÉTISME EN ESPACE-TEMPS DE MINKOWSKI 39
où a est une forme quelconque mais de même degré que b. En dimension 4, le
Hodge vérifie les propriétés suivantes pour une p-forme a 4 :
⋆(⋆a)
a ∧ (⋆b)
=
=
(−1)s+p(4−p) a
b ∧ (⋆a)
(3.4)
(3.5)
où s est le nombre de signes négatifs dans la signature de la métrique. En
utilisant le même procédé qu’en dimension 3, on peut calculer l’action du Hodge
sur chacun des vecteurs de base de l’espace des p-formes. Par exemple, ⋆(dz ∧dt)
est une 2-forme et on a donc
⋆(dz ∧ dt) = b1 dx ∧ dt + b2 dy ∧ dt + b3 dz ∧ dt + b4 dy ∧ dz + b5 dz ∧ dx + b6 dx ∧ dy
On a donc
(dz ∧ dt) ∧ ⋆(dz ∧ dt) = b6 dz ∧ dt ∧ dx ∧ dy
= h dz ∧ dt, dz ∧ dt i dx ∧ dy ∧ dz ∧ dt
= −dx ∧ dy ∧ dz ∧ dt ⇒ b6 = −1 (après permutation circulaire)
On trouve de la même façon que tous les autres coefficients bk sont nuls, donc
⋆(dz ∧ dt) = −dx ∧ dy. En dimension 4, l’action du Hodge sur les différents éléments différentiels de base est résumé par la table de correspondance suivante :
⋆1 = −dx ∧ dy ∧ dz ∧ dt
⋆dx = dy ∧ dz ∧ dt
⋆dz = dx ∧ dy ∧ dt
⋆(dx ∧ dt) = −dy ∧ dz
⋆ (dx ∧ dy ∧ dz ∧ dt) = 1
⋆ dy = dz ∧ dx ∧ dt
⋆ dt = dx ∧ dy ∧ dz
⋆ (dy ∧ dt) = −dz ∧ dx
⋆ (dz ∧ dt) = −dx ∧ dy
⋆(dy ∧ dz) = dx ∧ dt
⋆ (dz ∧ dx) = dy ∧ dt
⋆ (dx ∧ dy) = dz ∧ dt
⋆(dx ∧ dy ∧ dz) = dt
⋆ (dy ∧ dz ∧ dt) = dx
⋆ (dz ∧ dx ∧ dt) = dy
⋆(dx ∧ dy ∧ dt) = dz
En dimension 4, la dérivée extérieure produit à partir d’une p-forme une
p+1-forme et elle s’écrit formellement 5 :
∂
∂
∂
∂
d≡
(3.6)
dx +
dy +
dz + dt ∧
∂x
∂y
∂z
∂t
Elle vérifie toujours la formule de Leibniz et la propriété de nilpotence.
4. La seconde propriété provient du fait que det(A) = det( t A).
5. Comme on va le voir, dans le cas où la métrique est non-triviale, cette définition reste
inchangée car les coefficients gαβ n’interviennent pas dans la définition de d.
40
CHAPITRE 3. FORMES DIFFÉRENTIELLES EN DIMENSION 4
3.1.2
Equations du champ
Les quantités physiques (champs, sources) gardent les mêmes propriétés (en
particulier le degré des formes) que dans le cas tridimensionnel : seule la structure des relations entre ces grandeurs va changer, puisque les différents opérateurs sont modifiés par l’introduction de l’élément dt. On définit tout d’abord
deux objets incorporant les parties électrique et magnétique du champ : il s’agit
de la 2-forme de Faraday F
F = E ∧ dt + B
(3.7)
et la 3-forme courant dual 6 selon :
⋆ J = −ρl + Jl ∧ dt
(3.8)
Calculons maintenant la dérivée extérieure de F, dF = d(E ∧ dt) + dB :
d(E ∧ dt)
=
=
d(E1 dx ∧ dt + E2 dy ∧ dt + E3 dz ∧ dt)
d(E1 )dx ∧ dt + d(E2 )dy ∧ dt + d(E3 )dz ∧ dt
=
(∂x E1 dx + ∂y E1 dy + ∂z E1 dz + ∂t E1 dt) ∧ dx ∧ dt + ..
.. + (∂x E2 dx + ∂y E2 dy + ∂z E2 dz + ∂t E2 dt) ∧ dy ∧ dt + ..
=
.. + (∂x E3 dx + ∂y E3 dy + ∂z E3 dz + ∂t E3 dt) ∧ dz ∧ dt
(∂y E3 − ∂z E2 )dy ∧ dz ∧ dt + (∂z E1 − ∂x E3 )dz ∧ dx ∧ dt + ..
=
.. + (∂x E2 − ∂y E1 )dx ∧ dy ∧ dt
(rot E)1 dy ∧ dz ∧ dt + (rot E)2 dz ∧ dx ∧ dt + ..
.. + (rot E)3 dx ∧ dy ∧ dt
dB
=
d(B1 dy ∧ dz + B2 dz ∧ dx + B3 dx ∧ dy)
=
=
d(B1 )dy ∧ dz + d(B2 )dz ∧ dx + d(B3 )dx ∧ dy
(∂x B1 dx + ∂y B1 dy + ∂z B1 dz + ∂t B1 dt) ∧ dy ∧ dz + ..
=
.. + (∂x B2 dx + ∂y B2 dy + ∂z B2 dz + ∂t B2 dt) ∧ dz ∧ dx + ..
.. + (∂x B3 dx + ∂y B3 dy + ∂z B3 dz + ∂t B3 dt) ∧ dx ∧ dy
(∂x B1 dx + ∂y B2 + ∂z B3 )dx ∧ dy ∧ dz + (∂t B1 )dy ∧ dz ∧ dt + ..
=
.. + (∂t B2 )dz ∧ dx ∧ dt + (∂t B3 )dx ∧ dy ∧ dt
div B dx ∧ dy ∧ dz + (∂t B1 )dy ∧ dz ∧ dt + (∂t B2 )dz ∧ dx ∧ dt + ..
.. + (∂t B3 )dx ∧ dy ∧ dt
6. On privilégie ici une définition du courant dual ⋆J par rapport au courant J pour rendre
plus lisible l’invariance de la théorie électromagnétique par rapport à une transformation de
dualité au sens de Hodge.
3.1. ELECTROMAGNÉTISME EN ESPACE-TEMPS DE MINKOWSKI 41
En formant dF , on constate que les équations de Maxwell sans source sont
vérifiées si et seulement si :
dF
=
=
div B dx ∧ dy ∧ dz + {(rot E)1 + (∂t B)1 } dy ∧ dz ∧ dt + ..
.. + {(rot E)2 + (∂t B)2 } dz ∧ dx ∧ dt + ..
.. + {(rot E)3 + (∂t B)3 } dx ∧ dy ∧ dt
0
F est donc une forme fermée. Dans R4 , le lemme de Poincaré indique que la
2-forme de Faraday est aussi une forme exacte et il existe donc une 1-forme
potentiel A telle que :
F =dA
(3.9)
Il manque encore les équations gouvernant D et H. Sur le modèle de (2.19) et
(2.20), on va les relier à E et B au moyen de l’opérateur de Hodge. On introduit
pour cela la 2-forme de Maxwell notée G et définie par :
G=⋆F
(3.10)
En l’absence de termes sources, remarquons que les équations de MaxwellAmpère et Maxwell-Gauss se déduisent des Maxwell-Faraday et Maxwell Thompson par la transformation 7
(E, B) ↔ (H, −D)
(3.11)
On notera que la correspondance ci-dessus se fait bien entre des formes de
même degré. Au vu de (3.7), cette symétrie est préservée à condition que les
composantes de G soient données par
G = H ∧ dt − D
(3.12)
Adoptons une perspective différente pour voir si cette dernière définition est
cohérente. En utilisant l’action du Hodge sur les éléments de base de l’espace
des 2-formes, on constate que
⋆F
=
⋆(E ∧ dt) + ⋆B = ⋆ (Fxt dx ∧ dt + Fyt dy ∧ dt + Fzt dz ∧ dt) + ..
.. + ⋆ (Fyz dy ∧ dz + Fzx dz ∧ dx + Fxy dx ∧ dy)
=
Fxt ⋆ (dx ∧ dt) + Fyt ⋆ (dy ∧ dt) + Fzt ⋆ (dz ∧ dt) + ..
.. + Fyz ⋆ (dy ∧ dz) + Fzx ⋆ (dz ∧ dx) + Fxy ⋆ (dx ∧ dy)
=
−Fxt dy ∧ dz − Fyt dz ∧ dx − Fzt dx ∧ dy + ..
.. + Fyz dx ∧ dt + Fzx dy ∧ dt + Fxy dz ∧ dt
− (Fxt dy ∧ dz + Fyt dz ∧ dx + Fzt dx ∧ dy) + ..
=
.. + (Fyz dx + Fzx dy + Fxy dz) ∧ dt
7. On reviendra sur ce point au paragraphe 3.2 sur l’analyse des symétries.
42
CHAPITRE 3. FORMES DIFFÉRENTIELLES EN DIMENSION 4
Or, on constate que 1) grâce à (2.19), D (tout comme B) n’a de composantes
non nulles que sur les éléments de base spatiaux (dy ∧ dz, dz ∧ dx et dx ∧
dy), et 2) grâce à (3.7), que la recette pour construire une 2-forme incorporant
une partie électrique et une partie magnétique implique de prendre le produit
extérieur d’une 1-forme avec dt. Ainsi, dans l’équation précédente, on identifie
naturellement :
D
=
Fxt dy ∧ dz + Fyt dz ∧ dx + Fzt dx ∧ dy
H
=
Fyz dx + Fzx dy + Fxy dz
ce qui redonne (3.12). Au passage, on voit que la relation constitutive pour la
partie électrique s’écrit :
⋆D = ǫ(E ∧ dt) ⇔ D = −ǫ ⋆ (E ∧ dt)
(3.13)
tandis que pour la partie magnétique :
⋆B = µ(H ∧ dt) ⇔ B = −µ ⋆ (H ∧ dt)
(3.14)
Ainsi,
d(⋆F ) = −dD + d(H ∧ dt) = −dD + dH ∧ dt
(3.15)
soit
d(⋆F ) = −div D dx ∧ dy ∧ dz − (∂t D)1 dy ∧ dz ∧ dt − (∂t D)2 dz ∧ dx ∧ dt − ..
.. − (∂t D)3 dx ∧ dy ∧ dt + (rot H)1 dy ∧ dz ∧ dt + (rot H)2 dz ∧ dx ∧ dt + ..
.. + (rot H)3 dx ∧ dy ∧ dt
On retrouve donc les équations de Maxwell avec source si et seulement si
d(⋆F )
=
..
+
−div D dx ∧ dy ∧ dz + [rot H)1 − (∂t D)1 ] dy ∧ dz ∧ dt + ..
|
{z
}
J1
=
[rot H)2 − (∂t D)2 ] dz ∧ dx ∧ dt + [rot H)3 − (∂t D)3 ] dx ∧ dy ∧ dt
|
{z
}
{z
}
|
=
−ρl + Jl ∧ dt
J2
J3
−ρl dx ∧ dy ∧ dz + J1 dy ∧ dz ∧ dt + J2 dz ∧ dx ∧ dt + J3 dx ∧ dy ∧ dt
⇒ En dimension 4, les équations de Maxwell se résument aux deux
relations suivantes :
dF = 0
d(⋆F ) = ⋆ J
Relation de Bianchi (ou de Faraday)
Relation de Maxwell
3.1. ELECTROMAGNÉTISME EN ESPACE-TEMPS DE MINKOWSKI 43
Terminons par quelques remarques :
– Seul ⋆ F est sensible aux sources électriques (densité de charges et courants).
– Comme d est nilpotent, dd(⋆F ) = 0 = d(⋆ J) : c’est l’équation de conservation de la charge en dimension 4.
– La nilpotence de d préserve également l’invariance sous une transformation
de jauge locale de seconde espèce A → A + da(x, y, z, t).
– Sous cette forme très condensée, les équations de Maxwell apparaissent
comme des équations de Yang-Mills pour le groupe abélien U (1). Ces
dernières sont au fondement du modèle standard et de l’unification électrofaible.
3.1.3
Formulation variationnelle
Comme dans la formulation covariante, on peut condenser les deux relations
précédentes sous la forme d’un principe variationnel. Dans ce cadre, les équations du champ électromagnétique sont obtenues à partir de la minimisation de
l’action définie par :
S [A] =
Z
L=
M
1
2
Z
(dA ∧ ⋆ dA + ⋆J ∧ A)
(3.16)
M
Examinons une petite variation du potentiel vecteur δA paramétrée par le réel
s et s’annulant sur le contour du domaine d’intégration ∂M. La variation d’un
fonctionnelle de A s’écrira donc
d
G(A)
δG =
ds
s=0
Naturellement, δ commute avec d et ⋆. On a donc :
2δL
=
=
=
δ(dA ∧ ⋆ dA) + 2 ⋆ J ∧ δA
δ(dA) ∧ ⋆ dA + dA ∧ δ(⋆ dA) + 2 ⋆ J ∧ δA
d(δA) ∧ ⋆ dA + dA ∧ ⋆ d(δA) + 2 ⋆ J ∧ δA
En utilisant (3.5) sur le second terme, il vient
2δL
=
d(δA) ∧ ⋆ dA + d(δA) ∧ ⋆ dA + 2 ⋆ J ∧ δA
⇒ δL
=
d(δA) ∧ ⋆ dA + ⋆J ∧ δA
Or, d’après la formule de Leibniz, on a
d(δA ∧ ⋆ dA)
=
=
⇒ d(δA) ∧ ⋆ dA =
d(δA) ∧ ⋆ dA − δA ∧ d(⋆ dA)
d(δA) ∧ ⋆ dA + d(⋆ dA) ∧ δA
d(δA ∧ ⋆ dA) − d(⋆ dA) ∧ δA
44
CHAPITRE 3. FORMES DIFFÉRENTIELLES EN DIMENSION 4
de sorte que
δL
=
=
⇒ δS [A]
=
=
d(δA ∧ ⋆ dA) − d(⋆ dA) ∧ δA + ⋆J ∧ δA
d(δA ∧ ⋆ dA) − {d(⋆ dA) − ⋆J} ∧ δA
Z
d(δA ∧ ⋆ dA) − {d(⋆ dA) − ⋆J} ∧ δA
M
Z
[δA ∧ ⋆ dA]∂M −
{d(⋆ dA) − ⋆J} ∧ δA
|
{z
}
M
=0
L’action est donc extrémale si et seulement si l’intégrande est nulle, i.e. d(⋆dA) =
⋆J. En utilisant la définition F = dA, on retrouve d(⋆F ) = ⋆J, tandis que
la relation de Maxwell est une simple conséquence de la nilpotence de d. Là
encore, notons la ressemblance entre l’action de Maxwell-Faraday (en l’absence
de source) et l’action de Yang-Mills [17] :
Z
Z
1
1
F ∧ ⋆F
←→
SY M =
tr (F ∧ ⋆F )
SM F =
2 M
2 M
3.2
3.2.1
Analyse des symétries
Dualité de Heaviside
Outre son extrême compacité, l’intérêt de la formulation précédente des
équations de Maxwell est de faire apparaître plus explicitement certaines symétries. En l’absence de source, les relations de Faraday et Maxwell se réduisent à
deux conditions de fermeture pour les 2-formes F et ⋆ F :
dF
d(⋆ F )
=
=
0
0
(3.17)
(3.18)
Par construction, ce système préserve la symétrie de dualité suivante :
F
⋆F
→ ⋆F
→ ⋆ ⋆ F = −F
(3.19)
(3.20)
ou, en terme de champs :
(E, B) ↔ (H, −D)
(3.21)
Cette symétrie, appelée dualité électrique-magnétique (ou dualité au sens de
Heaviside), est détruite en présence de sources pour le champ électrique via la
3-forme ⋆J.
"Le chercheur, dans son effort pour exprimer les lois fondamentales de la Nature
en langage mathématique, devrait en priorité tenter d’obtenir la beauté mathématique. Il arrive souvent que les exigences requises pour la simplicité et la
45
3.2. ANALYSE DES SYMÉTRIES
beauté soient les mêmes, mais quand elles sont en désaccord, c’est la dernière
qui doit être prioritaire.(...) Il semble que si l’on travaille pour accéder à cette
beauté, on soit sur une ligne de progrès assuré.".
P. Dirac, 1939.
Convaincu de l’adéquation profonde entre beauté mathématique (c’est-à-dire
symétrie des équations) et validité d’une théorie physique, Dirac propose dès
1931 de préserver la dualité électrique-magnétique de la théorie de Maxwell et
ajoute pour cela un terme-source magnétique JM (3-forme) dans la relation de
Faraday :
dF = JM
avec
JM = ρm + Jm ∧ dt
(3.22)
Formulons trois remarques importantes :
– F est sensible uniquement aux sources magnétiques tandis que ⋆F n’est
sensible qu’aux sources électriques : in fine, l’opérateur de Hodge
permet de passer de la partie du champ couplée aux charges
électriques à celle couplée aux monopôles magnétiques.
– Il n’est alors plus possible d’introduire une 1-forme potentiel A primitive
de F puisque F n’est plus fermée.
– à l’instar des sources électriques, les sources magnétiques vérifient une
équation de conservation puisque ddF = 0 = dJM .
Si l’on substitue aux grandeurs utilisées dans la relation de Faraday -à savoir
F et JM - des grandeurs duales (au sens d’Heaviside) -à savoir ∗ F et ∗ JM -,
la dualité électrique-magnétique est préservée si l’on retombe sur la relation de
Maxwell (et vice versa). Ceci n’est vrai que pour le jeu de transformations duales
suivantes :
F
JM
→
→
∗F =⋆F
∗ JM = ⋆ J
⋆ F → ∗(⋆ F ) = −F
⋆ J → ∗(⋆ J) = −JM
(3.23)
Quel est le sens exact de JM ? Pour simplifier, revenons à la représentation
usuelle de l’analyse vectorielle. On obtient à partir de la relation de Maxwell et
de (3.23) :
div B =
∂B
+ Jm
∂t
∂D
+ Jl
∂t
ρm
div D
ρl
rot E
=
rot H =
=
−
(3.24)
(3.25)
(3.26)
(3.27)
ρm correspond donc à une densité volumique de "charge magnétique" : en tant
que telle, elle suppose l’existence d’une nouvelle particule, le monopôle magnétique 8 , dont la charge peut-être Nord (signe positif) ou Sud (signe négatif). A
l’instar des charges électriques, deux monopôles magnétiques de charges Nord
8. Tout comme la densité de charges libres ρl correspond fondamentalement à un nombre
d’électrons ou de protons par unité de volume.
46
CHAPITRE 3. FORMES DIFFÉRENTIELLES EN DIMENSION 4
et Sud s’attirent, tandis que deux monopôles de même charge se repoussent.
Jm correspond à une densité de courant de monopôles. Longtemps demeurés
indétectables, il semble que de tels objets (mais qui seraient en fait des quasiparticules) aient enfin été détectés récemment dans des glaces de spin (voir par
exemple les travaux menés à Oxford par Castelnovo [26]).
3.2.2
Inversion de couplage de jauge
Dans un célèbre article de 1931 consacré à la dynamique d’une particule
chargée en présence d’un monopôle [28], Dirac a démontré que le produit charge
magnétique qM par charge électrique q était quantifié. Dans le système d’unités
de la théorie quantique des champs (~ = 1 = c = ǫ0 = µ0 ), la relation trouvée
par Dirac s’écrit :
Z
qM q
=
(3.28)
4π
2
où Z est un entier relatif. (3.28) est appelée condition de quantification de
Dirac. La charge magnétique élémentaire g (ou charge de Dirac) est obtenue
pour q = e et Z = 1 :
e
2π
=
(3.29)
g=
e
2α
2
où α = e /4π est la constante de structure fine. La relation (3.28) possède deux
conséquences très importantes.
1. on sait que tout corps chargé (électron, proton, ion, molécule) porte une
charge q égale à un nombre entier de fois la charge électrique élémentaire
±e, de sorte que q est toujours de la forme q = Z e. En d’autres termes, la
charge électrique est quantifiée. Comment le justifier ? Très simplement à
partir de la condition (3.28) : en effet, s’il existe dans l’Univers au moins
un monopôle magnétique de charge g, alors la charge électrique portée par
n’importe quel corps matériel 9 s’écrira toujours sous la forme :
2π
(3.30)
q=Z
g
Réciproquement, l’existence (réelle) des charges électriques montre que
les charges magnétiques portées par les monopôles sont nécessairement
quantifiées.
2. Le couplage entre charge électrique et champ électromagnétique est donné
par la constante de structure fine α ≈ 1/137 : c’est donc un couplage faible
qui de facto rend possible le traitement de l’électrodynamique quantique
avec des développements perturbatifs. Qu’en est-il pour les monopôles
magnétiques ? A l’aide de (3.28), la constant de couplage est donnée par
β=
1/4
g2
1
= e2 =
≈ 34, 2
4π
4α
4π
(3.31)
9. En pratique, cette formule concerne tout ce qui est plus gros que les composants de la
structure interne des particules (quarks, gluons), de sorte que |q| ≥ e.
3.3. ETUDE D’UN EXEMPLE : LES DISLOCATIONS COSMIQUES
47
Le couplage entre charge magnétique et champ électromagnétique est donc
un couplage fort et il n’est plus possible d’utiliser la théorie des pertubations pour l’étudier. Comme on l’a vu, l’opérateur de Hodge permet de
passer de la partie du champ en interaction avec les charges électriques à
celle en interaction avec les monopôles magnétiques et réciproquement : en
d’autres termes, ⋆ échange une situation de couplage faible et une situation
de couplage fort. Ce type de propriété, appelé inversion de couplage de
jauge, est d’un grand intérêt en physique théorique (supercordes, théorie
M) 10 : il permet d’envisager l’étude d’une théorie de couplage fort (pour
laquelle il n’est même pas possible de trouver des solutions approchées) à
partir de ce que l’on peut calculer pour la théorie duale en couplage faible.
3.3
3.3.1
Etude d’un exemple : les dislocations cosmiques
Les dislocations
Références : pour un ouvrage introductif sans équation, on consultera le livre de
Peter et Gangui [29]. Pour un exposé technique et exhaustif, la meilleure référence est
l’ouvrage de Vilenkin et Shellard [30].
Le modèle du Big Bang chaud (ou modèle standard de la cosmologie) décrit
l’évolution thermique de l’univers depuis l’époque de Planck (10−43 s, 1019 GeV)
jusqu’à aujourd’hui (1017 s, 1 meV). L’univers débute par une phase très dense
et très chaude (plasma de quarks, gluons et photons) suivie d’une expansion
accélérée, l’inflation 11 . Ainsi, par un effet de dilution, la densité diminue et
l’univers refroidit. Il subit alors une succession de transitions de phase avec
brisure spontanée de symétrie. Lors de ces transitions, des défauts topologiques
peuvent se former (mécanisme de Kibble-Zurek), dépendamment du schéma
de brisure. Parmi ces défauts, les cordes cosmiques sont des défauts linéaires
associés à des singularités de courbure et/ou de torsion. La géométrie de l’espacetemps est donc décrite par une variété de Riemann-Cartan (théorie U4 de la
gravitation [31]). Dans le cas d’une dislocation, la métrique est donnée par
l’élément :
ds2 = −dt2 + dr2 + α2 r2 dϕ2 + (dz + βdϕ)2
(3.32)
10. Plutôt que "inversion de couplage de jauge", on parle alors plutôt de S-dualité (pour
Strong-weak duality).
11. Le paradigme inflationnaire a été proposé en 1980 par Alan Guth pour résoudre un
certain nombre de problèmes cosmologiques (absence de monopôles magnétiques, homogénéité
du rayonnement de fond diffus, platitude de l’univers...). Les récentes observations de BICEP2
semblent aujourd’hui confirmer ce scenario (voir http://bicepkeck.org/).
48
CHAPITRE 3. FORMES DIFFÉRENTIELLES EN DIMENSION 4
α est un paramètre mesurant le déficit angulaire de l’espace-temps. Il est associé
à de la courbure tandis que β est un paramètre associé à de la torsion. En
physique de l’état solide, il est relié au vecteur de Burgers b selon β = b/2π.
Lorsque α = 1, on a affaire à une dislocation-vis tandis que lorsque β = 0, on
a affaire à une disinclinaison (très fréquent dans les cristaux liquides). Dans la
suite, pour simplifier, on fait le calcul dans le cas d’une dislocation-vis. Ainsi,
la métrique est donnée par :


−1 0
0
0
 0 1
0
0 

(3.33)
gµν = 
 0 0 r2 + β 2 β  .
0 0
β
1
3.3.2
Action du Hodge
Commençons par déterminer l’action du dual de Hodge sur les p-formes de
base. En coordonnées cylindriques, la base naturelle de l’espace des 1-formes
s’écrit :
B1 = {dr, dϕ, dz, dt}
Pour les 2-formes, on a :
B2 = {dϕ ∧ dz, dz ∧ dr, dr ∧ dϕ, dr ∧ dt, dϕ ∧ dt, dz ∧ dt}.
La base des 3-formes est donnée par
B3 = {dr ∧ dϕ ∧ dt, dz ∧ dr ∧ dt, dϕ ∧ dz ∧ dt, dr ∧ dϕ ∧ dz}
et enfin pour les 4-formes B4 = {dr ∧ dϕ ∧ dz ∧ dt}. En utilisant la définition
(3.3), on obtient pour les 2-formes
⋆(dϕ ∧ dz)
=
1
dr ∧ dt
r
(3.34)
⋆(dz ∧ dr)
=
r2 + β 2
β
dϕ ∧ dt + dz ∧ dt
r
r
(3.35)
⋆(dr ∧ dϕ)
=
1
β
dϕ ∧ dt + dz ∧ dt
r
r
(3.36)
⋆(dr ∧ dt)
=
−rdϕ ∧ dz
(3.37)
⋆(dϕ ∧ dt)
=
1
β
− dz ∧ dr + dr ∧ dϕ
r
r
(3.38)
⋆(dz ∧ dt)
=
−
et pour les 3-formes
r2 + β 2
β
dr ∧ dϕ + dz ∧ dr
r
r
(3.39)
3.3. ETUDE D’UN EXEMPLE : LES DISLOCATIONS COSMIQUES
3.3.3
49
⋆(dr ∧ dϕ ∧ dt)
=
1
β
dz + dϕ
r
r
(3.40)
⋆(dz ∧ dr ∧ dt)
=
r2 + β 2
β
dϕ + dz
r
r
(3.41)
⋆(dϕ ∧ dz ∧ dt)
=
1
dr
r
(3.42)
⋆(dr ∧ dϕ ∧ dz)
=
1
dt
r
(3.43)
Correspondance entre formes et champ électromagnétique usuel
On travaille dans le vide, de sorte que ǫ = µ = 1. L’expression générale de
la 2-forme de Faraday est donnée par
F
=
Frt dr ∧ dt + Fϕt dϕ ∧ dt + Fzt dz ∧ dt + Fϕz dϕ ∧ dz + ..
.. + Fzr dz ∧ dr + Frϕ dr ∧ dϕ = E ∧ dt + B
On a donc les correspondances entre les formes différentielles :
Er = Frt
Eϕ = Fϕt
Ez = Fzt
B = Fϕz dϕ ∧ dz + Fzr dz ∧ dr + Frϕ dr ∧ dϕ
(3.44)
(3.45)
Conformément à la relation de constitution (3.14), ces deux dernières quantités sont reliées par :
⋆ B = H ∧ dt
A partir de l’action du Hodge sur la base des 2-formes -cf. (3.34)-(3.39)-, on
obtient après factorisation :
2
Fϕz
βFzr
βFrϕ
Frϕ
r + β2
⋆B =
dϕ ∧ dt +
dz ∧ dt
dr ∧ dt +
Fzr +
+
r
r
r
r
r
d’où les composantes suivantes pour la 1-forme H :
Hr =
Fϕz
r
Hϕ =
r2 + β 2
β
Fzr + Frϕ
r
r
Hz =
βFzr
Frϕ
+
r
r
En exprimant les composantes de la 2-forme de Faraday en fonction de celle de
H, il vient
Fϕz = r Hr
Fzr =
1
β
Hϕ − Hz
r
r
β
r2 + β 2
Frϕ = − Hϕ +
Hz
r
r
(3.46)
50
CHAPITRE 3. FORMES DIFFÉRENTIELLES EN DIMENSION 4
Le passage d’une 1-forme (tenseur (0,1)) à un vecteur contravariant (tenseur
(1,0)) fait intervenir la métrique selon uµ = gµν uν . Par ailleurs, tout tenseur
(1,0) s’écrit u = uµ eµ avec eµ qui désigne la base coordonnée {∂t , ∂r , ∂ϕ , ∂z } . On
cherche à obtenir la forme des équations de Maxwell en présence du défaut qui
soit comparable au système (1.1)-(1.4). Ainsi, on va donc exprimer les composantes des vecteurs champs non pas dans la base coordonnée eµ = {∂t , ∂r , ∂ϕ , ∂z }
mais dans une base normalisée (non-orthogonale) eµ̂ = {et , er , eϕ , ez } pour retrouver (1.1)-(1.4) à la limite où β → 0. Ainsi
uµ̂ =
q
|gµµ | uµ
Cette notation est ambiguë : malgré la présence de l’indice µ à deux niveaux,
on n’a pas de sommation d’Einstein. La correspondance entre 1-forme et composantes dans la base normalisée s’écrira donc généralement :
gµν
uµ = p
uν̂
|gνν |
(3.47)
De façon explicite, en utilisant (3.33) et (3.47), on obtient les relations suivantes :
ur = ur̂
uϕ =
p
r2 + β 2 uϕ̂ + βuẑ
uz = p
β
r2 + β 2
uϕ̂ + uẑ
(3.48)
En réinjectant dans (3.44) et (3.46), on récupère les composantes de la 2-forme
de Faraday
Frt = E r̂
Fϕz = r H r̂
3.3.4
Fϕt =
p
r2 + β 2 E ϕ̂ + βE ẑ
Fzr = p
r
r2
+
β2
Fzt = p
H ϕ̂
β
r2
+ β2
E ϕ̂ + E ẑ (3.49)
Frϕ = rH ẑ (3.50)
Relation de Bianchi
A partir de ce qui précède, on cherche l’écriture développée de dF = 0.
L’expression générale de la 2-forme de Faraday est donnée par
F
=
Frt dr ∧ dt + Fϕt dϕ ∧ dt + Fzt dz ∧ dt + Fϕz dϕ ∧ dz + ..
.. + Fzr dz ∧ dr + Frϕ dr ∧ dϕ = E ∧ dt + B
3.3. ETUDE D’UN EXEMPLE : LES DISLOCATIONS COSMIQUES
51
d’où
dF
=
∂Frt
∂Frt
dϕ ∧ dr ∧ dt +
dz ∧ dr ∧ dt + ..
∂ϕ
∂z
∂Fϕt
∂Fϕt
dr ∧ dϕ ∧ dt +
dz ∧ dϕ ∧ dt + ..
.. +
∂r
∂z
∂Fzt
∂Fzt
.. +
dr ∧ dz ∧ dt +
dϕ ∧ dz ∧ dt + ..
∂r
∂ϕ
∂Fϕz
∂Fϕz
dr ∧ dϕ ∧ dz +
dt ∧ dϕ ∧ dz + ..
.. +
∂r
∂t
∂Fzr
∂Fzr
.. +
dϕ ∧ dz ∧ dr +
dt ∧ dz ∧ dr + ..
∂ϕ
∂t
∂Frϕ
∂Frϕ
dz ∧ dr ∧ dϕ +
dt ∧ dr ∧ dϕ
.. +
∂z
∂t
0=
Après réarrangement, on obtient
∂Frt
∂Frϕ
∂Fϕt
dr ∧ dϕ ∧ dt + ..
dF = 0 =
−
+
∂r
∂ϕ
∂t
∂Frt
∂Fzt
∂Fzr
dz ∧ dr ∧ dt + ..
.. +
−
+
∂z
∂r
∂t
∂Fzt
∂Fϕt
∂Fϕz
.. +
dϕ ∧ dz ∧ dt + ..
−
+
∂ϕ
∂z
∂t
∂Fϕz
∂Fzr
∂Frϕ
.. +
dr ∧ dϕ ∧ dz
+
+
∂r
∂ϕ
∂z
ce qui conduit au système d’égalités de Banchi :
∂Fϕt
∂Frt
∂Frϕ
−
+
∂r
∂ϕ
∂t
∂Frt
∂Fzt
∂Fzr
−
+
∂z
∂r
∂t
∂Fϕt
∂Fϕz
∂Fzt
−
+
∂ϕ
∂z
∂t
∂Fzr
∂Frϕ
∂Fϕz
+
+
∂r
∂ϕ
∂z
=0
=0
=0
=0
En utilisant (3.49)-(3.50), les trois premières égalités conduisent à :
1 ∂E r̂
1 ∂ p 2
∂H ẑ
r + β 2 E ϕ̂ + βE ẑ −
=−
r ∂r
r ∂ϕ
∂t
p
r2 + β 2
r
"
∂E r̂
∂
−
∂z
∂r
β
p
r2 + β 2
E ϕ̂ + E ẑ
!#
=−
(3.51)
∂H ϕ̂
∂t
(3.52)
52
CHAPITRE 3. FORMES DIFFÉRENTIELLES EN DIMENSION 4
"
#
p
1
∂
∂
1 ∂
∂H r̂
β
∂
ϕ̂
2
2
p
E +
E ẑ = −
− r +β
−β
(3.53)
r
∂z
r ∂ϕ
∂z
∂t
r2 + β 2 ∂ϕ
On reconnaît ici les trois composantes de l’équation de Maxwell-Faraday, généralisées à un espace-temps présentant de la torsion. La dernière égalité de
Bianchi conduit quant à elle à
1
∂H ẑ
∂H ϕ̂
1 ∂
rH r̂ + p
+
=0
r ∂r
∂z
r2 + β 2 ∂ϕ
(3.54)
C’est l’équation de Maxwell-Thompson décrivant l’absence de monopôle magnétique.
3.3.5
Relation de Maxwell
On cherche à écrire sous forme développée l’égalité d(⋆ F ) = ⋆J. Pour cela,
on va calquer le raisonnement précédent. A partir de l’action du Hodge sur la
base des 2-formes, on construit ⋆ F :
β
1
dz ∧ dr − dr ∧ dϕ + ..
⋆ F = −D + H ∧ dt = −Frt rdϕ ∧ dz + Fϕt
r
r
2
2
β
Fϕz
r +β
dr ∧ dϕ − dr ∧ dz −
dr ∧ dt + ..
.. + Fzt
r
r
r
2
β
β
1
r + β2
dϕ ∧ dt + dz ∧ dt − Frϕ
dϕ ∧ dt + dz ∧ dt
.. − Fzr
r
r
r
r
Après réarrangement, on obtient :
β
r2 + β 2
−D + H ∧ dt =
− Fϕt +
Fzt dr ∧ dϕ − Frt rdϕ ∧ dz + ..
r
r
1
1
β
.. +
Fϕt + Fzt dz ∧ dr − Fϕz dr ∧ dt + ..
r
r
r
Frϕ
r2 + β 2
β
β
Frϕ +
Fzr dϕ ∧ dt −
+ Fzr dz ∧ dt
.. −
r
r
r
r
On calcule ensuite d(⋆F ) et on égale à 0. En remplaçant (3.49)-(3.50), on obtient
alors :
1 ∂H r̂
1 ∂ p 2
∂E ẑ
r + β 2 H ϕ̂ + βH ẑ −
=
(3.55)
r ∂r
r ∂ϕ
∂t
p
r2 + β 2
r
"
∂H r̂
∂
−
∂z
∂r
β
p
r2 + β 2
ϕ̂
H +H
ẑ
!#
=
∂E ϕ̂
∂t
"
#
p
1
∂
1 ∂
∂E r̂
β
∂
∂
ϕ̂
2
2
p
H +
H ẑ =
− r +β
−β
r
∂z
r ∂ϕ
∂z
∂t
r2 + β 2 ∂ϕ
(3.56)
(3.57)
3.3. ETUDE D’UN EXEMPLE : LES DISLOCATIONS COSMIQUES
1 ∂
∂E ϕ̂
1
∂E ẑ
rE r̂ + p
+
=0
r ∂r
∂z
r2 + β 2 ∂ϕ
53
(3.58)
En raison de la dualité de Heaviside, il n’est pas nécessaire de refaire le calcul
détaillé de ⋆F , d(⋆F ) : il suffit de prendre les relations de Bianchi et d’y faire les
changements E → H, H → −E. Au final, les équations de Maxwell en l’absence
de termes sources et en présence d’une dislocation sont données par le système
(3.51)-(3.56). Quelques propriétés des solutions sont présentées dans [32] : en
particulier, on peut montrer que la torsion de l’espace-temps n’affecte que la
partie magnétique du champ, au contraire de la courbure qui affecte à la fois les
composantes électriques et magnétiques.
54
CHAPITRE 3. FORMES DIFFÉRENTIELLES EN DIMENSION 4
Chapitre 4
Conclusion
La formulation de l’électromagnétisme en terme de formes différentielles présentent de nombreux avantages. Par rapport à la formulation de Gibbs, elle introduit naturellement la distinction entre vecteur polaire (= 1-forme) et vecteur
axial (= 2-forme) et elle clarifie certaines structures fondamentales du champ
électromagnétique (les relations de constitution, certaines propriétés de dualité...). De plus, elle unifie l’ensemble des opérateurs usuels de l’analyse vectorielle ainsi que les différentes formules les reliant les uns aux autres. Enfin,
comme la notation différentielle est totalement covariante, elle est particulièrement adaptée pour traiter les problèmes de transport en espaces courbes 1 .
L’intérêt de ce formalisme n’est pas restreint à l’électromagnétisme sous sa
version classique [33] et il a été appliqué à un certain nombre de travaux en
mécanique analytique 2 et en physique quantique [34]-[35]. Par exemple, une
idée originale proposée par E. Witten [36] est d’utiliser les formes différentielles
pour décrire des populations de fermions. Une forme a de degré p représente
un état à p fermions. Ainsi, le produit extérieur de ω avec une 1-forme de base
dxi ∧ a produit donc une p + 1-forme, c’est-à-dire un état à p + 1 fermions : le
produit extérieur correspond dans ce cas à un opérateur de création. De même,
le produit intérieur entre dxi et une forme a de degré p (un état à p fermions)
dxi ya = ⋆(⋆a ∧ dxi )
1. Indiquons un avantage qui n’a pas été présenté dans ces notes. Comparée à la formulation
tensorielle, plus générale, la formulation différentielle a l’avantage d’offrir une image géométrique du champ électromagnétique en termes de surfaces (1-formes), de tubes de champs
(2-formes) et de boîtes de champs (3-formes). Par exemple, la 1-forme champ électrique est
associée à une surface respectant les symétries de la distribution de charges qui lui donne
naissance : la surface de Gauss. Pour plus de détails, on consultera [11].
2. La notion de variété symplectique est utile dans l’étude des systèmes dynamiques (formulation hamiltonienne). Cette structure est obtenue en munissant une variété différentielle
de dimension paire (par exemple, l’espace des phases {q µ , pµ }) d’une 2-forme fermée et nondégénérée, la 2-forme symplectique (pour l’espace des phases, il s’agit de θ = dpµ ∧ dq µ ).
Les théorèmes sur les variétés symplectiques (Darboux, Liouville...) permettent d’établir des
résultats très généraux sur les systèmes intégrables.
55
56
CHAPITRE 4. CONCLUSION
produit une forme de degré p-1 : il correspond à l’action d’un opérateur d’annihilation. On trouvera plus de détails dans [36] et [37].
Enfin, remarquons que l’algèbre extérieure fait intervenir un certain nombre
d’opérations de dépendant pas explicitement de la métrique (le produit extérieur, la dérivée extérieure...). Cette propriété est à l’origine de la théorie
électromagnétique prémétrique 3 . L’idée est de partir de 4 axiomes de base qui
sont indépendants de toute structure métrique (par exemple, les deux lois de
conservation de la charge électrique et du flux magnétique). On retrouve alors
les relations de Faraday et de Maxwell et sous certaines conditions 4 , on peut
montrer que la métrique de l’espace-temps est une propriété émergente de l’électrodynamique, qui apparait dans les relations de constitution. On trouvera tous
les détails techniques de cette approche dans le livre (ardu) de Obukhov et Hehl
[38].
3. Dans ce cadre, on peut se passer de l’opérateur de Hodge en introduisant un nouvel
opérateur, le "barre conjugué".
4. L’idée est de postuler un certain type de couplage minimal entre le champ électromagnétique et le champ de gravitation. Intuitivement, cela revient à spécifier la structure en cônes
de lumière.
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[21] En anglais, on consultera l’ouvrage de référence de Bernard Schutz, A
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(2009). En français, R. Feynman, Cours de Physique de Feynman, Mécanique
1, Dunod (1999), pp. 212-213, ainsi que l’excellent cours d’Alain Laverne,
Théorie classique des champs, disponible à l’adresse http://www-archives.
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