Zoom DES CHIFFRES QUI S'EMBALLENT Les allergies alimentaires de l’enfant Les allergies touchent de plus en plus d’enfants : eczéma, rhinites, conjonctivites, et bien sûr allergies alimentaires… Les plus jeunes sont également les plus touchés Les allergies de l’enfant ne cessent d’augmenter si l’on en juge par les chiffres émanant d’une étude internationale menée auprès de 500 000 enfants dans les villes des pays les plus peuplées du monde. On estime que cette hausse des allergies est probablement le fait de la vitesse des changements de l’environnement dans son sens le plus large : pollution atmosphérique (extérieure et intérieure) et urbanisation galopante du mode de vie des enfants, mais aussi modifications dans le mode de fabrication des aliments, exposition à des micro-organismes (bactéries, moisissures) surtout dans les premiers mois de la vie. Cela étant évidemment différent selon les pays et les continents. Par ailleurs, si l’on regarde de près l’évolution des chiffres depuis 1970, on note un doublement des cas d’asthme et autres rhinites… Des symptômes évocateurs Eruption cutanée, éternuements, conjonctivite, eczéma, œdèmes… les manifestations d’une réaction allergique sont aisément identifiables. Parfois, pourtant, les symptômes sont plus sournois, tels que douleurs abdominales, migraines, constipation, difficultés respiratoires, insomnies, irritabilité ou troubles du comportement chez l’enfant… Autant de réactions dont l’intensité peut être variable. Le boom des allergies alimentaires En France, si les allergies alimentaires touchent près de 4 % de la population adulte, ce sont environ 10 % des enfants qui sont concernés. Et le nombre ne cesse de croître. Pour quelles raisons ? Quels sont les aliments les plus sensibles ? Quels sont les symptômes et les traitements ? Un peu de biologie… Le tube digestif possède un très riche système immunologique local au niveau de la muqueuse, complété par un drainage ganglionnaire très important. Ce système protège l’organisme des antigènes viraux, bactériens et parasitaires par une réponse immunitaire efficace qui vise à les éliminer. Le système immunitaire doit également reconnaître les protéines alimentaires pour accepter leur passage à travers la muqueuse. Un aliment contient en effet de nombreuses protéines. Parmi elles, beaucoup se révèlent être des allergènes. Un aliment peut ainsi contenir une quarantaine d’allergènes différents. Prédisposition des enfants La tolérance naturelle à des protéines alimentaires étrangères est une particularité biologique tout à fait originale. Chez certains enfants, il existe un terrain familial qui prédispose à la fabrication naturelle d’anticorps contre les allergènes naturels entrant en contact avec l’organisme et qui en perturbent le fonctionnement. Cette prédisposition s’appelle « atopie ». Lait maternel et inflammation Les allergènes alimentaires sont les premiers allergènes naturels à entrer en contact avec l’organisme. On les trouve ainsi à l’état de traces dans le lait maternel. Ces très faibles quantités de protéines alimentaires servent sans doute au système immunitaire du bébé à mettre en place sa tolérance immunitaire. Dans le cas d’un terrain atopique, il est probable que le processus se dérègle pour créer une allergie. Qui peut aussi provenir d’une inflammation de la muqueuse intestinale pour cause d’infection ou d’irritation. Les symptômes Un nourrisson peut se sensibiliser très tôt à l’aliment. L’allergie alimentaire du bébé touche souvent le tube digestif (vomissements, diarrhées). Chez l’enfant plus grand, les symptômes allergiques peuvent prendre des formes élargies : urticaire, eczéma, dermatites, œdème des lèvres ou de la langue, asthme, infections ORL, problèmes respiratoires, douleurs abdominales… Les crises allergiques les plus « violentes » sont souvent consécutives à une allergie alimentaire et à ses symptômes. Elles ont en tout cas des effets parfois spectaculaires. Les aliments en cause Si les allergies alimentaires peuvent en théorie concerner tous les aliments, une vingtaine d’aliments sont particulièrement en cause. Certains allergènes sont responsables de 90 % des cas d’allergie : les œufs, les poissons de mer, les cacahuètes ou arachides, les noisettes, les drupacées (amande, noix, abricot, cerise, pêche, pomme, poire, olives…), le lait de vache, le céleri, certaines espèces végétales (type persil, cerfeuil, carotte, fenouil, poivre vert…), les crustacés (crabe, crevette, écrevisse, langouste, homard…). Dans des cas moins fréquents : les fruits exotiques, la farine de blé, les pommes de terre, la moutarde, les haricots et les pois, la noix de coco… Et, encore plus rare : le café, le chocolat, les condiments, la levure de boulanger, le raisin, la tomate… Avant l’âge de 1 an chez l'enfant, les principaux allergènes sont l’œuf, l’arachide et le lait de vache. Entre 1 et 3 ans, les principaux allergènes sont l’œuf (31 %), l’arachide (18 %), le lait (13 %), le poisson (12,5 %), l’huile d’arachide. Certains facteurs de risques ont été mis en évidence : la grande diversification de l’alimentation, l’emploi croissant de protéines alimentaires additionnées aux préparations industrielles en raison de leurs propriétés… L’industrie agroalimentaire introduit en effet sans arrêt de nouveaux ingrédients dans ses préparations. Certains sont potentiellement allergisants : – les nouvelles céréales, – les fruits secs variés, – les fruits exotiques, – les graines (sésame, pavot…), – certains additifs alimentaires protéiques (gommes végétales, caséinates, carmin de cochenille…), – des protéines modifiées allergisantes : soja texturé, surimi… On mesure la diversité des causes, souvent démultipliées. Et l’on pourrait évoquer les doutes subsistant sur les colorants alimentaires ou conservateurs chimiques… mais la liste est longue et tout n’est pas prouvé. Le diagnostic d’allergie alimentaire De ces faits, le diagnostic est difficile, et il nécessite le recours à un immunoallergologue spécialisé en allergie alimentaire qui décidera de la stratégie de prise en charge. Ainsi, l’apparition d’une urticaire à l’issue d'un repas est un indice de forte probabilité allergique. Le risque d’allergie alimentaire est de 20 % si aucun des parents n'est allergique, de 40 % si l’un des deux est allergique et peut monter jusqu’à 60 % si les deux parents sont « réactifs ». Il est utile pour les parents de tenir un petit livret mentionnant les aliments donnés à l’enfant car cela peut aider votre médecin. Quoi qu’il en soit, le praticien devra réaliser des tests cutanés et des tests de « provocation » pour poser un diagnostic. Il faut tenir compte de ce que l’on nomme les allergènes « masqués », qui sont contenus dans divers aliments sans que le consommateur le devine ou le sache. On trouve par exemple des caséinates dans les bouillons de volaille, de l’huile d’arachide dans certains laits diététiques… Les traitements L’éviction totale de l’aliment responsable doit être recommandée. Elle nécessite, pour les parents une grande vigilance, surtout en cas d’allergies à l’œuf, au lait, aux arachides… En cas d’allergie à plusieurs aliments, l’aide d’un diététicien sera nécessaire pour l’élaboration des menus et l’équilibre nutritionnel. Face à l’évolution du nombre de cas, on voit d’ailleurs, dans les grands magasins, des rayons d’aliments antiallergiques adaptés à ces pathologies contraignantes. Des traitements médicaux sont souhaitables comportant antihistaminiques et médicaments protégeant la muqueuse digestive. En cas d’incident allergique grave, il faut prévoir parfois corticoïdes et adrénaline. De nombreuses inconnues subsistent encore sur les allergies alimentaires et leurs mécanismes. On ne peut pas facilement prévoir l’évolution de ce type de problème. Il semble que l’allergie au lait de vache guérisse souvent vers l’âge de 5 ans, mais que l’allergie à l’arachide persiste toute la vie. Dans tous les cas d’allergie, il est clair que de nombreux facteurs peuvent agir sur une sensibilisation accrue ou, au contraire sur une amélioration. Une diversification alimentaire trop précoce et trop rapide chez le jeune enfant peut ainsi entraîner un risque allergique. L’Institut national pour la nutrition préconise l’établissement de bases scientifiques permettant de fournir aux industriels la liste des allergènes à éviter lors de la fabrication, la diffusion d’informations simples et pratiques à destination du public et des personnes à risques et un renforcement, en effet souhaitable, de l’étiquetage. Afin de limiter les risques d’allergie alimentaire, certains fabricants ont pris des dispositions préventives adaptées. Ainsi, l’huile d’arachide a été exclue des préparations destinées aux enfants jusqu'à l'âge de 3 ans. De même, des procédures commencent à émerger pour assurer une meilleure traçabilité des allergènes.