983
Les facteurs pronostiques pré-thérapeutiques établis par la
clinique peuvent facilement être utilisés pour définir des
objectifs thérapeutiques et pour sélectionner des groupes
de patients.
Pour la chimiothérapie M-VAC, les facteurs prédictifs
d’une mauvaise réponse, d’une toxicité significative, et
d’une faible survie globale ont été :
la présence de métastases viscérales (os, foie) déter-
minée par l’imagerie et une élévation des phospha-
tases alcalines ;
une altération de l’état général [7,12,17].
Dans les séries comparatives, le temps de survie médian a
été de 18.2 mois en l’absence de facteurs de mauvais pro-
nostic, et de 4.4 mois chez les patients ayant la plus mau-
vaise combinaison de facteurs pronostiques [12]. A 6 ans,
aucun patient ayant une métastase viscérale n’a été en vie,
et un seul avec un score de Karnofsky < 80% était vivant
[17].
Bajorin, en 1999, a rapporté une étude, sur 203 patients
traités par M-VAC, basée sur 2 facteurs de risque : score
de Karnofsky < 80% et présence de métastases dans le
foie ou le poumon [1]. La médiane de suivi a été de 40
mois, avec une médiane de survie globale de 14.8 mois :
la survie à 5 ans a été de 17%. Trois groupes de patients
ont été définis en fonction de l’existence de 0, 1 ou 2 fac-
teurs de risque. Comme prévu, la survie a été plus longue
en l’absence de facteurs de risque (Tableau 1).
La définition de ces facteurs de risque doit permettre d’in-
terpréter les réponses à la chimiothérapie en stratifiant les
patients par groupes.
Les doses délivrées peuvent être exprimées soit en dose-
intensité (mg/kg/m2), soit en dose-densité [9].
Les stratégies pour améliorer le taux de réponse consis-
tent :
soit à augmenter les doses d’une ou plusieurs drogues
dans le schéma thérapeutique,
soit à diminuer l’intervalle entre les cycles,
soit d’associer les deux.
La faisabilité de l’escalade de doses a été démontrée par
le protocole thérapeutique randomisé « HD-M-VAC plus
G-CSF versus M-VAC » [19].
Norton et Simon ont développé un modèle mathématique
cherchant à prédire l’efficacité d’une chimiothérapie en
fonction du taux de croissance Gompertzien des tumeurs
malignes [14,15]. Ce modèle montre que l’efficacité peut
être augmentée lorsque les drogues sont administrées à
doses maximales avec le plus petit intervalle entre les
cycles et que les drogues les plus actives (agent simple ou
en combinaison) doivent être utilisées selon un schéma
séquentiel plutôt qu’en alternance. L’intérêt pour tester ce
concept “dose-densité“ dans les tumeurs urothéliales est
basé sur :
-une cinétique de croissance cellulaire similaire à
celle observée dans le cancer du sein, où ce concept
a été testé [6];
-l’observation que la seule augmentation de doses
(33%) dans le protocole HD-M-VAC était respon-
sable d’une augmentation importante de la toxicité
sans amélioration de la survie globale ;
II. ETUDES “DOSE-DENSITÉ“
I. FACTEURS PRONOSTIQUES
DE SURVIE
CHAPITRE IV.
Chimiothérapie et Tumeurs Infiltrantes
de Vessie
C. Protocoles de chimiothérapie : les nouvelles perspectives
OLIVIER BOUCHOT, MARC ZERBIB
Progrès en Urologie (2002), 12, N°5, 983-985
-la possibili d’utiliser de nouvelles drogues,
comme la gemcitabine ou les taxanes, ayant des
mécanismes d’action différents aussi bien en pre-
mière qu’en seconde ligne de traitement.
Quelques essais thérapeutiques ont été réalisés dans les
tumeurs infiltrantes de vessie avec ce concept :
Une étude de Phase I associant « Doxorubicine -
Gemcitabine » (AG, 5 ou 6 cycles de 2 semaines) puis
poursuivi par « Ifosfamide – Paclitaxel – Cisplatine »
(ITP, 4 cycles de 3 semaines) afin de définir les doses
maximales possibles de Gemcitabine et de
Doxorubicine [5]. La doxorubicine a été introduite en
premier, basée sur le fait que l’expression du gène de
résistance aux drogues était plus faible chez les patients
antérieurement non traités [16]. Les doses de 50
mg/m2de doxorubicine plus 2000 mg/m2de gemcita-
bine toutes les 2 semaines pendant 6 cycles, associées
à G-CSF, ont ainsi été définies [5]. Parmi les 14
patients de l’étude, 3 (21 %) réponses complètes, et 6
(43 %) réponses partielles de plus de 50% ont été
observées. Tous les patients qui ont reçu les doses
maximales ont présenté une réponse. La toxicité la plus
fréquence a été une anémie de grade 3-4, et une neu-
tropénie de grade 3-4.
L’essai de Phase II du Mémorial Sloan Kattering, chez
21 patients recevant les mêmes doses de Gemcitabine
et de Doxorubicine, a permis d’avoir une réponse com-
plète dans 24% après AG, augmentant à 38 % après
complément par ITP ; de même la réponse globale est
passée de 71 % après AG, à 86 % après ITP [13].
Comparativement au M-VAC, les doses de doxorubici-
ne (30 vs 7.5 mg/m2/semaine) et de cisplatine (35 vs
17.5 mg/m2/semaine) ont été significativement aug-
mentées, additionnées aux 3 autres drogues qui ont une
activité anti-tumorale importante.
Dans le but de confirmer le taux élevé de réponses
complètes observées avec ces schémas séquentiels, de
nouvelles études ont été proposées pour des tumeurs
urotliales localement avancées ou métastatiques
(extra vésicale, N+) dont les objectifs seront de définir
la faisabilité, les doses, la toxicité spécifique et l’effi-
cacité sur la survie.
Développer un nouveau standard peut être difficile
pour les tumeurs où plusieurs drogues, ayant une
action thérapeutique, sont à notre disposition:
Pour les patients en bon état général, les chimiothérapies
M-VAC, HD-M-VAC, et Gemcitabine-Cisplatine peuvent
être considérées, à ce jour, comme des traitements stan-
dards.
-Pour les patients en mauvais état général, l’objec-
tif est d’optimiser le taux de réponse en minimi-
sant la toxicité. En effet, bien connaître le poten-
tiel toxique de certaines drogues permettra de
diminuer significativement la morbidité.
-Pour l’élaboration de nouveaux protocoles de chi-
miothérapie, De Wit en 2001 a proposé des objec-
tifs thérapeutiques (Tableau 2) [4]
Le développement des nouvelles drogues de chimio -
thérapie doit être poursuivi, comme par exemple l’oxa-
liplatin [3]. Ces drogues doivent être évaluées chez des
patients en échec d’une première ligne de traitement
(cisplatine, carboplatine, gemcitabine ou paclitaxel) ou
en cas de récidive après une rémission complète, afin
d’avoir une chance de connaître leur potentiel anti-
tumoral.
De plus, la connaissance de la biologie des tumeurs a
beaucoup progressé ces dernières années, en particulier
dans les mécanismes intervenant dans le progression et
la résistance aux traitements. Environ 20 à 25 % des
tumeurs de vessie surexpriment le gène du récepteur de
facteur de croissance, HER2/n e u ( c -e r b B-2), en
immunohistochimie, augmentant l’agressivité tumora-
le, et cette expression est corrélée au grade et au stade
[20]. De plus, cette surexpression a été détectée dans 9
curages ganglionnaires, parmi 20 patients, réalisés de
manière comtemporaine à la cystectomie, alors que la
tumeur primitive était négative en immunohistochimie
[11].
III. LES AVANCÉES
984
Tableau 2 : Objectifs thérapeutiques d’une chimiothérapie systémique, d’après De Wit [4]
Patients en bon état général* Patient en mauvais état général**
Proposition Amélioration de l’efficacité et de la survie sans Optimisation de l’efficacité et diminution
majoration de la morbidité de la toxicité
Méthodes Combinaison de 3 drogues, ou chimiothérapie Remplacer le cisplatine par une nouvelle drogue
séquentielle avec des drogues actives connues
* score OMS compris entre 0 et 1 et une fonction rénale normale ** score OMS de 2 ou insuffisance rénale
Dans le cancer du sein :
-les études menées dans les formes métastatiques
ont montré une amélioration de la réponse globa-
le et de la survie après chimiothérapie associée
aux injections d’anticorps monoclonal anti-
HER2/neu [2,18] ;
-l’élévation du taux sérique de la fraction extracel-
lulaire de HER2 (ECD/HER2) a été corrélée à un
mauvais pronostic dans les formes métastatiques,
mais non corrélée aux résultats de la chimiothéra-
pie [8].
Pour les tumeurs urothéliales, les résultats préliminaires
d’une étude de phase II associant Trastuzumab (anticorps
monoclonal recombinant contre HER2, Herceptine®) et
une poly-chimiothérapie « Gemcitabine 800 mg/m2J1-8,
Paclitaxel 200 mg/m2J1, Carboplatine AUC 5 J1» ont été
rapportés récemment chez 10 patients ayant une maladie
métastatique et ayant une surexpression de HER2/neu en
immunohistochimie [10]. Dans cette étude actuellement
en cours, une réponse partielle a été observée dans 8 cas,
dont 7 avaient des métastases viscérales. La toxicité a été
essentiellement hématologique, avec des neutropénies de
grade 3 ou 4.
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RÉFÉRENCES
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